Re: EPHEMERIDE: La boite à clous. Ici on trouve de tout.
Publié : mar. nov. 27, 2012 12:55 am
La flotte française a été sabordée à Toulon le 27 novembre 1942 sur l'ordre de l'Amirauté du Régime de Vichy pour éviter sa capture intacte par le Troisième Reich dans le cadre de l’opération Lila. Sauf quelques exceptions, elle refuse ainsi de rejoindre les Alliés et de se livrer aux forces de l'Axe pour que la France conserve son statut de neutralité conformément à l'armistice du 22 juin 1940.
L’armistice du 22 juin 1940, « Armistice … déshonorant… » mettait, selon le général de Gaulle, « à la discrétion de l’ennemi une Flotte française intacte ».
L’article 8 de la convention d’armistice signé dans la clairière de Rethondes le 22 juin 1940 est ainsi écrit :
« La flotte de guerre française - à l'exception de la partie qui est laissée à la disposition du Gouvernement français pour la sauvegarde des intérêts français dans son empire colonial - sera rassemblée dans des ports à déterminer et devra être démobilisée et désarmée sous le contrôle de l'Allemagne ou respectivement de l'Italie.
La désignation de ces ports sera faite d'après les ports d'attache des navires en temps de paix. Le gouvernement allemand déclare solennellement au Gouvernement français qu'il n'a pas l'intention d'utiliser pendant la guerre, à ses propres fins, la flotte de guerre française stationnée dans les ports sous contrôle allemand, sauf les unités nécessaires à la surveillance des côtes et au dragage des mines.
Il déclare, en outre, solennellement et formellement, qu'il n'a pas l'intention de formuler de revendications à l'égard de la flotte de guerre française lors de la conclusion de la paix ; exception faite de la partie de la flotte de guerre française à déterminer qui sera affectée à la sauvegarde des intérêts français dans l'empire colonial, toutes les unités de guerre se trouvant en dehors des eaux territoriales françaises devront être rappelées en France. »
L’amiral Darlan réagit devant les dangers que l’article 8 faisait peser sur « sa » flotte en envoyant, à ses grands subordonnés cet ordre général :
Les navires de guerre doivent rester Français avec pavillon Français et équipage Français.
Des précautions d'auto-sabotage doivent être prises pour que l’ennemi ou étranger s’emparant d’un bâtiment par force ne puisse s’en servir.
Dans le cas ou la Commission allemande d'armistice décidait autrement que dans le 1, les navires seront soit conduits aux États-Unis, soit sabordés. En aucun cas il ne devront être laissés intacts à l’ennemi.
Les navires ainsi réfugiés à l’étranger ne devront pas être utilisés à des opérations de guerre contre l’Allemagne ou l’Italie sans ordre du CEC EMF.
Dans les derniers jours de juin 1940, l’Amirauté britannique prépara une opération du nom de « Catapult ». L’opération Catapult exécutée à l’aube du 3 juillet 1940, comportait « la saisie simultanée, la prise sous contrôle, la mise hors de combat définitive ou la destruction de tous les bâtiments français susceptibles d’être atteints ». Le même jour à Portsmouth et Plymouth, les Anglais s’étaient emparés de tous les navires français, dont les bateaux de guerre, réfugiés en Angleterre, tel que le sous-marin Surcouf. Puis c’est l'attaque de Mers el-Kébir.
Toujours en exécution de l’opération Catapult, l’amiral René-Émile Godfroy, commandant l’escadre française d’Alexandrie (la Force X) avait reçu le 3 juillet, de l’amiral anglais sir Andrew Cunningham un ultimatum. Les deux amiraux se connaissent bien et s'apprécient mais les négociations sont difficiles à mener compte-tenu des divergences et des exigences de leurs gouvernements respectifs. Fort opportunément le lendemain, une escadrille italienne était venue faire diversion. Bien que n'étant plus en guerre contre les forces de l'Axe, les marins Français ouvrent le feu, bientôt imités par l’escadre britannique. La présence d’un ennemi commun facilitera l'accord Franco-Britannique qui sera conclu par un " Gentlemen's agreement".
Le 7 juillet 1940, la Force X était neutralisée sans combat et reprendra la lutte aux côtés des alliés en juin 1943, soit sept mois après le débarquement des alliés en Afrique du Nord, en novembre 1942.
Découlant de Catapult, on peut citer également la bataille de Dakar des 7 et 8 juillet 1940 et la neutralisation, pacifique, de la flotte aux Antilles.
L’opération Catapult fut décidée et exécutée pour empêcher la Flotte française de figurer dans les grands projets que pouvaient former les Allemands, mais anima, en France et dans la Marine en particulier, une bonne part des sentiments anglophobes. Cependant, d’après Winston Churchill, le peuple français aurait bien compris la signification de la bataille de Mers el-Kébir et le général de Gaulle également qui justifia l’opération dans un discours à la BBC, le 8 juillet (voir : bilan de la bataille de Mers el-Kébir).
Aux termes de la convention d’Armistice, Hitler avait « déclaré solennellement » qu’il n’avait « pas l’intention d’utiliser pendant la guerre, à ses propres fins, la Flotte de guerre française ».
Des documents publiés après la victoire alliée ont révélé que, dès le 10 décembre 1940, Hitler préparait minutieusement la mise en place du dispositif qui devait, deux ans plus tard, permettre l’invasion de la zone libre, la violation de l’armistice et le coup de force sur la Marine française à Toulon. La « Directive no 19 », devenue plus tard plan Attila, était donc préparée « en prévision du cas où un mouvement de révolte se produirait dans les parties de l’Empire colonial français actuellement sous le commandement du général Weygand ». La zone désignée par la directive comprenait l’Afrique du Nord (Maroc, Algérie, Tunisie) et l’AOF.
