Créer une nouvelle pour adultes
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- Hyppolite
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Créer une nouvelle pour adultes
Bonjour,
Je sais que certains me diront que ce n'est pas nouveau d'écrire une histoire à plusieurs mains et alors ! J'aime écrire et j'ai plusieurs nouvelles romantiques dans mon tiroir mais j'aimerais que d'autres que moi s'impliquent dans ce travail de création. C'est parti...
À n’en pas douter, il tombait une pluie verglaçante. Il pleuvait même abondamment en cette fin d’après-midi avancée. Novembre est loin d’être le mois idéal pour conduire dans les montagnes. Tout le monde sait très bien que la Route régionale 381 est meurtrière dans sa partie la plus élevée. En cette saison, il se forme facilement une fine couche de glace noire lorsque le verglas et l’huile s’amalgament pour transformer la chaussée en une véritable patinoire. Même avec un véhicule à quatre roues motrices et muni de pneus d’hiver, ce qui avait débuté comme une simple randonnée en voiture peut devenir une aventure dangereuse.
Je revenais tout juste de la ville reine du Royaume du Saguenay. J’avais décidé, à la dernière minute, d’emprunter l’ancienne route et de passer par le Parc des Grands Jardins plutôt que par la Réserve faunique des Laurentides liant Saguenay à Québec. J’avais du temps devant moi et j’avais une prédilection pour La Malbaie.
Ma Toyota RAV 4, dans une courbe, dérapa sur une plaque de glace et je heurtai un gros rocher en contrebas de la route peu avant Saint-Urbain. Je perdis aussitôt conscience. Je ne sais pas au juste pendant combien de temps je suis resté dans le cirage mais à un certain moment je me suis réveillé et je fus en mesure de constater l’étendue des dégâts. Je ne parle pas de l’automobile comme telle, mais de mon intégrité physique.
J’étais confus, c’était en pleine nuit, dans un lieu insolite et je cherchais les raisons de mon malaise exact, de mon état précaire. Puis peu à peu, en fouillant ma mémoire, les souvenirs sont revenus, désagréables, par flash, accompagnés d’une souffrance atroce, insoutenable.
Le bas-côté de la route à travers la neige avec tous ses rochers gris et meurtriers; la luminosité intense des phares de ma voiture, mais aussi d'autres véhicules se réfléchissant sur la surface glacée, le métal tordu et les éclats de verre.
Me revint en mémoire, la perte de contrôle de mon véhicule; le côté avant droit de la voiture percutant un énorme bloc de pierre; le choc indicible dans ma tête; la douleur insupportable de mon dos et de mon cou.
Puis des visages sont apparus; ces gens me parlant sans que je les entende; des gyrophares rouges et bleus des véhiculent de secours pétillant dans les ténèbres; des ordres donnés par des ambulanciers paramédicaux et des policiers de la Sûreté du Québec; une grande nausée m’envahissant; j’ai mal au cœur et envie de vomir; toujours cette maudite douleur qui m’arrache un cri.
Un masque à oxygène posé sur mon nez et ma bouche, une odeur bizarre de caoutchouc, un collier cervical installé à la hâte, une sensation de froid mordant la chair de mes bras et de mes épaules, un étourdissement, puis encore je sombre dans les vapes !
Je sais que certains me diront que ce n'est pas nouveau d'écrire une histoire à plusieurs mains et alors ! J'aime écrire et j'ai plusieurs nouvelles romantiques dans mon tiroir mais j'aimerais que d'autres que moi s'impliquent dans ce travail de création. C'est parti...
À n’en pas douter, il tombait une pluie verglaçante. Il pleuvait même abondamment en cette fin d’après-midi avancée. Novembre est loin d’être le mois idéal pour conduire dans les montagnes. Tout le monde sait très bien que la Route régionale 381 est meurtrière dans sa partie la plus élevée. En cette saison, il se forme facilement une fine couche de glace noire lorsque le verglas et l’huile s’amalgament pour transformer la chaussée en une véritable patinoire. Même avec un véhicule à quatre roues motrices et muni de pneus d’hiver, ce qui avait débuté comme une simple randonnée en voiture peut devenir une aventure dangereuse.
Je revenais tout juste de la ville reine du Royaume du Saguenay. J’avais décidé, à la dernière minute, d’emprunter l’ancienne route et de passer par le Parc des Grands Jardins plutôt que par la Réserve faunique des Laurentides liant Saguenay à Québec. J’avais du temps devant moi et j’avais une prédilection pour La Malbaie.
Ma Toyota RAV 4, dans une courbe, dérapa sur une plaque de glace et je heurtai un gros rocher en contrebas de la route peu avant Saint-Urbain. Je perdis aussitôt conscience. Je ne sais pas au juste pendant combien de temps je suis resté dans le cirage mais à un certain moment je me suis réveillé et je fus en mesure de constater l’étendue des dégâts. Je ne parle pas de l’automobile comme telle, mais de mon intégrité physique.
J’étais confus, c’était en pleine nuit, dans un lieu insolite et je cherchais les raisons de mon malaise exact, de mon état précaire. Puis peu à peu, en fouillant ma mémoire, les souvenirs sont revenus, désagréables, par flash, accompagnés d’une souffrance atroce, insoutenable.
Le bas-côté de la route à travers la neige avec tous ses rochers gris et meurtriers; la luminosité intense des phares de ma voiture, mais aussi d'autres véhicules se réfléchissant sur la surface glacée, le métal tordu et les éclats de verre.
Me revint en mémoire, la perte de contrôle de mon véhicule; le côté avant droit de la voiture percutant un énorme bloc de pierre; le choc indicible dans ma tête; la douleur insupportable de mon dos et de mon cou.
Puis des visages sont apparus; ces gens me parlant sans que je les entende; des gyrophares rouges et bleus des véhiculent de secours pétillant dans les ténèbres; des ordres donnés par des ambulanciers paramédicaux et des policiers de la Sûreté du Québec; une grande nausée m’envahissant; j’ai mal au cœur et envie de vomir; toujours cette maudite douleur qui m’arrache un cri.
Un masque à oxygène posé sur mon nez et ma bouche, une odeur bizarre de caoutchouc, un collier cervical installé à la hâte, une sensation de froid mordant la chair de mes bras et de mes épaules, un étourdissement, puis encore je sombre dans les vapes !
Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement et les mots pour le dire viennent aisément «Nicolas Boileau»
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Re: Créer une nouvelle pour adultes
Tanpeu!
Pourrais tu expliquer un peu plus le concept?
Je ne suis pas certain d'avoir compris....
Merci!
Pourrais tu expliquer un peu plus le concept?
Je ne suis pas certain d'avoir compris....
Merci!
Re: Créer une nouvelle pour adultes
Et c'est alors que je revis son visage, juste un court instant, comme surgissant d'un rêve. Avec cette sensation quasi palpable de bonheur intense et dénué de tout souci, comme une veille de Noël quand on est gosse, et une étrange odeur de pain grillé. Je savais que j'allais me réveiller, et que le réveil serait moche, comme d'habitude. Je tentai de m'accrocher à ce monde que je savais irréel, mais je ne voyais plus que des morceaux d'elle déjà, elle disparaissait, et je reprenais conscience.
Madeleine.
J'ouvre les yeux. Je suis allongé sur un lit froid, près d'une fenêtre qui laisse entrer le soleil. Je regarde autour de moi. Près du lit il y a deux chaises, et une table sur laquelle ont été posés un verre vide et une carafe. Il y a des stores à la fenêtre et puis c'est tout, rien d'autre, et c'est le silence.
Évidemment, mille questions m'assaillent. Où suis-je, pour commencer ? Ce n'est pas une chambre d'hôpital ça, c'est impossible. Non mais qu'est-ce que c'est que cette histoire ? Je m'assieds au bord du lit, je tente de me calmer, de réfléchir. Je me rappelle l'accident, comme un flash, je revois les lumières, et soudain tout est bien net dans ma tête. Je n'ai pas rêvé. On m'a emmené ici. Qui ? Je regarde mes jambes, mes bras, mon corps, je me tâte partout, je n'ai aucune blessure. Je ne ressens aucune douleur. Je n'ai ni froid, ni chaud, ni faim, ni soif, ni aucune envie, rien. C'est quoi ? Je suis mort ? Je suis mort, c'est ça ? Et puis soudain une voix de femme se fait entendre.
Je reste les yeux dans le vague, je m'efforce de penser à rien. À quoi je rêvais déjà ? Un autre de ces rêves de con, sûrement. J'ai dû avoir rêvé à Sandra, la fille du bureau que tout le monde veut s'envoyer. Faut dire qu'elle a une de ces paires... À chaque fois qu'elle passe dans le corridor, ça rate pas, je deviens fou, avec cette poussée d'adrénaline comme si un taureau me fonçait dessus à cent soixante. Je ris. Ah et puis non, laisse faire. On raconte partout qu'elle s'est envoyé la moitié de la ville. Pas pour moi ça. Encore mieux tabler sur Francine. Elle n'a pas inventé les springs après les pattes de sauterelle, mais ça va, c'est une bonne fille. Le genre fidèle en tout cas. Et puis elle est baisable Francine, non ? Je me demande pourquoi son mec l'a larguée. En tout cas, elle a l'air prête maintenant, je tente le coup ? Au party de Noël tiens. Je m'arrange pour la raccompagner, c'est son ex-con qui a la bagnole. Facile, le coup classique. Et si ça se trouve, elle va déjà avoir préparé le petit nid... eeeeh putain, ça va chauffer, haha.
