Vole Goéland, vole… !

[Manon]

Vole Goéland, vole… !

Le seul que j’aie connu s’appelait Jonathan,
Et me portait aux nues lorsque j’étais enfant !
Mais dis-moi, d’où viens-tu, superbe Goéland,
Ne t’aurais-je pas vu traversant l’océan ?

Tu me sembles déçu du voyage et pourtant,
Les hommes s’évertuent à sillonner autant
D’espaces inconnus à travers continents,
Mais tu es revenu, malheureux, en pleurant.

Quand j’étais Goéland, dans mes rêves perdus,
Je volais le beau temps aux pays étendus,
Me cachant parfois dans les nuages joufflus
Mais l’orage grondant m’a bien vite vaincue.

En écoutant le vent, j’ai souvent entendu
Des sanglots déchirants, des plaintes éperdues,
Des mensonges déments, des prières tordues,
Le silence étouffant de ceux qui n’aiment plus.

Mon regard abattu voyait couler le sang
Dans la mer que polluent les mauvais sentiments ;
Les hommes s’entretuent pour demeurer vivants,
Je me suis souvenu d’un monde différent.

Dans un arbre feuillu, les amours du printemps
Et des oiseaux émus, leurs petits gazouillant
Près de fleurs ingénues et de fruits croustillants
Dans jardin touffu d’un naturel charmant.

La valse du courant, ses vagues suspendues
Sous les feutres dansants de l’écume moussue,
Mariait l’océan aux rivières dodues
Sous des cieux promettant meilleur, bien entendu.

Au réveil, cependant, tout avait disparu ;
Comme toi, en pleurant, et comme toi, déçue,
Dans mon isolement, me voilà revenue,
Impatiente, cherchant la phrase que j’ai lue :

« Nous ne sommes pas faits pour vivre dans la civilisation,
Nous sommes trop humains pour cela. » (D.T.)

Vole Goéland, vole … tes ailes ont écrit ton rêve au paradis.

Manon