Hitler révélait surtout dans sa directive no 19, sa volonté de « sauvegarder la Flotte française » d’« empêcher la Flotte française de prendre la mer », de « s’emparer de la Flotte française » et enfin d’examiner « comment la Flotte française pourra le mieux passer en notre pouvoir ».
Devant la violence du sentiment anti-anglais, Hitler eu l’idée d’une modification du plan Attila en n’utilisant pas uniquement la force, comme initialement, mais en y mêlant la ruse.
Les Américains, entrés en guerre le 7 décembre 1941 après l'attaque de Pearl Harbor, lancent l’opération Torch, le débarquement allié en Afrique du Nord.
Cette opération ayant pour but l’occupation de l’Afrique du Nord française, en vue de son utilisation comme base de départ pour l’assaut ultérieur de l'Europe, fournit à Hitler l’occasion d’exécuter sa directive no 19.
Ce débarquement est suivi de violents combats sur terre et sur mer. La Tunisie, que les Américains ont jugé inutile d’inclure dans la zone de débarquement, est utilisée par l’Axe, dès le 10 novembre 1942, pour des opérations aériennes massives contre le corps expéditionnaire allié.
Le 10 novembre 1942, l'amiral François Darlan signe un accord de cessez-le-feu avec les Américains et reprend la lutte avec les Alliés. Il est désapprouvé par Pétain.
Pour les Allemands, cet accord constitue une violation de l'Armistice et ils occupent la zone libre, dès le 11 novembre.
Disposition des bâtiments de la Flotte française dans le port de Toulon, avant son sabordage.
Les navires concentrés à Toulon appartenaient à deux ensembles différents.
D'une part la force de haute mer, sous les ordres de l'amiral Jean de Laborde, qui formait une escadre intacte de 38 bâtiments de combat, neufs ou récents en 1939, mais qui n'avait pas été modernisée depuis l'armistice.
À cause des restrictions en mazout imposées par l'Allemagne, les navires naviguaient peu et les équipages manquaient d'entraînement. L'artillerie anti-aérienne avait été renforcée mais insuffisamment, le radar français n'équipait que quelques rares grosses unités et les bâtiments ne disposaient pas d'appareils d'écoute sous-marine modernes.
Ces bâtiments, s'ils s'étaient échappés de Toulon, auraient dû être refondus aux États-Unis ou tout du moins modernisés dans les ports d'Afrique du Nord, pour combattre efficacement avec les Alliés. Ce fut le cas pour certains bâtiments des Forces navales françaises libres (sous-marin Surcouf, contre-torpilleur Le Triomphant...), et de bâtiments de la marine de Vichy, absents de Toulon et qui avaient repris le combat avec les Alliés à partir de décembre 1942, après l'opération "Torch" et jusqu'en juin 1943.(cuirassé Richelieu, croiseurs Gloire, Montcalm, Georges Leygues, Émile Bertin, contre-torpilleurs Le Terrible, Le Fantasque, Le Malin...) D'autres furent modernisés en Afrique du Nord (Cuirassé Lorraine, croiseurs Duquesne, Tourville, Suffren, Duguay Trouin, Jeanne d'Arc, quelques contre-torpilleurs à "4 tuyaux" et torpilleurs de "1 500 tonnes").
Le tonnage de la force de haute mer correspondait au quart des navires de guerre français encore à flot.
D'autre part, une flotte hétéroclite, commandée par l'amiral André Marquis, préfet maritime, de 135 bâtiments dont des navires de guerre en « gardiennage d'armistice » pour les plus anciens et sans équipage, ou en réparations comme le croiseur de bataille Dunkerque, le cuirassé Provence ou le contre torpilleur Mogador, gravement endommagés à Mers el Kébir. Ces navires n'étaient pas en état d'appareiller.
Le 11 novembre 1942, l'amiral Gabriel Auphan avait donné l'ordre aux deux amiraux de Toulon de :
s'opposer, sans effusion de sang, à l'entrée des troupes étrangères dans les établissements, bases aériennes, ouvrages de la Marine ;
s'opposer de même à l'entrée des troupes étrangères à bord des bâtiments de la flotte ; par des négociations locales, s'efforcer d'arriver à un accord ;
en cas d'impossibilité, saborder les bâtiments.
C'est cette dernière solution qui sera appliquée, dans la nuit du 26 au 27 novembre 1942, les amiraux André Marquis et Jean de Laborde ayant appris que les Allemands étaient sur le point de tenter un coup de main sur la flotte.
Le 8 novembre 1942, des mouvements de troupes importants signalés en zone occupée laisse présager un coup de force imminent sur la zone libre. Dans cette perspective, l’armée de terre a pris ses précautions. Un dispositif d’alerte depuis longtemps préparé par le général Jean-Édouard Verneau, a été déclenché. Un PC clandestin aménagé à la ferme de La Rapine à Lezoux est occupé par l’État-Major de l’Armée. Les divisions militaires sont alertées. Les troupes sont mises sur le pied de guerre, et gagnent les zones de regroupement choisies pour permettre la résistance immédiate et l’organisation ultérieure de maquis.