Je prends une autre gorgée, avec ce sourire niais accroché au visage. Je regarde mon poignet pour voir l'heure, mais je n'ai pas de montre. Où sont mes vêtements ? Et qui est cette fille qui me parlait ? Où suis-je bordel ? Je me lève, je vais à la fenêtre, je regarde dehors. Un immense terrain, des arbres qui ont perdu leurs feuilles, un muret de pierres, un cours d'eau au loin. On dirait bien le Saint-Laurent. Qu'est-ce que je fous ici ? Je retourne m'asseoir. Et puis des bribes de mon rêve me reviennent à l'esprit, comme les images d'un film qui a perdu le fil du temps. Je revois une fille avec de longs cheveux lourds, je distingue à peine son visage, elle est penchée sur moi. Elle me parait pourtant si familière. Et cet étrange sentiment de bien-être m'envahit à nouveau.
Et puis soudain la porte s'ouvrit, et elle était là.
Madeleine.
J'ouvre les yeux. Je suis allongé sur un lit froid, près d'une fenêtre qui laisse entrer le soleil. Je regarde autour de moi. Près du lit il y a deux chaises, et une table sur laquelle ont été posés un verre vide et une carafe. Il y a des stores à la fenêtre et puis c'est tout, rien d'autre, et c'est le silence.
Évidemment, mille questions m'assaillent. Où suis-je, pour commencer ? Ce n'est pas une chambre d'hôpital ça, c'est impossible. Non mais qu'est-ce que c'est que cette histoire ? Je m'assieds au bord du lit, je tente de me calmer, de réfléchir. Je me rappelle l'accident, comme un flash, je revois les lumières, et soudain tout est bien net dans ma tête. Je n'ai pas rêvé. On m'a emmené ici. Qui ? Je regarde mes jambes, mes bras, mon corps, je me tâte partout, je n'ai aucune blessure. Je ne ressens aucune douleur. Je n'ai ni froid, ni chaud, ni faim, ni soif, ni aucune envie, rien. C'est quoi ? Je suis mort ? Je suis mort, c'est ça ? Et puis soudain une voix de femme se fait entendre.
Je tourne la tête et j'examine partout, pour voir d'où pouvait bien venir cette voix, mais je ne vois rien. Étrangement, je retrouve mon calme. Il y a une seule porte. Je pourrais peut-être sortir, mais quelque chose en moi me dit de rester sagement assis. Après tout, elle a dit qu'on allait s'occuper de moi bientôt. Je peux attendre. Je saisis la carafe et je me sers un verre. Un liquide rouge en sort, comme du jus de tomate, mais ce n'en est pas. Je goûte du bout des lèvres. Je tente une gorgée. C'est très bon, comme un curieux mélange de mangue, de fraise et de noix de coco.Bonjour Léonard. Ne vous inquiétez pas, toutes vos questions auront une réponse. Vous avez été sauvé, vous n'avez plus rien à craindre. Une assistante viendra vous voir sous peu. Servez-vous un verre en attendant.
Je reste les yeux dans le vague, je m'efforce de penser à rien. À quoi je rêvais déjà ? Un autre de ces rêves de con, sûrement. J'ai dû avoir rêvé à Sandra, la fille du bureau que tout le monde veut s'envoyer. Faut dire qu'elle a une de ces paires... À chaque fois qu'elle passe dans le corridor, ça rate pas, je deviens fou, avec cette poussée d'adrénaline comme si un taureau me fonçait dessus à cent soixante. Je ris. Ah et puis non, laisse faire. On raconte partout qu'elle s'est envoyé la moitié de la ville. Pas pour moi ça. Encore mieux tabler sur Francine. Elle n'a pas inventé les springs après les pattes de sauterelle, mais ça va, c'est une bonne fille. Le genre fidèle en tout cas. Et puis elle est baisable Francine, non ? Je me demande pourquoi son mec l'a larguée. En tout cas, elle a l'air prête maintenant, je tente le coup ? Au party de Noël tiens. Je m'arrange pour la raccompagner, c'est son ex-con qui a la bagnole. Facile, le coup classique. Et si ça se trouve, elle va déjà avoir préparé le petit nid... eeeeh putain, ça va chauffer, haha.
Je prends une autre gorgée, avec ce sourire niais accroché au visage. Je regarde mon poignet pour voir l'heure, mais je n'ai pas de montre. Où sont mes vêtements ? Et qui est cette fille qui me parlait ? Où suis-je bordel ? Je me lève, je vais à la fenêtre, je regarde dehors. Un immense terrain, des arbres qui ont perdu leurs feuilles, un muret de pierres, un cours d'eau au loin. On dirait bien le Saint-Laurent. Qu'est-ce que je fous ici ? Je retourne m'asseoir. Et puis des bribes de mon rêve me reviennent à l'esprit, comme les images d'un film qui a perdu le fil du temps. Je revois une fille avec de longs cheveux lourds, je distingue à peine son visage, elle est penchée sur moi. Elle me parait pourtant si familière. Et cet étrange sentiment de bien-être m'envahit à nouveau.
Et puis soudain la porte s'ouvrit, et elle était là.
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Re: Créer une nouvelle pour adultes
C'est simple, j'aurais pu faire comme Martin à la rubrique Histoires et récits et faire défiler toute ma nouvelle mais autant lire un livre dans ce cas-ci. J'opte plutôt pour un concept interactif comme j'ai pû le voir ailleurs sur le Net. Il s'agit de partir une histoire et chacun à tour de rôle y ajoute son grain de sel. C'est vrai que ma base à moi était romantique mais il se pourrait que cela devienne autre chose ! Horreur, policier, énigme, humour philosophie, psychologie, science-fiction. Ce n'est pas grave. J'offre tout simplement un cadre dans lequel, on peut y mettre ce que l'on veut, en autant que ce n'est pas trop détaché de la trame de l'histoire qui doit, quand même, se tenir un peu, si on veut s'y intéresser. Je déciderai d'y mettre fin, selon le cas car j'ai bien d'autres nouvelles dans mes cartons.administration a écrit :Tanpeu!
Pourrais tu expliquer un peu plus le concept?
Je ne suis pas certain d'avoir compris....
Merci!
Dois-je obtenir une autorisation de l'administrateur pour partir ce nouveau sujet ? Si oui, je suis prêt à me soumettre à tous vos critères ?
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Re: Créer une nouvelle pour adultes
«J'en reste coi, Hal, vous avez écrit tout cela entre hier et aujourd'hui. Je crois bien que vous aviez aussi du matériel en réserve au cas où !»Halpachino a écrit :Et c'est alors que je revis son visage, juste un court instant, comme surgissant d'un rêve. Avec cette sensation quasi palpable de bonheur intense et dénué de tout souci, comme une veille de Noël quand on est gosse, et une étrange odeur de pain grillé. Je savais que j'allais me réveiller, et que le réveil serait moche, comme d'habitude. Je tentai de m'accrocher à ce monde que je savais irréel, mais je ne voyais plus que des morceaux d'elle déjà, elle disparaissait, et je reprenais conscience.
Madeleine.
J'ouvre les yeux. Je suis allongé sur un lit froid, près d'une fenêtre qui laisse entrer le soleil. Je regarde autour de moi. Près du lit il y a deux chaises, et une table sur laquelle ont été posés un verre vide et une carafe. Il y a des stores à la fenêtre et puis c'est tout, rien d'autre, et c'est le silence.
Évidemment, mille questions m'assaillent. Où suis-je, pour commencer ? Ce n'est pas une chambre d'hôpital ça, c'est impossible. Non mais qu'est-ce que c'est que cette histoire ? Je m'assieds au bord du lit, je tente de me calmer, de réfléchir. Je me rappelle l'accident, comme un flash, je revois les lumières, et soudain tout est bien net dans ma tête. Je n'ai pas rêvé. On m'a emmené ici. Qui ? Je regarde mes jambes, mes bras, mon corps, je me tâte partout, je n'ai aucune blessure. Je ne ressens aucune douleur. Je n'ai ni froid, ni chaud, ni faim, ni soif, ni aucune envie, rien. C'est quoi ? Je suis mort ? Je suis mort, c'est ça ? Et puis soudain une voix de femme se fait entendre.
Je tourne la tête et j'examine partout, pour voir d'où pouvait bien venir cette voix, mais je ne vois rien. Étrangement, je retrouve mon calme. Il y a une seule porte. Je pourrais peut-être sortir, mais quelque chose en moi me dit de rester sagement assis. Après tout, elle a dit qu'on allait s'occuper de moi bientôt. Je peux attendre. Je saisis la carafe et je me sers un verre. Un liquide rouge en sort, comme du jus de tomate, mais ce n'en est pas. Je goûte du bout des lèvres. Je tente une gorgée. C'est très bon, comme un curieux mélange de mangue, de fraise et de noix de coco.Bonjour Léonard. Ne vous inquiétez pas, toutes vos questions auront une réponse. Vous avez été sauvé, vous n'avez plus rien à craindre. Une assistante viendra vous voir sous peu. Servez-vous un verre en attendant.
