Yes, I speak French !
Publié : lun. janv. 21, 2008 8:27 pm
Deux clientes entrent dans une boutique du centre-ville de Montréal. La première s’extasie devant un chandail : Wow ! Son amie la rejoint : Cool !
La vendeuse intervient :
– Can I help you ?
–Yes, I want...
Son amie l’interrompt :
– Qu’est-ce que tu fais là ? On est au Québec, icitte ! Fais-toé servir dans ta langue !
–T’as raison, man ! Do you speak French ?
–No, sorry!
– Ah ben ça, c’est l’boutte ! Bill 101, ring a bell ? ‘stie ! Je veux être servie dans ma bouche !
– Dans ta langue, Manon !
– C’est vrai, on n’est pas au restaurant ! Dans ma langue ! In my tongue !
La vendeuse hausse les épaules :
– I don’t understand !
– Ben c’est ça, le problème, avec vous autres, vous ne nous comprenez pas ! Mais on est la majorité. C’est un manque de respect pour notre gang ! Savez-vous c’est quoi le respect, madame ? R-E-S-P-E-C-T ! Même Aretha Franklin est capable de l’épeler en français !
– Avec un accent, par exemple...
– Ça, c’est pas grave, au moins elle se force. Forcez-vous ! C’est tout ce qu’on vous demande, de vous forcer un peu. Vous connaissez sûrement quelques mots en français : déjà-vu, soufflé, oh la la, voulez-vous coucher avec moi ?
– Sorry !
–Sorry, sorry, on est tannés que vous soyez sorry. Vous, vous pensez que c’est niaiseux, mais si on ne se fait pas respecter, on va disparaître ! Moi, j’veux maigrir mais j’veux pas disparaître ! Capitche ?
–I don’t understand !
– Manon, passe-moi ton phone, j’appelle les nouvelles !
– Attends ! Avant, je veux voir la boss. Miss, je veux voir la boss ! I want to see the bump !
–I don’t understand...
– Ah ben là, shit, ça va faire ! J’me force pour parler sa langue pis a m’understande pas encore ! On sacre notre camp d’icitte ! Vous aurez pas notre cash ! C’est fini ce temps-là ! On n’est plus des bouffons, on est le Cirque du Soleil, astheure !
Les deux copines sortent du magasin, fières d’elles. Deux vitrines plus loin, elles voient le même chandail, elles s’empressent d’entrer. Le vendeur les accueille :
– Hello !
– Bonjour, do you speak French ?
–Yes, I speak French !
–Boonnn ! Enfin quelqu’un qui parle français ! Je veux le top midnight blue dans le small.
– OK.
Le vendeur va chercher le chandail bleu nuit, taille petite, et le met dans une boîte. Puis il pitonne sur la caisse enregistreuse. Manon est ravie, et se retourne vers son amie :
– Non, mais c’est-tu le fun de se faire servir en français ?
– Mets-en, ma chum !
Elle donne 50 $ au vendeur. L’amie est prête à s’en aller :
– Qu’est-ce qu’on fait tonight ? On va-tu voir Across the Universe ou P.S. I Love You ?
–Relaxe ! J’attends mon change.
Le vendeur lui remet sa monnaie.
– Merci ! Pis félicitations pour votre français !
Elles sortent du magasin.
– Moi, un anglais qui se force à parler notre langue, ça m’émotionne tellement, un peu plus je l’aurais frenché !
–Calm down Manon, take it easy !
Pendant ce temps, le patron de la boutique vient voir son employé et lui dit qu’il ne savait pas qu’il parlait français. L’employé lui répond : « You don’t have to speak French to understand the Québécois, you just have to pretend to do so. »
Un top midnight blue dans le small, c’est pas difficile à comprendre, même pour un Anglais de Westmount. Un submarine avec des chicken wings non plus.
Le vendeur n’a fait qu’appliquer à ses clientes la méthode Harper : avoir l’air de satisfaire les Québécois, tout en ne changeant absolument rien. Bravo pour votre belle nation ! De toute façon, dans le français des Québécois, il y a au moins 51 % d’anglais, ce n’est qu’une question de temps avant que les anglophones unilingues nous comprennent à 100 %.
