Se regarder dans la glace

[VirtuoseII]

Se regarder dans la glace

Par Fernand Mucci (Février 1998)

Un midi, en sortant de l'ascenseur, un collègue m'interpelle: "j'ai bien hâte de voir ce que tu pourras écrire sur cette tempête de verglas". Ce à quoi je réponds sans aucune hésitation "moi aussi!".

Et voici qu'en y réfléchissant, je deviens tout à coup plus conscient que la nature se déchaîne sous de multiples formes et cela, en de plus en plus d'endroits sur la planète. Certes, je sympathise avec tous ceux qui ont subi des inconvénients lors de cette tempête. En même temps, je mesure combien nous sommes devenus dépendants des technologies de production et de transport d'énergie, des outils de télécommunication et des médias. Les élans de solidarité me réconfortent alors que les profiteurs me désolent. Enfin, le post mortem permettra d'identifier les héros et les coupables.

Apprendre sur nous-même

Tous et chacun auront pu observer les réactions chez les autres, évaluer les niveaux de tolérance, le degré de patience, les manifestations d'anxiété, les notions de justice, le degré de courage, les écarts entre la parole et le geste et enfin, les zones limites des personnes et des groupes. Cependant, tout cela est enrichissant à la condition de ne pas rater l'essentiel de cette expérience. Mais, comment peut on parler de l'essentiel s'il y a autant d'expériences qu'il y d'individus donc des millions de manières différentes de vivre cette expérience unique, chacune des expériences étant construite à partir d'un traitement personnel des informations? Vu sous cet angle, l'événement constitue une mine d'informations sur soi et sur les autres. Mais l'essentiel demeure ce que cette expérience nous apprend sur nous-mêmes.

Prise de conscience

En effet, chacun de nos comportements durant ces événements révèle des valeurs profondes auxquelles nous sommes attachés. Par exemple, mettons-nous en péril notre vie pour protéger nos biens matériels? Avons-nous de la compassion à l'égard des craintes de nos proches? Comment accueillons-nous les demandes d'aide? Comment réagissons-nous face aux incapacités et aux faiblesses des autres? Avons nous eu des réflexes créateurs ou innovateurs pour remettre les choses en marche? Comment réagissons nous face au silence? À la noirceur? Au dépaysement? À l'attente? Sommes nous rassurant pour les enfants? Sommes-nous patients? Notre comportement inspire-t-il le courage? Comment faisons-nous face à l'impossibilité de respecter nos standards habituels d'hygiène? À une modification radicale de notre alimentation? Quel est notre rapport avec le feu, l'eau, l'air? Comment on s'endort? Comment on s'éveille? Qu'est ce que l'on s'est dit que l'on ferait pour ne pas être pris dans la même situation à l'avenir? Faisons nous confiance aux autres? Sommes nous fiers de notre comportement? Serions nous prêt à écrire une livre sur notre expérience? Avons nous des choses que nous pourrions apprendre à d'autres? Etc.

Répondre à ces questions c'est se regarder dans la glasse et se demander si nous avons été à la hauteur de ce que nous prétendons être. C'est l'épreuve qui révèle notre degré de cohérence et qui nous donne la mesure de la marche à monter pour être fier de soi. C'est un appel à se mettre à jour dans nos valeurs et revoir notre mission personnelle.

Suivre les chemins du coeur

Notre planète semble être dans une phase où elle nous rappelle que nous ne sommes que des locataires et qu'elle a des limites à ce qu'elle peut tolérer. Ses manifestations sont elles des réactions aux abus de l'homme ou simplement l'évolution normale d'une planète au sein d'un système solaire au sein d'une galaxie? Peu importe, le résultat est le même! Notre bonne vielle terre, par ses écarts, nous rappelle comment la vie est précieuse, comment le temps est limité, comment tout peut basculer en quelques minutes. C'est un appel à suivre les chemins du coeur, à vivre chaque instant comme si c'était le dernier et à laisser à chacun la possibilité de se réaliser ici et maintenant.