Je reste les yeux dans le vague, je m'efforce de penser à rien. À quoi je rêvais déjà ? Un autre de ces rêves de con, sûrement. J'ai dû avoir rêvé à Sandra, la fille du bureau que tout le monde veut s'envoyer. Faut dire qu'elle a une de ces paires... À chaque fois qu'elle passe dans le corridor, ça rate pas, je deviens fou, avec cette poussée d'adrénaline comme si un taureau me fonçait dessus à cent soixante. Je ris. Ah et puis non, laisse faire. On raconte partout qu'elle s'est envoyé la moitié de la ville. Pas pour moi ça. Encore mieux tabler sur Francine. Elle n'a pas inventé les springs après les pattes de sauterelle, mais ça va, c'est une bonne fille. Le genre fidèle en tout cas. Et puis elle est baisable Francine, non ? Je me demande pourquoi son mec l'a larguée. En tout cas, elle a l'air prête maintenant, je tente le coup ? Au party de Noël tiens. Je m'arrange pour la raccompagner, c'est son ex-con qui a la bagnole. Facile, le coup classique. Et si ça se trouve, elle va déjà avoir préparé le petit nid... eeeeh putain, ça va chauffer, haha.
Je prends une autre gorgée, avec ce sourire niais accroché au visage. Je regarde mon poignet pour voir l'heure, mais je n'ai pas de montre. Où sont mes vêtements ? Et qui est cette fille qui me parlait ? Où suis-je bordel ? Je me lève, je vais à la fenêtre, je regarde dehors. Un immense terrain, des arbres qui ont perdu leurs feuilles, un muret de pierres, un cours d'eau au loin. On dirait bien le Saint-Laurent. Qu'est-ce que je fous ici ? Je retourne m'asseoir. Et puis des bribes de mon rêve me reviennent à l'esprit, comme les images d'un film qui a perdu le fil du temps. Je revois une fille avec de longs cheveux lourds, je distingue à peine son visage, elle est penchée sur moi. Elle me parait pourtant si familière. Et cet étrange sentiment de bien-être m'envahit à nouveau.
Et puis soudain la porte s'ouvrit, et elle était là.
- Salut
Je venais tout juste d’ouvrir l’œil pour voir une jeune femme de blanc vêtue traverser ma chambre à grandes enjambées énergiques et tirer la toile vénitienne.
- Il fait très beau ce matin, M. Tremblay. Après votre toilette et votre petit-déjeuner, je pousserai votre lit plus près de la fenêtre et vous serez à même de jouir d’une vue superbe de notre petite ville et de bénéficier des précieux rayons du soleil automnal.
Pendant que cette infirmière me proposait une activité digne du parfait handicapé que je suis, elle s’approcha de moi, me prit le poignet avec douceur tout en regardant sa montre un instant.
- Parfait, déclara-t-elle, votre pouls est parfait.
- Qui êtes-vous, mademoiselle ?
- Je suis votre nouvelle infirmière de jour.
- Je sais que vous êtes infirmière. Je ne suis pas aveugle simplement paralysé. Je sais reconnaître un uniforme d’infirmière, dis-je sur un ton d’impatience !
- Mon nom est Anna Gilbert comme l’indique ma carte d’identité. Êtes-vous toujours de cette humeur massacrante à votre réveil ? Si c’est le cas, je demanderai de changer de quart de travail. Ainsi en travaillant la nuit, je ne serai pas obligé de supporter votre mauvais caractère et si possible, je changerai même de département pour ne plus avoir affaire à vous !
Elle souriait avec moquerie.
- OK, vous avez raison. Je suis vraiment insupportable. Je vous prie de m’excuser.
- J’accepte vos excuses. Je sais que ce n’est pas rigolo ce qui vous arrive et que votre situation ne changera pas du jour au lendemain. Avec Josée et Corinne, celles qui travaillent le soir et la nuit, nous sommes les trois infirmières chargées de rendre votre séjour ici le plus salutaire et confortable possible. N’hésitez pas à faire appel à nous lorsque besoin est…
Pendant qu’elle débitait son laïus digne des meilleurs agents immobiliers ou vendeurs d’assurance, je jaugeais cette charmante créature. Elle était d’une beauté saisissante. Corps élancé, cheveux brun foncé, yeux noisette, taille fine, poitrine généreuse, hanches rondes, jambes longues et athlétiques, port de bras gracieux, mains délicates, teint foncé, dents étincelantes au sourire radieux. Je me demandais ce que faisait cette Vénus dans un hôpital au milieu de nulle part ? J’en venais presque à oublier le sérieux de ma situation…
- Anna c’est peu commun comme prénom!
- Oui, je sais. Cela vient du fait que ma mère est une grande admiratrice de la chanteuse d’opéra Anna Netrebko. Connaissez-vous cette célèbre soprano ?
- Oui, bien sûr, son interprétation de La Traviata avec Rolando Villazon est magistrale. Je dirais même que vous ressemblez à cette Diva, en plus belle naturellement.
Anna rougit.
- Hum ! Oui, ce n’est pas la première fois que l’on me fait cette remarque, pourtant soyez assuré que je n’ai aucun gène russe.
Voyant son embarras, je décidai de changer de sujet.
- Est-ce que vous pouvez me donner des précisions sur ma santé ou devrai-je attendre notre bon docteur ?
- C’est cela, vous devrez attendre le spécialiste. Pour l’instant, nous allons entreprendre votre toilette.
Elle apporta sur la table de chevet un bol d’eau chaude et à l’aide d’une savonnette et d’un tissu-éponge elle entreprit de me laver. Je me sentais idiot et inutile dans ce grand corps malade. Je ne me souvenais pas avoir été dans une situation aussi précaire où mon existence devait dépendre totalement des autres. Toute ma vie avait, jusqu’à présent, été déterminée par mon ambition, mes efforts, mon travail et j’avais toujours eu l’impression que je ferais tout ce que je veux, comme je le veux, où je le veux, quand je le veux et avec qui je le veux. Le sentiment de puissance personnelle, au-delà de la providence, l’orgueil à l’état pur, quoi !
Le pire c’est l’inquiétude qui me gagnait, au cours de ces ablutions matinales, car je ne ressentais rien au toucher dans mes membres inférieurs. Elle avait beau frotté avec son linge humide et savonneux, les endroits les plus intimes de mon anatomie, je ne ressentais aucune sensation. Moi qui, auparavant, étais si sensible à la moindre excitation tactile, je restais maintenant de marbre. Anna, empathique, vit le désarroi sur mon visage et tenta de me calmer par des paroles réconfortantes.
- Ne vous en faites pas, il est normal d’être dans cet état d’hébétude après un aussi grave accident et une opération à laquelle vous n’étiez pas vraiment préparé. Votre corps est choqué, traumatisé, inhibé, refermé sur lui-même pour mieux se protéger. C’est un mécanisme de défense tout à fait adapté à votre situation. Ne vous inquiétez pas, l’ouverture vers l’extérieur viendra plus tard, pas encore. Vous comprenez…
Elle était, sans conteste, d’une grande sensibilité et ses mots me touchaient droit au cœur. Elle continuait de savonner, de rincer, de sécher chaque partie de ce corps à demi inerte qui me répugnait maintenant. Je dus faire un effort important pour ne pas me mettre à pleurnicher comme un bébé. Doux Jésus, dans quel merdier étais-je tombé ?
Ma toilette terminée, Anna me quitta un moment pour revenir aussitôt avec un plateau où étaient disposés des toasts, du jus d’orange, du café, des œufs brouillés, de la confiture de fraises, des céréales de blé entier et un morceau de fromage blanc.
- Je n’ai vraiment pas faim, mademoiselle.
- Tsut, tsut! Premièrement, appelez-moi Anna comme tout le monde ici et deuxièmement, vous allez confirmer l’adage que la faim vient en mangeant. Je sais que c’est une formule toute faite mais c’est vrai, je vous assure. Je vais vous gaver comme une oie. Je vous trouve un tantinet efflanqué.
- Je constate que je n’ai pas vraiment le choix. Je devrai en passer par vos mains c'est le cas de le dire !
Le déjeuner expédié, tel que promis, Anna poussa mon lit près de la fenêtre où je pus admirer la grandiose vue de la vallée tout entière, de la baie jusqu’aux montagnes de cette petite ville de Charlevoix. Je voyais un vieux caboteur échoué; la pointe d’une mini péninsule perçant le fleuve; un parc côtier avec une immense ancre de bateau, emblème des marins à jamais disparus; la marée était haute ce matin et les vagues léchaient la rive; quelques bateaux bravaient le vent courageusement; des goélands s’acharnaient sur quelques carcasses de poissons rejetés sur le sable.
