Québec — L'ancien premier ministre Lucien Bouchard croit que le Québec doit embrasser un nouveau rêve, trouver «le tremplin de notre nouveau départ». Mais ce n'est pas la souveraineté: ce projet n'est pas une solution puisqu'il n'est pas réalisable.
Lucien Bouchard participait à un forum sur les 100 dernières années de vie politique au Québec, organisé par l'Institut du Nouveau Monde dans le cadre du centenaire du Devoir. C'était pour l'ancien premier ministre une première sortie publique importante depuis sa démission en 2001. Il a insisté sur la puissance du rêve pour une nation, de l'importance de voir grand comme ce fut le cas lors de la Révolution tranquille, le moment clé des 100 dernières années au Québec, selon lui.
Mais ce rêve libérateur, ce n'est pas celui de la souveraineté. «À vue de nez, non. Pauline Marois ne veut pas faire de référendum. Elle sait que ce n'est pas le temps. Le monde n'en veut pas à court terme; ça veut dire plusieurs années», a-t-il dit en réponse aux questions des journalistes. M. Bouchard est persuadé qu'il ne verra pas un autre référendum sur la souveraineté de son vivant. L'ancien chef péquiste est toujours souverainiste, mais la souveraineté est devenue une question hypothétique; elle n'est donc pas une solution aux problèmes du Québec.
Reprenant des éléments du discours des Lucides, Lucien Bouchard a dit qu'il fallait que le Québec «secoue sa torpeur et se remette en marche», qu'il accepte de voir les obstacles qui lui barrent la route, comme le fort taux de décrochage scolaire, le piètre financement des universités et les tarifs d'électricité trop bas.
En plus de cette douche froide réservée aux souverainistes, Lucien Bouchard s'est montré critique envers les débats qui ont cours sur la laïcité de l'État au sein du Parti québécois. Le PQ a l'air de vouloir remplacer l'Action démocratique du Québec dans la «niche de radicalisme». Il a défendu son frère Gérard Bouchard, reprochant à Pauline Marois d'avoir traité ce dernier d'Elvis Gratton.
Lucien Bouchard s'oppose à l'interdiction de la burqa dans les lieux publics et à l'introduction d'une «police du voile». Selon lui, la question de la laïcité de l'État est «exagérée»; cette laïcité n'est pas menacée. «Je pense à René Lévesque. René Lévesque, c'était l'homme de la générosité. Il ne se posait pas de questions comme ça. Il n'avait pas peur de voir arriver les immigrants», a rappelé l'ancien chef péquiste. Il a plaidé pour une «société humaniste et ouverte». La seule limite qu'il faut imposer aux accommodements raisonnables, c'est quand ils entrent en conflit avec l'égalité entre les hommes et les femmes.
Animé par le directeur de l'Institut du Nouveau Monde, Michel Venne, le forum réunissait, avec Lucien Bouchard, Diane Wilhelmy, ancienne sous-ministre au ministre canadien des affaires intergouvernementales sous Robert Bourassa au moment des négociations de l'accord du Lac-Meech, Daniel Jacques, philosophe, professeur au cégep François-Xavier-Garneau de Québec et auteur de La Fatigue politique du Québec français, et Carole Beaulieu, rédactrice en chef de L'actualité. C'est le directeur du Devoir, Bernard Descôteaux, qui a ouvert le forum, qui fut clôturé par une synthèse livrée par la rédactrice en chef du Devoir, Josée Boileau.
Les panélistes devaient indiquer quel était, à leurs yeux, le moment clé des 100 dernières années au Québec et aussi celui qu'ils ont vécu et qui les a le plus marqués. Si la Révolution tranquille fut le moment clé pour Lucien Bouchard, c'est sa rencontre, à New York, avec les bonzes de Standard and Poor's qui voulaient décoter le Québec qui l'a le plus secoué. C'est au lendemain du sommet socio-économique de 1996, où l'objectif du déficit zéro fut approuvé. «J'ai supplié ces gens sans émotions de ne pas nous décoter, s'est rappelé M. Bouchard. J'étais surtout humilié.»
Pour Diane Wilhelmy, c'est le changement du rôle des femmes qui a été l'élément marquant des derniers 100 ans. Pour Daniel Jacques, qui croit, un peu comme Lucien Bouchard, qu'au Québec on manque d'ambitions collectivement, le fait marquant, c'est la déclaration de René Lévesque le soir de la défaite lors du référendum de 1980: «Si je vous ai bien compris, vous êtes en train de me dire: "À la prochaine fois".» Ce fut une «erreur historique» de sa part, juge Daniel Jacques; il aurait dû démissionner. De son côté, Carole Beaulieu estime que les panélistes sont «sévères» envers le peuple québécois. Les Québécois sont plus intéressés par leur vie individuelle que par leur destin collectif. «Est-ce que c'est si grave que ça qu'une société ne soit pas tellement politique?», a avancé Carole Beaulieu, qui a plaidé pour que le Québec devienne la première société verte en Amérique du Nord, en alliance avec les Premières Nations.
Le QQQ va demolir Bouchard pour oser defier la pensee unique. D'autres y ont deja passe.