Merci à toi d'avoir pris le temps de me lire
Me voici après quelques mois de repos en partance pour l’Espagne afin d’embarquer sur un aluminier à La Corogne. Ce navire partira pour Conakry (Guinée), puis pour Douala (Cameroun). Les deux ou trois jours à la Corogne se passent bien...
Le navire est vieux et possède deux châteaux, un à l’avant, et l’autre à l’arrière. La coque de noix tient la mer par miracle, grâce à la rouille... L’équipage sympa, décontracté du simple novice au pacha. Dès le premier soir de mer nous mangeons un méchoui sur le pont arrière, arrosé au champagne. Par la suite il y en eu deux par semaine... Dès le départ, première tempête! Vraiment le pied pour aller servir les officiers de quart à l'avant du navire... Une petite passerelle part du château arrière vers le château avant. Centrale, elle prend quand même les paquets de mer. Il faut capeler son ciré et essayer de passer avec les plats... Une tentative, deux tentatives, la troisième sera la bonne. A chaque tentative, mes plats sont partis à la baille.
Conakry, le président Sékou Touré règne en maître depuis l'indépendance, il prend exemple sur l'U.R.S.S. mais possède un magnifique palais en bord de mer. Ici, rien ne se donne, tout s'achète ou se troque... Nous sommes accostés près de plusieurs bateaux de pêche cubains. Nous avons l’intention d’aller changer Whisky, bière, cigarettes etc. contre du homard, du rhum et des cigares. Nous sommes très bien reçus et les échanges se font sans aucun problème, chacun est satisfait et tout cela se termine devant un bon verre. Les Russes s'occupent bien des guinéens, un magnifique chasse-neige trône sur le quai, quel magnifique cadeau, mais pour quoi faire? Nous sortons dans la journée et faisons un petit tour le soir jusqu'au couvre-feu 22h. La seule française de la ville tient un troquet, enfin, je ne sais quel terme employer pour cet amas de tôles ondulées complètement rouillé... Nous avons de petites mallettes pour sortir afin d’y entreposer notre argent qui nous permettra de boire une ou deux tournée de bière; En effet, trois ou quatre verres videront la moitié de la mallette! Les liasses défilent, je suis milliardaire, mais en Scilly. Demain soir nous allons à bord d'un navire russe qui est arrivé tout à l'heure. Le Commandant russe a demandé l'autorisation au Commissaire politique pour que nous puissions faire quelques échanges de bons procédés...
Dès 20h30 nous arrivons à la coupée deux trois copains et moi-même; un planton nous attend sur le pont et nous conduit au mess général où la majeure partie de l'équipage russe se trouve. Beaucoup de monde des deux sexes et de tous les ages. Grands sourires et invitation à déguster un verre de vodka. La salle est plongée dans la pénombre , un drap est tendu au fond du mess. Le commandant nous invite à prendre un siège et tente de nous expliquer qu'il va nous passer un film. Un film? Un film en russe? J'crois qu'on va s'emmerder? Une heure plus tard et après trois ou quatre verres de vodka, nous en avons pris plein le cerveau avec un film de propagande , et, devinez, en français! Un français parfait! Nous avons tout compris et le faisons savoir autour de nous! Nous sommes rouges, un peu bleus aussi, mais rouge pour vous faire plaisir. Le pacha nous demande si nous voulons accompagner des matelots dans leurs cabines pour boire un coup et échanger quelques bricoles? Bien sur, pas de problème... En partant le commissaire politique s'avance vers nous une grand sourire lui barrant le visage, nous tendant à chacun une petite médaille à l'effigie de Lénine. Je suis avec un ami et deux matelots et nous dirigeons vers une cabine... Très étroite 2,50m de large sur 3m de long, des rideaux pendant dans tous coins; rideaux d'un rouge sang délavé , un peu partout des photos d'enfants et de femmes (leurs épouses et enfants sans doute?) Cabine très vieillotte, comme le navire... Un bateau ayant du connaître les deux guerres mondiales? Pas un des deux matelots ne parlent l'anglais. Très bien préparé par le commissaire politique, comme ça, pas de discussion possible! Simplement vodka et échanges de bons procédés! Après moult et moult verres nous rentrons avec nos échanges et une bonne banane aux fesses... Chocolat contre café, whisky contre vodka cigarettes américaines contre cigares cubains etc.