Stéphane Laporte
La Presse
http://www.cyberpresse.ca/article/20080 ... ACTUALITES
La vendeuse intervient :
– Can I help you ?
–Yes, I want...
Son amie l’interrompt :
– Qu’est-ce que tu fais là ? On est au Québec, icitte ! Fais-toé servir dans ta langue !
–T’as raison, man ! Do you speak French ?
–No, sorry!
– Ah ben ça, c’est l’boutte ! Bill 101, ring a bell ? ‘stie ! Je veux être servie dans ma bouche !
– Dans ta langue, Manon !
– C’est vrai, on n’est pas au restaurant ! Dans ma langue ! In my tongue !
La vendeuse hausse les épaules :
– I don’t understand !
– Ben c’est ça, le problème, avec vous autres, vous ne nous comprenez pas ! Mais on est la majorité. C’est un manque de respect pour notre gang ! Savez-vous c’est quoi le respect, madame ? R-E-S-P-E-C-T ! Même Aretha Franklin est capable de l’épeler en français !
– Avec un accent, par exemple...
– Ça, c’est pas grave, au moins elle se force. Forcez-vous ! C’est tout ce qu’on vous demande, de vous forcer un peu. Vous connaissez sûrement quelques mots en français : déjà-vu, soufflé, oh la la, voulez-vous coucher avec moi ?
– Sorry !
–Sorry, sorry, on est tannés que vous soyez sorry. Vous, vous pensez que c’est niaiseux, mais si on ne se fait pas respecter, on va disparaître ! Moi, j’veux maigrir mais j’veux pas disparaître ! Capitche ?
–I don’t understand !
– Manon, passe-moi ton phone, j’appelle les nouvelles !
– Attends ! Avant, je veux voir la boss. Miss, je veux voir la boss ! I want to see the bump !
–I don’t understand...
– Ah ben là, shit, ça va faire ! J’me force pour parler sa langue pis a m’understande pas encore ! On sacre notre camp d’icitte ! Vous aurez pas notre cash ! C’est fini ce temps-là ! On n’est plus des bouffons, on est le Cirque du Soleil, astheure !
Les deux copines sortent du magasin, fières d’elles. Deux vitrines plus loin, elles voient le même chandail, elles s’empressent d’entrer. Le vendeur les accueille :
– Hello !
– Bonjour, do you speak French ?
–Yes, I speak French !
–Boonnn ! Enfin quelqu’un qui parle français ! Je veux le top midnight blue dans le small.
– OK.
Le vendeur va chercher le chandail bleu nuit, taille petite, et le met dans une boîte. Puis il pitonne sur la caisse enregistreuse. Manon est ravie, et se retourne vers son amie :
– Non, mais c’est-tu le fun de se faire servir en français ?
– Mets-en, ma chum !
Elle donne 50 $ au vendeur. L’amie est prête à s’en aller :
– Qu’est-ce qu’on fait tonight ? On va-tu voir Across the Universe ou P.S. I Love You ?
–Relaxe ! J’attends mon change.
Le vendeur lui remet sa monnaie.
– Merci ! Pis félicitations pour votre français !
Elles sortent du magasin.
– Moi, un anglais qui se force à parler notre langue, ça m’émotionne tellement, un peu plus je l’aurais frenché !
–Calm down Manon, take it easy !
Pendant ce temps, le patron de la boutique vient voir son employé et lui dit qu’il ne savait pas qu’il parlait français. L’employé lui répond : « You don’t have to speak French to understand the Québécois, you just have to pretend to do so. »
Un top midnight blue dans le small, c’est pas difficile à comprendre, même pour un Anglais de Westmount. Un submarine avec des chicken wings non plus.
Le vendeur n’a fait qu’appliquer à ses clientes la méthode Harper : avoir l’air de satisfaire les Québécois, tout en ne changeant absolument rien. Bravo pour votre belle nation ! De toute façon, dans le français des Québécois, il y a au moins 51 % d’anglais, ce n’est qu’une question de temps avant que les anglophones unilingues nous comprennent à 100 %.
Stéphane Laporte
La Presse
http://www.cyberpresse.ca/article/20080 ... ACTUALITES