Re: INFOS EN VRAC...
Publié : ven. févr. 10, 2012 1:50 am
Champagne: la guerre des bulles
Le roi des vins n’est pas seulement apprécié pour ses bulles enivrantes, c’est aussi une marque qui attire les convoitises. Parfum, chaussures gâteaux et même jouets pour chiens veulent s'emparer de son nom. Et cela agace les viticulteurs champenois. Comment font-il pour protéger leur précieuse appellation ? Le journal de l’Intelligence Economique d’Ali Laïdi est allé à leur rencontre.INTELLIGENCE ÉCONOMIQUE
Par Camille RUSTICI A Colombey la Fosse, Frédéric Gallois achève sa dernière journée de vendanges. Comme chaque année, ses voisins et amis sont venus l’aider à ramasser les précieuses grappes. Et cette année, la récolte s’annonce plutôt bonne.
Dans la famille Gallois, on est viticulteur de père en fils depuis des générations. La vigne, c’est donc toute sa vie. Et si Frédéric Gallois est si attaché à sa terre, c’est qu’elle est presque unique au monde. Elle fait partie des 34 000 hectares protégés par l’appellation d’origine contrôlée Champagne. Seuls quelques centaines de viticulteurs champenois comme lui ont le privilège de pouvoir y planter leurs vignes et produire le précieux nectar.
Pour défendre ce trésor dionysiaque, la profession s’est organisée. Elle est rassemblée au sein du Comité interprofessionnel des vins de champagne, le CIVC. Six juristes veillent quotidiennement au respect de la marque Champagne. Car sur ce front les batailles ne manquent pas. De faux champagnes, des shampooings, des chaussures, des biscuits et même des jouets pour chiens veulent s’emparer de l’appellation. L’objectif du CIVC, c’est de combattre ces détournements de notoriété.
Et il y met les moyens. 2 millions d’euros sont chaque année dévolus à la protection de l’appellation. Les procès en justice sont le principal levier d'action du CIVC. Et il attaque systématiquement les contrefaçons et détournements de notoriété. En 1990, le prestigieux créateur YSL en fait les frais, après avoir sorti un parfum nommé Champagne. « Les champenois ont considéré qu'un tel usage détournait la notoriété de l'appellation champagne, explique Charles Goemaere, directeur du service protection, c'est à dire permettait à la société YSL de profiter indûment du bénéfice, de la valeur ajoutée créée par la notoriété de l'appellation champagne. »
Condamné, YSL est contraint de rebaptiser son parfum Yvresse. Ce procès pourtant très médiatisé n’en a pas découragé certains. En 2008, « Cham'Alal » propose une alternative sans alcool au traditionnel vin champenois en reprenant les codes et l’univers du Champagne, comme l’explique Marie-Anne Genand, juriste au CIVC. «Vous avez une capsule, un muselet en fil de fer, une coiffe métallique qui est symbolique des bouteilles de champagne. Vous retrouvez également une coiffe, l'étiquette et bien évidemment le nom Cham'Alal qui évoque manifestement l'appellation champagne.»
Le CIVC porte une nouvelle fois l'affaire devant la justice et obtient gain de cause. La marque est immédiatement retirée.
Grâce à une présence internationale du CIVC par l’intermédiaire d’ambassadeurs du Champagne, l’appellation est aujourd’hui protégée dans 130 pays. La seule ombre au tableau, ce sont les Etats-Unis. Certains vins effervescents produits en Californie continuent d’y être appelés Champagne.
Le CIVC a lancé une campagne spécifique à destination du consommateur américain. Le but : suggérer au lecteur des origines absurdes pour un produit familier de manière à susciter son interrogation. Par exemple, une première affiche de campagne posait la question « Le saumon d’Alaska vient-il de Floride ? » et la seconde se demandait « Le Champagne ne vient-il pas de Champagne ? ».
Bruno Paillard, producteur de Champagne et Président de la Commission Appellation et Communication au CIVC a conduit cette campagne. Pour lui, il était important d’utiliser le registre de l’humour pour véhiculer le message du CIVC. « Nous nous adressons dans sa langue, à un consommateur moyen avec des repères qui sont les siens et sans agressivité puisqu'il y avait une forme très humoristique dans cette campagne. »
Mais l’humour, le CIVC n’en avait pas lorsqu’il a fallu évoquer le cas du Champomy, cette boisson pétillante pour enfant dont le nom et la bouteille rappellent le Champagne. Le Comité a refusé de répondre à nos questions concernant le procès qu’il a perdu contre la marque.
Maître Thibault du Manoir, auteur de « Les robes noires dans la guerre économique », revient sur cette affaire. Selon lui, dès la sortie du Champomy, le CIVC poursuit la marque devant un juge. Mais il consent finalement à un accord. « A ce moment-là, on va passer un accord, ce qui est très fréquent en terme d’usage, explique Maître du Manoir, ce qu’on appelle les accords de coexistence de dire, vous pouvez utiliser la marque Champomy mais par contre vous ne faites pas référence à l’univers du Champagne dans vos publicités, dans votre commercialisation. »
Dix ans après, Champomy rompt cet accord de coexistence et conçoit des publicités qui reprennent l’univers du Champagne. Le CIVC l’attaque donc une nouvelle fois. Mais la Cour d’appel de Paris estime qu’en dix ans, Champomy a créé son propre univers, celui de la boisson des goûters pour enfants, et que la marque ne saurait être confondue avec le roi des vins.