Certes les arbres étaient décharnés de leurs feuilles, mais le contraste des champs de chaume d’un jaune délavé et des pelouses d’un vert soutenu faisait penser à un immense damier. Le soleil miroitait sur le fleuve Saint-Laurent en un millier de paillettes d’argent. Le clocher de l’église de Baie-Saint-Paul se découpait à l’horizon. Des cheminées fumaient ici et là annonçant l’hiver à nos portes. Des gens se déplaçaient à marche forcée pour combattre le vent froid du nord-est. Certains portaient déjà leur manteau, leur foulard, leurs gants et leurs bottes fourrés. Et moi, j’étais là, au chaud, stupidement immobile si ce n’est ma tête qui se tourna vers Anna lorsqu’elle s’éclipsa pour quelques tâches exigées par sa fonction.
***
Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement et les mots pour le dire viennent aisément «Nicolas Boileau»
- Honneno
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Re: Créer une nouvelle pour adultes
Mais non mais non!Hyppolite a écrit :C'est simple, j'aurais pu faire comme Martin à la rubrique Histoires et récits et faire défiler toute ma nouvelle mais autant lire un livre dans ce cas-ci. J'opte plutôt pour un concept interactif comme j'ai pû le voir ailleurs sur le Net. Il s'agit de partir une histoire et chacun à tour de rôle y ajoute son grain de sel. C'est vrai que ma base à moi était romantique mais il se pourrait que cela devienne autre chose ! Horreur, policier, énigme, humour philosophie, psychologie, science-fiction. Ce n'est pas grave. J'offre tout simplement un cadre dans lequel, on peut y mettre ce que l'on veut, en autant que ce n'est pas trop détaché de la trame de l'histoire qui doit, quand même, se tenir un peu, si on veut s'y intéresser. Je déciderai d'y mettre fin, selon le cas car j'ai bien d'autres nouvelles dans mes cartons.administration a écrit :Tanpeu!
Pourrais tu expliquer un peu plus le concept?
Je ne suis pas certain d'avoir compris....
Merci!
Dois-je obtenir une autorisation de l'administrateur pour partir ce nouveau sujet ? Si oui, je suis prêt à me soumettre à tous vos critères ?
Il n'est pas question ici de règlementation!
Ce n'tait qu'une question bien banale pour comprendre le concept tout simplement!
C'est bien comme idée et peut être me laisserais-je tenter!
Il semblerait que la moitié du monde ne soit là que pour écoeurer l'autre moitié.
- Honneno
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Re: Créer une nouvelle pour adultes
De tout le personnel dédié à me prodiguer des soins,
Anna était ma préférée.
Son empathie ,son dévouement et ses manières ''maternelles'' envers moi me réconfortait dans mon malheur.
Son juste dosage de professionnalisme et de camaraderie faisait en sorte de m'aider à 'cocher'' le calendrier plus rapidement qu'avec les autres infirmières, aussi gentilles certes ,mais plus froides et calculatrice de leur temps.
Et chaque page retournée de ce calendrier ,, me rapprochait de ma guérison probable...à moins que....
Anna était ma préférée.
Son empathie ,son dévouement et ses manières ''maternelles'' envers moi me réconfortait dans mon malheur.
Son juste dosage de professionnalisme et de camaraderie faisait en sorte de m'aider à 'cocher'' le calendrier plus rapidement qu'avec les autres infirmières, aussi gentilles certes ,mais plus froides et calculatrice de leur temps.
Et chaque page retournée de ce calendrier ,, me rapprochait de ma guérison probable...à moins que....
Il semblerait que la moitié du monde ne soit là que pour écoeurer l'autre moitié.
- Hyppolite
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Re: Créer une nouvelle pour adultes
Dr. Chamberland fit son apparition. Je ne l’avais pas entendu entrer tellement j’étais absorbé dans mes pensées.
- Sur le plan physique, je n’ai pas de nouvelles fraîches à vous donner ce matin, mais je tenais à vous rendre une petite visite. Histoire de voir comment se trouve votre moral. Vous semblez avoir meilleure mine que lors de nos précédentes rencontres.
- Vous trouvez, docteur ?
- Oui, vous avez l’oeil clair, des couleurs aux joues, les lèvres moins pâles. Vous étiez en train d’évaluer la qualité de votre séjour parmi nous, il me semble ? Votre posture m’indiquait que vous étiez en grande conversation avec vous-même. Est-ce que je me trompe ?
- Non, je ne savais pas qu’outre l’orthopédie, vous étiez aussi féru de psychiatrie.
- Non, pas du tout, simplement qu’un peu de psychologie ne fait pas de mal dans mon métier, croyez-moi !
Puis il s’approcha de la fenêtre.
- Vous voyez cette grande maison au toit noir, en clin de bois blanc avec des volets aux fenêtres noirs et une immense cheminée en briques rouges à côté du bureau de poste, c’est chez moi. Je m’y suis installé il y a bientôt quinze ans. Moi, je suis un rural. Après mes études, j’ai décidé de revenir dans mon patelin pour exercer dans un petit hôpital comme le nôtre.
N’ayez crainte, j’ai toutes les qualifications que vous pourriez retrouver chez un médecin spécialiste d’un grand centre urbain. Permettez-moi, un instant, de vous décrire mon curriculum vitae. Après mon doctorat en médecine à l’Université de Montréal, je me suis spécialisé d’abord à Paris puis à Boston en chirurgie orthopédique. Soyez certain que vous êtes entre bonnes mains. En plus d’un confrère neurologue, l’hôpital possède une équipe complète de réadaptation physique supervisée par un physiatre du Centre hospitalier Saint-François d’Assise de Québec. Nous ferons tout en notre pouvoir pour que le temps que vous passerez en nos murs soit le plus court possible. Évidemment si vous désirez vous faire transférer ailleurs, plaise à vous d’en décider, je m’inclinerai, d’autant plus si vous avez des proches que vous aimeriez voir à vos côtés.
- Non, non, j’avoue que cette idée m’a effleuré l’esprit, mais vous m’avez convaincu que je serai bien soigné ici, de plus, je vous trouve franchement sympathique, votre transparence vous honore. Je n’ai pas à proprement parler de proches, comme vous dites, qui me seraient d’un quelconque réconfort. Je n’ai pas de frères et sœurs et mes parents sont décédés depuis longtemps. Si vous connaissiez mon ex-femme, avec laquelle je n’ai pas eu d’enfant, vous sauriez qu’elle ne me serait d’aucun secours. J’ai une totale confiance en vous et puis, ce qui ne gâte rien, vos infirmières m’apparaissent toutes désignées pour exercer leur compétence sur un homme comme moi !
J’essayais de mettre une touche d’humour dans mes sous-entendus sans y réussir vraiment. En fin diplomate, le Dr Chamberland ne releva pas ma dernière remarque.
- J’ai toujours adoré cette région, dis-je, qui n’a plus de secret pour moi. J’y suis venu des dizaines de fois pour les vacances ou lors de week-end prolongé, seul ou accompagné, et ce, en toute saison. Ce mélange de mer et de montagnes est incomparable surtout au début de l’automne lorsque les forêts environnantes explosent de couleurs riches et variées. Ce n’est pas pour rien que Baie-Saint-Paul est considéré comme la capitale provinciale de la peinture. Duguay, Lemieux, Riopelle, Brassard, Simard, Bergeron, Légaré, Rousseau et d’autres dont j’oublie les noms ont tous fait escale soit ici même soit aux Éboulements soit à l’Île aux Coudres soit à Cap-à-l'Aigle pour immortaliser cette nature à nulle autre pareille.
- Je vous l’avais bien dit que vous alliez mieux, conclut le docteur, en me faisant un clin d’œil avant de quitter ma chambre pour poursuivre sa tournée matinale.
Je retournai à ma cogitation et rapidement la déprime revint m’assaillir. Je n’avais pas osé demander encore une fois à mon médecin s’il existait vraiment des chances de recouvrer ma mobilité d’antan. Je savais d’avance ce qu’il me dirait. Que m’arriverait-il ? Resterai-je handicapé du moins partiellement ? Est-ce que cette paralysie persistera à insensibiliser ma fonction érectile ? Suis-je intéressé à continuer à vivre dans cette condition déplorable ? Mes parents étant décédés, n’ayant pas d’enfant, mon ex-femme n’étant plus qu’une emmerdeuse hantant mon existence par intermittence surtout lorsqu’elle avait besoin d’aide. Que dire de mon travail qui était foutu. Je n’ai rien qui me rattache réellement à la vie, pourquoi ne pas en finir ?
Sans crier gare, Anna fit irruption dans ma chambre en trottinant. Son uniforme semble avoir été repassé par un militaire tellement les plis étaient impeccables. Ses cheveux tombent, comme à son habitude, sur ses épaules. Elle porte au cou une chaînette en or à laquelle sont accrochées deux alliances. Son maquillage est comme toujours discret et bien assorti à ses yeux.
- Si vous me permettez, que signifient ces deux alliances accrochées à votre cou ?
- C’est tout simple, quand mes parents sont décédés, à quelques mois d’écart, j’ai décidé de garder leurs alliances sur moi. C’est une sorte de talisman, pour me protéger des adversités de la vie.
En me dévisageant, elle fronce des sourcils.
