Article de Novopress :
"Novopress s’est fait récemment l’écho d’un article paru sur le site Agoravox et évoquant un éclatement des Etats-Unis en territoires indépendants. L’article en question faisait référence aux théories de l’universitaire russe Igor Panarin (portrait ci-dessous), présentées en détail dans un autre article, publié quant à lui dans les colonnes du Wall Street Journal sous la plume du journaliste américain Andrew Osborn. En voici la traduction.
Comme si les choses n’allaient pas assez mal,
un universitaire russe prédit la fin des États-Unis

Depuis une dizaine d’années, l’universitaire russe Igor Panarin prédit que les États-Unis se désintégreront en 2010. Depuis le début, il admet que peu de personnes prennent très au sérieux son argumentation, selon laquelle un effondrement moral et financier déclenchera une guerre civile et un éventuel éclatement des Etats-Unis. Mais aujourd’hui, il a trouvé un auditoire très intéressé : les médias d’Etat russes.
Durant ces dernières semaines, il a été interviewé deux fois par jour au sujet de ses prédictions. « C’est un record » déclare le professeur Panarin. « Mais je pense que l’attention va s’accroître de plus en plus ».
Le professeur Panarin, 50 ans, n’est pas un illuminé. Ancien analyste du KGB, il est le doyen de l’académie du Ministère russe des Affaires étrangères où sont formés les futurs diplomates. Il est invité aux réceptions du Kremlin, à des cours universitaires, il publie des livres et apparaît dans les médias comme un expert des relations américano-russes.
Mais c’est sa sombre prévision concernant les États-Unis qui intéresse le Kremlin, lequel, ces dernières années, a rendu Washington responsable de tout, depuis l’instabilité au Moyen-Orient jusqu’à la crise financière mondiale. Les vues de M. Panarin correspondent bien au discours du Kremlin, pour qui la Russie est en train de retrouver sa place légitime parmi les nations après sa faiblesse des années 1990, lorsque beaucoup craignaient que le pays ne coure à la banqueroute économique et politique et ne s’émiette en une multitude de territoires séparés.
Homme poli et enjoué aux cheveux ras, M. Panarin insiste sur le fait qu’il ne déteste pas les Américains. Mais il prévient que leur avenir est sinistre.
« Il y a 55% de chances que la désintégration ait lieu » dit-il. « Nous pourrions nous réjouir de cette perspective » ajoute-t-il le visage impassible. « Mais en étant raisonnable, ce n’est pas le meilleur scénario pour la Russie ». Il estime en effet que même si celle-ci devenait plus puissante au niveau international, son économie souffrirait, car elle dépend fortement du dollar et des échanges commerciaux avec les États-Unis.
M. Panarin soutient que l’immigration de masse, le déclin économique et moral déclencheront une guerre civile à l’automne prochain ainsi que l’effondrement du dollar. Vers la fin du mois de juin 2010, ou début juillet dit-il, les États-Unis éclateront en six morceaux, l’Alaska retournant sous contrôle russe.
Outre couverture sans cesse plus forte par les médias d’Etat - fermement contrôlés par le Kremlin - les idées de M. Panarin sont désormais largement discutées par les experts russes. Il a d’ailleurs exposé sa théorie lors d’une récente table ronde au Ministère des Affaires Étrangères. La meilleure école en relations internationales du pays l’héberge en tant qu’intervenant-clé. Durant l’une de ses apparitions sur la chaîne d’Etat Rossiya, la station a inséré ses commentaires sur des images montrant des files d’Américains sans-abris lors de distributions de soupe populaire. Le professeur a fait également des apparitions sur la chaîne de propagande du Kremlin en anglais, Russia Today.
La vision apocalyptique de M. Panarin « reflète un anti-américanisme très prononcé dans la Russie d’aujourd’hui » affirme Vladimir Pozner, un journaliste très connu en Russie. « Celui-ci est beaucoup plus prononcé qu’à l’époque de l’URSS ».
M. Pozner ainsi que d’autres experts et commentateurs russes réfutent les prédictions de M. Panarin. « Les idées folles ne sont généralement pas discutées par des gens sérieux » déclare Sergei Rogov, directeur de l’Institut des études américaines et canadiennes, selon qui les théories de Panarin ne tiennent pas la route.
Le curriculum vitae de M. Panarin mentionne de nombreuses années au service du KGB, une expérience partagée par de nombreux hauts fonctionnaires russes. Son bureau, dans le centre ville de Moscou, dénote sa fierté patriotique avec sur les murs de nombreux fanions aux couleurs du FSB, le service qui a succédé au KGB. On y trouve aussi des statuettes d’aigles à deux têtes, symbole de la Russie tsariste.