Le 11 novembre, à 4 h du matin Pierre Laval, en visite à Munich, est informé de la décision de Hitler de l’occupation totale de France. Pétain en est également informé par une lettre personnelle du Führer. Ainsi les données premières et les fondements de la convention d’armistice se trouvent supprimées sans qu’il y ait faute de la part de l’Allemagne ou de l’Italie. À 5 h 25, Hitler ordonne à ses troupes de traverser la France pour occuper la côte de la Méditerranée et participer avec les Italiens à la « protection » de la Corse. À 7 h Radio Paris diffuse « un message du Führer au peuple Français » :
« L’Armée allemande ne vient pas en ennemie du peuple français, ni en ennemie de ses soldats. Elle n’a qu’un but : repousser avec ses alliés, toute tentative de débarquement anglo-américain. Avec l’Armée française ils entreprendront la défense des frontières françaises contre les attaques ennemis. »
Attila était en route, la convention d’armistice était violée, et Hitler reconnaissait qu’elle était devenue caduque. La menace d’une cobelligérance au côté des Allemands et des Italiens se précise. L’amiral Gabriel Auphan n’en avait pas tant espéré pour tenter de « sauver » la Flotte. Mais il lui faut l’accord de Pétain. Vers 23 h, un télégramme de Hitler indique :
« Conformément aux négociations et au vœu exprimé par l’amiral Auphan, le Führer exige une déclaration sur parole du commandement de la Flotte de Toulon de n’entreprendre aucune action dirigée contre les puissance de l’Axe et de défendre de toutes ses forces Toulon contre les Anglo-Saxons et des Français ennemis du gouvernement. En ce cas la place forte de Toulon ne doit pas être occupée. »
Pendant ce temps, les blindés allemands sont signalés entre Avignon et Marseille. Le 12 novembre à 9 heures, la « déclaration sur parole d’honneur » est lue par ordre du jour. Toulon est donc, désormais, l’unique enclave non occupée de la France métropolitaine. Après le 15 novembre, les troupes françaises reçoivent l’ordre du QG allemand de se retirer du camp retranché de Toulon. Puis, les avions français sont interdits de survol sur la zone. Le 26 novembre, les Allemands occupent le camp d’aviation de Palyvestre à Hyères, laissé jusque là à la disposition de l’Armée de l’air française. Toujours le 26, des concentrations et des mouvements de troupes et de blindés allemands et italiens sont signalés entre Bandol et Sanary ainsi qu'entre Le Beausset et Ollioules.
Le croiseur La Marseillaise sabordé.
Le 26 novembre 1942 à 23 h, les commandants de la panzerdivision sont prêts à foncer. L’opération Lila, la version définitive d’Attila, ne fixe qu’un objectif : s’emparer de la flotte française de Toulon intacte. Le 27 novembre à 1 h du matin, deux groupements blindés allemands partent d’Aix-en-Provence et de Gémenos et font mouvement sur Toulon.
Le 1er groupement en passant par Solliès-Pont est chargé de pénétrer dans Toulon par l’est, d’occuper le fort Lamalgue, de capturer l’amiral André Marquis, le central téléphonique et le centre de transmission. Puis d’envoyer des éléments blindés et des pièces d’artillerie au Mourillon, d’occuper l’arsenal et s’emparer des sous-marins. Le 2e groupement en passant par Sanary, Six Fours, Les Sablettes est chargé de pénétrer dans Toulon par l’ouest, d’occuper la base aéronavale de Saint-Mandrier et d’y mettre immédiatement en batterie un élément d’artillerie, de s’emparer du PC à la Croix des Signaux et d’occuper toute la presqu’île de Saint Mandrier ainsi que les ouvrages de côte et les batteries.
Deux autres colonnes doivent entrer dans Toulon avec pour mission de s’emparer de tous les quais, appontements, postes d’amarrages et bâtiments français en s’opposant au besoin par la force à toute tentative de destruction.
À 4 h 25, à Châteldon, Pierre Laval reçoit le consul général Roland Krug von Nidda (de) qui lui porte une copie d’une lettre du Führer au maréchal Pétain :
« J’ai dû me résoudre, le 11 novembre 1942 à occuper la côte méridionale de France vous savez Monsieur le Maréchal que toutes les assertions comme quoi l’Allemagne voulait s’emparer de la Flotte Française ne sont que pures inventions ou des mensonges délibérés C’est pourquoi après avoir eu connaissance de nombreuses violations de leur parole d’honneur commises par des officiers, des généraux et des amiraux Français j’ai ordonné l’ordre d’occuper immédiatement Toulon, d’empêcher le départ des navires ou de les détruire»
À 4 h 25 le premier char allemand prend sous ses canons les factionnaires du fort Lamalgue. À 4 h 57, le central téléphonique est totalement isolé. Toutefois pendant 32 minutes les officiers français ont eu le temps de donner l’alerte. Les consignes sont données et les mêmes ordres sont aussitôt donnés aux autres chefs de secteurs. Le navire amiral, le Strasbourg, lance le branle-bas général à l’escadre. La surprise totale du départ est désormais éventée. À partir de 5 h 10 les détachements de pionniers allemands escaladent les murs et ouvrent les portes puis mettent en batterie les pièces de 77, les mortiers et les projecteurs. Ailleurs ce sont des chars et des pièces d’artillerie. La Luftwaffe entre également en action avec pour mission d’illuminer le port pour permettre la surveillance du mouvement des navires. À 5 h 15, commence la seconde partie de l’opération Lila dont dépend le succès ou l’échec du plan : la mainmise sur cette flotte que Hitler convoite. À 5 h 15 les tanks et les chenillettes de la seconde vague pénètrent dans le port. Des camions et un train ont été envoyés aux alentours de l’arsenal, ils sont destinés à obstruer les voies et à retarder l’arrivée des Allemands aux abords de l’arsenal. À 5 h 20 les chars allemands ont contourné les obstacles et menacent l’arsenal du Mourillon. Les amiraux Arnaud Dornon et Jean de Laborde donnent, par radio et téléphone principalement, les instructions pour le sabordage.
