AFP - 19/02/2011 à 00:13
Le monde arabe en ébullition, les manifestants durement réprimés
Les révoltes populaires contre les régimes autoritaires se sont étendues à travers le monde arabe vendredi, jour de grande prière, et ont été durement réprimées au prix de nombreux morts au Yémen, en Libye et à Bahreïn.
Ces révoltes s'inspirent de celles qui ont entraîné la chute de Zine El Abidine Ben Ali en Tunisie et de Hosni Moubarak en Egypte, faisant naître dans le reste du monde arabe l'espoir que la pression populaire apporte la démocratisation.
Le président américain Barack Obama a "condamné le recours à la violence" contre "les manifestants pacifiques" en Libye, ainsi qu'à Bahreïn et au Yémen, deux régimes alliés des Etats-Unis. Il s'est dit "profondément inquiet".
La Grande-Bretagne a annoncé qu'elle annulait 44 contrats d'exportation de matériels de sécurité vers Bahreïn et huit contrats vers la Libye, pour éviter que ces matériels ne soient utilisés contre des manifestants.
Et la Haut commissaire aux droits de l'Homme de l'ONU, Navi Pillay, a condamné les réactions "illégales et excessivement répressives" contre des "demandes légitimes".
En Libye, où le colonel Mouammar Kadhafi est au pouvoir depuis 42 ans, le bilan des émeutes qui ont débuté mardi dépassait vendredi soir les 40 morts, selon un décompte fait par l'AFP à partir de sources locales.
Les affrontements touchaient l'est du pays, notamment Benghazi, où le siège de la radio a été incendié.
Selon le journal libyen Oéa, proche du réformateur Seif Al-Islam, fils du numéro un libyen, les manifestations ont fait au moins vingt morts à Benghazi, deuxième ville du pays, et sept à Derna (est).
Des manifestants ont pendu deux policiers dans la ville d'Al-Baïda (est), selon cette source.
Amnesty International a pour sa part indiqué que 46 personnes avaient été tuées ces dernières 72 heures lors des émeutes en Libye.
Les manifestants réclament le départ de Mouammar Kadhafi, au pouvoir depuis 1969. Les comités révolutionnaires, pilier du régime libyen, ont menacé les "groupuscules" qui manifestent d'une riposte "foudroyante".
A Bahreïn, royaume du Golfe, la monarchie sunnite a déployé l'armée dans la capitale Manama, où des manifestants demandent une libéralisation du système politique, dont la majorité chiite se dit exclue.
L'armée a ouvert le feu dans la soirée sur des centaines de manifestants, et des dizaines de personnes ont été blessées, selon un photographe de l'AFP.
"Au total, 55 blessés, dont quatre grièvement touchés, ont été admis à l'hôpital Salmaniya", a déclaré à l'AFP un élu de l'opposition chiite, Abdel Jalil Khalil Ibrahim.
Le photographe de l'AFP a vu des dizaines de blessés à l'hôpital.
La télévision d'Etat a fait état de "7 blessés légers".
Les tirs sont survenus alors que le prince héritier, Salman ben Hamad Al-Khalifa, s'exprimait sur la télévision d'Etat pour promettre un dialogue avec l'opposition une fois le calme revenu.
Bahreïn est d'une importance stratégique pour Washington, car c'est le quartier général de sa Ve flotte, chargée de surveiller les routes maritimes pétrolières dans le Golfe, soutenir les opérations en Afghanistan et contrer une éventuelle menace iranienne.
Au Yémen, quatre personnes ont été tuées par balles à Aden, principale ville du sud, lorsque la police a dispersé des manifestants réclamant le départ du président Ali Abdallah Saleh, au pouvoir depuis 32 ans, ont indiqué des sources médicales.
A Sanaa, des centaines de partisans du régime ont attaqué un rassemblement de milliers de jeunes opposants ainsi que des journalistes avec des matraques, des haches et des bâtons, faisant au moins quatre blessés, selon un correspondant de l'AFP sur place et des témoins.
A Taez, à 270 km au sud-ouest de Sanaa, une attaque à la grenade contre des manifestants dans le centre-ville a tué deux d'entre eux et fait 27 blessés, selon des sources médicales.
Ces décès portent à 11 le nombre de morts en une semaine au Yémen, dont huit à Aden, selon un bilan fait par l'AFP à partir de sources hospitalières. Plus de quarante manifestants ont été blessés vendredi dans tout le pays, selon des sources médicales et des témoins.
Etat pauvre de plus de 23 millions d'habitants, le Yémen est considéré par les Etats-Unis comme un participant stratégique dans la lutte contre les groupes terroristes inspirés par Al-Qaïda.
En Jordanie, huit personnes ont été blessées lorsque des partisans du gouvernement ont attaqué à Amman une manifestation de plusieurs centaines de jeunes appelant à des réformes politiques, selon des témoins.
En Syrie, le site d'opposition all4Syria.info, qui émet de Dubaï, a indiqué que plus d'une centaine de Syriens avaient manifesté jeudi à Damas contre la brutalité policière.
Au Caire, où 18 jours de pression populaire ont entraîné la chute du président Hosni Moubarak le 11 février, des centaines de milliers de personnes ont fêté vendredi la fin de l'ancien régime.
A l'occasion de la grande prière du vendredi sur la place Tahrir, symbole de la révolution, le théologien qatari d'origine égyptienne cheikh Youssef Al-Qardaoui, très écouté dans le monde arabe, a appelé les leaders arabes à ne pas chercher à "arrêter l'Histoire" mais à écouter leurs peuples.
Dans la soirée, l'armée égyptienne, qui détient désormais le pouvoir, a averti qu'elle ne tolérerait pas la poursuite de manifestations nuisant à la situation économique du pays.
"Le Conseil suprême des Forces armées ne permettra pas la poursuite de ces actes illégaux, qui constituent un danger pour la nation. Il y répondra et prendra des mesures légales pour protéger la sécurité de la nation", selon un communiqué.
A Djibouti, qui abrite une importante base militaire américaine, de violents affrontements avec la police ont eu lieu vendredi soir à l'issue d'une manifestation de plusieurs milliers de personnes contre le régime du président Ismaël Omar Guelleh, au pouvoir depuis 1999.
En Algérie, l'opposition restait déterminée à redescendre dans la rue samedi à Alger, malgré les promesses du pouvoir d'une levée de l'état d'urgence et de mesures pour répondre aux attentes des Algériens.