Quelques pages...Et un brin d'hésitation

Message
Auteur
Avatar de l’utilisateur
xoxtamxox
niveau2
niveau2
Messages : 172
Inscription : lun. nov. 30, 2009 3:31 pm

Quelques pages...Et un brin d'hésitation

#1 Message par xoxtamxox »

Mesdames et messieurs!

J'agis ici, aujourd'hui, rapidement, pour éviter que ce doute au fond de mon âme ne m'empêche d'aller jusqu'au bout; voici quelques pages de mon roman.

Un instant d'éternité

Derrière la fenêtre, les feuilles s'envolaient déjà en tourbillons enflammés. Les branches cliquetaient contre les vitres, le vent grondait, des volées d'outardes partaient déjà.
L'automne arrivait tôt.

Jean-Philippe, lui, était à l'extérieur dès que les premières lignées d'or se perdaient dans le feuillage.
Il n'associait pas la saison au retour à l'école et à l'arrêt du plaisir comme le faisait la plupart des jeunes. Au contraire, il ne pouvait trouver un autre moment dans l'année qui soit une telle explosion de vie.

Au premier abord, les gens n'y voyaient qu'une saison ennuyante qui n'était que transition entre été et hiver.
Lui, par contre, avait appris à voir à force de regarder.

Le départ des oiseaux, le début du gel des arbres, la tombée des feuilles aux couleurs de fête, le mouvement des nuages, les couchers de soleil...
Tous des mouvements. Et c'était ce que signifiait l'existence pour l'adolescent: un mouvement perpétuel.

Cela faisait de l'automne la plus belle partie de l'année. Bien sûr, le printemps aussi avait son lot de mouvements. Mais la renaissance de la nature ne serait rien sans d'abord la poésie de sa mort.

"J-P, c'est toi? demanda son père en entendant la porte se refermer.

-Claude, ne l'appelle pas comme ça!

-Pourquoi, voyons? Ce n'est qu'un surnom affectueux!

-C'est plutôt de la paresse verbale.

-Peu importe comment tu appelles ça!"

Le jeune homme approcha de ses parents un sourire aux lèvres et une pomme à la main.

"Tu ne devrais pas manger tout de suite avant de souper.

-On mange bientôt, alors?

-Tellement bientôt, même, que tu as failli rentrer pour découvrir des assiettes vides.

-Quelle chance! répondit-il avec ironie.

-Je ne comprends pas ce qu'il y a de si intéressant au bois.

-Si tu voyais avec mes yeux, tu comprendrais!

-Je ne sais pas...Tu parles tellement de toute cette beauté et de toutes ces odeurs que ça y est, j'ai saisi ce que tu vois. Par contre, de ton école, tu n'en parles jamais. La dernière année est pourtant très importante.

-Ce n'est que la fin d'une étape; il n'y a rien à fêter. Et puis, que pourrais-je en dire?

-Tu pourrais nous parler des filles mignonnes, par exemple, intervint son père, qui n'avait rien perdu de la conversation.

-Le fait que j'en sois à ma dernière année ne change rien aux bonnes vielles habitudes. Chaque année, dans chaque groupe, il y a les bouffons, les timides, les désaxés et une poignée d'élèves qui ne se pointeront pas de l'année."

Le garçon s'éloigna, peu désireux de poursuivre une conversation qui le fatiguait autant.

Pourtant, cette discussion eut des suites en son esprit.

S'il croyait parfaitement ce qu'il avait dit à propos de la soi-disant importance de cette année, il aurait voulu pouvoir lui-même la rendre importante, y apporter quelque chose de nouveau, la faire devenir un souvenir inoubliable.

*****

Plusieurs jours s'écoulèrent avant qu'une bonne idée lui vienne à l'esprit.
En attendant, il avait pris plusieurs engagements envers lui-même et les gens autour de lui.

D'abord, il ne commettrait aucun échec, puis participerait à l'organisation des festivités de Noël et enfin serait jumelé à une élève pour l'aider dans quelques matières, si elle finissait par remettre les pieds à l'école, bien évidemment.

Pourtant, si cela lui prendrait un peu de temps, il savait qu'il ne serait pas comblé avant d'avoir trouvé un acte, un projet hors du commun.
D'ailleurs, il avait eu tort de chercher une telle idée à l'école.

Rien de ce qu'il y avait ne pouvait être qualifié d'extraordinaire.

L'éclair le frappa lors de son trajet de retour. Son regard échappé de l'intérieur rencontra celui d'un pauvre garçon sans souliers.
Sa veste rapiécée tombait en lambeaux, ses pantalons troués ne devaient pas le réchauffer beaucoup, mais il ne semblait pas s'en soucier.
Son regard vide laissait Jean-Philippe se demander quel genre d'événements pouvait dévaster quelqu'un ainsi.

"Tu sais, cet institut, Demers, je crois? avança-t-il à sa mère à l'heure du souper.

-Tu veux lâcher l'école et y entrer?

-Très amusant, mais non, ce n'est pas ça. Quel genre d'établissement c'est? Une sorte...d'asile?

-Jean-Philippe, stp!

-Je ne sais pas, moi, je pose la question!

-L'institution Demers accueille des gens aux prises avec diverses sortes de problèmes psychologiques et sert à les aider à retrouver un certain équilibre.

-D'accord."

Il hocha simplement la tête, ignorant le coup d'œil intrigué de son père et le pourquoi muet de sa mère qu'il devinait sans mal.
Avatar de l’utilisateur
Liz.22
niveau3
niveau3
Messages : 1217
Inscription : mer. févr. 17, 2010 12:48 am

#2 Message par Liz.22 »

Hummmm! Très intérressant...j'espère que tu écriras d'autres pages car je suis curieuse de découvrir la suite ;)
Les vrais amis viennent dans les bons moments quand on les appelle
et dans les mauvais moments, ils viennent d'eux-mêmes.
Avatar de l’utilisateur
Mystic Rose
niveau1
niveau1
Messages : 93
Inscription : sam. juin 05, 2010 1:24 pm
Localisation : Quebec

#3 Message par Mystic Rose »

Idem! ;) Continue!
Avatar de l’utilisateur
xoxtamxox
niveau2
niveau2
Messages : 172
Inscription : lun. nov. 30, 2009 3:31 pm

#4 Message par xoxtamxox »

Aussitot que j'ai acces a l'ordi (au BON ordi), je vous envoie d'autres pages. Par contre, je ne peux pas vous envoyer tout. Ce ne serait pas prudent de ma part. N'importe qui peut vneir et tout copier.