À 5 h 25 la porte de l'arsenal principal est enfoncée par les blindés allemands. À 5 h 30 une seconde colonne de chars allemands menace les appontements Milhaud. Au même moment, l’amiral Maurice Le Luc et Pierre Laval, de Vichy, appellent Toulon et donnent l’ordre éviter tout incident[réf. nécessaire]. La communication étant mauvaise, puis soudainement coupée, par l’irruption des Allemands, l’ordre ne sera jamais transmis. À 5 h 35 l’ordre de sabordage, par radio, est donné. Les sous-marins Casabianca, Vénus, Marsouin, Iris et Glorieux parviennent alors à franchir les passes du port militaire, à la sortie de la rade, au prix des pires difficultés : champs de mines magnétiques, bombardements et tirs allemands, filet métallique fermant la passe. À 5 h 40 la plupart des bâtiments ont reçu l’ordre de sabordage. Cependant le chevauchement de ces ordres provoque un certain flottement. Certains, tel le vice-amiral d'escadre Émile Lacroix, décident de surseoir à l’exécution sans ordre écrit, estimant qu'il y a contradiction entre l'ordre d'allumer les feux (assimilé à un appareillage) et l'ordre de prendre les dispositions finales. À 5 h 45, les Allemands franchissent le mur d’enceinte de Milhaud, et tentent de prendre d’assaut le navire amiral, le cuirassé Strasbourg. Celui-ci étant écarté du quai, les fantassins sont impuissants, ils lâchent alors des rafales d’armes automatiques et les chars tirent au canon. Le Strasbourg riposte, les Allemands battent en retraite. C'est alors qu’un nouvel ordre téléphonique de Pierre Laval ordonne : « évitez tout incident, annulez l’opération ordonnée ». L’ordre d’arrêter le sabordage est donc lancé, mais il n’arrivera jamais au cuirassé Strasbourg. À 5 h 55, les Allemands franchissent à nouveau le mur d’enceinte et reparaissent sur le quai.
Ces 10 minutes permettent aux autres navires amarrés à Milhaud de terminer leur sabotage. À 6 h 00 l’ordre de hisser les couleurs est donné. À 6 h 10, les Allemands pénètrent sur le Provence. À 6 h 20, le Provence est sabordé, sans explosif, avec les Allemands à bord. Entre 6 h 10 et 6 h 30 les équipes de sabordage allument les mèches, ouvrent les vannes, noient les soutes... quelquefois malgré la menace des soldats allemands. À 6 h 30, on entend de nombreuses détonations, les explosions se succèdent. Certains navires, comme les croiseurs Algérie, La Marseillaise ou Dupleix, brûleront pendant plusieurs jours.
Entre 6 h 45 et 7 h les Toulonnais tirés de leurs lits vers 5 h par le vrombissement des avions, le roulement des chars, le fracas des explosions, descendent dans la rue, une fois le silence revenu.
Panzer IV de la 7e panzerdivision dans le port de Toulon
Pour les Allemands, l'opération Lila se solda donc par un échec, dû au retard du second groupe allemand (celui venant de l'Ouest), à la qualité des « liaisons marines » et à la parfaite mise au point des consignes de sabordage.
Côté français, on ne peut parler de « brillante opération », dans ce désastre qui voit la disparition de la flotte française. Le bilan au soir du 27 novembre fait état de 90 % de la flotte de Toulon sabordée, dont la totalité des forces de haute mer qui y étaient stationnées. Tous les grands bâtiments de combat sont coulés et irrécupérables. Certains seront par la suite renfloués mais ne feront jamais que de la ferraille.
Ce sont au total 235 000 tonnes sabordées dont :
2 croiseurs de bataille,
1 cuirassé,
7 croiseurs,
1 transport d’aviation
15 contre-torpilleurs,
13 torpilleurs,
6 avisos,
12 sous-marins,
9 patrouilleurs et dragueurs,
19 bâtiments de servitude,
1 bâtiment-école,
28 remorqueurs,
4 docks flottants.
Seuls 39 bâtiments seront capturés, tous de petit tonnage sans grande valeur militaire car sabotés, endommagés, ou pour certains désarmés.
Plusieurs sous-marins ont ignoré l'ordre de saborder et certains d'entre eux ont choisi de rallier l'Afrique du Nord pour reprendre le combat (sauf la Vénus), avec les Alliés, aux côtés du reste de la flotte française alors à l'abri en Afrique du Nord ou dans les colonies :
le Casabianca et le Marsouin atteignent Alger ;
le Glorieux atteint Oran ;
l’Iris à court de gas-oil se réfugie à Barcelone, où il restera interné pendant la durée de la guerre ;
la Vénus se saborde à l'entrée du port de Toulon conformément aux ordres de sabordage en eaux profondes.
Outre les sous-marins, le petit baliseur Leonor Fresnel, réussi à s'échapper et à rejoindre Alger.
Côté français
Avec la perte de la flotte, le régime de Vichy a perdu son dernier témoignage de la puissance et marqué définitivement son refus de reprendre la lutte avec les Alliés.
L'agence officielle de censure, l'OFI (Office français d'information) et les propagandistes sont très gênés en voulant ménager les Allemands, sans désavouer l'amiral Jean de Laborde. Le 28 novembre, les directeurs du journal Le Temps, Emile Mireaux et Jacques Chastenet « suspendent » le quotidien en réponse à l'invasion de la zone Sud.
Côté allemand
Bien que le personnel de la Kriegsmarine ait été déçu, Adolf Hitler a considéré que l'élimination de la flotte française a scellé le succès de l'opération Anton.
Côté allié
La presse anglaise salue, avec lyrisme, le geste accompli par les marins français.
La presse américaine salue, avec enthousiasme, l’honneur et le patriotisme français.
La presse russe bat les records d’imagination journalistique, en fournissant, dès le 27 novembre au soir, les premiers détails sur le combat d'artillerie entre l'escadre française et les batteries allemandes.
Quelques torpilleurs et contre-torpilleurs anciens, désarmés, sans équipe de sabordage, sont récupérés intacts par les Italiens qui les utilisent peu. Ils sont soit coulés par les Alliés ou les Allemands, soit repris par les Alliés et rendus ultérieurement à la marine nationale française.
Les épaves des croiseurs Jean de Vienne et La Galissonnière sont renflouées et rebaptisés FR11 et FR12, mais leur réparation est génée par les bombardements alliés et s'avère impossible dans un arsenal dont l'outil industriel est détruit.