Le lendemain, direction Douala (Cameroun) Le port se trouve quasiment au centre ville, enfin la ville basse, car il faut monter des escaliers pour arriver au cœur de la ville. Beaucoup d’agitation, les gens bougent mais ne font pas grand chose… Dès le 1er soir nous allons dans une boite à marins à un bon km du bateau. La boite est enfumée tout est bleuté, odeurs de transpiration malgré d’énormes ventilateurs au plafond. C’est bondé! Beaucoup de filles, peu de gars! J’entends pas mal de monde parler français; la salle est toute en longueur; le bar sur la droite en rentrant, sur la gauche les tables sont alignées en rang d’oignons. Petites tables rondes et grandes tables rectangulaires de six à huit personnes. Le vernis est passé, des auréoles garnissent le moindre cm2. Le sol est en carrelages noirs et blancs, je crois qu’aucun n’est intact? Les coins cassés ou le carrelage fendu, usé par des milliers de pieds qui sont passés ici. Les liquides renversés la veille n’ont pas été épongés et de grandes tâches noires et collantes garnissent le sol. Un homme discute avec des filles, il sourit, à l’air de faire des remontrances à deux d’entres elles? Il est assez râblais, bonne bouille, le visage un peu rougeâtre, vraiment l’air sympathique. Je m’approche et écoute; il parle français. Je viens m’installer sur le tabouret près du siens , commande un verre et lui dit bonsoir. Il me répond et se présente:
- « Untel, je suis aumônier à Douala »
Je me présente itou. La conversation s’engage:
- « Vous êtes à Douala pour quelques jours? »
- « Oui, nous apportons de l’alumine et repartons avec des lingots d’aluminium. Nous sommes ici pour trois ou quatre jours »
- « Moi je suis à Douala depuis quatre ans et je me sens bien dans ce pays, les gens sont simples et gentils, personne n’est stressé, la vie coule tranquillement , je m’occupe de mes ouailles. Mes ouailles, se sont toutes les prostituées du quartier professionnelles ou occasionnelles. Je les connais toutes et sais avec qui elles couchent et ce qu’elles font, je suis leur confesseur en quelque sorte… Je te tutoie, on se connaît non? »
- « Ben oui! »
- « Si tu désires tirer un coup, tu me le dis, je sais qu’elles sont les filles saines et qu’elles sont les filles plombées… Ce n’est pas la peine que tu attrapes une chaude pisse alors qu’il est possible de savoir qui va bien ou pas?
- « Je suis étonné que vous sachiez tout ça? »
- « L’habitude mon gars, tu vois ces deux là bas, elles sont vérolées. L’autre , qui est assise sur le tabouret, au coin du comptoir est saine, en plus elle est très gentille, mignonne et occasionnelle. Elle ne t’arnaquera pas tu peux me faire confiance? »
La jeune femme qu’il me montre est en effet très jolie, pour une black, elle a le visage très fin et, incroyable, un petit nez en trompette. Un mètre soixante-dix environ, mince, le ventre plat, les attaches des membres délicats, une petite poitrine; vraiment une très belle femme. Je n’ai pas envie de faire l’amour, mais de parler avec une femme, être accompagné d’une femme. Je demande donc à l’aumônier de me présenter.
- « Bonsoir mademoiselle, puis-je vous offrir un verre? »
- « Oui, je veux bien un rhum -coca , un cuba libre… Vous êtes ici pour plusieurs jours? »
- « Oh, trois ou quatre, et puis retour sur l’Espagne à la Corogne. Je suis content d’être en compagnie d’une si jolie femme, vous êtes vraiment très belle. »
- « Tu as envie de faire l’amour mon chéri? »
- « Non, pas spécialement, j’ai simplement envie de parler et d’avoir de la compagnie. »
Je la regarde, assise sur son tabouret, ses jambes sans fin, croisées; sa peau est satinée et en même temps brillante, peau sans aucun défaut, les cuisses ont l’air très fermes… Quand elle bouge un peu, sa petite jupe blanche très courte, remonte encore un peu et me laisse entrevoir un petit slip blanc, qui contraste énormément sur le noir. Je ne suis pas excité pour autant et préfère continuer à parler et boire.
- « Tu te prostitue depuis longtemps? »
- « Non, depuis deux ans… Je fais ça pour me payer mes études et ramener un peu d’argent à la famille, en plus je choisi les monsieurs avec qui j’ai envie de coucher. Je viens ici deux fois par semaine. J’ai neuf frères et sœurs, et mon père ne travaille pas. Ce n’est pas facile… »
- « Et que fais-tu comme études? »
- « Je suis étudiante en couture, en deuxième année. »
Etudiante en couture, je pensais qu’elle faisait des études supérieures? Etudiante en couture, c’est amusant comme terme? Je suis étudiant au ramassage des poubelles, ça fait pas mal? Elle est sympa la petite… Je lui dit que je ne lui ferai pas l’amour, mais que j’ai simplement envie de parler. Je lui demande combien elle prend pour faire l’amour? Elle ne fait l’amour que pour la nuit, pas pour tirer un coup vite fait, c’est pas bien! Elle me dit une somme d’environ cinquante francs français pour la nuit, ce qui est très raisonnable. Je lui propose quarante francs pour qu’elle reste avec moi jusqu’à la fermeture du troquet, mais que je ne désire pas faire l’amour.
- « Je ne te plais pas? Tu n’aimes pas les noires? Tu es raciste? »
- « Non, mais je n’ai pas envie de faire l’amour, c’est tout, j’ai envie de parler, peut-être de toucher un peu? Je ne sais pas moi?