Le prologue, ca vous dit?
Avatar de l’utilisateur
Liz.22
niveau3
niveau3
Messages : 1217
Inscription : mer. févr. 17, 2010 12:48 am

#5 Message par Liz.22 »

;) :thumb
Les vrais amis viennent dans les bons moments quand on les appelle
et dans les mauvais moments, ils viennent d'eux-mêmes.
Avatar de l’utilisateur
poussiere d'étoiles
niveau5
niveau5
Messages : 9703
Inscription : mer. sept. 02, 2009 9:23 am
Localisation : Capitale Nationale

#6 Message par poussiere d'étoiles »

wow!! c beau en titi , intéressant à lire
:thumb
rire ca dilate la rate et ca détend tandis qu'être fru ca stress 210 muscles du visage alors on garde le sourire
Avatar de l’utilisateur
xoxtamxox
niveau2
niveau2
Messages : 172
Inscription : lun. nov. 30, 2009 3:31 pm

#7 Message par xoxtamxox »

Toute la semaine suivante, il ne dit pas grand chose et n'en parla plus.
Le samedi venu, le silence de leur fils s'était fait si pesant que les deux parents se permirent un accès à sa chambre.

Ils y trouvèrent quelques dépliants de l'institut Demers et plusieurs notes prises à propos du genre de gens qui s'y trouvaient.
Des personnes en deuil, d'autres rendues paranoïaques, certaines simplement devenues mauvaises.

L'homme et la femme échangeaient un regard perplexe quand leur garçon apparut dans l'embrasure de la porte.

"Mais qu'est-ce que...?!

-Philippe, écoute, tu...tu ne devrais pas avoir peur de nous parler de ce qui arrive dans ta vie. Qu'est-ce qui se passe?

-Rien, rien, tout va bien.

-Mais ces papiers...?

-Rien ne se passe, rien ne passe et c'est le problème. Je vous ai dit que je ne voulais pas entrer à Demers. Enfin, si! Je veux y entrer! Comme bénévole!"

En effet, après plusieurs appels, il avait découvert l'existence d'un programme tout récent d'implication des jeunes dans la vie de tous les jours.
Suivant les branches encore fragiles de ce réseau de bénévolat, l'adolescent avait pu s'inscrire comme conteur pour les clients de l'institution.

"Oh, c'est un beau projet, mon fils, mais...

-L'école passe en premier, je sais. Dès que j'aurai d'importantes difficultés, si j'en ai, j'arrêterai.

-Un sport ne te tentait pas, si ce n'est que pour passer le temps?

-Non, ça ne veut rien dire."

Quant à son projet, il lui permettrait de ressentir qu'il comblait un besoin. Ce n'était pas là qu'une question de passer le temps.

Il avait même si hâte de commencer que la semaine passée à l'école lui parut d'une longueur infinie.
Durant ce même temps, on lui apprit que l'élève avec laquelle il avait été jumelé aurait le culot de ne pas se présenter en personne et que c'était donc via messagerie électronique qu'il devrait lui venir en aide dans ses matières scolaires.

D'un autre côté, c'était une bonne chose.
Il aurait l'excuse parfaite pour utiliser l'ordinateur aussi longtemps qu'il le voulait.

*****

Malgré toutes ses bonnes volontés, son comportement devint plutôt distant sans qu'il en ait conscience et ses amis, eux, furent là pour le remarquer et en souffrir.

"J-P, qu'est-ce qui se passe avec toi mon vieux?

-De quoi tu parles?

-Tu ne parles plus, enfin!

-Qu'est-ce que tu voudrais que je dise?!

-Je ne sais pas moi. Parle donc de filles, tiens! Elle est mignonne, celle avec qui tu as été jumelé pour ton truc?

-Ahaha! Aucune idée, ça! Je dois l'aider via Internet, imagine-toi donc. J'ai eu beau m'en plaindre à la direction, dire que je pourrais peut-être aider quelqu'un qui mettrait au moins l'effort de venir à l'école, mais je me suis fait répondre que j'étais trop dur parce qu'après tout, j'ignore tout de cette fille.

-D'accord...

-Je ne sais pas pourquoi la vie est faite comme ça! Il faut toujours qu'il y ait un problème, un bâton dans les roues.

-Okay, okay, c'est vrai mais c'est bien beau tout ça...sauf que tu pourrais lui demander une photo!"

Jean-Philippe leva les yeux au ciel avec la miette d'un sourire étirant ses lèvres.

Il aimait bien Cédric, seulement il doutait qu'ils partagent le même monde.
Aussi, il ne lui avait pas parlé de ce que à quoi seraient consacrées ses prochaines fins de semaine.

Dès le vendredi soir venu, l'adolescent poussait d'une main ses livres de classe pour se consacrer à l'étude de la bibliothèque familiale. On ne lui avait parlé que très vaguement de l'homme qu'il verrait, donc il prit plusieurs romans, ignorant tout des goûts de son protégé.
Une histoire de meurtre, un récit d'aventure, un conte parlant d'amour, un roman fantastique et un recueil de nouvelles variées...Ça devrait faire l'affaire.

Cependant, malgré la préparation mentale dont il usa, Jean-Philippe se trouva bien assez tôt à faire les cent pas les bras croisés dans le dos. Il tentait de penser à toutes les possibilités d'erreurs et de gaffes pour mieux pouvoir les éviter ainsi.
Le pire aurait sans doute été d'oublier le nom de celui qu'il visitait.