Deux des cinq tourelles doubles de 340 mm du cuirassé Provence sont débarquées et placées sur la presqu'île de Saint-Mandrier-sur-Mer pour la défense des approches de Toulon.
L’armistice du 22 juin 1940, « Armistice … déshonorant… » mettait, selon le général de Gaulle, « à la discrétion de l’ennemi une Flotte française intacte ».
L’article 8 de la convention d’armistice signé dans la clairière de Rethondes le 22 juin 1940 est ainsi écrit :
« La flotte de guerre française - à l'exception de la partie qui est laissée à la disposition du Gouvernement français pour la sauvegarde des intérêts français dans son empire colonial - sera rassemblée dans des ports à déterminer et devra être démobilisée et désarmée sous le contrôle de l'Allemagne ou respectivement de l'Italie.
La désignation de ces ports sera faite d'après les ports d'attache des navires en temps de paix. Le gouvernement allemand déclare solennellement au Gouvernement français qu'il n'a pas l'intention d'utiliser pendant la guerre, à ses propres fins, la flotte de guerre française stationnée dans les ports sous contrôle allemand, sauf les unités nécessaires à la surveillance des côtes et au dragage des mines.
Il déclare, en outre, solennellement et formellement, qu'il n'a pas l'intention de formuler de revendications à l'égard de la flotte de guerre française lors de la conclusion de la paix ; exception faite de la partie de la flotte de guerre française à déterminer qui sera affectée à la sauvegarde des intérêts français dans l'empire colonial, toutes les unités de guerre se trouvant en dehors des eaux territoriales françaises devront être rappelées en France. »
L’amiral Darlan réagit devant les dangers que l’article 8 faisait peser sur « sa » flotte en envoyant, à ses grands subordonnés cet ordre général :
Les navires de guerre doivent rester Français avec pavillon Français et équipage Français.
Des précautions d'auto-sabotage doivent être prises pour que l’ennemi ou étranger s’emparant d’un bâtiment par force ne puisse s’en servir.
Dans le cas ou la Commission allemande d'armistice décidait autrement que dans le 1, les navires seront soit conduits aux États-Unis, soit sabordés. En aucun cas il ne devront être laissés intacts à l’ennemi.
Les navires ainsi réfugiés à l’étranger ne devront pas être utilisés à des opérations de guerre contre l’Allemagne ou l’Italie sans ordre du CEC EMF.
Dans les derniers jours de juin 1940, l’Amirauté britannique prépara une opération du nom de « Catapult ». L’opération Catapult exécutée à l’aube du 3 juillet 1940, comportait « la saisie simultanée, la prise sous contrôle, la mise hors de combat définitive ou la destruction de tous les bâtiments français susceptibles d’être atteints ». Le même jour à Portsmouth et Plymouth, les Anglais s’étaient emparés de tous les navires français, dont les bateaux de guerre, réfugiés en Angleterre, tel que le sous-marin Surcouf. Puis c’est l'attaque de Mers el-Kébir.
Toujours en exécution de l’opération Catapult, l’amiral René-Émile Godfroy, commandant l’escadre française d’Alexandrie (la Force X) avait reçu le 3 juillet, de l’amiral anglais sir Andrew Cunningham un ultimatum. Les deux amiraux se connaissent bien et s'apprécient mais les négociations sont difficiles à mener compte-tenu des divergences et des exigences de leurs gouvernements respectifs. Fort opportunément le lendemain, une escadrille italienne était venue faire diversion. Bien que n'étant plus en guerre contre les forces de l'Axe, les marins Français ouvrent le feu, bientôt imités par l’escadre britannique. La présence d’un ennemi commun facilitera l'accord Franco-Britannique qui sera conclu par un " Gentlemen's agreement".
Le 7 juillet 1940, la Force X était neutralisée sans combat et reprendra la lutte aux côtés des alliés en juin 1943, soit sept mois après le débarquement des alliés en Afrique du Nord, en novembre 1942.
Découlant de Catapult, on peut citer également la bataille de Dakar des 7 et 8 juillet 1940 et la neutralisation, pacifique, de la flotte aux Antilles.
L’opération Catapult fut décidée et exécutée pour empêcher la Flotte française de figurer dans les grands projets que pouvaient former les Allemands, mais anima, en France et dans la Marine en particulier, une bonne part des sentiments anglophobes. Cependant, d’après Winston Churchill, le peuple français aurait bien compris la signification de la bataille de Mers el-Kébir et le général de Gaulle également qui justifia l’opération dans un discours à la BBC, le 8 juillet (voir : bilan de la bataille de Mers el-Kébir).
Aux termes de la convention d’Armistice, Hitler avait « déclaré solennellement » qu’il n’avait « pas l’intention d’utiliser pendant la guerre, à ses propres fins, la Flotte de guerre française ».
Des documents publiés après la victoire alliée ont révélé que, dès le 10 décembre 1940, Hitler préparait minutieusement la mise en place du dispositif qui devait, deux ans plus tard, permettre l’invasion de la zone libre, la violation de l’armistice et le coup de force sur la Marine française à Toulon. La « Directive no 19 », devenue plus tard plan Attila, était donc préparée « en prévision du cas où un mouvement de révolte se produirait dans les parties de l’Empire colonial français actuellement sous le commandement du général Weygand ». La zone désignée par la directive comprenait l’Afrique du Nord (Maroc, Algérie, Tunisie) et l’AOF.
Hitler révélait surtout dans sa directive no 19, sa volonté de « sauvegarder la Flotte française » d’« empêcher la Flotte française de prendre la mer », de « s’emparer de la Flotte française » et enfin d’examiner « comment la Flotte française pourra le mieux passer en notre pouvoir ».