Pour Maître du Manoir, la stratégie du CIVC sur le cas Champomy est un échec. « Ils auraient dû, exactement, ne pas faire cet accord de coexistence. »
http://www.france24.com/fr/12-24-1014-c ... protection
Le roi des vins n’est pas seulement apprécié pour ses bulles enivrantes, c’est aussi une marque qui attire les convoitises. Parfum, chaussures gâteaux et même jouets pour chiens veulent s'emparer de son nom. Et cela agace les viticulteurs champenois. Comment font-il pour protéger leur précieuse appellation ? Le journal de l’Intelligence Economique d’Ali Laïdi est allé à leur rencontre.INTELLIGENCE ÉCONOMIQUE
Par Camille RUSTICI A Colombey la Fosse, Frédéric Gallois achève sa dernière journée de vendanges. Comme chaque année, ses voisins et amis sont venus l’aider à ramasser les précieuses grappes. Et cette année, la récolte s’annonce plutôt bonne.
Dans la famille Gallois, on est viticulteur de père en fils depuis des générations. La vigne, c’est donc toute sa vie. Et si Frédéric Gallois est si attaché à sa terre, c’est qu’elle est presque unique au monde. Elle fait partie des 34 000 hectares protégés par l’appellation d’origine contrôlée Champagne. Seuls quelques centaines de viticulteurs champenois comme lui ont le privilège de pouvoir y planter leurs vignes et produire le précieux nectar.
Pour défendre ce trésor dionysiaque, la profession s’est organisée. Elle est rassemblée au sein du Comité interprofessionnel des vins de champagne, le CIVC. Six juristes veillent quotidiennement au respect de la marque Champagne. Car sur ce front les batailles ne manquent pas. De faux champagnes, des shampooings, des chaussures, des biscuits et même des jouets pour chiens veulent s’emparer de l’appellation. L’objectif du CIVC, c’est de combattre ces détournements de notoriété.
Et il y met les moyens. 2 millions d’euros sont chaque année dévolus à la protection de l’appellation. Les procès en justice sont le principal levier d'action du CIVC. Et il attaque systématiquement les contrefaçons et détournements de notoriété. En 1990, le prestigieux créateur YSL en fait les frais, après avoir sorti un parfum nommé Champagne. « Les champenois ont considéré qu'un tel usage détournait la notoriété de l'appellation champagne, explique Charles Goemaere, directeur du service protection, c'est à dire permettait à la société YSL de profiter indûment du bénéfice, de la valeur ajoutée créée par la notoriété de l'appellation champagne. »
Condamné, YSL est contraint de rebaptiser son parfum Yvresse. Ce procès pourtant très médiatisé n’en a pas découragé certains. En 2008, « Cham'Alal » propose une alternative sans alcool au traditionnel vin champenois en reprenant les codes et l’univers du Champagne, comme l’explique Marie-Anne Genand, juriste au CIVC. «Vous avez une capsule, un muselet en fil de fer, une coiffe métallique qui est symbolique des bouteilles de champagne. Vous retrouvez également une coiffe, l'étiquette et bien évidemment le nom Cham'Alal qui évoque manifestement l'appellation champagne.»
Le CIVC porte une nouvelle fois l'affaire devant la justice et obtient gain de cause. La marque est immédiatement retirée.
Grâce à une présence internationale du CIVC par l’intermédiaire d’ambassadeurs du Champagne, l’appellation est aujourd’hui protégée dans 130 pays. La seule ombre au tableau, ce sont les Etats-Unis. Certains vins effervescents produits en Californie continuent d’y être appelés Champagne.
Le CIVC a lancé une campagne spécifique à destination du consommateur américain. Le but : suggérer au lecteur des origines absurdes pour un produit familier de manière à susciter son interrogation. Par exemple, une première affiche de campagne posait la question « Le saumon d’Alaska vient-il de Floride ? » et la seconde se demandait « Le Champagne ne vient-il pas de Champagne ? ».
Bruno Paillard, producteur de Champagne et Président de la Commission Appellation et Communication au CIVC a conduit cette campagne. Pour lui, il était important d’utiliser le registre de l’humour pour véhiculer le message du CIVC. « Nous nous adressons dans sa langue, à un consommateur moyen avec des repères qui sont les siens et sans agressivité puisqu'il y avait une forme très humoristique dans cette campagne. »
Mais l’humour, le CIVC n’en avait pas lorsqu’il a fallu évoquer le cas du Champomy, cette boisson pétillante pour enfant dont le nom et la bouteille rappellent le Champagne. Le Comité a refusé de répondre à nos questions concernant le procès qu’il a perdu contre la marque.
Maître Thibault du Manoir, auteur de « Les robes noires dans la guerre économique », revient sur cette affaire. Selon lui, dès la sortie du Champomy, le CIVC poursuit la marque devant un juge. Mais il consent finalement à un accord. « A ce moment-là, on va passer un accord, ce qui est très fréquent en terme d’usage, explique Maître du Manoir, ce qu’on appelle les accords de coexistence de dire, vous pouvez utiliser la marque Champomy mais par contre vous ne faites pas référence à l’univers du Champagne dans vos publicités, dans votre commercialisation. »
Dix ans après, Champomy rompt cet accord de coexistence et conçoit des publicités qui reprennent l’univers du Champagne. Le CIVC l’attaque donc une nouvelle fois. Mais la Cour d’appel de Paris estime qu’en dix ans, Champomy a créé son propre univers, celui de la boisson des goûters pour enfants, et que la marque ne saurait être confondue avec le roi des vins.
Pour Maître du Manoir, la stratégie du CIVC sur le cas Champomy est un échec. « Ils auraient dû, exactement, ne pas faire cet accord de coexistence. »
http://www.france24.com/fr/12-24-1014-c ... protection