Michel.
Une trentaine d'années, technicien automobile.
Récemment séparé d'une femme et d'un enfant par la même occasion.

"Souper!" cria sa mère du fond de la cuisine.

Le jeune garçon sortit brusquement du tourbillon de mots qui tournoyaient dans son esprit et rejoignit la cuisine, mais retomba bien vite dans sa torpeur.
En effet, il se lava les mains, s'assit, prit sa fourchette, mais s'occupa surtout de tripoter les aliments avec les dents argentées qu'il tenait.

Qu'est-ce qu'un adulte penserait en voyant qu'on envoyait un enfant pour s'occuper de lui?

À la place d'un tel homme, ou de son père, par exemple, Jean-Philippe aurait affirmé avec une quasi certitude qu'un gamin ne pouvait rien pour lui.

Pourraient-ils parler tous les deux, après tout, ou bien seraient-ils à un million d'années-lumière l'un de l'autre?

Son père lui avait offert de le reconduire là-bas en voiture, mais Jean-Philippe avait gentiment refusé. Peut-être voulait-il assumer une totale indépendance, peut-être aussi retardait-il simplement cette rencontre qui l'inquiétait tant.

Toutefois, inévitablement, vint le moment où le garçon nerveux se retrouva face à la porte d'entrée de la bâtisse, la poussa, entra, se présenta.

La femme mûre présente à l'accueil lui sourit poliment en lui faisant signe de la suivre. Le garçon s'activa d'un pas sans doute trop rapide, ce qui déclencha le rire léger de celle qui l'accueillait.

"Donc, comme je te le disais, tu peux venir nous voir dès que quelque chose ne va pas", fit-elle devant la porte de la chambre.

Lui acquiesça sans admettre qu'il n'avait rien écouté.

Et puis, il n'aurait qu'à faire la lecture, pas vrai?
Rien de bien sorcier.
Avatar de l’utilisateur
Mystic Rose
niveau1
niveau1
Messages : 93
Inscription : sam. juin 05, 2010 1:24 pm
Localisation : Quebec

#8 Message par Mystic Rose »

La suite...vite, on veut lire la suite!!! :cry
Avatar de l’utilisateur
xoxtamxox
niveau2
niveau2
Messages : 172
Inscription : lun. nov. 30, 2009 3:31 pm

#9 Message par xoxtamxox »

Ses pas le menèrent, peut-être bien un peu malgré lui, au bord du lit où le patient était installé. Il retint à temps la question qui lui monta aux lèvres, à savoir si Michel avait réellement trente ans.
Car il était vrai que ses grisonnants cheveux frappaient l'œil.

"Bonjour monsieur Michel", commença Jean-Philippe en s'asseyant.

Son hôte lui offrit un sourire absent et la dame referma la porte derrière elle, certaine que tout allait bien se passer.

"Salut, mon gars. C'est quoi ton petit nom?

-Jean-Philippe.

-Hey, hey, salut J-P!

-Ma mère déteste que mon père m'appelle comme ça.

-Oh, désolé alors.

-Non non, moi ça me va très bien."

Une ombre obscurcit le regard de l'homme et Jean-Philippe se dépêcha de rompre le silence.

"Je ne savais pas trop ce qui vous plaisait alors j'ai apporté plusieurs romans."

Il les déposa l'air inquiet sur le bord du matelas et attendit un si long moment qu'il crut l'heure finie.

Michel releva la tête les sourcils froncés, comme si ces quelques minutes lui avaient permis une longue réflexion sur le choix d'une histoire.

"Quel âge as-tu, J-P?

-Pas loin de dix-sept ans.

-Tu finis l'école secondaire, alors?

-J'en suis près en tout cas!

-Comptes-tu entrer au CÉGEP?

-Oui.

-Dans quel domaine?

-Là est le mystère."

Lorsqu'il revint chez lui, les parents de Jean-Philippe lui demandèrent si la lecture avait été appréciée et il ne leur avoua pas qu'ils n'avaient fait que parler.

D'ailleurs, plus il y pensait, plus il était certain que c'était la même chose pour toutes les chambres.

Après tout, lire était une activité solitaire et ces gens n'avaient aucun besoin d'une aide visuelle.

La curiosité le rongeait affreusement concernant le mal qui pouvait ronger Michel. Quel problème l'amenait là?

Il secoua la tête pour se défaire de cette idée obsessive. L'homme lui parlerait de ses tourments quand il le voudrait, lui avait autre chose à penser.

Novembre approchait et la fête de Noël arriverait sans qu'il la voie. Il devait assumer les engagements pris.

Ainsi, Jean-Philippe se connecta à sa messagerie électronique pour voir si les membres de l'équipe engagée au bal des fêtes lui avaient envoyé du travail à faire.

Heureusement le fit-il, parce qu'on l'invitait à passer la journée de dimanche au centre d'achats à la recherche de musique entraînante.

La jeune fille qu'il devait aider lui avait elle aussi écrit. Elle demandait de quels manuels ils avaient besoin et voulait savoir s'il aurait la gentillesse de lui résumer la matière vue dans chacun de leurs cours obligatoires.

"Plus tard", écrivit-il pour seule réponse.

Après tout, si elle avait choisi de prolonger ainsi ses vacances, elle pouvait bien attendre encore un peu.

*****

Le lendemain, il accompagnait une dénommée Sandra à la conquête de rythmes acceptables. Ils s'étaient entendus sur le fait qu'un bal de Noël n'obligeait pas à n'écouter que des cantiques et ne s'étaient pratiquement pas parlé depuis.

Les quatre boutiques de CD du centre commercial venaient d'y passer quand ils croisèrent Cédric.

"Holà J-P!

-Ah, Sandra! Je suis navré de te présenter mon ami Cédric, que tu aurais préféré ne jamais connaître.

-Content de te voir aussi!"

Sandra éclata de rire, encourageant Cédric dans ses bouffonneries.