Devant la violence du sentiment anti-anglais, Hitler eu l’idée d’une modification du plan Attila en n’utilisant pas uniquement la force, comme initialement, mais en y mêlant la ruse.
Les Américains, entrés en guerre le 7 décembre 1941 après l'attaque de Pearl Harbor, lancent l’opération Torch, le débarquement allié en Afrique du Nord.
Cette opération ayant pour but l’occupation de l’Afrique du Nord française, en vue de son utilisation comme base de départ pour l’assaut ultérieur de l'Europe, fournit à Hitler l’occasion d’exécuter sa directive no 19.
Ce débarquement est suivi de violents combats sur terre et sur mer. La Tunisie, que les Américains ont jugé inutile d’inclure dans la zone de débarquement, est utilisée par l’Axe, dès le 10 novembre 1942, pour des opérations aériennes massives contre le corps expéditionnaire allié.
Le 10 novembre 1942, l'amiral François Darlan signe un accord de cessez-le-feu avec les Américains et reprend la lutte avec les Alliés. Il est désapprouvé par Pétain.
Pour les Allemands, cet accord constitue une violation de l'Armistice et ils occupent la zone libre, dès le 11 novembre.
Disposition des bâtiments de la Flotte française dans le port de Toulon, avant son sabordage.
Les navires concentrés à Toulon appartenaient à deux ensembles différents.
D'une part la force de haute mer, sous les ordres de l'amiral Jean de Laborde, qui formait une escadre intacte de 38 bâtiments de combat, neufs ou récents en 1939, mais qui n'avait pas été modernisée depuis l'armistice.
À cause des restrictions en mazout imposées par l'Allemagne, les navires naviguaient peu et les équipages manquaient d'entraînement. L'artillerie anti-aérienne avait été renforcée mais insuffisamment, le radar français n'équipait que quelques rares grosses unités et les bâtiments ne disposaient pas d'appareils d'écoute sous-marine modernes.
Ces bâtiments, s'ils s'étaient échappés de Toulon, auraient dû être refondus aux États-Unis ou tout du moins modernisés dans les ports d'Afrique du Nord, pour combattre efficacement avec les Alliés. Ce fut le cas pour certains bâtiments des Forces navales françaises libres (sous-marin Surcouf, contre-torpilleur Le Triomphant...), et de bâtiments de la marine de Vichy, absents de Toulon et qui avaient repris le combat avec les Alliés à partir de décembre 1942, après l'opération "Torch" et jusqu'en juin 1943.(cuirassé Richelieu, croiseurs Gloire, Montcalm, Georges Leygues, Émile Bertin, contre-torpilleurs Le Terrible, Le Fantasque, Le Malin...) D'autres furent modernisés en Afrique du Nord (Cuirassé Lorraine, croiseurs Duquesne, Tourville, Suffren, Duguay Trouin, Jeanne d'Arc, quelques contre-torpilleurs à "4 tuyaux" et torpilleurs de "1 500 tonnes").
Le tonnage de la force de haute mer correspondait au quart des navires de guerre français encore à flot.
D'autre part, une flotte hétéroclite, commandée par l'amiral André Marquis, préfet maritime, de 135 bâtiments dont des navires de guerre en « gardiennage d'armistice » pour les plus anciens et sans équipage, ou en réparations comme le croiseur de bataille Dunkerque, le cuirassé Provence ou le contre torpilleur Mogador, gravement endommagés à Mers el Kébir. Ces navires n'étaient pas en état d'appareiller.
Le 11 novembre 1942, l'amiral Gabriel Auphan avait donné l'ordre aux deux amiraux de Toulon de :
s'opposer, sans effusion de sang, à l'entrée des troupes étrangères dans les établissements, bases aériennes, ouvrages de la Marine ;
s'opposer de même à l'entrée des troupes étrangères à bord des bâtiments de la flotte ; par des négociations locales, s'efforcer d'arriver à un accord ;
en cas d'impossibilité, saborder les bâtiments.
C'est cette dernière solution qui sera appliquée, dans la nuit du 26 au 27 novembre 1942, les amiraux André Marquis et Jean de Laborde ayant appris que les Allemands étaient sur le point de tenter un coup de main sur la flotte.
Le 8 novembre 1942, des mouvements de troupes importants signalés en zone occupée laisse présager un coup de force imminent sur la zone libre. Dans cette perspective, l’armée de terre a pris ses précautions. Un dispositif d’alerte depuis longtemps préparé par le général Jean-Édouard Verneau, a été déclenché. Un PC clandestin aménagé à la ferme de La Rapine à Lezoux est occupé par l’État-Major de l’Armée. Les divisions militaires sont alertées. Les troupes sont mises sur le pied de guerre, et gagnent les zones de regroupement choisies pour permettre la résistance immédiate et l’organisation ultérieure de maquis.
