Re: EPHEMERIDE: La boite à clous. Ici on trouve de tout.
Publié : dim. oct. 28, 2012 12:13 am
Dans l'après-midi du 23 octobre 1956, environ 20 000 protestants se rassemblèrent près de la statue de Josef Bem, un héros national de la Pologne et de la Hongrie. Péter Veres, le président de l'union des écrivains hongrois, lut un manifeste à la foule, les étudiants firent de même et la foule commença à chanter le poème patriotique interdit, "Nemzeti dal", dont le refrain était « nous le jurons, nous le jurons, que nous ne serons esclaves plus longtemps ! ». Quelqu'un dans la foule découpa les armoiries communistes du drapeau laissant un trou distinctif et d'autres firent de même.
Ensuite, la foule traversa le Danube pour rejoindre les manifestants devant le bâtiment du parlement hongrois. Vers 18h00, plus de 200 000 personnes étaient présentes; La manifestation était exubérante mais pacifique.
À 20h00, le premier secrétaire Ernő Gerő diffusa un discours condamnant les demandes des écrivains et des étudiants. Énervés par la ligne dure de Gerő, certains manifestants décidèrent d'appliquer l'une de leurs demandes, le retrait d'une statue en bronze de Staline de 10m de haut qui fut érigée en 1951 sur le site d'une église qui fut démolie pour lui faire de la place. La statue fut renversée à 21h30 et la foule en liesse plaça le drapeau hongrois dans les bottes de Staline qui étaient tout ce qui restait de la statue.
À peu près au même moment, une large foule se rassembla devant le bâtiment de Radio Budapest qui était lourdement gardée par l'ÁVH. Le moment critique eut lieu lorsqu’une délégation voulant diffuser ses demandes fut arrêtée et que la foule s'agita après des rumeurs faisant état de manifestants abattus. Des gaz lacrymogènes furent lancés depuis le bâtiment et l'ÁVH ouvrit le feu sur la foule en faisant plusieurs morts. L'ÁVH tenta de se réapprovisionner en cachant des armes dans une ambulance mais la foule repéra la ruse et l'intercepta. Les soldats hongrois envoyés en soutien de l'ÁVH hésitèrent un moment avant d'arracher leurs insignes et de rejoindre la foule. Provoqués par les attaques de l'ÁVH, les protestants réagirent violemment. Les voitures de police furent incendiées, les dépôts d'armes furent pris d'assaut et les armes furent distribuées à la foule et les symboles du régime communiste furent vandalisés.
Au cours de la nuit du 23 octobre, le secrétaire du parti des travailleurs hongrois Ernő Gerő demanda une intervention militaire soviétique « pour réprimer une manifestation d'une ampleur sans précédent ». L'état-major soviétique avait préparé des plans de crises en vue d'une intervention en Hongrie au cours des mois précédents. Le 24 octobre à 2h00 du matin, les chars soviétiques, sous les ordres du ministre de la Défense entraient dans Budapest.
À partir de midi, ceux-ci étaient stationnés devant le bâtiment du parlement et les soldats contrôlaient les ponts et les principaux carrefours. Des insurgés armés mirent rapidement en place des barricades pour défendre la ville et s'emparèrent même de quelques chars soviétiques dans la matinée44. Le même jour, Imre Nagy remplaça András Hegedűs au poste de premier ministre. À la radio, Nagy appela à la fin des violences et promit de mettre en place les réformes qui avaient été laissées en suspens trois ans auparavant. Des protestants armés s'emparèrent du bâtiment de la radio et au siège du journal communiste Szabad Nép, les gardes de l'ÁVH qui avaient tirés sur les manifestants désarmés furent chassés par l'arrivée de manifestants armés. À ce moment, la colère des révolutionnaires se concentrait sur l'ÁVH; Les forces soviétiques n'étaient pas encore pleinement engagées et à de nombreuses occasions, les soldats soviétiques montrèrent leur sympathie aux manifestants.
