Thomas Edward Lawrence, dit Lawrence d’Arabie, né à Tremadoc, Caernarfonshire, dans le Nord du Pays de Galles le 16 août 1888 et mort près de Wareham (Dorset) le 19 mai 1935, est un archéologue, officier, aventurier et écrivain britannique.
Ses parents sont d’ascendance anglaise et irlandaise. Son père, Thomas Chapman, septième baronet de Westmeath, en Irlande, avait quitté sa femme pour vivre avec la gouvernante de ses filles, Sarah Junner, qui portait aussi le nom de son père illégitime, Lawrence[1]. Thomas Edward Lawrence est le deuxième de leurs cinq fils. Ils habitèrent un temps à Dinard en France puis séjournèrent à Langley près de la New Forest avant de se fixer à Oxford.
Lawrence étudie au Jesus College à Oxford et se passionne pour l'histoire. Durant les étés 1907 et 1908, il parcourt la France à bicyclette pour visiter des forteresses médiévales (Château Gaillard, Coucy, Provins, Avignon, Aigues-Mortes, Carcassonne, Bonaguil,Châlus, Chinon), et la cathédrale de Chartres. En 1909, il voyage au Liban et en Syrie pour voir les châteaux bâtis par les Croisés et effectue plus de 1 000 miles à pied en trois mois. Au cours de son périple, il aura pu admirer le Krak des Chevaliers, Safitha, le Margat et le Sahyoun. De retour en Angleterre, il obtient son diplôme avec mention après avoir rédigé une thèse sur L’Influence des croisades sur l’architecture militaire européenne à la fin du XIIe siècle (The Influence of the Crusades on European Military Architecture - To the End of the 12th Century)[2].
Il accepte un poste d'enseignant sur la poterie médiévale, mais l’abandonne rapidement pour un poste d’archéologue au Moyen-Orient. En décembre 1910, il part pour Beyrouth, puis Jbail (Byblos), où il apprend l'arabe auprès des enseignantes de l'American Mission School. Il participe ensuite aux fouilles de Karkemish près de Jerablus, au sud de l’actuelle Turquie, sous les ordres de D. G. Hogarth et R. Campbell-Thompson. Un archéologue promis à un brillant avenir, Leonard Woolley, qui se fera connaître par la suite grâce à la découverte d'Ur en Chaldée, partagera un peu plus tard avec lui la joie des découvertes.
À la fin de l’été 1911, il retourne au Royaume-Uni pour un bref séjour et repart dès novembre pour le Moyen-Orient afin de travailler brièvement avec Williams Flinders Petrie à Kafr Ammar en Égypte. Il retourne à Karkemish travailler avec Leonard Woolley. Il continue à visiter régulièrement le Moyen-Orient afin d’y mener des fouilles jusqu’au début de la Première Guerre mondiale. Ses nombreux voyages en Arabie, sa vie avec les Arabes, à porter leurs habits, apprendre leur culture, les rudiments de leur langue et de leurs dialectes, allaient s’avérer des atouts inestimables durant le conflit.
En janvier 1914, sous couvert d’activités archéologiques, Wooley et Lawrence sont envoyés par l’armée britannique en mission de renseignements dans la péninsule du Sinaï. Lawrence visite notamment Aqaba et Pétra. De mars à mai, Lawrence retourne travailler à Karkemish. Après l’ouverture des hostilités en août 1914, sur le conseil de S. F. Newcombe, Lawrence décide de ne pas s’engager immédiatement et attend octobre pour le faire car la Grande-Bretagne entend ne pas provoquer la Turquie et attend que cette dernière entre dans le conflit.
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Une fois engagé, il est nommé au Caire , où il travaille pour les services de renseignements militaires britanniques. Sa très bonne connaissance des Arabes en fait un agent de liaison idéal entre les Britanniques et les forces arabes. En juin 1916, il est envoyé dans le désert afin de rendre compte de l’activité des mouvements nationalistes arabes. Durant la guerre, il combat avec les troupes arabes sous le commandement de Fayçal ibn Hussein, un fils d'Hussein ibn Ali (chérif de La Mecque) qui mène une guérilla contre les troupes de l’Empire ottoman[3]. La contribution principale de Lawrence à l’effort britannique consiste à convaincre les Arabes de coordonner leurs efforts afin d’aider les intérêts britanniques. Il persuade notamment les Arabes de consolider leurs positions sur les côtes du Hedjaz, à Rabigh et Yenbo, et de ne pas chasser tout de suite les Ottomans de Médine, forçant ainsi les Turcs à conserver de nombreuses troupes pour protéger la ville. Les Arabes harcèlent le chemin de fer du Hedjaz qui approvisionne Médine, immobilisant davantage de troupes ottomanes pour protéger et réparer la voie et empêchant ainsi l'ennemi de disposer de renforts contre les Anglais dans le Sinaï puis en Palestine. En 1917, après la prise d'El Ouedj, la route du nord s'ouvre à Fayçal et à ses hommes. Lawrence organise une action commune entre les troupes arabes et les forces de Auda Abou Tayi, chef des Howeitat, jusqu’alors au service des Ottomans, contre le port stratégique d’Aqaba, et ce sans prendre l'avis de l'Etat-major anglais du Caire qui a déjà organisé une opération amphibie pour tenter de s'emparer de la place mais qui ne pouvait espérer la conserver si l'on ne prenait pas en même temps le contrôle de la voie menant d'Aqaba à Maan où stationnait une importante garnison ottomane. Le 6 juillet, après une audacieuse attaque terrestre, Aqaba tombe aux mains des Arabes. En novembre, Lawrence échoue dans sa tentative de faire sauter à la dynamite l'important viaduc de Tell el-Shehab, sur le Yarmouk, affluent du Jourdain. Un peu plus tard, il aurait été appréhendé par les Turcs à Deraa alors qu’il menait une mission de reconnaissance déguisé en Arabe. Il ne semble pas être reconnu, bien que sa tête ait été mise à prix. Il aurait fait l'objet de sévices mais serait parvenu malgré tout à s’échapper. Un an plus tard, le 1er octobre 1918, Lawrence participe à la prise de Damas, libérée par des troupes anglo-australiennes, après avoir aidé à remporter l'une des seules batailles rangées livrées par les Bédouins à Tafilah puis avoir talonné les colonnes turques en retraite.
