Vlad Tepes : monstre ou héros?
Cette vidéo est un documentaire issu de la série « civilisations disparues » diffusée sur la chaîne Planète. Ce numéro se penche sur l'histoire de Vlad III dit « Tepes » (l'empaleur) ou Dracula (fils du Dragon). Ce personnage dont la cruauté et le nom ont inspiré le roman de Bram Stocker était un bâtisseur et un stratège remarquable, à la droiture exemplaire, qui lui ont valu en Roumanie une renommée en tant que défenseur du peuple. Vlad III est l'héritier de la principauté de Valachie (actuelle Roumanie). Le prince Vlad fut en partie élevé par les Ottomans, probablement pour en faire un janissaire (sorte de mercenaire) mais se libéra de cette condition pour reprendre les rênes du royaume de son père, Vlad II. Cette information, tue dans le documentaire explique sans doute la fascination de Vlad « Tepes » pour le supplice du pal, qui était alors une spécialité ottomane.
Après une présentation de la région de la Transylvanie, l'historienne Tessa Dunlop rappelle le paradoxe entourant le personnage de Vlad III, dont le prestige et les exploits paraissent aussi grands que l'était sa cruauté. Il est également habilement rappelé que l'univers de Vlad III était extrêmement violent et difficile et que les connaissances historiques sur cette époque sont relativement minces, comparées à celles concernant des époques antérieures.
Vlad III serait né à Sighisoara en décembre 1431, une ville fortifiée de Transylvanie. L'endroit exact de la naissance de Dracula serait une maison renovée au 17ème siècle, selon David Baxter et permet de « tester » la reconstitution en images de synthèse (ouf ca marche!). La ville de Sighisoara permet également de présenter une des influences de la Transylvanie : les marchands Saxons et de faire des rappels élémentaires en matière de tactiques défensives médiévales (mâchicoulis, meurtrières etc...). Vlad II avait conclu un marché avec les Saxons de Sighisoara, qui lui permettait de vivre dans la protection de la ville. Après la mort de Vlad II « s'enfuit vers le Nord » (le reportage fait une impasse sur le passé ottoman de Vlad «Tepes » mais bon, on a que 45 minutes!).
Le documentaire s'intéresse ensuite au château de Bran, réputé être le château qui inspira Bram Stocker pour le cadre du roman et qui attire manifestement de nombreux touristes. Rénové, le château ne ressemble plus à la demeure qu'avait choisit Vlad III pour établir son nouveau règne. Grâce à des plans d'architecte de l'époque, les historiens ont pu reconstituer l'apparence originelle du château de Bran. C'était donc une forteresse, dont l'édification a relevé du défi en vue des problèmes posés par le terrain et les besoins de main d'œuvre.
Dracula choisit ensuite de construire une seconde place forte à Tirgoviste, qui demeurera sa capitale officielle. Mais la vie de prince de Valachie est une existence dangereuse, et Vlad craint des complots et une reconquête de son royaume par les Boyards (nobles roumains). Dracula, qui veut également venger la mort de son père doit s'en débarrasser.
Il renforce donc la place forte de Tirgoviste, en ajoutant aux chantiers de son père de nouvelles défenses. Tessa Dunlop insiste sur le fait que Vlad III devait se construire une image de chef incontesté. En plus de l'immense cellier qui n'aurait pas servi qu'à l'entrepôt de vivres, Vlad II ajoute un immense donjon qui offre une vue dégagée sur l'ensemble de la région. Un ingénieur civil souligne ensuite l'efficacité des deux remparts qui garantissait en cas d'assaut de lourdes pertes ennemies. Une fois les travaux de Tirgoviste achevés, Vlad tient à s'occuper des Boyards, et commence ensuite à bâtir sa légende de cruauté qui débute officiellement le dimanche de Pâques 1457, lorsqu'il empala 5000 Boyards après les avoir invités dans son château. Les rescapés de ce massacre seront réduits en esclavage pour bâtir sa véritable demeure, le château de Poenari. Construit sur le sommet d'une montage bordée par l'Argès un affluent du Danube. Cet emplacement stratégique et difficile d'accès représenta un chantier gigantesque, mais grâce à 'inspiration byzantine et un ciment anti-tremblements de terre (fréquents dans la région) ainsi qu'aux esclaves le château occupe encore tout le sommet de la montagne.
D'après des archives allemandes, Vlad Dracula se serait lancé dans une campagne de terreur en 1459. Il compte mater les Saxons qui complotent contre lui et attaque la ville fortifiée de Brasov, en Transylvanie. Brasov possédait une épaisse muraille qui interdisait toute attaque frontale. Vlad III sachant cela, il attaqua de nuit les faubourgs sans défense et empala un grand nombre de ses victimes. Ces exécutions en masse inspirèrent le dessin le plus impressionnant représentant Vlad III en train de dîner au milieu d'une forêt d'empalés. Cette représentation faisait partie d'une campagne de propagande des Saxons et associa pour l'Histoire le nom de Dracula à un dément. Mais les Saxons de Transylvanie ne représentaient pas la seule menace au règne du prince Vlad. Les Ottomans, déjà maîtres d'une grande partie de la péninsule balkanique entendent étendre leur influence vers le Nord, et la Roumanie de Vlad III. Déterminé à résister, le prince construit de nombreuses places fortes le long de la frontière, afin de sécuriser son royaume.
