liparis de Loesel (Liparis loeselii) est une orchidée terrestre européenne se développant dans les prés tourbeux et des bas-marais calcicoles. Elle est très menacée en France et en forte régression dans toute l'Europe. Elle fait l'objet d'un plan national d'actions en France
Le genre Liparis est constitué d’environ 300 espèces dont une seule est présente en Europe : Liparis loeselii, une espèce d’orchidée en déclin. C’est une petite plante herbacée vivace géophyte, oligotrophe, rhizomateuse, grêle, entièrement verte et haute de 6 à 25 cm. Elle présente deux feuilles basales subopposées qui sont oblongues elliptiques à ovales elliptiques, d’aspect luisant entourant des pseudobulbes écailleux. C’est d’ailleurs cette caractéristique qui a donné le nom du genre Liparis qui provient du grec liparos signifiant luisant. C’est une plante hémicryptophyte (plante dont les bourgeons se maintiennent au ras du sol). La tige, anguleuse au sommet, se termine par un épi court de petites fleurs vert-jaunâtre. L’inflorescence est lâche et porte 2 à 15 parfois 18 fleurs tournées vers le haut. La floraison se déroule fin mai à début juillet.
Les pétales et les sépales sont situés dans un plan horizontal et forment de fins tubes. L’ovaire est vertical, un peu contourné, long de 6mm, muni d’un pédicelle court.
Deux variétés sont connues, se distinguant par la forme de leurs feuilles :
Variété loeselii (L.) L.C.M. Rich : les feuilles sont oblongues elliptiques, aiguës au sommet et sont en moyenne cinq fois plus longues que larges ;
Variété ovata Riddelsd. ex Godf : les feuilles sont ovales elliptiques, obtuses au sommet et sont en moyenne deux fois plus longues que larges.
Des recherches actuelles sont menées au sein de l’équipe 1 du laboratoire GEPV de Lille 1 afin de délimiter génétiquement ces deux variétés. En effet il semble avoir une différence génétique entre les populations des dunes et des marais. Il est possible, qu'il s'agisse d'un début de spéciation par séparation écologique (adaptation au milieu) de ces deux écotypes. Une étude génétique (PILLON et al., 2007) ayant porté sur des populations du Nord/Pasde-Calais, de Bretagne et de Grande Bretagne, a mis en évidence des regroupements de génotypes par milieu écologique plutôt que par localisation géographique, qui semble correspondre aux variétés décrites.
C'est Charles LINNÉ qui décrit "Ophrys loeseliien" en 1753, dans le « Species Plantarum », antérieurement décrite comme [Ophris diphyllos bulbosa] par Johannes LOESEL [Loeselius] (médecin anatomiste et Professeur de botaniste vivant en Prusse orientale au 17ème siècle). Une nouvelle édition de la flore de la Prusse de J. LOESEL et J. GOTTSCHED [Flora prussica], posthume, en 1703 par J. GOTTSCHED (1668-1704) reproduit cette première description.
Le spécimen type qui a servi à la première description par Linné est encore conservé dans l' herbier Linné du British Museum.
Le genre Liparis a été plus tard, en 1817, par Louis Claude Marie Richard dans « De Orchideis europaeis annotationes » Le nom de Liparis vient du grec liparos, en référence à l’aspect gras et luisant des feuilles.
Le Liparis de Loesel est une orchidée à développement printanier et estival. En hiver, le pseudobulbe, ayant porté feuilles et fruits les saisons précédentes, persiste à l’état de repos, posé à même le sol, parfois à peine ancré par les restes des racines dévitalisées.
A partir du mois de mai, une nouvelle pousse, parfois accompagnée de pousses secondaires, se développe à la base du pseudobulbe en formation. Rapidement, deux feuilles subopposées naissent, au centre desquelles apparaît la hampe florale rudimentaire alors que les feuilles ne sont pas encore totalement épanouies.
Vers la mi juin, la plante est à son plein développement. Les fleurs se succèdent sur la hampe florale de bas en haut. À cette période, un léger renflement apparaît annonçant le prochain pseudobulbe. Il acquiert son plein développement lorsque les fruits sont mûrs. La maturation des capsules paraît lente. Jusqu’en septembre et parfois plus tard on peut observer des tiges portant des capsules vertes bien fermées. La hampe fructifiée se dessèche au cours de l’automne, les graines pouvant alors s’échapper par des fentes longitudinales.
La dissémination des semences est très étalée dans le temps et il n’est pas rare d’observer jusqu’en février des capsules desséchées contenant encore de nombreuses semences viables. Les feuilles disparaissent dès le mois d’octobre.
Liparis est une espèce circumboréale, eurasiatique, subocéanique-préalpine. En Amérique du Nord, elle apparaît fréquemment dans la partie orientale des États-Unis (région des Grands Lacs) et surtout au Canada. En Asie elle pénètre jusqu’en Sibérie occidentale. En Europe, sa distribution s’étend de la chaîne alpine jusqu’à Carpates, et des îles Britanniques à la Russie. En France le Liparis de Loesel est connu actuellement de 12 régions (Nord-Pas-de-Calais, Picardie, Haute-Ardenne, Lorraine, Franche-Comté, Rhône-Alpes, Aquitaine, Poitou-Charentes et Corse). Mais si l’on considère les données historiques, le chiffre s’élève à 19 (disparition des régions Bourgogne, Limousin, Île-de-France, Provence-Alpes-Côte d'Azur, Alsace et Centre). Dans la région Nord/Pas-de-Calais, Picardie, Haute-Normandie, le Liparis est présent exclusivement dans les départements du Pas-de-Calais (constituant l’un des noyaux les plus importants des populations françaises du Liparis), du Nord, de la Somme et de la Seine-Maritime.
Le Nord/Pas-de-Calais constitue avec les régions Rhône-Alpes et Bretagne, le bastion européen du Liparis de Loesel. Complètement éradiqué de l’intérieur des terres suite à la pollution des eaux et à l’eutrophisation des sols, il ne se maintient de façon satisfaisante que dans les dépressions de quelques massifs dunaires du Pas-de-Calais, localement dans de rares marais arrière-littoraux et exceptionnellement dans l’arrière pays.
La fixation des dunes et leur embroussaillement généralisé constituent aujourd’hui la principale menace (disparition des habitats pionniers). Dans les marais arrière-littoraux, la création de plan d’eau au détriment des bas-marais porte des atteintes graves à son habitat. Autres menaces constatées sur les stations de Liparis sont la rudéralisation, décharges sauvages (dépôts de gravats et d’ordures) ainsi que l’ensablement des pannes. La plupart des populations (56% des effectifs du Nord/Pas-de-Calais) ne sont pas protégées. Des mesures de conservation ainsi que des opérations de gestion et de restauration sont cependant en cours sur plusieurs sites.
Michel N°622