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Ne pensant pas que du bien des Arabes (il les traitera plus tard de « derviches » et de « hordes sauvages »[4]), Lawrence adopte nombre de coutumes locales et devient bientôt ami du prince Fayçal. Même s'il porte une haine pour les turbans[5], il se fait connaître en portant ses vêtements blancs et en montant des chameaux et des chevaux dans le désert. Vers la fin de la guerre, il cherche sans succès à convaincre ses supérieurs de l’intérêt de l’indépendance de la Syrie pour le Royaume-Uni et notamment par le détournement des Arabes des seuls principes religieux pour l'investissement dans une logique politique à la façon des États modernes (« Il était bon, pour la Révolte Arabe, d'avoir à changer sitôt de caractère au cours de sa croissance. Nous avions travaillé désespérément à labourer un sol en friche, tentant de faire croître une nationalité sur une terre où régnait la certitude religieuse, l'arbre de certitude au feuillage empoisonné qui interdit tout espoir.[6] »). Néanmoins, il ne soutenait pas le projet du chérif Hussein de La Mecque de créer un grand royaume arabe comprenant le Hedjaz, la Jordanie, l'Irak et la Syrie. Pour lui, chacun de ces États devait être enfermé dans ses frontières propres : c'était l'intérêt des Britanniques de morceler le Moyen-Orient, même si, dans la logique de Lawrence, la Syrie devait acquérir une réelle indépendance. En juillet 1920, la colonne française du général Mariano Goybet, précédant le général Henri Joseph Eugène Gouraud, bat les troupes chérifiennes à Meissaloun et chasse Fayçal de Damas, brisant l’espoir de Lawrence de libérer la Syrie, même si lui-même au fond reconnut plus tard que « ...si nous gagnons la guerre, les promesses faites aux Arabes seraient un chiffon de papier... »[7], faisant allusion aux accords secrets Sykes-Picot.
Pour ses actions d'éclat au cours du premier conflit mondial le lieutenant-colonel Lawrence reçut les distinctions suivantes :
Compagnon de l’Ordre du Bain (4 juin 1917)
Compagnon du Distinguished Service Order (13 mai 1918)
3 citations (16 mars 1916, 7 octobre 1918 et 15 décembre 1919)
Chevalier de la Légion d’honneur (27 mai 1916),
Croix de Guerre 1914-1918 (18 avril 1918)
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Dans l’immédiat après-guerre, Lawrence travailla pour le Foreign Office et assista à la conférence de paix de Paris entre janvier et mai 1919 en tant que membre de la délégation de Fayçal. Il fut ensuite conseiller de Winston Churchill au Colonial Office jusque vers la fin de 1921. C'est lui qui obtint avec son amie l'orientaliste Gertrude Bell que la couronne d'Irak fût remise à Fayçal, qui venait de perdre le trône de Syrie.
En 1922, il mit fin à sa carrière de conseiller politique pour les affaires proche-orientales et contracta un engagement comme simple soldat dans la Royal Air Force, mais des journalistes ayant appris le fait il dut, à son grand regret, la quitter.
Sous le pseudonyme de « Shaw », il s’engagea en 1923 dans le Royal Tank Corps. Cet engagement ne lui plaisant pas, il fit de multiples demandes pour rejoindre la RAF et y parvint finalement en août 1925. À la fin de l’année 1926, il fut assigné à une base en Inde, à Miramshah, à la frontière afghane, et y resta jusque fin 1928, date à laquelle il fut rapatrié au Royaume-Uni suite à des rumeurs infondées d’espionnage en Afghanistan. Il s’occupa ensuite des bateaux à grande vitesse au sein de la RAF (« Air Sea Rescue » pour le sauvetage des pilotes d'hydravion tombés en mer) et dut quitter à regret l’armée à la fin de son contrat en mars 1935. Quelques semaines plus tard, il périt des suites d’un accident de moto à deux pas de son cottage de Clouds Hill dans le Dorset à l'âge de 46 ans.