Le 25 octobre, un grand nombre de manifestants se rassembla en face du bâtiment du parlement. Les unités de l'ÁVH ouvrirent le feu sur la foule depuis les toits. Certains soldats soviétiques répliquèrent, croyant à tort être la cible des tirs. De même, la foule utilisa les armes capturées pour se défendre.
Les attaques au parlement entraînèrent la chute du gouvernement59. Le premier secrétaire du parti communiste Ernő Gerő et le premier ministre András Hegedűs s'enfuirent en Union soviétique et furent remplacés respectivement par János Kádár et Imre Nagy. Les révolutionnaires commencèrent à s'en prendre aux soldats soviétiques.
Alors que la résistance hongroise attaquait les chars soviétiques avec des cocktails Molotov dans les étroites rues de Budapest, des conseils révolutionnaires apparurent dans tout le pays, faisant office de gouvernements locaux, et appelèrent à la grève générale. Les symboles communistes comme l'étoile rouge et les mémoriaux militaires furent vandalisés et les livres communistes brûlés. Des groupes de miliciens apparurent spontanément, comme les 400 hommes menés par József Dudás, et attaquèrent les sympathisants soviétiques et les membres de l'ÁVH. Les unités soviétiques combattirent principalement à Budapest ; ailleurs la situation était relativement calme. Une division blindée basée à Budapest et commandée par Pál Maléter choisit de rejoindre les insurgés. Les commandants soviétiques négocièrent souvent des cessez-le-feu locaux avec les révolutionnaires. Les Soviétiques parvinrent à ramener l'ordre dans certaines régions. À Budapest, les unités soviétiques commencèrent à se retirer et les affrontements s'atténuèrent. Le général hongrois Béla Király, récemment libéré après avoir été condamné pour crime politique, chercha à ramener l'ordre en unifiant les éléments de la police, de l'armée et des groupes d'insurgés au sein d'une garde nationale. Un cessez-le-feu fut arrangé le 28 octobre et le 30 octobre, la plupart des troupes soviétiques avaient quitté Budapest pour des garnisons à l'extérieur de la ville.
Réplique de la statue de Joseph Staline renversée lors de la révolution à Szoborpark près de Budapest
Les combats furent quasiment inexistants entre le 28 octobre et le 4 novembre car de nombreux Hongrois considéraient que les unités militaires soviétiques se retiraient effectivement de Hongrie
La propagation rapide des troubles dans les rues de Budapest et la chute abrupte du gouvernement Gerő-Hegedűs laissaient les nouveaux gouvernants désorganisés. Nagy, un réformateur loyal du parti communiste qui était décrit comme possédant « peu de talents politiques » appela la population au calme et au retour à l'ordre. Pourtant Nagy, le seul dirigeant hongrois à conserver une certaine légitimité aux yeux des Soviétiques et des Hongrois, conclut finalement qu'un soulèvement populaire plutôt qu'une contre-révolution avait lieu. Qualifiant l'insurrection en cours de « large mouvement populaire démocratique » dans un discours à la radio le 27 octobre, Nagy forma un gouvernement incluant des ministres non-communistes. Ce nouveau gouvernement national mit un terme à l'ÁVH et au système de parti unique. Du fait qu'il ne resta en place que dix jours, le gouvernement national n'eut pas le temps de clarifier ses politiques en détail. Cependant, les éditoriaux des journaux mettaient l'accent sur le fait que la Hongrie devait être une démocratie multipartite et neutre. De nombreux prisonniers politiques furent libérés dont le cardinal József Mindszenty. Les partis politiques autrefois bannis comme le parti civique des petits propriétaires indépendants et des travailleurs agraires s'apprêtaient à rejoindre la coalition.