"Ah, Jean, Jean, Jean! Une si jolie copine et trois mètres de distance!"

Cédric prit les deux adolescents par la taille et les poussa l'un contre l'autre.

"Que veux-tu Cédric! Certains d'entre nous ont de réelles occupations.

-Je sais, et les autres ont l'air de toi. Si tu ne t'intéresses pas plus aux filles, je vais finir par croire que tu es gai. Pas que ça me dérange, seulement je me sentirais mal que tu tombes sous mon indéniable charme. Ahaha! En tout cas, ciao!"

Sandra le regarda qui partait en sautillant, parlant pour qui voudrait l'entendre et dut attendre qu'il soit loin d'eux deux pour parvenir à ravaler cet éclat de rire qui menaçait.

"Tu as des amis intéressants, je dirais, commença-t-elle en tournant son visage vers J-P. C'est pour les fuir que tu t'es inscrit au comité, au fond?

-Ça ressemble à ça!"

Ils se quittèrent en rigolant, une poignée d'albums en main.

La semaine passa comme elle devait le faire; avec des devoirs, de l'étude et tous les préparatifs applicables aux engagements pris par le garçon.

Malgré tous ses efforts pour écraser cette hâte bouillonnante de découvrir Michel, Jean-Philippe ne put rien contre son impatience et ainsi fut amèrement déçu quand, le samedi venu, l'homme voulut qu'il lise et resta muet.
L'adolescent s'était senti très mal en découvrant ainsi son inutilité.

Michel n'avait pas semblé apprécier l'histoire. Il l'avait choisie au hasard et n'y avait pas porté la moindre attention.
C'était même à se demander lequel faisait quelque chose pour l'autre.

Cependant, Philippe ne voulait pas brusquer son interlocuteur et ne lui posa aucune question. Son excitation pour la découverte de ses secrets troublants fondit donc et il put se consacrer pleinement à ses autres activités.

La fille à laquelle il avait été jumelé lui réécrivit d'ailleurs et Jean-Philippe prit le temps de faire ce qui lui était demandé.

Un engagement était un engagement, après tout, et ce malgré le peu de respect qu'il accordait aux jeunes qui rataient l'école volontairement.

Il se serait toutefois passé de discuter avec elle, pensa-t-il en soupirant quand elle se connecta.

"Salut, Jean-Philippe. Je te remercie de m'aider.

-Ce n'est rien voyons.

-Si, si! Je suis très fatiguée, si tu savais! J'ai été tellement soulagée quand l'école m'a appris qu'on avait accepté d'être jumelé à moi. J'en aurais trop à faire toute seule.

-D'accord euh...Je te laisse, okay? Avant de t'épuiser!"

L'adolescent se passa une main sur le visage en poussant un soupir excédé.

Il se leva avec soulagement quand il fut appelé à table; sinon il ne se serait pas retenu de dire ce qu'il pensait de quelqu'un qui travaillait tellement!

"Pourquoi tu fais cet air, fils? Ça ne va pas?

-Oh oui, aucun problème. C'est simplement cette...cette fille que je suis censé aider. D'abord, on me dit que madame ne daignera même pas se montrer en personne, puis elle me demande tout naturellement un résumé de toute la matière-comme si c'était possible!-mais le pire, c'est qu'elle vient de me parler de son incroyable fatigue. Qu'est-ce qu'elle peut bien faire de si épuisant, si elle ne travaille ni à l'école, ni ailleurs!

-Seigneur, respire. Comment elle se prénomme, cette personne adorable?

-Amanda. En tout cas, il me semble!

-Veux-tu un truc, mon fils?

-Ça ne peut pas faire de mal.

-Arrête, si ça te fait à ce point stresser. C'est tout simple.

-Tu te fous de moi?

-Non, pas du tout. Rien ne t'oblige à continuer si tu n'y gagnes rien.

-Je sais, je sais...

-Je crois que notre garçon voudrait être celui qui redonne le goût aux études à une pauvre âme perdue, mon chéri.

-Je ne vois pas ce qui est si amusant. Je respecte un engagement que j'ai pris, tout simplement."

Le jeune homme se leva, frustré du nouvel éclat de rire de ses parents.

Comme pour prouver son engagement, il retourna à son ordinateur, mais la fenêtre de conversation s'était éteinte après la déconnexion d'Amanda.

Le sourire de la mesquinerie tendit ses lèvres alors qu'il imaginait une adolescente grassouillette faire les cent pas en criant sa furie contre lui. Elle frappait sans doute les murs de ses poings et devait s'essouffler facilement à cause de son embonpoint.

Curieusement et cruellement heureux que quelqu'un rechigne à ce point les études alors qu'il y voyait un privilège qu'il appréciait grandement, il se fit une joie de copier à l'ordinateur les devoirs de mathématiques, de français et d'anglais reçus dans la semaine.

"Elle ne les fera pas", pensa-t-il à voix haute.

Pourtant, l'orgueil et la fierté avaient dû la travailler puisqu'il recevait les travaux terminés deux jours plus tard.
Il les corrigea tout de suite en prenant soin de bien détailler ses explications et les renvoya avec de nouveaux travaux.
Le même manège se répéta souvent et le garçon fut surpris que chaque exercice soit fait avec tant d'attention. Ils ne tombèrent cependant jamais plus l'un sur l'autre et n'entretinrent plus qu'un contact professionnel.

Jean-Philippe comprit sans mal qu'elle l'avait supprimé de sa liste de contacts, mais cela lui passa complètement par-dessus la tête.

Tant mieux s'il pouvait se contenter de ce qu'on lui demandait sans jouer une fausse sympathie!

Ses phrases d'explication devinrent plus sèches et, s'il s'en aperçut, l'ignora délibérément.

Amanda lui remettait toutefois toujours tous ses travaux complétés et faisait ainsi grandir sa frustration, la laissant se ressentir dans chacune de ses réponses.

Elle commettait des erreurs, bien sûr, mais si peu et comprenait si vite que Jean-Philippe avait envie de se cogner la tête contre un mur.