- « Mon chéri, si tu viens chez moi je te montrerai des trucs secrets, tu verras ton bingalla (sexe) aura envie de venir à ma fontaine. »
- « Non, pas envie de tes secrets, peut-être demain soir? » Je lui donne ses quarante francs et sais qu’elle ne me quittera pas avant la fermeture, ensuite elle se trouvera bien un traînard dans le coin pour finir la nuit… Ma main s’avance vers sa cuisse gauche et caresse cette peau d’une douceur de pêche; la fille me sourit et me laisse faire, tout en continuant notre conversation. La soirée se passe calmement jusqu’à une heure, puis, en nous quittant à la sortie du bar,
elle m’entraîne dans un petit coin, enlève son corsage et baisse sa jupe; se met face à moi et me dit:
- « Regardes, tu vois, si demain tu me trouves jolie, tu viendras faire l’amour avec moi? Tu veux toucher?
Son corps est magnifique, mais je n’ai vraiment pas envie d’y goûter… Nous verrons demain? Je me rapproche d’elle, la regarde; avance la main doucement vers son corps, lui fais faire un demi tour et admire la courbe de ses reins. Ma main part des épaules descend en effleurant le dos, puis les hanches; vient sur les fesses et palpe une chaire ferme, douce, ébullition dans le crâne, je retire cette main qui ne se contrôle plus, la remet dans ma poche pour chercher une cigarette et dis d’une voix toute excitée:
- « Je rentre, nous verrons demain soir car pour cette nuit, impossible, je travaille à cinq heures trente. A demain donc? »
Je tourne les talons et m’enfui comme un voleur, la tentation vraiment très forte!
Je m’approche du port, il me reste les escaliers et j’y suis… Il y a deux escaliers pour Arriver vers le port, l’un sur la gauche des quais , l’autre sur la droite. Je vais prendre celui de gauche; il fait nuit noire, et leur descente n’est pas éclairée. La descente est sans fin… Beaucoup, beaucoup de marches… Un tiers de fait, je ne suis pas trop rassuré… Et Vlan! Brusquement sortis des buissons, des ombres bondissent sur moi, me renversent , me plaque au sol… Une voix rauque et menaçante me dit de ne plus bouger; une torche électrique est braquée sur mon visage m’empêchant de voir mes assaillants .
- « Tu parles français, anglais? »
- « Je suis français. »
Je m’aperçu qu’ils étaient cinq dont deux avec des coupes-coupes, les lames se reflétaient dans le faisceau de la lampe électrique, et n’étaient qu’à quelques centimètres de mon cou.
- « Donnes nous ton fric, tout! Billets et monnaie! »
Je me relève; toujours sous la menace et m’exécute. Le reste d’argent traînant dans mes poches leur est donné; pas grand chose; deux cent francs peut-être? Sûrement moins?
- « C’est tout ce qu’il me reste. J’ai fais la fête et j’ai presque tout dépensé… »
Après quelques minutes à compter les billets et la monnaie, celui qui me semble être le chef m’engueule (enfin je le crois?) dans une langue que je ne connais pas. Puis en français:
- « Tu fais ce que je dis , sinon …Déshabilles toi! Dépêches toi! »
J’enlève ma chemisette bleue claire, retire mon jeans blanc et tend le tout à l’un des gars.
- « Chaussures et chaussettes, vite! »
évaporés comme ils étaient apparus! Me voilà à huit ou neuf cent mètres du navire et il ne me reste que mon slip… Comme tout bon marin qui se respecte, j’ai ma planque d’argent dans mon slip, ça qu’ils n’auront pas eu. Arrivé à l’entrée du port, au poste de police; je n’ai pas l’air con…
- « Ah, vous avez été agressé dans les escaliers de gauche? »
- « Oui,justeàl’instant… » - « Vous êtes le sixième ce soir. »
Avec un grand sourire ils me disent bonsoir… J’ai l’impression qu’ils sont certainement dans le coup? Je le sens? Ils doivent avoir leurs complices dans le coin, certainement des militaires qui ne son pas de garde? Une fois dépouillé leur victime, ils doivent très vite descendre au poste de garde et partager l’argent et les fringues? Après cette soirée, je ne suis plus jamais sorti à Douala la nuit, pourtant je suis revenu plusieurs fois dans le port.de Douala? Une nuit, nous fumes (le navire) attaqués par des hommes venus de la mer . Leurs pirogues (trois) accostèrent le long de la coque , à l’aide de filins ils grimpèrent à bord, essayant essentiellement de piquer ce qui pouvait l’être sur le pont… Il s’ensuivit une mini bataille où il n’y eu aucun blessé. Uniquement deux fûts d’huile disparurent. L’Afrique… J’ai fait aussi la Sierra Léone, remonté le fleuve Rokel pour aller chercher de la bauxite sur barge. Paysages magnifiques et faune très diversifiée.