Le 11 novembre, à 4 h du matin Pierre Laval, en visite à Munich, est informé de la décision de Hitler de l’occupation totale de France. Pétain en est également informé par une lettre personnelle du Führer. Ainsi les données premières et les fondements de la convention d’armistice se trouvent supprimées sans qu’il y ait faute de la part de l’Allemagne ou de l’Italie. À 5 h 25, Hitler ordonne à ses troupes de traverser la France pour occuper la côte de la Méditerranée et participer avec les Italiens à la « protection » de la Corse. À 7 h Radio Paris diffuse « un message du Führer au peuple Français » :
« L’Armée allemande ne vient pas en ennemie du peuple français, ni en ennemie de ses soldats. Elle n’a qu’un but : repousser avec ses alliés, toute tentative de débarquement anglo-américain. Avec l’Armée française ils entreprendront la défense des frontières françaises contre les attaques ennemis. »
Attila était en route, la convention d’armistice était violée, et Hitler reconnaissait qu’elle était devenue caduque. La menace d’une cobelligérance au côté des Allemands et des Italiens se précise. L’amiral Gabriel Auphan n’en avait pas tant espéré pour tenter de « sauver » la Flotte. Mais il lui faut l’accord de Pétain. Vers 23 h, un télégramme de Hitler indique :
« Conformément aux négociations et au vœu exprimé par l’amiral Auphan, le Führer exige une déclaration sur parole du commandement de la Flotte de Toulon de n’entreprendre aucune action dirigée contre les puissance de l’Axe et de défendre de toutes ses forces Toulon contre les Anglo-Saxons et des Français ennemis du gouvernement. En ce cas la place forte de Toulon ne doit pas être occupée. »
Pendant ce temps, les blindés allemands sont signalés entre Avignon et Marseille. Le 12 novembre à 9 heures, la « déclaration sur parole d’honneur » est lue par ordre du jour. Toulon est donc, désormais, l’unique enclave non occupée de la France métropolitaine. Après le 15 novembre, les troupes françaises reçoivent l’ordre du QG allemand de se retirer du camp retranché de Toulon. Puis, les avions français sont interdits de survol sur la zone. Le 26 novembre, les Allemands occupent le camp d’aviation de Palyvestre à Hyères, laissé jusque là à la disposition de l’Armée de l’air française. Toujours le 26, des concentrations et des mouvements de troupes et de blindés allemands et italiens sont signalés entre Bandol et Sanary ainsi qu'entre Le Beausset et Ollioules.
Le croiseur La Marseillaise sabordé.
Le 26 novembre 1942 à 23 h, les commandants de la panzerdivision sont prêts à foncer. L’opération Lila, la version définitive d’Attila, ne fixe qu’un objectif : s’emparer de la flotte française de Toulon intacte. Le 27 novembre à 1 h du matin, deux groupements blindés allemands partent d’Aix-en-Provence et de Gémenos et font mouvement sur Toulon.
Le 1er groupement en passant par Solliès-Pont est chargé de pénétrer dans Toulon par l’est, d’occuper le fort Lamalgue, de capturer l’amiral André Marquis, le central téléphonique et le centre de transmission. Puis d’envoyer des éléments blindés et des pièces d’artillerie au Mourillon, d’occuper l’arsenal et s’emparer des sous-marins. Le 2e groupement en passant par Sanary, Six Fours, Les Sablettes est chargé de pénétrer dans Toulon par l’ouest, d’occuper la base aéronavale de Saint-Mandrier et d’y mettre immédiatement en batterie un élément d’artillerie, de s’emparer du PC à la Croix des Signaux et d’occuper toute la presqu’île de Saint Mandrier ainsi que les ouvrages de côte et les batteries.
Deux autres colonnes doivent entrer dans Toulon avec pour mission de s’emparer de tous les quais, appontements, postes d’amarrages et bâtiments français en s’opposant au besoin par la force à toute tentative de destruction.
À 4 h 25, à Châteldon, Pierre Laval reçoit le consul général Roland Krug von Nidda (de) qui lui porte une copie d’une lettre du Führer au maréchal Pétain :
« J’ai dû me résoudre, le 11 novembre 1942 à occuper la côte méridionale de France vous savez Monsieur le Maréchal que toutes les assertions comme quoi l’Allemagne voulait s’emparer de la Flotte Française ne sont que pures inventions ou des mensonges délibérés C’est pourquoi après avoir eu connaissance de nombreuses violations de leur parole d’honneur commises par des officiers, des généraux et des amiraux Français j’ai ordonné l’ordre d’occuper immédiatement Toulon, d’empêcher le départ des navires ou de les détruire»
À 4 h 25 le premier char allemand prend sous ses canons les factionnaires du fort Lamalgue. À 4 h 57, le central téléphonique est totalement isolé. Toutefois pendant 32 minutes les officiers français ont eu le temps de donner l’alerte. Les consignes sont données et les mêmes ordres sont aussitôt donnés aux autres chefs de secteurs. Le navire amiral, le Strasbourg, lance le branle-bas général à l’escadre. La surprise totale du départ est désormais éventée. À partir de 5 h 10 les détachements de pionniers allemands escaladent les murs et ouvrent les portes puis mettent en batterie les pièces de 77, les mortiers et les projecteurs. Ailleurs ce sont des chars et des pièces d’artillerie. La Luftwaffe entre également en action avec pour mission d’illuminer le port pour permettre la surveillance du mouvement des navires. À 5 h 15, commence la seconde partie de l’opération Lila dont dépend le succès ou l’échec du plan : la mainmise sur cette flotte que Hitler convoite. À 5 h 15 les tanks et les chenillettes de la seconde vague pénètrent dans le port. Des camions et un train ont été envoyés aux alentours de l’arsenal, ils sont destinés à obstruer les voies et à retarder l’arrivée des Allemands aux abords de l’arsenal. À 5 h 20 les chars allemands ont contourné les obstacles et menacent l’arsenal du Mourillon. Les amiraux Arnaud Dornon et Jean de Laborde donnent, par radio et téléphone principalement, les instructions pour le sabordage.