Les conseils révolutionnaires formés dans tout le pays opéraient généralement sans contrôle du gouvernement national à Budapest et assuraient diverses fonctions autrefois assurées par le parti communiste. Ces comités furent reconnus officiellement par le gouvernement qui demanda leur soutien en tant qu'« organes locaux, démocratiques et autonomes formés lors de la Révolution ». De même, des conseils ouvriers furent établis dans les usines et les mines et de nombreuses règles comme les objectifs de production furent suspendues. Les conseils cherchèrent à gérer les entreprises tout en protégeant les intérêts des ouvriers et créèrent une économie socialiste sans la rigidité du contrôle d'un parti. Le contrôle par les conseils locaux ne fut pas toujours sans heurts ; à Debrecen, Győr, Sopron, Mosonmagyaróvár et d'autres villes, des manifestants furent abattus par l'ÁVH. Cette dernière fut désarmée, souvent par la force et avec l'aide de la police locale.
Le 24 octobre, le Politburo évoqua les soulèvements politiques en Pologne et en Hongrie. Les partisans d'une ligne dure menés par Molotov demandaient une intervention mais Khrouchtchev et Joukov y étaient initialement opposés. Une délégation envoyée à Budapest rapporta que la situation était moins terrible que ce qui avait été dit. Khrouchtchev déclara qu'il voyait les manifestations comme un mouvement de colère populaire concernant des problématiques économiques et sociales et qu'il ne s'agissait pas d'une lutte idéologique.
Après quelques débats, le Politburo décida le 30 octobre de ne pas destituer le nouveau gouvernement hongrois. Le général Joukov déclara même, « nous devons retirer les troupes de Budapest et si nécessaire de Hongrie. C'est la leçon que nous devons en tirer ». Il adopta une Déclaration du gouvernement de l'URSS sur les principes de développement et de renforcement de la fraternité et de la coopération entre l'Union soviétique et les autres États socialistes qui fut publiée le jour suivant. Ce document avançait que « le gouvernement soviétique était prêt à engager des négociations avec les gouvernements de la République populaire de Hongrie et des autres membres du Pacte de Varsovie sur la question de la présence de troupes soviétiques sur le territoire de la Hongrie ». Durant une courte période, il sembla qu'une solution pacifique était en vue.
Le 30 octobre, des manifestants armés attaquèrent le détachement de l'ÁVH gardant les bâtiments du parti des travailleurs hongrois à Köztársaság tér (Place de la République) à Budapest après des rumeurs indiquant que des prisonniers y étaient détenus et la mort de plusieurs manifestants à Mosonmagyaróvár. Plus de 20 membres de l'ÁVH furent tués, certains lynchés par la foule. Les chars hongrois envoyés pour protéger les lieux tirèrent par erreur sur le bâtiment. Le chef du comité de Budapest, Imre Mező, fut blessé et mourut par la suite. Les scènes de l'affrontement furent diffusées aux actualités soviétiques quelques heures plus tard. Les dirigeants du gouvernement en Hongrie condamnèrent l'incident et appelèrent au calme mais les images des victimes furent utilisées par les divers organes de propagande communiste.
Le 31 octobre, les dirigeants soviétiques décidèrent de modifier leur décision de la veille. Il semble que la déclaration selon laquelle la Hongrie s'apprêtait à quitter le Pacte de Varsovie ait joué un rôle important dans ce revirement. Cependant le procès verbal de la réunion du 31 octobre précise que la décision d'intervenir militairement avait été prise avant l'annonce de la neutralité hongroise vis-à-vis du Pacte de Varsovie et de son retrait.
Deux jours auparavant, le 30 octobre, alors que deux représentants du Politburo Anastase Mikoyan et Mikhaïl Souslov étaient à Budapest, Nagy avait indiqué que la neutralité était un objectif à long-terme de la Hongrie et qu'il souhaitait discuter de la question avec les dirigeants du Kremlin. Cette information fut transmise à Moscou par Mikoyan et Suslov. Au même moment, Khrouchtchev était dans la datcha de Staline et considérait les différentes options concernant la Hongrie. L'un de ses conseillers rapporta plus tard que la déclaration de neutralité avait joué un rôle important dans ses décisions ultérieures.