- Vous tentez de me distraire, mais j’ai bien vu, en entrant dans votre chambre, que Monsieur était très songeur, qu’il broyait du noir et je dirais même qu’il descendait sur la pente raide, un tantinet atrabilaire, j’oserais dire. Je ne vous laisserai pas faire cela. Nous allons tout de suite remédier à cet état de chose et vous changer, subito presto, les idées.
Anna arborait un sourire chaleureux qui en disait long sur la tendresse dont elle était capable de prodiguer.
- Nous allons nous battre bec et ongles, ensemble, et pour commencer je vous propose de regarder le journal du jour.
Elle s’asseya sur mon lit et s’adossa à l’un de mes oreillers en étendant machinalement l’une de ses superbes jambes parallèlement aux miennes inertes sous les couvertures.
- Qu’est-ce que nous avons comme actualités aujourd’hui, commenta Anna. Eh bien, il y a la guerre en Afghanistan qui ne semble pas se résorber malgré les efforts conjugués des nations impliquées. Vous ne trouvez pas que cela ressemble de plus en plus au Vietnam ?
- Oui, les américains s’embourbent dans un pays qui a toujours connu la guerre. Si ce n’est pas avec les autres pays limitrophes comme la Russie; les querelles entre tribus perdurent pour le contrôle du pouvoir, de la drogue ou pour d’autres considérants religieux.
- Il y a eu un autre tremblement de terre au Pérou dans la banlieue de Lima qui a fait, selon les estimations, quelques centaines de morts et une inondation au sud du Bangladesh qui a privé des milliers d’habitants de logements et d’eau potable. Nous sommes bien chanceux de vivre au Québec où de telles catastrophes naturelles n’existent pas !
- Comme vous dites, le fait de demeurer sur l’un des plus vieux et des plus solides continents de la planète, nous est favorable.
- Comment savez-vous cela ?
- La majeure partie du Québec, dis-je, se trouve sur le Bouclier canadien ou Plateau Laurentien qui a environ 600 millions d’années, datant de l’ère précambrienne, et nos montagnes, Appalaches et Laurentides, sont tellement vieilles qu’elles en sont rondes contrairement aux rocheuses à l’Ouest. Nous sommes sur du roc et de plus, en hauteur par rapport à la mer.
- Je continue, si vous le voulez bien, le gouvernement provincial a de la difficulté à conserver un semblant d’intégrité suite aux allégations de conflits d’intérêt avec les organisations de la construction et de nominations partisanes. Qu’en pensez-vous, M. Tremblay ?
- Je pense qu’il est très difficile dans une société capitaliste de faire fi de l’interaction du politique et de l’économique. L’argent, c’est le pouvoir et le monde est mené par des gens de pouvoir.
- Anna poursuit sa lecture en tournant les pages du journal, la province de Québec et les états du Nord-est américain signe un pacte d’énergie durable. Pensez-vous que le Québec peut être totalement autosuffisant en matière énergétique ?
- Non, car l’hydroélectricité ne peut remplacer totalement le gaz naturel et le pétrole et le Québec n’en a pas. Et même les gaz de schistes ne pourront pas répondre à nos besoins. Par contre, il était nécessaire de mettre fin à notre aventure nucléaire à Gentilly-2. S’il y a une région qui n’a pas besoin du nucléaire c’est bien nous, qui possédons l’un sinon le meilleur réseau hydroélectrique du monde.
- Suite à la crise économique, ajouta Anna, les indices boursiers reflètent une grande volatilité des titres. Le dollar canadien bataille ferme pour être capable de garder la parité avec le dollar américain. Le taux de chômage saisonnier est meilleur, mais en dessous de ce qu’il était au cours des cinq dernières années. Les actions n’ont plus la cote, le marché monétaire est morose et les obligations, même municipales, paient peu. Les investisseurs asiatiques, habituellement audacieux, se montrent timides dans leurs stratégies de placement. Sans être indiscrète, avez-vous des placements?
- Oui, je souscris à quelques fonds de placement et comme tout le monde je cotise à un régime enregistré d’épargne retraite pour assurer mes vieux jours, si vieux jours, il y a ? Répondis-je avec humeur.
- Bon, vous recommencez à vous apitoyer sur votre sort. J’avoue que ce n’est pas enthousiasmant, je crois avoir fait une erreur en vous lisant la presse du jour, M. Tremblay !
- S’il vous plaît, pourriez-vous m’appeler Jean-François, sans façon ?
- OK, c’est enregistré 5 sur 5, Jean-François. Essayons de trouver des nouvelles plus drôles afin de vous sortir de votre marasme. Nous avons ici un turc qui ayant obtenu son divorce après six ans d’effort juridique est surpris, lorsque l’ordinateur de l’agence de rencontre consultée lui propose la même conjointe. À ce propos, êtes-vous marié ?
- Non plus maintenant, je suis divorcé et l’ordinateur ne me choisirait certainement pas la même femme, je vous assure. C’était peu satisfaisant pour l’un comme pour l’autre et nous y avons mis un terme après seulement cinq ans de mariage. De temps à autre, elle refait surface dans ma vie et j’ai peine à m’en débarrasser complètement car elle me fait pitié. Elle a le don de se foutre dans des situations impossibles aussi bien financièrement qu’affectivement. Elle est agente immobilière et réussit très bien dans sa branche mais elle est une dépensière pathologique.
- Avez-vous eu des enfants ?
- Non, c’est d’ailleurs à partir de cette question centrale que j’ai pris la décision de divorcer. Si je ne l’aimais pas suffisamment pour investir dans une progéniture, que faisions-nous ensemble ?
- Changeons de sujet, si vous le voulez bien.
Apparemment, Anna avait mis les pieds où elle n’aurait pas dû. Son malaise était évident.
- Il y a cette nouvelle médecine douce que l’on appelle étiopathie qui traite la maladie en réajustant les os du crâne prétendument déplacés. Que pensez-vous des médecines douces, Jean-François ?
- Certaines m’apparaissent tout à fait efficaces comme l’acupuncture, l’hypnothérapie, l’ostéopathie, la kinésiothérapie, la phytothérapie, la sophrologie, la médecine traditionnelle chinoise pour ne nommer que celles-là, mais il y a aussi toute une ribambelle de pratiques plus loufoques les unes que les autres, exercées par toutes sortes de charlatans sans aucune formation sérieuse.
- Les habitants de Christiana, une petite ville d’Afrique du Sud, ont mis en broche un rhinocéros de deux tonnes en le faisant tourner pendant soixante heures. Quel est le mets le plus bizarre que vous ayez mangé?
- J’ai déjà mangé du serpent à une dégustation gourmande au Vieux Port de Montréal et un repas de crocodile dans un restaurant africain de la rue Laurier qui n’existe plus, malheureusement.
- L’institut de recherche électrique de Palo Alto a réussi à mettre au point un séchoir à linge à micro-ondes. Quelle est, selon vous, la plus grande découverte moderne ?
- Sans contredit la découverte de la télévision et par après, Internet. Ces deux moyens de communication ont révolutionné notre mode de vie pour toujours. Certains scientifiques affirment qu’ils commencent même à avoir des répercussions sur notre mode de pensée. Nous devenons, selon eux, de plus en plus des êtres virtuels c’est-à-dire qu’il y aurait une confusion possible entre ce que nous voyons et ce que nous vivons. Par exemple, un ami m’a déjà dit qu’il ne ressentait pas le besoin de voyager, car il pouvait voir le monde par Internet, et ce, sans se fatiguer et à bien meilleur coût !
- Finalement, sachez qu’Anna, infirmière clinicienne au Centre hospitalier de Charlevoix, a hérité hier d’un chien labrador blond. Un ami m’en a fait cadeau.
- Toute une nouvelle, j’espère que vous aimez les chiens ?
- Bien sûr, en fait j’aime tous les animaux. Presque tous les ans, je fais d’ailleurs un pèlerinage au Zoo de Granby. Je campe juste à côté et j’entends les cris des animaux, le matin, qui clament leurs petits-déjeuners. Les fortes odeurs ne me dérangent pas le moins du monde. Lorsque j’étais jeune, presque chaque week-end, je passais un bout de temps à la ferme de mon oncle Joseph à Saint-Irénée, près d’ici. Récurer l’étable; donner de la nourriture et de l’eau aux vaches, aux poules et aux cochons; conduire le tracteur...
- Est-ce que votre conjoint ou vos enfants ont été ravis par cet héritage ?
- Quoi ? Où avez-vous été pêché l’idée que j’étais mariée et que j’avais des enfants ?
En disant cela, elle s’était mise debout, très droite, les mains sur les hanches et affichait un air interrogateur.
- Bien ! Je croyais qu’une aussi jolie, intelligente et gentille fille comme vous avait naturellement quelqu’un dans sa vie. Excusez-moi, si cette idée vous apparaît saugrenue, moi pas.
- Je ne vous dis pas qu’il n’y a jamais eu de prétendant et même quelqu’un dans ma vie comme vous dites, mais qu’actuellement je suis célibataire et j’en suis fort heureuse. J’en ai par-dessus la tête des petits emmerdeurs prétentieux qui veulent me transformer en reine du foyer, maîtresse de maison, substitut maternel, femme à tout faire, confidente pour cœur éploré, bête de sexe, pourvoyeuse financière et j’en passe si vous voyez ce que je veux dire ?