À 5 h 25 la porte de l'arsenal principal est enfoncée par les blindés allemands. À 5 h 30 une seconde colonne de chars allemands menace les appontements Milhaud. Au même moment, l’amiral Maurice Le Luc et Pierre Laval, de Vichy, appellent Toulon et donnent l’ordre éviter tout incident[réf. nécessaire]. La communication étant mauvaise, puis soudainement coupée, par l’irruption des Allemands, l’ordre ne sera jamais transmis. À 5 h 35 l’ordre de sabordage, par radio, est donné. Les sous-marins Casabianca, Vénus, Marsouin, Iris et Glorieux parviennent alors à franchir les passes du port militaire, à la sortie de la rade, au prix des pires difficultés : champs de mines magnétiques, bombardements et tirs allemands, filet métallique fermant la passe. À 5 h 40 la plupart des bâtiments ont reçu l’ordre de sabordage. Cependant le chevauchement de ces ordres provoque un certain flottement. Certains, tel le vice-amiral d'escadre Émile Lacroix, décident de surseoir à l’exécution sans ordre écrit, estimant qu'il y a contradiction entre l'ordre d'allumer les feux (assimilé à un appareillage) et l'ordre de prendre les dispositions finales. À 5 h 45, les Allemands franchissent le mur d’enceinte de Milhaud, et tentent de prendre d’assaut le navire amiral, le cuirassé Strasbourg. Celui-ci étant écarté du quai, les fantassins sont impuissants, ils lâchent alors des rafales d’armes automatiques et les chars tirent au canon. Le Strasbourg riposte, les Allemands battent en retraite. C'est alors qu’un nouvel ordre téléphonique de Pierre Laval ordonne : « évitez tout incident, annulez l’opération ordonnée ». L’ordre d’arrêter le sabordage est donc lancé, mais il n’arrivera jamais au cuirassé Strasbourg. À 5 h 55, les Allemands franchissent à nouveau le mur d’enceinte et reparaissent sur le quai.
Ces 10 minutes permettent aux autres navires amarrés à Milhaud de terminer leur sabotage. À 6 h 00 l’ordre de hisser les couleurs est donné. À 6 h 10, les Allemands pénètrent sur le Provence. À 6 h 20, le Provence est sabordé, sans explosif, avec les Allemands à bord. Entre 6 h 10 et 6 h 30 les équipes de sabordage allument les mèches, ouvrent les vannes, noient les soutes... quelquefois malgré la menace des soldats allemands. À 6 h 30, on entend de nombreuses détonations, les explosions se succèdent. Certains navires, comme les croiseurs Algérie, La Marseillaise ou Dupleix, brûleront pendant plusieurs jours.
Entre 6 h 45 et 7 h les Toulonnais tirés de leurs lits vers 5 h par le vrombissement des avions, le roulement des chars, le fracas des explosions, descendent dans la rue, une fois le silence revenu.
Panzer IV de la 7e panzerdivision dans le port de Toulon
Pour les Allemands, l'opération Lila se solda donc par un échec, dû au retard du second groupe allemand (celui venant de l'Ouest), à la qualité des « liaisons marines » et à la parfaite mise au point des consignes de sabordage.
Côté français, on ne peut parler de « brillante opération », dans ce désastre qui voit la disparition de la flotte française. Le bilan au soir du 27 novembre fait état de 90 % de la flotte de Toulon sabordée, dont la totalité des forces de haute mer qui y étaient stationnées. Tous les grands bâtiments de combat sont coulés et irrécupérables. Certains seront par la suite renfloués mais ne feront jamais que de la ferraille.
Ce sont au total 235 000 tonnes sabordées dont :
2 croiseurs de bataille,
1 cuirassé,
7 croiseurs,
1 transport d’aviation
15 contre-torpilleurs,
13 torpilleurs,
6 avisos,
12 sous-marins,
9 patrouilleurs et dragueurs,
19 bâtiments de servitude,
1 bâtiment-école,
28 remorqueurs,
4 docks flottants.
Seuls 39 bâtiments seront capturés, tous de petit tonnage sans grande valeur militaire car sabotés, endommagés, ou pour certains désarmés.
Plusieurs sous-marins ont ignoré l'ordre de saborder et certains d'entre eux ont choisi de rallier l'Afrique du Nord pour reprendre le combat (sauf la Vénus), avec les Alliés, aux côtés du reste de la flotte française alors à l'abri en Afrique du Nord ou dans les colonies :
le Casabianca et le Marsouin atteignent Alger ;
le Glorieux atteint Oran ;
l’Iris à court de gas-oil se réfugie à Barcelone, où il restera interné pendant la durée de la guerre ;
la Vénus se saborde à l'entrée du port de Toulon conformément aux ordres de sabordage en eaux profondes.
Outre les sous-marins, le petit baliseur Leonor Fresnel, réussi à s'échapper et à rejoindre Alger.
Côté français
Avec la perte de la flotte, le régime de Vichy a perdu son dernier témoignage de la puissance et marqué définitivement son refus de reprendre la lutte avec les Alliés.
L'agence officielle de censure, l'OFI (Office français d'information) et les propagandistes sont très gênés en voulant ménager les Allemands, sans désavouer l'amiral Jean de Laborde. Le 28 novembre, les directeurs du journal Le Temps, Emile Mireaux et Jacques Chastenet « suspendent » le quotidien en réponse à l'invasion de la zone Sud.
Côté allemand
Bien que le personnel de la Kriegsmarine ait été déçu, Adolf Hitler a considéré que l'élimination de la flotte française a scellé le succès de l'opération Anton.
Côté allié
La presse anglaise salue, avec lyrisme, le geste accompli par les marins français.
La presse américaine salue, avec enthousiasme, l’honneur et le patriotisme français.
La presse russe bat les records d’imagination journalistique, en fournissant, dès le 27 novembre au soir, les premiers détails sur le combat d'artillerie entre l'escadre française et les batteries allemandes.
Quelques torpilleurs et contre-torpilleurs anciens, désarmés, sans équipe de sabordage, sont récupérés intacts par les Italiens qui les utilisent peu. Ils sont soit coulés par les Alliés ou les Allemands, soit repris par les Alliés et rendus ultérieurement à la marine nationale française.
Les épaves des croiseurs Jean de Vienne et La Galissonnière sont renflouées et rebaptisés FR11 et FR12, mais leur réparation est génée par les bombardements alliés et s'avère impossible dans un arsenal dont l'outil industriel est détruit.
Deux des cinq tourelles doubles de 340 mm du cuirassé Provence sont débarquées et placées sur la presqu'île de Saint-Mandrier-sur-Mer pour la défense des approches de Toulon.