Plusieurs autres événements clés renforcèrent la position des partisans d'une intervention:
Les mouvements en faveur d'une démocratie parlementaire en Hongrie et de la création d'un conseil national démocratiques des ouvriers, qui pouvaient « mener à un État capitaliste » menaçaient la domination du parti communiste soviétique et l'hégémonie soviétique en Europe de l'Est. Pour la majorité des membres du Politburo, le contrôle direct des conseils par les ouvriers sans une direction communiste était incompatible avec leur vision du socialisme. À ce moment, ces conseils étaient, selon les mots d'Hannah Arendt, les « seuls soviets libres existant partout dans le monde ».
Le Politburo craignait que l'URSS ne paraisse faible aux yeux des occidentaux si elle ne réagissait pas avec fermeté en Hongrie. Le 29 octobre 1956, les forces israéliennes, françaises et britanniques interviennent en Égypte. Khrouchtchev aurait alors remarqué « nous devons réexaminer notre décision et ne pas retirer nos troupes de Hongrie et de Budapest. Nous devons prendre l'initiative de restaurer l'ordre en Hongrie. Si nous quittons la Hongrie, cela donnera un encouragement considérable aux Américains, aux Britanniques et aux Français, les impérialistes. Ils percevront cela comme une faiblesse de notre part et partiront à l'offensive... À l'Égypte, ils ajouteraient ensuite la Hongrie. Nous n'avons pas d'autre choix »
Khrouchtchev considérait que de nombreux membres du parti communiste ne comprendraient pas une non-intervention soviétique en Hongrie. La déstalinisation avait déçu les éléments les plus conservateurs du parti qui s'alarmaient de la menace à l'influence soviétique en Europe de l'est. Le 17 juin 1953, des ouvriers à Berlin-Est s'étaient soulevés et avaient demandés la démission du gouvernement de la République démocratique allemande. L'insurrection fut violemment réprimée avec l'aide des Soviétiques et entraîna la mort de 84 personnes. En juin 1956, à Poznań en Pologne, la révolte des ouvriers fut réprimée par les forces de sécurités polonaises et entre 5794 et 7895 morts. Cela entraîna néanmoins une courte période de dégel en Pologne. De plus, à la fin octobre, des révoltes furent rapportées dans certaines régions de l'URSS. Ces dernières étaient mineures mais elles étaient intolérables.
La neutralité hongroise et son retrait du Pacte de Varsovie représentaient une brèche dans la zone de défense soviétique représentée par les démocraties populaires. Les peurs soviétiques d'une invasion occidentale rendaient le maintien de cette zone d'autant plus incontournable.
Le Politburo décida alors de rompre le cessez-le-feu et d'écraser la révolution hongroise. La stratégie était de proclamer un « gouvernement provisoire révolutionnaire » mené par János Kádár qui demanderait l'aide soviétique pour rétablir l'ordre. D'après des témoins, Kádár était à Moscou au début du mois de novembre et il entra en contact avec l'ambassade soviétique en tant que membre du gouvernement Nagy. Des délégations furent envoyées dans les autres gouvernements communistes en Europe et en Chine pour éviter toute escalade. Pour dissimuler leurs intentions, les Soviétiques engagèrent des négociations avec Nagy concernant le retrait des troupes soviétiques.
D'après certaines sources, le dirigeant chinois Mao Zedong joua un rôle important dans la décision de Khrouchtchev d'écraser le soulèvement. Le président du parti communiste Liu Shaoqi pressa Khrouchtchev d'intervenir militairement en Hongrie. Malgré la détérioration des relations entre la Chine et l'Union soviétique au cours des dernières années, la parole de Mao conservait une certaine influence au Kremlin. Initialement, ce dernier était opposé à une intervention et cette information fut transmise à Khrouchtchev le 30 octobre avant la décision du Politburo de ne pas intervenir. Mao changea ensuite d'avis mais selon William Taubman, il n'est pas certain que Khrouchtchev l'ait appris et que cela ait influencé sa décision du 31 octobre.
