Les fonctionnaires veulent de nouveau être payés le premier jour de leurs arrêts
Les syndicats demandent au gouvernement de supprimer le jour de carence créé par Nicolas Sarkozy sur leurs arrêts maladie. Mais le PS, après avoir critiqué cette mesure en son temps, hésite à revenir sur un dispositif qui doit faire économiser 240 millions d'euros par an, dont la moitié pour l'Etat employeur.
Les indemnités versées baissent en 2012 avec la hausse du chômage et le renforcement des contrôles
Par Vincent Collen: La pilule ne passe toujours pas. Sept mois après son entrée en vigueur, les syndicats restent vent debout contre le jour de carence institué par le précédent exécutif sur les arrêts maladie des fonctionnaires. En vertu de ce dispositif, les 5,2 millions d'agents publics ne sont plus payés le premier jour d'arrêt. Un changement radical : jusqu'alors, leurs employeurs maintenaient leur salaire à 100 %.

A la clef, 240 millions d'euros d'économies par an, dont 130 pour l'Etat et le reste pour les collectivités et les hôpitaux, avait calculé la droite, pour qui la mesure constitue un juste pendant aux efforts imposés dans le privé : trois jours de carence y sont institués de longue date et, depuis cette année, les indemnités versées par la Sécurité sociale ont été réduites au-delà de 1,8 SMIC de salaire (lire clavier).
L'objectif est aussi de lutter contre un absentéisme croissant (voir graphique) et jugé abusif : en 2011, chaque agent d'une collectivité arrêté au moins une fois l'a été en moyenne 23 jours et ceux des hôpitaux 24, près de deux fois plus que les salariés du privé, selon une étude de Dexia Sofcap (« Les Echos » du 18 juin).
Lors de la conférence sociale de juillet, les syndicats ont demandé d'une seule voix à Marylise Lebranchu, ministre de la Fonction publique, la suppression « rapide » de ce jour de carence. Outre son caractère « stigmatisant » (FO), le dispositif serait « injuste » (CFDT), car il entraîne une perte sèche de revenus pour les fonctionnaires alors que, dans le privé, plus des deux tiers des salariés voient leurs jours de carence pris en charge, tout ou partie, grâce à des accords d'entreprise. « Cette mesure attaque encore le pouvoir d'achat des agents, alors que le point d'indice est gelé depuis juillet 2010 », insiste la CGT, d'autant plus soucieuse d'obtenir gain de cause sur ce dossier qu'elle ne se fait pas d'illusion sur un dégel des augmentations générales.
L'embarras du gouvernement
L'exécutif est embarrassé. Fin 2011, lors du débat parlementaire, le PS avait largement repris ces critiques syndicales pour attaquer la droite. Dénonçant alors par la voix de Nicole Bricq « une mesure à bon compte sur le dos des salariés du public », les sénateurs socialistes avaient même supprimé le jour de carence avant que l'UMP ne le rétablisse à l'Assemblée. « Le gouvernement doit être cohérent avec son discours d'alors et supprimer ce dispositif », pousse FO.
Mais le contexte budgétaire ne s'y prête guère et François Hollande s'est gardé d'une telle promesse durant la campagne. A l'issue de la conférence sociale, Marylise Lebranchu s'est contentée de renvoyer la question aux discussions salariales programmées au premier trimestre 2013. Début juillet, sur RTL, la ministre a câliné les syndicats, en estimant que « le jour de carence a été un tract politique » et constitue « une punition [...] qui n'est pas juste ». Mais elle a surtout prévenu qu'il serait « maintenu » au moins jusqu'à la fin de l'année et que le contexte budgétaire impose aux fonctionnaires de se préparer à « un grand moment de rigueur ». Que cela les rende malades ou non.
DEREK PERROTTE
Les jours de carence
Les salariés du privé en arrêt maladie ont 3 jours de carence : la CNAM ne leur verse des indemnités qu'à compter du quatrième jour. Mais l'essentiel des employeurs continuent de payer leurs salariés durant ces 3 jours. Cet hiver, le gouvernement a tenté d'instaurer un 4e jour de carence avant de reculer et d'opter pour une baisse des indemnités versées aux salariés gagnant plus de 1,8 SMIC. Dans le public, aucun jour de carence n'existait avant que l'exécutif n'en institue un au 1er janvier dernier. A partir du deuxième jour d'arrêt, les agents rebénéficient de leur salaire, versé par leur employeur (Etat, hôpitaux, collectivités).
Écrit par Derek PERROTTE
Journaliste
source: les echos