Qu'y avait-il de si horrible à l'école, après tout? Surtout pour quelqu'un qui n'avait aucune difficulté?

La jeune fille devait faire partie de ces jeunes dont la paresse n'a pas de limite. Elle n'était pas douée; elle s'efforçait de le paraître pour accéder à un emploi payant.

En tout cas, ce ne serait certainement pas lui qui abandonnerait.
Amanda lâcherait tout d'ici quelques jours, sans doute.
Il suffisait d'attendre.
Avatar de l’utilisateur
xoxtamxox
niveau2
niveau2
Messages : 172
Inscription : lun. nov. 30, 2009 3:31 pm

#10 Message par xoxtamxox »

*****

"Bonjour Michel.

-Salut, Jean.

-Comment ça va?

-Plutôt bien, je crois. Ça dépend de l'histoire que tu m'apportes.

-Je...Je croyais qu'on poursuivrait celle de la dernière fois", répondit Jean-Philippe dans un sourire timide.

L'homme ouvrit grand les yeux, l'air étonné et s'excusa en répondant que c'était ce qu'il voulait dire, bien sûr.

L'adolescent encore peu à son aise s'installa et commença la narration. Michel y porta l'attention qu'il put, se concentrant si fort à écouter qu'il n'entendait plus rien des mots.

Jean-Philippe lisait sans s'arrêter, malgré ses coups d'œil furtifs qui lui révélaient qu'il n'avait plus vraiment d'auditoire.

Pensant qu'après tout, il ne pouvait rien faire de plus, il se plongea dans le récit narré par ses lèvres et ne releva plus la tête durant un long moment.

L'adulte, lui, s'était échappé par la fenêtre. Son regard se promenait partout, ailleurs, loin, sans qu'on sache où.

"Il neige."

Le garçon sursauta tant il dut rapidement sortir de l'histoire. Puis, un instant, il crut s'apercevoir d'un drôle de trémolo dans la voix de Michel. Il eut la bonne idée de se taire, le livre toujours ouvert sur ses genoux, et d'attendre sans savoir si, au fond, Michel remarquait qu'il n'y avait plus d'histoire.

"C'est fou, dehors...On nous parle déjà de Noce...Les boutiques sont décorées de rouge et de vert...Quelle belle fête!

-Oui, répondit gauchement Philippe sans déceler l'ironie de l'homme qui se tourna brusquement vers lui.

-Tu aimes la fête de Noel? Tu sais...ces soupers en famille où tout le monde a à se plaindre de quelque chose! On ne pense pas..."

Il s'interrompit, tentant tant bien que mal de retenir les larmes qui menaçaient.
Le garçon, fin psychologue, poursuivit son silence.

"Excuse-moi. Noel, c'est très bien, au fond, pour un jeune comme toi. Fais-tu quelque chose de particulier?

-Je prépare la fête de l'école, mais ce n'est rien d'extraordinaire.

-Peu importe, peu importe. Tu fais ça tout seul?

-Non, nous sommes un petit comité, en fait, qui organise le bal.

-Humm...C'est lors d'un bal que j'ai rencontré ma conjoi...mon ex-conjointe...enfin! As-tu beaucoup à faire pour préparer tout ça?

-Oh, vous savez, pour la musique et la nourriture, c'est facile. Rien ne change vraiment. C'est surtout la décoration qui importe. J'en suis encore à l'étape du brouillon.

-Vous devriez recouvrir le plancher d'étoiles blanches pour représenter des flocons de neige. Mettre un sapin aussi, bien sûr.

-Le sapin, lui, est déjà à son poste. Mais j'aime bien votre idée pour les flocons. Merci!

-Pas de quoi."

*****

"Tu es de bien bonne humeur ce soir", dit sa mère étonnée quand Jean-Philippe rentra.

Le garçon répondit d'un sourire espiègle et partit pour sa chambre. Bien sûr, il brûlait d'impatience de découvrir le secret de Michel, mais un contact avait été créé. C'était le premier pas.

Jean-Philippe s'avachit sur son lit les yeux pétillants, repensant à la discussion de cet après-midi. Non seulement le malaise s'était évanoui entre les deux hommes, mais il avait récolté d'excellentes idées à proposer au comité du bal des fêtes. Sa bonne humeur était telle que les messages électroniques de cette paresseuse d'Amanda n'y changèrent rien quand il les lut.
Il existait des gens plus importants.

Une fois sa liste de contacts parcourue, il trouva sans mal le numéro de Sandra et l'invita à l'accompagner le lendemain au centre d'achats. Elle accepta joyeusement, sans bien comprendre la subite bonne humeur de son ami.

*****

Dimanche matin, l'adolescente naïve se leva plus tôt que d'ordinaire. Elle se doucha, s'habilla avec soin, se maquilla quelque peu et mit ses boucles d'oreilles de cristal pour la première fois en se donnant un clin d'œil dans le miroir.

*****

Après la sortie au centre commercial du dimanche après-midi, l'humeur des pieds rougis témoignait des heures passées.

Sandra n'aurait pas cru possible de voir un jour un garçon si emballé par du magasinage!

Jean-Philippe l'avait accueillie tout sourire et lui avait brusquement pris la main pour l'entraîner dans une course effrénée d'une boutique à l'autre.
Ses lèvres ne s'étaient jamais tues et, par elle ne savait quel miracle, c'était elle qui avait supplié de s'arrêter pour s'asseoir et souffler un peu.
Ce n'était qu'alors, aussi, que le garçon s'était inquiété de savoir si ses idées étaient bonnes et si elles lui plaisaient.

Sandra avait mis un instant à comprendre, occupée qu'elle était à contrôler la rougeur de ses joues.

"La plupart sont excellentes. Tu en parleras demain midi au comité. Par contre, la direction nous a demandé de ne rien étendre au sol.

-Quoi? Mais pourquoi?

-Pour que, je cite, tous et chacun puissent circuler librement et sans aucun danger.