Du 1er au 3 novembre, Krouchtchev quitta Moscou pour rencontrer ses alliés d'Europe de l'Est et les informer de la décision d'intervenir. Il rencontra ainsi Władysław Gomułka à Brest en Biélorussie puis les dirigeants roumains, tchécoslovaques et bulgares à Bucarest. Finalement, Krouchtchev se rendit avec Malenkov en Yougoslavie où ils rencontrèrent Josip Broz Tito qui se trouvait en vacances à Brioni. Les Yougoslaves persuadèrent Khrouchtchev de choisir János Kádár à la place de Ferenc Münnich en tant que nouveau dirigeant de la Hongrie.
Ensuite, la foule traversa le Danube pour rejoindre les manifestants devant le bâtiment du parlement hongrois. Vers 18h00, plus de 200 000 personnes étaient présentes; La manifestation était exubérante mais pacifique.
À 20h00, le premier secrétaire Ernő Gerő diffusa un discours condamnant les demandes des écrivains et des étudiants. Énervés par la ligne dure de Gerő, certains manifestants décidèrent d'appliquer l'une de leurs demandes, le retrait d'une statue en bronze de Staline de 10m de haut qui fut érigée en 1951 sur le site d'une église qui fut démolie pour lui faire de la place. La statue fut renversée à 21h30 et la foule en liesse plaça le drapeau hongrois dans les bottes de Staline qui étaient tout ce qui restait de la statue.
À peu près au même moment, une large foule se rassembla devant le bâtiment de Radio Budapest qui était lourdement gardée par l'ÁVH. Le moment critique eut lieu lorsqu’une délégation voulant diffuser ses demandes fut arrêtée et que la foule s'agita après des rumeurs faisant état de manifestants abattus. Des gaz lacrymogènes furent lancés depuis le bâtiment et l'ÁVH ouvrit le feu sur la foule en faisant plusieurs morts. L'ÁVH tenta de se réapprovisionner en cachant des armes dans une ambulance mais la foule repéra la ruse et l'intercepta. Les soldats hongrois envoyés en soutien de l'ÁVH hésitèrent un moment avant d'arracher leurs insignes et de rejoindre la foule. Provoqués par les attaques de l'ÁVH, les protestants réagirent violemment. Les voitures de police furent incendiées, les dépôts d'armes furent pris d'assaut et les armes furent distribuées à la foule et les symboles du régime communiste furent vandalisés.
Au cours de la nuit du 23 octobre, le secrétaire du parti des travailleurs hongrois Ernő Gerő demanda une intervention militaire soviétique « pour réprimer une manifestation d'une ampleur sans précédent ». L'état-major soviétique avait préparé des plans de crises en vue d'une intervention en Hongrie au cours des mois précédents. Le 24 octobre à 2h00 du matin, les chars soviétiques, sous les ordres du ministre de la Défense entraient dans Budapest.
À partir de midi, ceux-ci étaient stationnés devant le bâtiment du parlement et les soldats contrôlaient les ponts et les principaux carrefours. Des insurgés armés mirent rapidement en place des barricades pour défendre la ville et s'emparèrent même de quelques chars soviétiques dans la matinée44. Le même jour, Imre Nagy remplaça András Hegedűs au poste de premier ministre. À la radio, Nagy appela à la fin des violences et promit de mettre en place les réformes qui avaient été laissées en suspens trois ans auparavant. Des protestants armés s'emparèrent du bâtiment de la radio et au siège du journal communiste Szabad Nép, les gardes de l'ÁVH qui avaient tirés sur les manifestants désarmés furent chassés par l'arrivée de manifestants armés. À ce moment, la colère des révolutionnaires se concentrait sur l'ÁVH; Les forces soviétiques n'étaient pas encore pleinement engagées et à de nombreuses occasions, les soldats soviétiques montrèrent leur sympathie aux manifestants.
Le 25 octobre, un grand nombre de manifestants se rassembla en face du bâtiment du parlement. Les unités de l'ÁVH ouvrirent le feu sur la foule depuis les toits. Certains soldats soviétiques répliquèrent, croyant à tort être la cible des tirs. De même, la foule utilisa les armes capturées pour se défendre.
