AFP: 19/12/2011 à 08:15
Les mineurs sud-africains atteints de silicose attaquent Anglo American
Comme de nombreux travailleurs noirs, Mongezi Mponco a passé une bonne partie de sa vie sous terre, dans les mines d'or sud-africaines, avant d'être renvoyé dans son village une fois atteint de silicose. Il poursuit désormais en justice le puissant groupe Anglo American.
Son histoire, il l'a consignée sur des papiers jaunis, gardés précieusement dans sa petite maison du Cap oriental, au sud du pays.
"Merci pour votre loyal service, et tous nos voeux", dit la lettre de licenciement reçue par ce père de six enfants, maintenant âgé de 54 ans.
La silicose est provoquée par l'inhalation des poussières de silice des mines. Elle peut rester dormante pendant plusieurs années, avant de d'affecter les poumons de manière irréversible. Le seul traitement connu est la transplantation pulmonaire.
Comme des centaines d'autres mineurs sud-africains, M. Mponco veut maintenant poursuivre son ancien employeur, le géant minier Anglo American, pour l'avoir exposé à des niveaux de poussière dangereux.
Le groupe d'origine sud-africaine, désormais basé à Londres, est poursuivi tant en Afrique qu'en Europe.
Photographe : Rodger Bosch, AFP :
Mongezi Mponco, un ancien mineur sud-africain le 11 novembre 2011 à Tsolo, dans l'est du pays
Dans le cadre d'une action collective lancée en Grande-Bretagne, l'avocat Zanele Mbuyisa sillonne notamment les zones rurales pour rencontrer des plaignants potentiels. Il a déjà recueilli plus de 800 noms, et dit en ajouter une centaine tous les mois.
Mines d'or les plus riches du monde
Les campagnes pauvres du Cap oriental ont longtemps fourni des travailleurs aux mines d'or de la région de Johannesburg, jadis les plus riches du monde, et dont les galeries s'enfoncent parfois à 4 km de profondeur.
Ces mineurs noirs qui travaillaient dans des conditions souvent dangereuses du temps de l'apartheid ont été franchement malmenés: une étude a même estimé le taux de mortalité à 32%!
Et ceux qui ont été remerciés n'ont plus de quoi faire vivre leurs familles.
Ainsi, Zwelinzima Mfenyana fait beaucoup plus que ses 54 ans depuis qu'il est tombé malade au début des années 1990, après treize ans passés sous terre.
Il avait suivi d'autres hommes à la mine quand il avait 16 ans. Sa famille vit maintenant avec un peu plus de 500 rands (46 euros) par mois, grâce à des allocations.
"Je suis vieux maintenant et je veux mon argent, pour lequel j'ai travaillé et qu'on ne m'a pas donné", se lamente-t-il.
"L'économie sud-africaine, telle qu'elle est, a été construite par les anciens mineurs. Nous sommes ce que nous sommes économiquement grâce à ces hommes", souligne Me Mbuyisa.
"Pourtant, vous avez eu des générations de richesse pour les propriétaires des mines et des générations de pauvreté pour les travailleurs. Ca ne semble pas juste, n'est-ce pas?"
Dans un arrêt historique rendu cette année, la Cour constitutionnelle sud-africaine a permis aux anciens mineurs malades de poursuivre directement les sociétés.
L'ancien mineur Thembekile Mankayi avait réclamé 2,6 millions de rands à AngloGold Ashanti --le groupe qui a repris les activités aurifères d'Anglo American--, qui lui avait laissé 16.320 rands comme solde de tout compte. Il est décédé quelques jours avant que la justice rende son verdict.
Anglo American nie toute responsabilité, expliquant que les revendications concernent des sociétés dans lesquelles sa branche sud-africaine n'avait que des intérêts minoritaires.
"Anglo American ne croit pas que sa responsabilité soit d'aucune façon engagée face aux réclamations présentées par les anciens mineurs d'or", a déclaré le groupe, plus grand employeur privé du pays.
"Anglo American soutient que ces sociétés aurifères qui employaient les mineurs étaient responsables de la santé et la sécurité de leurs employés, et ont pris des mesures raisonnables pour les protéger."
Les avocats des mineurs soutiennent que le géant minier chapeautait bien leur opérations.