-Ce sont des bouts de papier!

-C'est la règle, désolée. Tu iras t'en plaindre, si tu veux.

-Non, je crois qu'ils m'ont assez vu."

L'affaissement soudain de ses épaules avait déclenché un tel rire chez sa camarade qu'il s'était demandé s'il n'avait pas quelque chose au visage.

Maintenant, étendue dans sa chambre, l'adolescente se remettait en question.
Elle n'avait pas osé lui demander pourquoi il l'avait appelée elle et pas quelqu'un d'autre pour partager ses idées alors qu'il le referait le lendemain devant le comité, quoiqu'au fond rien ne l'avait empêchée de poser la question mis à part elle-même.

Pourquoi se torturer en écoutant une réponse qu'elle devinait déjà?
Il pensait à une autre fille.

Peut-être était-ce elle qui lui avait fourni une telle inspiration.

*****

Le lendemain, comme Sandra le lui avait prédit, le comité refusa la proposition de Jean-Philippe d'étendre des nuées d'étoiles au sol.

Déçu de se rendre compte que personne ne partageait son enthousiasme pour l'idée de Michel, il apporta chez lui plus de manuels que d'habitude et se plongea dans l'étude.
Que faire sinon?
Il ne voyait pas ce qu'il pouvait faire pour le bal avant que vienne le soir de décoration et encore plusieurs jours le séparaient de l'homme qu'il voulait découvrir.

Puis, les examens approchaient.

Sa soirée entière passa donc dans les différentes matières. Il s'arrêta seulement pour souper et se doucher et la sonnerie du téléphone le dérangea vers 21h00.

Drôle d'heure pour appeler un lundi soir, pensa-t-il en se relevant de son livre de mathématiques pour décrocher.

Une voix inconnue demandait à lui parler.
Avatar de l’utilisateur
Mystic Rose
niveau1
niveau1
Messages : 93
Inscription : sam. juin 05, 2010 1:24 pm
Localisation : Quebec

#11 Message par Mystic Rose »

Une voix inconnue demandait à lui parler et.......... :cry
Avatar de l’utilisateur
xoxtamxox
niveau2
niveau2
Messages : 172
Inscription : lun. nov. 30, 2009 3:31 pm

#12 Message par xoxtamxox »

"C'est moi.

-Oh salut! C'est Amanda."

Force lui fut de se souvenir d'où il connaissait une fille de ce prénom.

"Je me demandais si tu ne pouvais pas m'expliquer de vive voix la fonction logarithmique. Ce serait moins compliqué que par écrit."

D'abord, elle ne parlait pas comme les adolescents de cet âge. Puis, elle était sûre d'elle; elle ne s'excusait pas de composer un numéro qu'on ne lui avait jamais donné.

"Jean-Philippe?"

Finalement, son premier réflexe n'avait pas été de le surnommer tout de suite J-P.

"Oui, oui! Excuse-moi.

-Je me demandais si tu dormais.

-Aha! C'est presque ça. Bon! Oui, oui, je peux t'expliquer tout ça maintenant. Tu tombes bien, mon manuel de maths est sur mes genoux.

-Ouvert ou pas?

-Qu'est-ce que ça change?

-S'il est ouvert, c'est bon signe. Tu étudies, donc tu dois connaître ta matière et je peux te faire confiance.

-Okay, et s'il est fermé?

-C'est un porte-verre."

Jean-Philippe éclata d'un rire qui dura longtemps.

"Je n'ai qu'une heure pour te parler alors est-ce qu'on peut...?

-Oui, oui, tout de suite. D'abord, il faut savoir que..."

Il résuma, expliqua de son mieux les liens entre la fonction logarithmique et la fonction exponentielle et lui promit de lui envoyer des exemples qui lui montreraient mieux que des mots comment passer de l'une à l'autre.

"Il est dix heures moins cinq, je vais devoir raccrocher bientôt.

-Si tu veux, donne-moi ton numéro et on révise tout demain.

-Non! Je veux dire...Tu ne peux pas m'appeler.

-Okay, alors tu pourrais appeler plus tôt?

-Non plus, désolée. La même heure, ça te va?"

Elle sait ce qu'elle veut, dis donc, se dit le garçon en reposant le combiné sur son socle.

*****

"C'est encore moi!

-Pile à l'heure en plus. Bravo. Résume-moi ce qu'on s'est expliqué hier.

-Pas de problème!"

Effectivement, elle n'eut pas la moindre misère à tout expliquer et à répondre à ses questions.

"Tu n'as pas besoin de moi, au fond. Tu t'ennuies, c'est tout.

-Exactement! Parle-moi de ta journée!

-Aujourd'hui, rien de spécial à dire. Hier, par contre...!

-Vas-y, développe.

-Bien je fais partie du comité organisateur de la fête de Noel. J'en ai parlé à quelqu'un qui m'a donné une merveilleuse idée pour la déco, mais la suggestion a été refusée.

-Pas habituée à te faire dire non?

-Ce n'est pas ça! C'est juste que j'ai trouvé l'argument tellement stupide et sans fondement. J'ai proposé de disperser des étoiles blanches en papier au sol pour imiter des flocons de neige, mais on m'a interdit de mettre quoi que ce soit comme ça sur le plancher pour que les déplacements de tous se fassent en toute sécurité. Ce sont des bouts de papier enfin! Tu y crois, toi?

-Tu pourrais être surpris! C'est tout? Rien d'autre n'a affecté ton moral?

-Oh si! Une amie relativement nouvelle s'est montrée distante. Elle m'a pratiquement ignoré et je ne sais pas ce que j'ai fait de mal. Pourtant, dimanche, on s'était bien amusés.

-Où étiez-vous? Il s'est passé un truc particulier?

-Non, il ne me semble pas. On était au centre commercial. Elle était normale à l'arrivée, elle semblait de très bonne humeur. Elle s'était maquillée, avait mis des bijoux que je ne lui avais jamais vus, souriait, avait les yeux brillants.