Les attaques au parlement entraînèrent la chute du gouvernement59. Le premier secrétaire du parti communiste Ernő Gerő et le premier ministre András Hegedűs s'enfuirent en Union soviétique et furent remplacés respectivement par János Kádár et Imre Nagy. Les révolutionnaires commencèrent à s'en prendre aux soldats soviétiques.
Alors que la résistance hongroise attaquait les chars soviétiques avec des cocktails Molotov dans les étroites rues de Budapest, des conseils révolutionnaires apparurent dans tout le pays, faisant office de gouvernements locaux, et appelèrent à la grève générale. Les symboles communistes comme l'étoile rouge et les mémoriaux militaires furent vandalisés et les livres communistes brûlés. Des groupes de miliciens apparurent spontanément, comme les 400 hommes menés par József Dudás, et attaquèrent les sympathisants soviétiques et les membres de l'ÁVH. Les unités soviétiques combattirent principalement à Budapest ; ailleurs la situation était relativement calme. Une division blindée basée à Budapest et commandée par Pál Maléter choisit de rejoindre les insurgés. Les commandants soviétiques négocièrent souvent des cessez-le-feu locaux avec les révolutionnaires. Les Soviétiques parvinrent à ramener l'ordre dans certaines régions. À Budapest, les unités soviétiques commencèrent à se retirer et les affrontements s'atténuèrent. Le général hongrois Béla Király, récemment libéré après avoir été condamné pour crime politique, chercha à ramener l'ordre en unifiant les éléments de la police, de l'armée et des groupes d'insurgés au sein d'une garde nationale. Un cessez-le-feu fut arrangé le 28 octobre et le 30 octobre, la plupart des troupes soviétiques avaient quitté Budapest pour des garnisons à l'extérieur de la ville.
Réplique de la statue de Joseph Staline renversée lors de la révolution à Szoborpark près de Budapest
Les combats furent quasiment inexistants entre le 28 octobre et le 4 novembre car de nombreux Hongrois considéraient que les unités militaires soviétiques se retiraient effectivement de Hongrie
La propagation rapide des troubles dans les rues de Budapest et la chute abrupte du gouvernement Gerő-Hegedűs laissaient les nouveaux gouvernants désorganisés. Nagy, un réformateur loyal du parti communiste qui était décrit comme possédant « peu de talents politiques » appela la population au calme et au retour à l'ordre. Pourtant Nagy, le seul dirigeant hongrois à conserver une certaine légitimité aux yeux des Soviétiques et des Hongrois, conclut finalement qu'un soulèvement populaire plutôt qu'une contre-révolution avait lieu. Qualifiant l'insurrection en cours de « large mouvement populaire démocratique » dans un discours à la radio le 27 octobre, Nagy forma un gouvernement incluant des ministres non-communistes. Ce nouveau gouvernement national mit un terme à l'ÁVH et au système de parti unique. Du fait qu'il ne resta en place que dix jours, le gouvernement national n'eut pas le temps de clarifier ses politiques en détail. Cependant, les éditoriaux des journaux mettaient l'accent sur le fait que la Hongrie devait être une démocratie multipartite et neutre. De nombreux prisonniers politiques furent libérés dont le cardinal József Mindszenty. Les partis politiques autrefois bannis comme le parti civique des petits propriétaires indépendants et des travailleurs agraires s'apprêtaient à rejoindre la coalition.
Les conseils révolutionnaires formés dans tout le pays opéraient généralement sans contrôle du gouvernement national à Budapest et assuraient diverses fonctions autrefois assurées par le parti communiste. Ces comités furent reconnus officiellement par le gouvernement qui demanda leur soutien en tant qu'« organes locaux, démocratiques et autonomes formés lors de la Révolution ». De même, des conseils ouvriers furent établis dans les usines et les mines et de nombreuses règles comme les objectifs de production furent suspendues. Les conseils cherchèrent à gérer les entreprises tout en protégeant les intérêts des ouvriers et créèrent une économie socialiste sans la rigidité du contrôle d'un parti. Le contrôle par les conseils locaux ne fut pas toujours sans heurts ; à Debrecen, Győr, Sopron, Mosonmagyaróvár et d'autres villes, des manifestants furent abattus par l'ÁVH. Cette dernière fut désarmée, souvent par la force et avec l'aide de la police locale.