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Au-delà du mythe, Lawrence d’Arabie reste l’un des officiers les plus influents dans le développement d’une doctrine insurrectionnelle au XXe siècle. En 1946, le général français Raoul Salan reçut le général vietnamien Võ Nguyên Giáp. Ce dernier sera vainqueur de la bataille de Diên Biên Phù, en mai 1954, lors de la Guerre d'Indochine contre les Français. Le général Giap disait : « Lawrence combinait la sagesse, l’intégrité, l’humanité, le courage et la discipline avec l’empathie, soit l’aptitude à s’identifier émotionnellement aussi bien avec les subordonnés qu’avec les supérieurs. »
Pendant ces entretiens de 1946, Salan a été frappé par l’influence de Lawrence sur la pensée de Giap. Il a dit à Salan : « Les Sept Piliers de la sagesse de T. E. Lawrence est mon évangile du combat. Il ne me quitte jamais. »
L’essence de la théorie de la guérilla à laquelle se réfère Giap peut être trouvée à deux endroits. La première et la plus accessible est constituée par les nombreuses éditions des Sept Piliers de la sagesse, notamment le chapitre 33. La deuxième est un article portant le titre The Evolution of a Revolt, publié en octobre 1920 dans le Army Quarterly and Defense Journal. Toutes deux sont basées sur l’évaluation pratique et réfléchie par Lawrence de la situation à laquelle faisaient face les forces arabes dans la région du Hedjaz, au sein du désert saoudien, en mars 1917.
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Certains passages des écrits de Lawrence et les déclarations d’un jeune Écossais répondant au nom de John Bruce qui lui aurait administré plusieurs fois des coups de cravache sur les fesses [réf. nécessaire], laissent à penser que Lawrence avait des goûts sexuels non conventionnels, notamment le masochisme. Bien que ses écrits comprennent un passage clairement érotique et homosexuel, ses orientations et expériences sexuelles restent inconnues.
Les Sept Piliers de la sagesse sont dédiés à « S.A. », avec un poème qui commence par :
I loved you, so I drew these tides of men into my hands
and wrote my will across the sky in stars
To gain you Freedom, the seven-pillared worthy house,
that your eyes might be shining for me
When I came.[9]
Dans certaines éditions des Sept Piliers de la sagesse, la dernière ligne de ce poème est « When we came » (« Quand nous sommes arrivés »). L’édition de 1922 publiée à Oxford porte cependant « When I came ». Le poème complet est composé de quatre strophes.
L’identité de « S.A. » resta longtemps non élucidée. On a supposé que ces initiales correspondent à un homme, une femme, une nation ou une combinaison des précédents. « S.A. » pourrait être Sheikh Ahmed (ou Selim Ahmed), également appelé Dahoum, un jeune Arabe qui travailla avec Lawrence dans un chantier archéologique avant la guerre et dont Lawrence aurait été très proche, mais on n'en a absolument pas la certitude. Dahoum mourut en 1918 du typhus. Cependant, certains affirment [Qui ?] que Dahoum était seulement un ami très proche de Lawrence comme cela arrivait au XIXe siècle et au début du XXe siècle, ce qui impliquait souvent des contacts physiques, mais à caractère non sexuel. Lawrence lui-même, peut-être pour masquer les pistes, affirma que « S.A. » était un personnage inventé. Une étude très récente, celle de F. Sarindar, laisse cependant entrevoir la solution : ce serait tout simplement Sherif Aurans, auquel Thomas Edward aurait dit adieu au moment de se séparer de son patronyme de Lawrence pour adopter de nouvelles identités (J.H. Ross, puis T.E. Shaw). Du coup, le simple soldat Ross puis Shaw se serait adressé à S.A. comme à une personne extérieure à lui-même. Il faudrait y voir, avec la déception éprouvée par Thomas Edward à la suite de son échec pour obtenir une indépendance durable pour les Syriens, le rejet du nom sous lequel il avait agi pendant la guerre et en même temps celui d'une identité sous laquelle ses parents avaient caché leur concubinage, ce que Thomas Edward ne supportait pas.
D'après son dossier médical militaire du 12 mars 1923, Lawrence mesurait 1 mètre 66, pesait 59 kg et avait des « cicatrices sur les fesses », « trois cicatrices superficielles dans le bas du dos » et « quatre cicatrices superficielles sur le côté gauche ». De plus, il était circoncis.
Depuis 1923, Lawrence s'était découvert une passion pour les motocyclettes. Il en eut sept, qu'il baptisa toutes du nom « George », et d'un numéro selon l'ordre de possession. Le 13 mai 1935, alors qu'il roulait à grande vitesse sur la moto « George VII », il perdit le contrôle de sa machine en voulant éviter deux jeunes cyclistes. Il mourut le 19 mai. Il est inhumé dans le petit cimetière de la commune de Moreton, dans le Dorsetshire.