Décidément Anna était monté rapidement aux barricades et semblait vraiment se prendre au sérieux en psalmodiant tout d’une traite son discours préparé d’avance qu’elle avait certainement débité plus d’une fois à ceux et celles qui voulaient bien l’écouter. Montée sur ses grands chevaux, elle était maintenant toute rouge et avait perdu son sempiternel sourire.
- Je vois surtout que le sujet vous a piqué au vif. Je ne voulais pas vous froisser, au contraire, j’ai tenté, bien maladroitement, j’en conviens, de vous complimenter.
- N’essayez pas de jouer les séducteurs du dimanche avec moi, ça ne prend pas. Contentez-vous d’être un bon patient et moi je serai l’infirmière modèle. Sur ce, je vous salue, Monsieur Tremblay !
Elle quitta les lieux à grandes enjambées, conservant son air emprunté, sans se retourner.
J’étais interloqué par son attitude. Décidément, je trouvais qu’elle avait pris mouche pour un rien. Vraiment soupe au lait, cette jeune personne, me dis-je en moi-même. Il faudra faire gaffe à l’avenir, manœuvrer prudemment la prochaine fois et éviter les eaux troubles.
Plus tard, Anna sans desserrer les dents, revint fermer les rideaux, faire pivoter le lit horizontalement, tapota mes oreillers, tira mes couvertures. Il était évident que c’était l’heure de la sieste et que j’étais fortement invité, pour ne pas dire obliger, de m’exécuter dans ce sens, besoin ou non. Le silence régnait dans les couloirs, la pénombre enveloppait ma chambre, la torpeur envahit aussitôt mon corps et ma tête, le sommeil vint rapidement.
- Sur le plan physique, je n’ai pas de nouvelles fraîches à vous donner ce matin, mais je tenais à vous rendre une petite visite. Histoire de voir comment se trouve votre moral. Vous semblez avoir meilleure mine que lors de nos précédentes rencontres.
- Vous trouvez, docteur ?
- Oui, vous avez l’oeil clair, des couleurs aux joues, les lèvres moins pâles. Vous étiez en train d’évaluer la qualité de votre séjour parmi nous, il me semble ? Votre posture m’indiquait que vous étiez en grande conversation avec vous-même. Est-ce que je me trompe ?
- Non, je ne savais pas qu’outre l’orthopédie, vous étiez aussi féru de psychiatrie.
- Non, pas du tout, simplement qu’un peu de psychologie ne fait pas de mal dans mon métier, croyez-moi !
Puis il s’approcha de la fenêtre.
- Vous voyez cette grande maison au toit noir, en clin de bois blanc avec des volets aux fenêtres noirs et une immense cheminée en briques rouges à côté du bureau de poste, c’est chez moi. Je m’y suis installé il y a bientôt quinze ans. Moi, je suis un rural. Après mes études, j’ai décidé de revenir dans mon patelin pour exercer dans un petit hôpital comme le nôtre.
N’ayez crainte, j’ai toutes les qualifications que vous pourriez retrouver chez un médecin spécialiste d’un grand centre urbain. Permettez-moi, un instant, de vous décrire mon curriculum vitae. Après mon doctorat en médecine à l’Université de Montréal, je me suis spécialisé d’abord à Paris puis à Boston en chirurgie orthopédique. Soyez certain que vous êtes entre bonnes mains. En plus d’un confrère neurologue, l’hôpital possède une équipe complète de réadaptation physique supervisée par un physiatre du Centre hospitalier Saint-François d’Assise de Québec. Nous ferons tout en notre pouvoir pour que le temps que vous passerez en nos murs soit le plus court possible. Évidemment si vous désirez vous faire transférer ailleurs, plaise à vous d’en décider, je m’inclinerai, d’autant plus si vous avez des proches que vous aimeriez voir à vos côtés.
- Non, non, j’avoue que cette idée m’a effleuré l’esprit, mais vous m’avez convaincu que je serai bien soigné ici, de plus, je vous trouve franchement sympathique, votre transparence vous honore. Je n’ai pas à proprement parler de proches, comme vous dites, qui me seraient d’un quelconque réconfort. Je n’ai pas de frères et sœurs et mes parents sont décédés depuis longtemps. Si vous connaissiez mon ex-femme, avec laquelle je n’ai pas eu d’enfant, vous sauriez qu’elle ne me serait d’aucun secours. J’ai une totale confiance en vous et puis, ce qui ne gâte rien, vos infirmières m’apparaissent toutes désignées pour exercer leur compétence sur un homme comme moi !
J’essayais de mettre une touche d’humour dans mes sous-entendus sans y réussir vraiment. En fin diplomate, le Dr Chamberland ne releva pas ma dernière remarque.
- J’ai toujours adoré cette région, dis-je, qui n’a plus de secret pour moi. J’y suis venu des dizaines de fois pour les vacances ou lors de week-end prolongé, seul ou accompagné, et ce, en toute saison. Ce mélange de mer et de montagnes est incomparable surtout au début de l’automne lorsque les forêts environnantes explosent de couleurs riches et variées. Ce n’est pas pour rien que Baie-Saint-Paul est considéré comme la capitale provinciale de la peinture. Duguay, Lemieux, Riopelle, Brassard, Simard, Bergeron, Légaré, Rousseau et d’autres dont j’oublie les noms ont tous fait escale soit ici même soit aux Éboulements soit à l’Île aux Coudres soit à Cap-à-l'Aigle pour immortaliser cette nature à nulle autre pareille.
- Je vous l’avais bien dit que vous alliez mieux, conclut le docteur, en me faisant un clin d’œil avant de quitter ma chambre pour poursuivre sa tournée matinale.
Je retournai à ma cogitation et rapidement la déprime revint m’assaillir. Je n’avais pas osé demander encore une fois à mon médecin s’il existait vraiment des chances de recouvrer ma mobilité d’antan. Je savais d’avance ce qu’il me dirait. Que m’arriverait-il ? Resterai-je handicapé du moins partiellement ? Est-ce que cette paralysie persistera à insensibiliser ma fonction érectile ? Suis-je intéressé à continuer à vivre dans cette condition déplorable ? Mes parents étant décédés, n’ayant pas d’enfant, mon ex-femme n’étant plus qu’une emmerdeuse hantant mon existence par intermittence surtout lorsqu’elle avait besoin d’aide. Que dire de mon travail qui était foutu. Je n’ai rien qui me rattache réellement à la vie, pourquoi ne pas en finir ?
Sans crier gare, Anna fit irruption dans ma chambre en trottinant. Son uniforme semble avoir été repassé par un militaire tellement les plis étaient impeccables. Ses cheveux tombent, comme à son habitude, sur ses épaules. Elle porte au cou une chaînette en or à laquelle sont accrochées deux alliances. Son maquillage est comme toujours discret et bien assorti à ses yeux.
- Si vous me permettez, que signifient ces deux alliances accrochées à votre cou ?
- C’est tout simple, quand mes parents sont décédés, à quelques mois d’écart, j’ai décidé de garder leurs alliances sur moi. C’est une sorte de talisman, pour me protéger des adversités de la vie.
En me dévisageant, elle fronce des sourcils.
- Vous tentez de me distraire, mais j’ai bien vu, en entrant dans votre chambre, que Monsieur était très songeur, qu’il broyait du noir et je dirais même qu’il descendait sur la pente raide, un tantinet atrabilaire, j’oserais dire. Je ne vous laisserai pas faire cela. Nous allons tout de suite remédier à cet état de chose et vous changer, subito presto, les idées.
Anna arborait un sourire chaleureux qui en disait long sur la tendresse dont elle était capable de prodiguer.
- Nous allons nous battre bec et ongles, ensemble, et pour commencer je vous propose de regarder le journal du jour.
Elle s’asseya sur mon lit et s’adossa à l’un de mes oreillers en étendant machinalement l’une de ses superbes jambes parallèlement aux miennes inertes sous les couvertures.
- Qu’est-ce que nous avons comme actualités aujourd’hui, commenta Anna. Eh bien, il y a la guerre en Afghanistan qui ne semble pas se résorber malgré les efforts conjugués des nations impliquées. Vous ne trouvez pas que cela ressemble de plus en plus au Vietnam ?
- Oui, les américains s’embourbent dans un pays qui a toujours connu la guerre. Si ce n’est pas avec les autres pays limitrophes comme la Russie; les querelles entre tribus perdurent pour le contrôle du pouvoir, de la drogue ou pour d’autres considérants religieux.
- Il y a eu un autre tremblement de terre au Pérou dans la banlieue de Lima qui a fait, selon les estimations, quelques centaines de morts et une inondation au sud du Bangladesh qui a privé des milliers d’habitants de logements et d’eau potable. Nous sommes bien chanceux de vivre au Québec où de telles catastrophes naturelles n’existent pas !
- Comme vous dites, le fait de demeurer sur l’un des plus vieux et des plus solides continents de la planète, nous est favorable.
- Comment savez-vous cela ?