Alors que les Turcs sont en position derrière la frontière de leur empire, Vlad reçoit un émissaire qui lui demande une rançon pour négocier la paix. Vlad, qui se serait senti insulté, aurait cloué le turban sur leur tête, pour leur apprendre à se découvrir devant un personnage de son rang.
En 1461, le conflit éclate entre les Ottomans et Vlad III. Préférant l'attaque, le prince frappe derrières les lignes ennemies, et il est rappelé pour l'occasion qu'il participait lui-même aux batailles.
Pour contrer l'attaque du Sultan Mehmet (II), Vlad déploie des trésors d'ingéniosité. En plus des attaques surprises, il empoisonne les vivres des ennemis, ou infiltre les armées de mercenaires porteurs de maladies contagieuses. Lorsqu'il dut abandonner la forteresse de Tirgoviste, Vlad dresse une forêt d'environ 20 000 empalés à l'attention de Mehmet. Ce dernier, horrifié lui donnera le surnom de « souverain empaleur » avant de s'enfuir, laissant à ses seconds le soin de combattre Dracula. Les armées ottomanes finissent par acculer Vlad dans sa forteresse de Poenari. Terrifiée par l'arrivée des Turcs, la femme de Dracula se serait jetée dans la rivière Argès. Vlad s'enfuit alors de son château en ferrant ses chevaux à l'envers, donnant l'illusion qu'un cavalier était entré au château alors qu'il en sortait.
10 ans plus tard, basé à Bucarest il tente de reprendre son domaine mais échoue. Sa mort reste sujette à des spéculations, mais la légende lui prête une fin glorieuse au milieu des combats. Son cadavre aurait été inhumé dans l'abbaye de Smagov mais la tombe, après examen, ne recèle que des os de chevaux. La roumanie se souvient de lui comme d'un patriote et un ami du peuple. Sa figure a probablement été idéalisée par l'occupation des turcs qui s'étendit après sa mort, et ne prit fin qu'au début du XXème siècle, avec la chute de l'empire.
Ce reportage d'une grande richesse soulève un paradoxe épineux mais étrangement familier: malgré son sadisme digne de Gilles de Rais, Vlad III de Valachie était un souverain éclairé, un bâtisseur de génie et un soldat admiré. Le fait de participer soi-même aux batailles que l'on fait faire est une tradition malheureusement aujourd'hui perdue qui aplanirait pourtant bon nombre de conflits armés. Ce paradoxe entre gloire et cruauté nous remet à l'esprit que le monde d'autrefois était d'une violence difficilement concevable et que seuls les plus forts et les plus agressifs survivaient. Un prince de Valachie pacifique n'aurait pas tenu bien longtemps face à la complexité et au nombre des conflits qui morcelaient alors cette zone de l'Europe centrale.
Le documentaire utilise avec mesure l'arrière fond culturel lié au mythe du vampire, Dracula. Malgré le foisonnement de films (plus de 200) où le vampire apparaît, sans compter les « enfants » de Dracula tels que les vampires d'Anne Rice ou même les ennemis de la belle Buffy, le rapprochement entre le personnage historique qui a inspiré Bram Stocker et le vampire lui même n'apparait que dans l'adaptation (le chef d'œuvre!) de Francis Ford Coppola en 1992 qui reste la plus fidèle à l'œuvre originale. Francis Ford Coppola ajouta une dimension romantique au personnage du vampire, en ajoutant la relation d'amour idéal dans la prédation de Dracula sur Mina, relation absente dans le roman de Bram Stocker. Ce lien romantique a probablement été soutenu par l'anecdote du suicide de la femme de Vlad III à l'approche des Ottomans.
Vlad III a donc influencé non seulement notre Histoire mais aussi, grâce au vampire qu'il a inspiré, l'imaginaire collectif dès le 19ème siècle. Est-il très rassurant de trouver en ce personnage si violent un des « pères » de notre héritage culturel? Pour se rassurer, Vlad III était surtout reconnu pour sa droiture et son désir d'exalter les vertus de ses sujets. Ainsi, pour prouver cette droiture partagée par tous, Vlad laissait sur la place principale de Tirgoviste, sa capitale princière, une coupe en or dans laquelle chacun pouvait boire, à condition que personne ne tente de s'en emparer. La coupe serait restée sur la place jusqu'à la mort du prince.
http://www.mystere-tv.com/vlad-tepes-mo ... v1433.html
