AFP - 11/06/2011 à 23:52
Sous un parking, les vestiges de la plus ancienne université de France
Sous le parking d'une salle municipale à Autun, des archéologues pensent avoir retrouvé la plus ancienne université de France, datant du Ier ou IIe siècle, une découverte qui pourrait se voir menacée par la construction prochaine de bâtiments
Augustodunum, aujourd'hui Autun, a été fondée sous le règne de l'empereur Auguste (-27 à 14 ap. J-C), et renferme de nombreux vestiges de l'époque gallo-romaine, dont des portes et un théâtre antique.
Lors de sondages préalables à la construction d'une bibliothèque-médiathèque ainsi qu'une maison de l'enfance, Yannick Labaune, responsable du service municipal d'archéologie, et son équipe assurent avoir mis au jour les traces d'un bâtiment "exceptionnel".
Une fois écartées les hypothèses d'un sanctuaire, de thermes ou d'un forum, et après avoir consulté d'autres spécialistes, ce jeune archéologue en est convaincu: il pourrait s'agir des célèbres écoles méniennes, citées dans des textes de l'Antiquité mais jamais retrouvées jusqu'ici.
Tacite, historien latin du Ier siècle, disait qu'elles accueillaient "les plus nobles rejetons des Gaules".
Photographe : Jeff Pachoud, AFP :
Vue du site où des archéologues réalisent des fouilles, le 6 juin 2011 à Autun
"Même si le terme d'université n'est pas exact, car il date du Moyen Age, il s'agit bien d'un lieu d'enseignement de haut niveau, destiné à l'élite. A la manière des collèges aristocratiques anglais où l'on pratique le sport et les matières théoriques", explique à l'AFP Yannick Labaune.
Avant d'abriter un parking, datant des années 1980, cet espace d'1,2 hectare, bordé d'immeubles et situé en plein coeur d'Autun, accueillait une scierie, construite vers 1870. "Ce lieu a donc été vierge d'occupation depuis la fin de l'antiquité, ce qui est super rare", dit-il. Aucune fouille n'avait été menée à cet endroit, faute de nécessité.
Derrière les monticules de terre qui recouvrent le parking, des tranchées, longues de quelques mètres, laissent apparaître de larges murs de soutènement, des sols et les restes de vastes portiques (galeries couvertes à colonnade), le tout dans un "assez bon" état de conservation. Seuls 10% de la superficie totale ont pu être explorés.
"Il faut imaginer deux espaces de 50 mètres sur 20, entourés de colonnes et de galeries couvertes. 50 mètres, c'est la largeur du Palais-Royal, à Paris, ça donne une idée", dit Antony Hostein, maître de conférence en histoire romaine à l'université de Paris I.
"On a des éléments de comparaison avec le palestre de Pompéi, mais pour la Gaule romaine, on n'a pas de bâtiment équivalent", ajoute-t-il.
Antony Hostein a trouvé ces écoles méniennes mentionnées dans un panégyrique, ou discours public, prononcé en 298 ap. J-C devant le gouverneur de la province décrivant leur aspect et position topographique à l'intérieur de la cité.
Dans le milieu de l'archéologie, la découverte est très commentée. "Ca fait longtemps qu'on n'a pas eu une telle opportunité de fouiller un espace qui témoignerait de la vie culturelle et politique de la cité", affirme Pierre Nouvel, enseignant-chercheur en archéologie gallo-romaine à l'université de Franche-Comté.
La décision de suspendre ou pas le projet immobilier prévu afin de réaliser des fouilles plus poussées, pouvant s'étaler sur plusieurs années, sera prise au terme d'un long processus.
Une fois le rapport de Yannick Labaune remis, une commission donnera un avis consultatif. La décision finale, revenant au service régional de l'archéologie, n'est pas attendue avant la fin de cette année ou début 2012.
Dans l'attente de la décision, les vestiges ont de nouveau été enfouis sous plusieurs tonnes de terre.