Je me souviens de ma découverte, il y a plus de 8 ans, de Zweig.
Je suis tombé par hasard, au petit bonheur la chance comme on dit, sur l'un de ses ouvrages à l'institut français de Casablanca.
Je me souviens à l'époque, de cette tendance à me jeter sur ses oeuvres, comme si elles devaient inévitablement me livrer les clefs du monde, et de moi-même.
Je me souviens de cette pathologie qui me poussait, comme certains, à vouloir tout lire. Lire tout ce qui passait à ma portée. Les journaux, les rubriques nécrologiques, les factures d'électricité, le journal menstruel de ma voisine de bureau et même au dessus des épaules des autres.
Je m'imaginais devenir écrivain, réinventer "Belle du seigneur", écrire tout, écrire à bride abattue, tous les livres, être le seul.
Je me souviens me jeter sur les livres. Dans la rue. Au café. Dans les chiottes, caleçon à terre.
Je me rappelle certains regards interrogatifs, ceux de quelques badauds dans des artères Casablancaises, ne comprenant pas la nature de ma démarche. Étrange démarche qu'est à leur yeux de lire un roman sur un banc public.
Certains de ces livres étaient (sont?) prophétiques, d'autres ennuyeux. Puis d'autres livres suivirent, des délicats, qui se lisent comme fondent des bonbons dans la bouche. Des "à oublier". Des conventionnels "obligés", qu'on lit parce que tout le monde les a lus, et pour éviter des regards ahuris vous demandant : "Comment? tu n'as pas lu "l'écume des jours""?
Lire.
Lire les pensées d'un étranger, qu'on connaît pas et qu'on connaîtra probablement jamais. Se demander à quoi sa vie a pu ressembler. Sa femme. Ses enfants.
Se demander quelle mouche l'a piqué pour se mettre à écrire. Pourquoi vider son sac, se lâcher. Quels rêves le hantent.
Quand j'y pense, rien d'étonnant que certains livres gardent en nous une impression de rêve, d'appropriation de la vie d'autrui.
Le plus étonnant dans des oeuvres comme celles de Zweig, c'est cette souffrance que l'auteur s'essaye (et réussit) à peindre, vivre et témoigner. Cette envie de communiquer avec nos semblables. Probablement n'a jamais espéré être lu en Afrique, au Québec, sur d'autres continents, nous qui sommes si loin.
Un écrivain qui reste méconnu en substance, malgré sa notoriété. Un écrivain en marge. Comme je les apprécie.
Je me souviens, et me souviendrais sûrement, de cette fièvre de lecture. De ces écrivains. De cet écrivain. De nous, ses lecteurs attentifs.
Jamal
Douce Fièvre
Message
- jamilou
- niveau1
- Messages : 10
- Inscription : dim. juil. 04, 2010 9:15 pm
- Localisation : Montreal - Plateau