- La majeure partie du Québec, dis-je, se trouve sur le Bouclier canadien ou Plateau Laurentien qui a environ 600 millions d’années, datant de l’ère précambrienne, et nos montagnes, Appalaches et Laurentides, sont tellement vieilles qu’elles en sont rondes contrairement aux rocheuses à l’Ouest. Nous sommes sur du roc et de plus, en hauteur par rapport à la mer.
- Je continue, si vous le voulez bien, le gouvernement provincial a de la difficulté à conserver un semblant d’intégrité suite aux allégations de conflits d’intérêt avec les organisations de la construction et de nominations partisanes. Qu’en pensez-vous, M. Tremblay ?
- Je pense qu’il est très difficile dans une société capitaliste de faire fi de l’interaction du politique et de l’économique. L’argent, c’est le pouvoir et le monde est mené par des gens de pouvoir.
- Anna poursuit sa lecture en tournant les pages du journal, la province de Québec et les états du Nord-est américain signe un pacte d’énergie durable. Pensez-vous que le Québec peut être totalement autosuffisant en matière énergétique ?
- Non, car l’hydroélectricité ne peut remplacer totalement le gaz naturel et le pétrole et le Québec n’en a pas. Et même les gaz de schistes ne pourront pas répondre à nos besoins. Par contre, il était nécessaire de mettre fin à notre aventure nucléaire à Gentilly-2. S’il y a une région qui n’a pas besoin du nucléaire c’est bien nous, qui possédons l’un sinon le meilleur réseau hydroélectrique du monde.
- Suite à la crise économique, ajouta Anna, les indices boursiers reflètent une grande volatilité des titres. Le dollar canadien bataille ferme pour être capable de garder la parité avec le dollar américain. Le taux de chômage saisonnier est meilleur, mais en dessous de ce qu’il était au cours des cinq dernières années. Les actions n’ont plus la cote, le marché monétaire est morose et les obligations, même municipales, paient peu. Les investisseurs asiatiques, habituellement audacieux, se montrent timides dans leurs stratégies de placement. Sans être indiscrète, avez-vous des placements?
- Oui, je souscris à quelques fonds de placement et comme tout le monde je cotise à un régime enregistré d’épargne retraite pour assurer mes vieux jours, si vieux jours, il y a ? Répondis-je avec humeur.
- Bon, vous recommencez à vous apitoyer sur votre sort. J’avoue que ce n’est pas enthousiasmant, je crois avoir fait une erreur en vous lisant la presse du jour, M. Tremblay !
- S’il vous plaît, pourriez-vous m’appeler Jean-François, sans façon ?
- OK, c’est enregistré 5 sur 5, Jean-François. Essayons de trouver des nouvelles plus drôles afin de vous sortir de votre marasme. Nous avons ici un turc qui ayant obtenu son divorce après six ans d’effort juridique est surpris, lorsque l’ordinateur de l’agence de rencontre consultée lui propose la même conjointe. À ce propos, êtes-vous marié ?
- Non plus maintenant, je suis divorcé et l’ordinateur ne me choisirait certainement pas la même femme, je vous assure. C’était peu satisfaisant pour l’un comme pour l’autre et nous y avons mis un terme après seulement cinq ans de mariage. De temps à autre, elle refait surface dans ma vie et j’ai peine à m’en débarrasser complètement car elle me fait pitié. Elle a le don de se foutre dans des situations impossibles aussi bien financièrement qu’affectivement. Elle est agente immobilière et réussit très bien dans sa branche mais elle est une dépensière pathologique.
- Avez-vous eu des enfants ?
- Non, c’est d’ailleurs à partir de cette question centrale que j’ai pris la décision de divorcer. Si je ne l’aimais pas suffisamment pour investir dans une progéniture, que faisions-nous ensemble ?
- Changeons de sujet, si vous le voulez bien.
Apparemment, Anna avait mis les pieds où elle n’aurait pas dû. Son malaise était évident.
- Il y a cette nouvelle médecine douce que l’on appelle étiopathie qui traite la maladie en réajustant les os du crâne prétendument déplacés. Que pensez-vous des médecines douces, Jean-François ?
- Certaines m’apparaissent tout à fait efficaces comme l’acupuncture, l’hypnothérapie, l’ostéopathie, la kinésiothérapie, la phytothérapie, la sophrologie, la médecine traditionnelle chinoise pour ne nommer que celles-là, mais il y a aussi toute une ribambelle de pratiques plus loufoques les unes que les autres, exercées par toutes sortes de charlatans sans aucune formation sérieuse.
- Les habitants de Christiana, une petite ville d’Afrique du Sud, ont mis en broche un rhinocéros de deux tonnes en le faisant tourner pendant soixante heures. Quel est le mets le plus bizarre que vous ayez mangé?
- J’ai déjà mangé du serpent à une dégustation gourmande au Vieux Port de Montréal et un repas de crocodile dans un restaurant africain de la rue Laurier qui n’existe plus, malheureusement.
- L’institut de recherche électrique de Palo Alto a réussi à mettre au point un séchoir à linge à micro-ondes. Quelle est, selon vous, la plus grande découverte moderne ?
- Sans contredit la découverte de la télévision et par après, Internet. Ces deux moyens de communication ont révolutionné notre mode de vie pour toujours. Certains scientifiques affirment qu’ils commencent même à avoir des répercussions sur notre mode de pensée. Nous devenons, selon eux, de plus en plus des êtres virtuels c’est-à-dire qu’il y aurait une confusion possible entre ce que nous voyons et ce que nous vivons. Par exemple, un ami m’a déjà dit qu’il ne ressentait pas le besoin de voyager, car il pouvait voir le monde par Internet, et ce, sans se fatiguer et à bien meilleur coût !
- Finalement, sachez qu’Anna, infirmière clinicienne au Centre hospitalier de Charlevoix, a hérité hier d’un chien labrador blond. Un ami m’en a fait cadeau.
- Toute une nouvelle, j’espère que vous aimez les chiens ?
- Bien sûr, en fait j’aime tous les animaux. Presque tous les ans, je fais d’ailleurs un pèlerinage au Zoo de Granby. Je campe juste à côté et j’entends les cris des animaux, le matin, qui clament leurs petits-déjeuners. Les fortes odeurs ne me dérangent pas le moins du monde. Lorsque j’étais jeune, presque chaque week-end, je passais un bout de temps à la ferme de mon oncle Joseph à Saint-Irénée, près d’ici. Récurer l’étable; donner de la nourriture et de l’eau aux vaches, aux poules et aux cochons; conduire le tracteur...
- Est-ce que votre conjoint ou vos enfants ont été ravis par cet héritage ?
- Quoi ? Où avez-vous été pêché l’idée que j’étais mariée et que j’avais des enfants ?
En disant cela, elle s’était mise debout, très droite, les mains sur les hanches et affichait un air interrogateur.
- Bien ! Je croyais qu’une aussi jolie, intelligente et gentille fille comme vous avait naturellement quelqu’un dans sa vie. Excusez-moi, si cette idée vous apparaît saugrenue, moi pas.
- Je ne vous dis pas qu’il n’y a jamais eu de prétendant et même quelqu’un dans ma vie comme vous dites, mais qu’actuellement je suis célibataire et j’en suis fort heureuse. J’en ai par-dessus la tête des petits emmerdeurs prétentieux qui veulent me transformer en reine du foyer, maîtresse de maison, substitut maternel, femme à tout faire, confidente pour cœur éploré, bête de sexe, pourvoyeuse financière et j’en passe si vous voyez ce que je veux dire ?
Décidément Anna était monté rapidement aux barricades et semblait vraiment se prendre au sérieux en psalmodiant tout d’une traite son discours préparé d’avance qu’elle avait certainement débité plus d’une fois à ceux et celles qui voulaient bien l’écouter. Montée sur ses grands chevaux, elle était maintenant toute rouge et avait perdu son sempiternel sourire.
- Je vois surtout que le sujet vous a piqué au vif. Je ne voulais pas vous froisser, au contraire, j’ai tenté, bien maladroitement, j’en conviens, de vous complimenter.
- N’essayez pas de jouer les séducteurs du dimanche avec moi, ça ne prend pas. Contentez-vous d’être un bon patient et moi je serai l’infirmière modèle. Sur ce, je vous salue, Monsieur Tremblay !
Elle quitta les lieux à grandes enjambées, conservant son air emprunté, sans se retourner.
J’étais interloqué par son attitude. Décidément, je trouvais qu’elle avait pris mouche pour un rien. Vraiment soupe au lait, cette jeune personne, me dis-je en moi-même. Il faudra faire gaffe à l’avenir, manœuvrer prudemment la prochaine fois et éviter les eaux troubles.
Plus tard, Anna sans desserrer les dents, revint fermer les rideaux, faire pivoter le lit horizontalement, tapota mes oreillers, tira mes couvertures. Il était évident que c’était l’heure de la sieste et que j’étais fortement invité, pour ne pas dire obliger, de m’exécuter dans ce sens, besoin ou non. Le silence régnait dans les couloirs, la pénombre enveloppait ma chambre, la torpeur envahit aussitôt mon corps et ma tête, le sommeil vint rapidement.
Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement et les mots pour le dire viennent aisément «Nicolas Boileau»
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Re: Créer une nouvelle pour adultes
Étant donné que mon histoire de l'accidenté qui se retrouve dans un hôpital de Charlevoix ne vous inspire pas je vais vous en proposer une autre histoire.
J’avais élu domicile dans un magnifique cottage de Cape Cod avec vue sur l’océan Atlantique. Chaque matin, je me faisais un devoir de compléter mon 5 km de course à pied avant de me jeter à la mer. Jour après jour, je remerciais le ciel de ma bonne fortune. Ma réussite en affaires m’avait mis à l’abri du besoin pour l’avenir. J’avais négocié avec moi-même des vacances prolongées, car il me tenait à cœur d’écrire un roman. Je tentais justement d’amorcer ce dernier en cette belle et chaude soirée de juillet.
Tous les prétextes étaient bons pour quitter le papier vierge devant moi. Il me fallait une tasse de thé ou de café, une musique d’ambiance, une lumière mieux ajustée, un coussin plus épais dans le dos; puis je devais aller aux toilettes, devais aller fumer un cigare sur le balcon; je réchauffai mon breuvage et le cycle hallucinant de l’indécision reprenait son cours; devant moi mon écran d’ordinateur restait désespérément blanc.
J’en étais arrivé à ne plus croire en moi-même ou plutôt à ne plus croire dans mon projet lorsqu’un cri attira mon attention. Je me levai pour fermer mon appareil ambiophonique et tendit l’oreille. Cette fois-ci ce fut un gémissement qui m’informa de la présence, à proximité, d’une personne en détresse. Je ne fis ni un ni deux et me précipitai dehors. Il faisait très noir, on n’y voyait rien par cette nuit opaque. Je ne pris pas le temps de chercher ma lampe de poche et dévalai les marches de bois donnant directement sur la plage. Je connaissais assez bien ce bout de grève l’ayant arpenté quotidiennement aussi me dirigeai-je rapidement vers la plainte qui avait repris en intensité.
Je butai pratiquement sur le corps presque nu d’une femme allongée sur le sable mouillé, la partie inférieure de ses membres encore immergée dans l’eau. Je me penchai aussitôt, la pris dans mes bras et la transportai à mon logis. Cette jeune femme à la peau bleuie par le froid et en partie maculée de rouge était légère. Je la portai dans mon lit, lui enlevai ses bijoux et ses sous-vêtements tout trempés et frottai ce corps parfait avec une serviette-éponge, pansai son dos tailladé après y avoir mis de l’onguent antibiotique et un bandage approprié. Puis je la couvris d’un édredon de plumes. Je pris alors le temps de regarder attentivement le visage de cette charmante personne blottie sous la couette.
Elle avait les cheveux blé d’or, des lèvres ourlées, des traits fins et délicats, ses yeux étant fermés je ne savais pas quelle couleur ils avaient. Elle frissonnait et était un peu agitée. Je posai ma main sur son front, elle semblait un peu fiévreuse. Je lui fis prendre deux cachets de Tylenol extra-fort avec un peu d’eau et quittai la chambre.
Je me versai une grande rasade de tequila à la lime, sortit sur le balcon et allumai, exceptionnellement, un autre cigare puisque je ne m’en autorisais qu’un par jour. Je me demandais ce que pouvait bien faire cette jeune fille gisant sur une plage du Massachusetts, en pleine nuit, dévêtue, mais surtout présentant une méchante balafre au dos. Inutile de se casser la tête, mieux valait attendre son réveil pour avoir des réponses à mes questions.
Je tentai de m’allonger sur le canapé de la salle de séjour, mais en vain j’étais trop énervé par l’événement, je me relevai donc pour aller m’asseoir dans le fauteuil près de son lit en pensant que la mystérieuse femme avait eu beaucoup de chance d’être rejetée par la mer sur la plage et d’être recueillie par votre humble serviteur.
Le soleil était encore bas dans le ciel lorsqu’à travers les persiennes de bois entrouvertes, il vint darder de ses chauds rayons le visage de mon invitée qui n’en demeura pas moins endormie. Elle était plus réelle à la lumière du jour, je pris néanmoins soin de fermer complètement les stores. Je me fis à l’idée que ma course habituelle du matin était annulée. Je choisis plutôt de prendre une douche avant d’ingurgiter un bon café crème et un croissant jambon fromage. Je retournai à la chambre et constatai qu’elle semblait paisible. Elle dormait toujours et il était presque dix heures. Je ne sais quelle sorte d’activité elle avait pratiqué la veille, mais cela avait dû être exigeant en diable ! Je n’osais quitter la maison de crainte qu’elle déguerpisse pendant mon absence et ne puisse assouvir ma curiosité. J’attendis avec impatience son réveil.
J’avais élu domicile dans un magnifique cottage de Cape Cod avec vue sur l’océan Atlantique. Chaque matin, je me faisais un devoir de compléter mon 5 km de course à pied avant de me jeter à la mer. Jour après jour, je remerciais le ciel de ma bonne fortune. Ma réussite en affaires m’avait mis à l’abri du besoin pour l’avenir. J’avais négocié avec moi-même des vacances prolongées, car il me tenait à cœur d’écrire un roman. Je tentais justement d’amorcer ce dernier en cette belle et chaude soirée de juillet.
Tous les prétextes étaient bons pour quitter le papier vierge devant moi. Il me fallait une tasse de thé ou de café, une musique d’ambiance, une lumière mieux ajustée, un coussin plus épais dans le dos; puis je devais aller aux toilettes, devais aller fumer un cigare sur le balcon; je réchauffai mon breuvage et le cycle hallucinant de l’indécision reprenait son cours; devant moi mon écran d’ordinateur restait désespérément blanc.
J’en étais arrivé à ne plus croire en moi-même ou plutôt à ne plus croire dans mon projet lorsqu’un cri attira mon attention. Je me levai pour fermer mon appareil ambiophonique et tendit l’oreille. Cette fois-ci ce fut un gémissement qui m’informa de la présence, à proximité, d’une personne en détresse. Je ne fis ni un ni deux et me précipitai dehors. Il faisait très noir, on n’y voyait rien par cette nuit opaque. Je ne pris pas le temps de chercher ma lampe de poche et dévalai les marches de bois donnant directement sur la plage. Je connaissais assez bien ce bout de grève l’ayant arpenté quotidiennement aussi me dirigeai-je rapidement vers la plainte qui avait repris en intensité.
Je butai pratiquement sur le corps presque nu d’une femme allongée sur le sable mouillé, la partie inférieure de ses membres encore immergée dans l’eau. Je me penchai aussitôt, la pris dans mes bras et la transportai à mon logis. Cette jeune femme à la peau bleuie par le froid et en partie maculée de rouge était légère. Je la portai dans mon lit, lui enlevai ses bijoux et ses sous-vêtements tout trempés et frottai ce corps parfait avec une serviette-éponge, pansai son dos tailladé après y avoir mis de l’onguent antibiotique et un bandage approprié. Puis je la couvris d’un édredon de plumes. Je pris alors le temps de regarder attentivement le visage de cette charmante personne blottie sous la couette.
Elle avait les cheveux blé d’or, des lèvres ourlées, des traits fins et délicats, ses yeux étant fermés je ne savais pas quelle couleur ils avaient. Elle frissonnait et était un peu agitée. Je posai ma main sur son front, elle semblait un peu fiévreuse. Je lui fis prendre deux cachets de Tylenol extra-fort avec un peu d’eau et quittai la chambre.
Je me versai une grande rasade de tequila à la lime, sortit sur le balcon et allumai, exceptionnellement, un autre cigare puisque je ne m’en autorisais qu’un par jour. Je me demandais ce que pouvait bien faire cette jeune fille gisant sur une plage du Massachusetts, en pleine nuit, dévêtue, mais surtout présentant une méchante balafre au dos. Inutile de se casser la tête, mieux valait attendre son réveil pour avoir des réponses à mes questions.
Je tentai de m’allonger sur le canapé de la salle de séjour, mais en vain j’étais trop énervé par l’événement, je me relevai donc pour aller m’asseoir dans le fauteuil près de son lit en pensant que la mystérieuse femme avait eu beaucoup de chance d’être rejetée par la mer sur la plage et d’être recueillie par votre humble serviteur.
Le soleil était encore bas dans le ciel lorsqu’à travers les persiennes de bois entrouvertes, il vint darder de ses chauds rayons le visage de mon invitée qui n’en demeura pas moins endormie. Elle était plus réelle à la lumière du jour, je pris néanmoins soin de fermer complètement les stores. Je me fis à l’idée que ma course habituelle du matin était annulée. Je choisis plutôt de prendre une douche avant d’ingurgiter un bon café crème et un croissant jambon fromage. Je retournai à la chambre et constatai qu’elle semblait paisible. Elle dormait toujours et il était presque dix heures. Je ne sais quelle sorte d’activité elle avait pratiqué la veille, mais cela avait dû être exigeant en diable ! Je n’osais quitter la maison de crainte qu’elle déguerpisse pendant mon absence et ne puisse assouvir ma curiosité. J’attendis avec impatience son réveil.
Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement et les mots pour le dire viennent aisément «Nicolas Boileau»