-C'est ta petite amie?

-Non.

-Voilà son problème.

-Tu ne sautes pas un peu vite aux conclusions?

-Ça m'étonnerait que je me trompe. Va lui demander."

C'était bel et bien ce qu'il allait faire lorsqu'il ouvrit son casier et qu'il en tomba une lettre pliée quinze millions de fois.
Il alla directement vers Sandra, avec une expression trop sérieuse au visage pour qu'elle doute de la réponse.

"Sandra...

-Laisse tomber, j'ai compris. Ce n'est pas grave. On reste amis."

Jean-Philippe la prit dans ses bras, tout désolé qu'il était.

"Non, laisse-moi. Tu empires les choses.

-Pardon.

Ce n'est rien. Ton cœur est déjà pris, alors?

-Sans doute.

-Je la connais?

-Non.

-Dis-moi comment elle s'appelle.

-Ce n'est pas une fille.

-Oh!

-Non, non! Ce n'est pas un gars non plus. Seulement mon cœur est pris par mes pensées à propos de choses dont je ne veux pas parler.

-D'accord...Salut."

*****

"Tu avais raison, Amanda.

-Je sais, merci de l'admettre. À propos de quoi cette fois?

-De Sandra.

-Elle tient bon?

-Je crois bien.

-Et toi? Ton cœur est-il pris déjà?

-Elle m'a demandé la même chose et je lui ai malencontreusement dit qu'il était pris, mais pas par une fille.

-Félicitations. En cet instant, toute l'école doit te penser homosexuel.

-Non, j'ai mis les choses au clair.

-Espérons!

-Changement de sujet: tu ne veux pas me dire comment tu as trouvé mon numéro?

-Je pourrais bien, mais je devrais t'éliminer.

-Et alors?

-Je n'aurais plus personne à qui parler."

Après leur heure déjà devenue quotidienne de discussion farfelue, l'adolescent se prépara une collation et rejoignit son père au salon.
Ce dernier l'accueillit d'un drôle de regard inquisiteur.

"Quoi?

-Je me demande ce qu'un adolescent mâle peut bien faire seul dans sa chambre pour rire autant.

-Aha! J'étais au téléphone.

-Hier aussi.

-Et lundi également, est-ce que c'est un crime?

-Est-ce que tu parlais à la même personne chaque fois?

-Oui.

-Qui c'était?

-Cette fille que j'aide à rattraper le temps perdu.

-Cette fille contre laquelle tu grognais constamment? Tu disais la trouver paresseuse, sans ambition et mourir d'envie de lui dire d'aller vite s'acheter une vie.

-Je sais bien...Mais je me suis trompé à son sujet, je crois.

-Qu'est-ce qui te fait croire ça?

-C'est d'abord l'application qu'elle a mise dans tous les exercices que je lui ai envoyés. Puis, une paresseuse n'aurait pas cherché mon numéro de téléphone.

-Tu marques un point. Tant mieux si vous vous entendez si bien aussi vite. Comptes-tu la voir en personne?

-Ce serait difficile, je pense.

-Qu'est-ce que tu veux dire?

-Je n'ai pas le droit de l'appeler moi-même et elle ne peut même pas utiliser le téléphone en dehors des heures qu'on lui donne.

-Et puis...?

-Imagine le genre de parents!

-Ah, c'est ça que tu veux dire.

-Oui. Je ne me sens pas vraiment fatigué. On se met un film?

-Et comment! J'attendais juste que tu l'offres!

-As-tu une suggestion?"

Ils s'entendirent sur un Bruce Willis qu'ils visionnèrent ensemble jusqu'à ce que l'un d'eux s'endorme.

Jean-Philippe jeta un œil à son père somnolant et eut le respect d'arrêter le film. Toutefois, il resta assis un long moment à fixer l'écran noir malgré l'heure tardive.
Encore une fois, le garçon se demandait pourquoi une fille aussi intelligente n'allait pas à l'école.

Cette fois, cependant, la question attendait une réponse.
Avatar de l’utilisateur
Mystic Rose
niveau1
niveau1
Messages : 93
Inscription : sam. juin 05, 2010 1:24 pm
Localisation : Quebec

#13 Message par Mystic Rose »

:thumb Vite...vite....je meurs d'envie de savoir la suite!
Avatar de l’utilisateur
xoxtamxox
niveau2
niveau2
Messages : 172
Inscription : lun. nov. 30, 2009 3:31 pm

#14 Message par xoxtamxox »

*****

La journée de jeudi passa si lentement qu'elle lui tapa royalement sur les nerfs. Dans chaque classe, son pied tapait nerveusement alors que ses doigts pianotaient sur son pupitre. L'horloge trouvait toujours son œil.

Heureusement qu'il avait à passer un examen formatif à la deuxième période pour l'occuper parce que Jean-Philippe en avait plus qu'assez d'entendre chaque notion apprise se faire répéter vingt fois par chaque enseignant.

L'heure de dîner venue, l'adolescent se sentit plus que jamais détaché de sa bande.

Quand il s'assit enfin dans l'autobus qui le ramenait chez lui, il poussa un tel soupir qu'il attira l'attention de tous.

À table chez lui, il vit bien qu'il attirait l'attention de ses parents mais n'en dit rien.

Jean-Philippe mangeait avec une rapidité excessive, tournait sans arrêt la tête et ne répondait que par monosyllabes.

Passé onze heures, son père le retrouva endormi au salon, le téléphone entre les mains. Sa femme le rejoignit et s'accota contre son épaule.

"La journée a été longue.

-On dirait."

*****

Vendredi soir, Jean-Philippe accepta l'invitation de ses amis à aller au cinéma, refusant d'avoir l'air aussi imbécile que la veille.
Le film idiot visionné lui fit un bien immense, permettant de repousser tout ce qui lui trottait dans la tête.

Le lendemain, Michel lui parla de nouveau. Il osa même tourner vers l'adolescent son regard rougi et embué.

"Tu as une copine, J-P?"demanda-t-il d'une voix enrouée.