Le 24 octobre, le Politburo évoqua les soulèvements politiques en Pologne et en Hongrie. Les partisans d'une ligne dure menés par Molotov demandaient une intervention mais Khrouchtchev et Joukov y étaient initialement opposés. Une délégation envoyée à Budapest rapporta que la situation était moins terrible que ce qui avait été dit. Khrouchtchev déclara qu'il voyait les manifestations comme un mouvement de colère populaire concernant des problématiques économiques et sociales et qu'il ne s'agissait pas d'une lutte idéologique.
Après quelques débats, le Politburo décida le 30 octobre de ne pas destituer le nouveau gouvernement hongrois. Le général Joukov déclara même, « nous devons retirer les troupes de Budapest et si nécessaire de Hongrie. C'est la leçon que nous devons en tirer ». Il adopta une Déclaration du gouvernement de l'URSS sur les principes de développement et de renforcement de la fraternité et de la coopération entre l'Union soviétique et les autres États socialistes qui fut publiée le jour suivant. Ce document avançait que « le gouvernement soviétique était prêt à engager des négociations avec les gouvernements de la République populaire de Hongrie et des autres membres du Pacte de Varsovie sur la question de la présence de troupes soviétiques sur le territoire de la Hongrie ». Durant une courte période, il sembla qu'une solution pacifique était en vue.
Le 30 octobre, des manifestants armés attaquèrent le détachement de l'ÁVH gardant les bâtiments du parti des travailleurs hongrois à Köztársaság tér (Place de la République) à Budapest après des rumeurs indiquant que des prisonniers y étaient détenus et la mort de plusieurs manifestants à Mosonmagyaróvár. Plus de 20 membres de l'ÁVH furent tués, certains lynchés par la foule. Les chars hongrois envoyés pour protéger les lieux tirèrent par erreur sur le bâtiment. Le chef du comité de Budapest, Imre Mező, fut blessé et mourut par la suite. Les scènes de l'affrontement furent diffusées aux actualités soviétiques quelques heures plus tard. Les dirigeants du gouvernement en Hongrie condamnèrent l'incident et appelèrent au calme mais les images des victimes furent utilisées par les divers organes de propagande communiste.
Le 31 octobre, les dirigeants soviétiques décidèrent de modifier leur décision de la veille. Il semble que la déclaration selon laquelle la Hongrie s'apprêtait à quitter le Pacte de Varsovie ait joué un rôle important dans ce revirement. Cependant le procès verbal de la réunion du 31 octobre précise que la décision d'intervenir militairement avait été prise avant l'annonce de la neutralité hongroise vis-à-vis du Pacte de Varsovie et de son retrait.
Deux jours auparavant, le 30 octobre, alors que deux représentants du Politburo Anastase Mikoyan et Mikhaïl Souslov étaient à Budapest, Nagy avait indiqué que la neutralité était un objectif à long-terme de la Hongrie et qu'il souhaitait discuter de la question avec les dirigeants du Kremlin. Cette information fut transmise à Moscou par Mikoyan et Suslov. Au même moment, Khrouchtchev était dans la datcha de Staline et considérait les différentes options concernant la Hongrie. L'un de ses conseillers rapporta plus tard que la déclaration de neutralité avait joué un rôle important dans ses décisions ultérieures.
Plusieurs autres événements clés renforcèrent la position des partisans d'une intervention:
Les mouvements en faveur d'une démocratie parlementaire en Hongrie et de la création d'un conseil national démocratiques des ouvriers, qui pouvaient « mener à un État capitaliste » menaçaient la domination du parti communiste soviétique et l'hégémonie soviétique en Europe de l'Est. Pour la majorité des membres du Politburo, le contrôle direct des conseils par les ouvriers sans une direction communiste était incompatible avec leur vision du socialisme. À ce moment, ces conseils étaient, selon les mots d'Hannah Arendt, les « seuls soviets libres existant partout dans le monde ».