Le professeur Panarin explique qu’il a commencé sa carrière au KGB en 1976. Dans la Russie post-soviétique, il a obtenu un doctorat en sciences politiques, étudié l’économie américaine et travaillé pour le FAPSI, l’équivalent russe de la National Security Agency (NSA) américaine. Il affirme aussi avoir effectué des prévisions stratégiques pour Boris Elstine, ajoutant que leur détail est « classifié ».
En septembre 1998, il a participé à Linz, en Autriche, à une conférence sur la guerre de l’information, ou comment utiliser cette dernière à son avantage. C’est au cours de celle-ci et devant 400 collègues délégués qu’il a présenté pour la première fois sa théorie sur la dislocation des États-Unis en 2010.
« Quand j’ai appuyé sur la touche de mon ordinateur et que la carte des États-Unis désintégrés est apparue, des centaines de personnes se sont exclamés » se souvient-il. La plupart de l’auditoire était sceptique. « Ils ne me m’ont pas cru », dit-il.
À la fin de la présentation, il dit que plusieurs délégués sont venus lui demander de signer la carte représentant les États-Unis désintégrés.
Sa prévision est basée sur des données confidentielles qui lui ont été fournies par des analystes du FAPSI, affirme-t-il. Il prédit que les tendances économiques, financières et démographiques provoqueront une crise sociale et politique. Quand la situation se compliquera, les Etats les plus riches cesseront d’envoyer des fonds à l’Etat fédéral et feront sécession. Les troubles sociaux augmenteront, jusqu’à provoquer une guerre civile. Ensuite, les États-Unis se sépareront le long de lignes ethniques et des pouvoirs étrangers entreront dans la partie.
La Californie sera le noyau de ce qu’il appelle la « République californienne », laquelle sera intégrée à la Chine ou sera sous influence chinoise. Le Texas sera le cœur de la « République texanne », un regroupement d’Etats qui reviendront au Mexique ou seront sous son influence. Washington et New-York feront partie de « l’Amérique atlantique » qui pourrait rejoindre l’Union européenne. Le Canada récupérera un groupe d’Etats situés au nord du pays et que Panarin nomme la « République centre-nord américaine ». Il suggère aussi qu’Hawaï pourrait tomber sous protectorat japonais ou chinois et que l’Alaska reviendra à la Russie.
« La Russie pourrait raisonnablement réclamer l’Alaska qui a fait partie de l’empire russe pendant longtemps ». Une image satellite encadrée du détroit de Bering qui sépare l’Alaska de la Russie comme un fil est accrochée au mur de son bureau. « Elle n’est pas ici sans raison » avoue-t-il avec un sourire rusé.
L’intérêt engendré par sa prévision a repris cet automne lorsqu’il a publié un article dans l’un des plus grands quotidiens russes, Izvestia. Dans cet article, il a réitéré sa théorie, appelée La dette étrangère américaine un « schéma pyramidal et prédit que la Chine et la Russie usurperaient le rôle de régulateur financier à Washington.
Les Américains espèrent que leur président nouvellement élu, Barack Obama, « peut faire des miracles », écrit-il. « Mais quand le printemps viendra, il sera clair qu’il n’y aura pas de miracles ».
En décembre dernier, lors d’une conférence de presse, l’article a provoqué une question sur la réaction de la Maison Blanche à la prévision du professeur Panarin. « Je vais devoir refuser de commenter » a répondu en riant Dana Perino, la porte-parole de la Maison Blanche.
Pour le professeur Panarin, la réponse de Dana Perino est significative. « La façon dont la réponse a été formulée est une indication que mon point de vue est écouté attentivement » dit-il.
Il ajoute qu’il est convaincu que les gens prennent sa théorie de plus en plus au sérieux. Les personnes comme lui ont déjà prévu des cataclysmes similaires dans le passé, dit-il, et ont vu juste. Il cite le politologue français Emmanuel Todd qui est surtout connu pour avoir prédit, quinze ans à l’avance, l’effondrement de l’URSS. « Lorsqu’il a prévu la chute de l’Union soviétique en 1976, tout le monde s’est moqué de lui » rappelle le professeur Panarin.

Traduit de l’américain par G.W. Blakkheim pour Novopress France "
Sources :[http://fr.novopress.info] et le Wall Steet Journal