Il le voyait comme si c'était la première fois.
Mais ce l'était peut-être, au fond.

Jean-Philippe sentait se promener l'œil qui détaillait ses cheveux, son visage, ses mains et l'ensemble de son corps. Embarrassé du poids de ce regard, il avait tourné la tête.
Quand il revint à sa première position, il rencontra la mâchoire tremblante de l'homme, ses mains crispées sur le tissu de la couverture et son regard perdu.

"Michel...?

-Va-t-en", ordonna-t-il brusquement.

Le garçon surpris obéit maladroitement et fut arrêté lorsqu'il toucha la porte.

"Attends, excuse-moi."

Il s'essuya le visage d'une main.

"Tu peux rester. Tiens, continue donc l'histoire qu'on a commencée."

*****

Il était prêt d'y toucher.

La bulle dans laquelle se cachait Michel avait failli éclater et Jean-Philippe en était pleinement conscient.
Si cela augmentait ou diminuait son impatience était toutefois un mystère, même pour lui.

Une fois rentré, il avait entrepris de noter le déroulement des précédentes rencontres avec Michel dans un vieux cahier Canada encore vierge.
Sans doute pourrait-il créer des liens en relisant tout de temps en temps. Les choses avanceraient peut-être plus vite de cette façon.

"Philippe, un téléphone pour toi"

Philippe leva des yeux allumés d'une flamme étrange.

"Allô, Amanda.

-Oh! Euh...salut. Tu savais que c'était moi?

-On dirait! Mais j'aurais aussi bien pu me tromper. C'est un coup de chance.

-D'accord! Veux-tu écouter un film?

-Avec toi?

-Oui...

-Au téléphone?

-Tu comprends vite.

-Pourquoi pas au cinéma?

-Beaucoup trop ordinaire. On s'ennuie tous les deux et c'est samedi soir. Pourquoi pas?

-Pourquoi pas en effet! Lequel?

-Bruce Willis te tente?

-Toi, je t'adore déjà."

Après l'écoute du film ponctuée de leurs commentaires hilarants, Jean-Philippe se prépara silencieusement à se coucher.
Étendu sur le matelas de son lit avec les yeux rivés au plafond, la dernière pensée qu'il eut fut à propos des habituelles heures d'appel d'Amanda.

Elle avait enfreint la règle pour lui.

*****

"Claude, as-tu parlé à Jean-Philippe?

-Qu'est-ce que tu veux dire, chérie?

-Il me semble distant, ces derniers temps. Il en devient même bête.

-Ce doit être la fin de l'étape qui le travaille.

-Tu crois? Simplement?

-Allons, chérie, c'est normal. C'est sa dernière année, il doit avoir beaucoup d'examens sur les bras."

La mère ne fut pas pour autant complètement rassurée et ses pensées à propos de leur fils continuèrent de la tirailler plusieurs jours durant.
Légèrement angoissée, elle faisait parfois les cent pas devant la porte de la chambre vide en ayant cependant toujours le respect de ne pas y entrer.

Ainsi, elle ne vit rien des notes qui montraient de façon flagrante qui occupait l'esprit de son fils.

*****

La première vraie neige ne tomba que vers la mi-novembre. Elle recouvrait le sol d'un tapis poudreux et le givre cristallisait les branches nues des arbres.
Seuls les conifères portaient encore leurs verts habits, régnant sur cette saison qui serait la leur.
Le soleil dont les rayons renvoyaient la blancheur crue du sol et des toits n'avait toutefois pas quitté sa place.

Jean-Philippe se secoua les pieds en entrant à l'institut. Il n'eut pas le temps de s'asseoir et de se mettre à lire avant que Michel commence à parler.

Son regard n'était étrangement plus habité du même vide qu'auparavant.

Il se tenait fébrilement assis au lit, ayant cette fois choisi de rester au-dessus des couvertures.

"Le sol est couvert de neige...Et il y a la glace...L'air est vif, vivifiant...

-Il fait froid aussi! dit Philippe sans pouvoir s'en empêcher.

-Le ciel est figé... Pareil pour les branches...prisonnières du gel...On dirait que le temps s'arrête le temps d'un regard sur les arbres...

-C'est d'une beauté rare.

-Je ne sais pas ce qui devrait effrayer le plus entre une horloge en marche et une horloge brisée...L'arrêt du temps ou sa trop grande vitesse?"

Étant donné le peu d'écoute de Michel pour lui, Jean-Philippe laissa sa question sans réponse.

"Le changement des saisons, ça, c'est la vie. L'hiver, par contre...le gel...la mort. Statique. Immobile. En attente..."

À ce point, le garçon tendit les oreilles.

Le fil de la conversation le perdait de plus en plus par son intrigante direction.

"...décédé...Tu sais, ce que je disais...ces gens qui se plaignent d'une dinde trop cuite alors qu'ils ne réalisent rien du gel et de sa gravité...Je...Je déteste les gens...vraiment...Et l'hiver et l'été et la famille et les femmes et les enfants..."

Cette fois on ne pouvait plus attentif, Jean-Philippe attendit la suite avec appréhension.
Il avait plus que du mal à tisser des liens de congruité entre les paroles de l'homme.

Ce dernier, regardant ses mains se tordent, les arrêta et ne bougea plus un instant.
Sa respiration se fit plus profonde et son regard se vida de nouveau.

Le visage éteint, il leva les yeux devant lui dans un souffle glacé.

"J'ai tué quelqu'un."
Avatar de l’utilisateur
Mystic Rose
niveau1
niveau1
Messages : 93
Inscription : sam. juin 05, 2010 1:24 pm
Localisation : Quebec

#15 Message par Mystic Rose »

Ouhhh! Il a tué quelqu'un...."suite :)))"....
En passant, j,adore cette phrase "-
Je ne sais pas ce qui devrait effrayer le plus entre une horloge en marche et une horloge brisée...L'arrêt du temps ou sa trop grande vitesse?"
:love
Répondre