Le Politburo craignait que l'URSS ne paraisse faible aux yeux des occidentaux si elle ne réagissait pas avec fermeté en Hongrie. Le 29 octobre 1956, les forces israéliennes, françaises et britanniques interviennent en Égypte. Khrouchtchev aurait alors remarqué « nous devons réexaminer notre décision et ne pas retirer nos troupes de Hongrie et de Budapest. Nous devons prendre l'initiative de restaurer l'ordre en Hongrie. Si nous quittons la Hongrie, cela donnera un encouragement considérable aux Américains, aux Britanniques et aux Français, les impérialistes. Ils percevront cela comme une faiblesse de notre part et partiront à l'offensive... À l'Égypte, ils ajouteraient ensuite la Hongrie. Nous n'avons pas d'autre choix »
Khrouchtchev considérait que de nombreux membres du parti communiste ne comprendraient pas une non-intervention soviétique en Hongrie. La déstalinisation avait déçu les éléments les plus conservateurs du parti qui s'alarmaient de la menace à l'influence soviétique en Europe de l'est. Le 17 juin 1953, des ouvriers à Berlin-Est s'étaient soulevés et avaient demandés la démission du gouvernement de la République démocratique allemande. L'insurrection fut violemment réprimée avec l'aide des Soviétiques et entraîna la mort de 84 personnes. En juin 1956, à Poznań en Pologne, la révolte des ouvriers fut réprimée par les forces de sécurités polonaises et entre 5794 et 7895 morts. Cela entraîna néanmoins une courte période de dégel en Pologne. De plus, à la fin octobre, des révoltes furent rapportées dans certaines régions de l'URSS. Ces dernières étaient mineures mais elles étaient intolérables.
La neutralité hongroise et son retrait du Pacte de Varsovie représentaient une brèche dans la zone de défense soviétique représentée par les démocraties populaires. Les peurs soviétiques d'une invasion occidentale rendaient le maintien de cette zone d'autant plus incontournable.
Le Politburo décida alors de rompre le cessez-le-feu et d'écraser la révolution hongroise. La stratégie était de proclamer un « gouvernement provisoire révolutionnaire » mené par János Kádár qui demanderait l'aide soviétique pour rétablir l'ordre. D'après des témoins, Kádár était à Moscou au début du mois de novembre et il entra en contact avec l'ambassade soviétique en tant que membre du gouvernement Nagy. Des délégations furent envoyées dans les autres gouvernements communistes en Europe et en Chine pour éviter toute escalade. Pour dissimuler leurs intentions, les Soviétiques engagèrent des négociations avec Nagy concernant le retrait des troupes soviétiques.
D'après certaines sources, le dirigeant chinois Mao Zedong joua un rôle important dans la décision de Khrouchtchev d'écraser le soulèvement. Le président du parti communiste Liu Shaoqi pressa Khrouchtchev d'intervenir militairement en Hongrie. Malgré la détérioration des relations entre la Chine et l'Union soviétique au cours des dernières années, la parole de Mao conservait une certaine influence au Kremlin. Initialement, ce dernier était opposé à une intervention et cette information fut transmise à Khrouchtchev le 30 octobre avant la décision du Politburo de ne pas intervenir. Mao changea ensuite d'avis mais selon William Taubman, il n'est pas certain que Khrouchtchev l'ait appris et que cela ait influencé sa décision du 31 octobre.
Du 1er au 3 novembre, Krouchtchev quitta Moscou pour rencontrer ses alliés d'Europe de l'Est et les informer de la décision d'intervenir. Il rencontra ainsi Władysław Gomułka à Brest en Biélorussie puis les dirigeants roumains, tchécoslovaques et bulgares à Bucarest. Finalement, Krouchtchev se rendit avec Malenkov en Yougoslavie où ils rencontrèrent Josip Broz Tito qui se trouvait en vacances à Brioni. Les Yougoslaves persuadèrent Khrouchtchev de choisir János Kádár à la place de Ferenc Münnich en tant que nouveau dirigeant de la Hongrie.