Juste envie de vous faire partager des mots qui m'ont accompagnée dans des moments particuliers, qui résonnent toujours en moi aujourd'hui.
La solitude peut être bien vécue si elle est choisie. En d'autres circonstances elle peut sembler insupportable.
Une pensée pour ceux qui subissent la solitude, je leur souhaite de puiser la force pour remonter et décrocher le meilleur... aujourd'hui, en 2012, et après.
Je vous souhaite, à tous, beaucoup beaucoup de belles choses.
« …Il me semble toujours être un voyageur qui va quelque part et à une destination. Si je me dis : le quelque part, la destination n'existe point, cela me semble bien raisonné et véridique. Aussi à la fin de la carrière j'aurai tort : je trouverai alors que non seulement les beaux-arts mais le reste aussi n'étaient que des rêves et que soi-même on était rien du tout... Mon tourment n'est autre que ceci : à quoi pourrais-je être bon? ne pourrais-je servir et être utile à quelque chose ?... Je sais que je pourrais être un tout autre homme. Il y a quelque chose au dedans de moi, qu'est-ce que c'est donc ? Je sens en moi un feu que je ne peux laisser éteindre, qu'au contraire je dois raviver, malgré que je ne sache pas à quoi cela va me mener. (...) Même si je tombe nonante-neuf fois, la centième fois, je serais debout aussitôt... Il est bon d'aimer autant que l'on peut, car c'est là que gît la vrai force, et celui qui aime beaucoup accomplit de grandes choses et en est capable, et ce qui se fait par amour est bien fait. (…)
Je puis bien, dans la vie et dans la peinture, me passer du Bon Dieu. Mais je ne puis pas, moi, souffrant, me passer de quelque chose qui est plus grand que moi, qui est ma vie : la puissance de créer. »
Vincent à Théo Van Gogh (Lettres de Vincent à Théo - 1888)
Qui veut bien voyager, voyage léger
Sur le chemin de la vie, Boèce voulait être un voyageur sans bagages.
Pourquoi ne pas le prendre pour guide et oser une réflexion sur ce qui entrave notre liberté, ce qui
appesantit l’homme. Être un voyageur sans bagages c’est avant tout se dépouiller des préjugés, des craintes, peut être des attentes. Être un voyageur sans bagages c’est se laisser enseigner par l’autre, quitter un par un nos rôles pour aller à la découverte de la simplicité. Trouver l’audace,
s’ouvrir au risque de la rencontre.
Le voyageur sans bagages qui veut tirer profit de chaque instant pour élargir sa vision du monde et donc le monde lui même, celui qui se laisse enseigner par le xénos, (en Grec « l'étranger » L’hôte, celui avec lequel on a plaisir à exercer notre hospitalité) sait que qui veut bien voyager, voyage léger. Pour découvrir le monde, nul besoin d’emporter un attirail de préjugés. Au contraire bon nombre de nos opinions occasionnent le trouble.
(...)Discipliner son jugement requiert un exercice de discernement.
Il sied de se demander quel regard nous portons sur le monde. D’où nous vient la façon de le dire, de le vivre? Se dépouiller pour garder l’essentiel.
Faire de l’ordre pour consolider le jugement tout en évacuant ceux qui, nous éloignant de la vérité, nous plongent dans la souffrance. Ainsi ce retour à soi nous invite à considérer ce qui nous est essentiel, vital. Le voyageur est conduit à réexaminer les valeurs qui orientent sa vie. A briser ainsi les attachements qui le lient et l’enchaînent à des biens que le revers de la fortune peut lui arracher du jour au lendemain.
(…) Le dépouillement qu’élabore le voyageur sans bagages le mène à découvrir les trésors essentiels qui lui restent, à goûter avec plus de légèreté ce qui donne du prix à sa vie et à savourer les plaisirs pris à soi. Il s’agit aussi de laisser tomber les étiquettes qui d’ordinaire nous définissent, s’identifier à un rôle aussi noble soit-il c’est s’encombrer, se réduire.(...)
Si l’on fait dépendre notre bonheur d’un élément extérieur, ne se voue-t-on pas inéluctablement au malheur? Celui qui est heureux exclusivement par son travail, que fait-il une fois retraité?
(…) Le voyageur sans bagages pressent qu’il ne doit pas attendre de l’extérieur son bonheur. Libre, il essaie de goûter chaque rencontre, chaque présence comme un cadeau. Le voyageur sans bagages s’est aussi dépouillé du regard de l’autre. Souvent, il doit se heurter au regard des autres qui le condamnent de ne pas leur ressembler. Sans devenir insensible, sans se replier sur lui, notre voyageur sait que l’opinion d’autrui, si importante soit-elle, ne doit pas déterminer nos vies. Il a aussi déposé, avec ses autres bagages, cette volonté de plaire à tout prix. Simplement authentique, il va vers l’autre avec ce qu’il est en tentant de se dépouiller du paraître.
(…) La vie de ce voyageur, si rude soit-elle, lui convient bien, il y trouve sa joie et la force d’habiter l’épreuve comme les instants creux. Cependant il sait que tout est éphémère. Ce qu’il apprécie cessera un jour. Son existence connaîtra une fin.
Voilà peut-être le fardeau le plus dur à déposer: se libérer de la crainte, tenter de laisser là la peur. Le pas est difficile à franchir. Il pressent que la peur peut tout gâcher, qu’elle peut étendre ses ravages. Mais toujours la vie crée des attachements. Le voyageur sans bagages ne peut peut-être pas s’empêcher de porter sur ses épaules quelque poids. Il est dans le monde et ne vit pas dans le ciel des idées. Mais loin de s’appesantir sur ce qui lui reste à faire, il préfère jubiler des progrès réalisés, des rencontres qu’il glane au quotidien.
Je suis un voyageur et nombreux sont les bagages qui m’entravent. Toutefois, Boèce m’invite à me lancer dans le voyage en considérant dans un premier temps tout ce qui m’alourdit, tout ce qui m’enchaîne.
Traquer un à un les fardeaux de mon existence, voilà peut-être le premier pas d’une conversion intérieure.
Exercice simple et redoutable. Joyeux et déconcertant.
Bon voyage!
Alexandre Jollien
http://www.alexandre-jollien.ch