La
guerre de Crimée oppose de 1853 à 1856 l'Empire russe à une coalition comprenant l’Empire ottoman, le Royaume-Uni, l'Empire français de Napoléon III et le royaume de Sardaigne.
La presqu'île de Crimée est située au sud du territoire ukrainien. Elle se trouve dans la mer Noire et est reliée au territoire par l’isthme de Perekop. La Crimée constitue aujourd'hui une république autonome de l'Ukraine et sa capitale est Simferopol. À l'époque de la guerre de Crimée, elle se trouvait dans la province de Nouvelle Russie.
La charge de la brigade légère
La Crimée, successivement occupée par plusieurs peuples, dont les Huns, les Coumans, les Tatars, devenue possession de la République de Gênes, est conquise en 1475 par les Ottomans.
En 1774, Catherine II de Russie oblige l'Empire ottoman à reconnaître l’indépendance de la presqu’île. Neuf ans plus tard, elle annexe le territoire et y implante des colons russes et ukrainiens à côté des Tatars, qui forment la majorité de la population.
Sébastopol devient une importante base navale sur la mer Noire et le principal centre de peuplement russe de la région.
Au milieu du XIXe siècle, la circulation des marchandises se fait essentiellement par mer, car le réseau routier est très mauvais et se révélera un des graves handicaps des armées russes pendant les opérations militaires.
L'expansionnisme russe se manifeste d'abord avec Pierre le Grand. Dans la même logique, l'empereur Nicolas Ier, qui règne depuis 1825, souhaite s’installer à Constantinople pour accéder aux détroits du Bosphore et des Dardanelles. De plus, et c'est évidemment important pour légitimer ses visées, il entend protéger les communautés chrétiennes orthodoxes de l'Empire ottoman et occupe la Moldavie et la Valachie.
En février 1854, la France et la Grande-Bretagne demandent à la Russie de quitter ces deux principautés.
Le 27 mars 1854, sans réponse de la Russie, les nations française et britannique lui déclarent la guerre. Loin du prétexte religieux, la véritable raison du conflit est d'empêcher la Russie de profiter de la faiblesse de l'Empire ottoman pour s'assurer le contrôle des détroits du Bosphore et des Dardanelles et de contrôler ainsi le commerce maritime entre les mers Noire et Méditerranée.
Carte de la guerre de Crimée
Les événements qui affectent l’Empire ottoman sont à l’origine du premier conflit qui aboutit à la guerre de Crimée. Le problème se trouve posé depuis le début du siècle par la décadence de la puissance ottomane et par l’opposition radicale du Royaume-Uni et de la Russie quant à l’avenir des territoires qui la composent. Afin de légitimer cet expansionnisme de la Russie, et se déclarant protecteur des Slaves orthodoxes, Nicolas Ier souhaite établir sa domination sur la plus grande partie de la péninsule balkanique et s’assurer le contrôle des détroits afin d’obtenir ce débouché sur la Méditerranée. Or cette ambition expansionniste se heurte aux intérêts de la Grande-Bretagne, qui entend maintenir le contrôle de la route des Indes par le Proche-Orient, et pour ce faire préserver l’intégrité de l’Empire ottoman. En 1853, tirant argument de la préférence donnée par le sultan aux moines « latins » protégés par la France, sur les moines « grecs » soutenus par l’Empire des tsars, le gouvernement de Saint-Pétersbourg adresse à l'empire ottoman un ultimatum lui demandant d’accepter le protectorat russe. Le sultan Abdülmecit Ier ayant refusé de se plier au diktat de Nicolas Ier, celui-ci donne l’ordre à ses troupes, le 4 octobre 1853, d’envahir les provinces roumaines de l’Empire.
La guerre de Crimée a pour origine lointaine un conflit religieux : la querelle opposant Français (catholiques romains) et Russes (chrétiens orthodoxes) pour la protection des Lieux saints. Le Vendredi saint 10 avril 1846, une querelle entre les deux communautés religieuses fait plus de 40 morts au Saint-Sépulcre à Jérusalem. La modernisation des transports (chemin de fer, navires à vapeur) a fait exploser le nombre de pèlerins à Jérusalem. Dans les années qui précèdent la guerre, Jérusalem est d'ailleurs l'objet d'une intense concurrence religieuse et diplomatique : fondation d'un évêché anglican par les autorités britanniques, le pape rétablit un patriarche permanent (le premier depuis le XIIe siècle), les Grecs y réinstallent le patriarche de Constantinople, les Français ouvrent un consulat, etc. À cette époque, les Russes forment la majorité des pèlerins, environ 15 000 chaque année.
Ce prétexte est exploité par le pouvoir tsariste afin d’imposer sa domination sur un Empire ottoman qui semble à sa merci. Depuis l’indépendance grecque, Nicolas Ier ne cesse de penser au démantèlement de l’Empire. Après leurs victoires dans la guerre russo-ottomane (1828-1829) et surtout après le traité d'Unkiar-Skelessi en 1833, les Russes veulent s’assurer le protectorat des peuples slaves et orthodoxes des Balkans pour dominer la plus grande partie de la péninsule. Le but est aussi de s’emparer des détroits (Bosphore, mer de Marmara, Dardanelles) pour obtenir un débouché sur la Méditerranée.
À cette vision impérialiste mêlant religion et volonté de puissance s’oppose celle du gouvernement de Londres. Pour les Britanniques, il s’agit de protéger la route des Indes par le Proche-Orient en empêchant le tsar de prendre pied dans les détroits et sa flotte de faire irruption en Méditerranée orientale. En vertu des Capitulations, conclues en 1535 entre François Ier et Soliman le Magnifique, la France a obtenu que la garde des Lieux Saints (église du Saint-Sépulcre et le tombeau de la Vierge à Jérusalem, église de la nativité à Bethléem) soit assurée par des moines latins. Or, depuis la fin du XVIIIe siècle, les pèlerins et les moines orthodoxes sont de plus en plus nombreux à venir en Terre sainte et à s’y fixer afin d’en chasser les franciscains.
À cette date, les relations entre Nicolas Ier et Napoléon III sont courtoises mais sans plus après la proclamation de l’Empire par la France et au refus de l'empereur russe de donner à Napoléon III une épouse parmi les princesses de sa famille. Ni l’un ni l’autre n’ont pris l’échange de piques très au sérieux et ne songent à déclencher une crise pour une simple « querelle de moines ». La question des Lieux saints semble donc réglée. L’accord conclu fin avril et rendu officiel le 5 mai 1853, établit une nouvelle répartition des sanctuaires plus favorable aux pèlerins de rite byzantin. Napoléon III veut bien s’en contenter. Grâce aux concessions françaises, l’affaire paraît donc entendue. Pourtant, c’est de cette bénigne querelle que naît le premier conflit armé entre puissances de première grandeur qu’ait connu l’Europe depuis 1814.
À la suite du refus ottoman, l'empire russe fait occuper les principautés roumaines de Moldavie et Valachie le 1er juillet 1853. En tant que suzerain de ces principautés chrétiennes qui sont vassales de l'Empire ottoman, le sultan ottoman déclare alors la guerre à la Russie le 4 octobre.
Vieille ville de Jérusalem - façade du Saint-Sépulcre.
Bien que Napoléon III, empereur de fraîche date, ait affirmé : « L'empire, c'est la paix », il voulut manifester sa bonne volonté à l'égard du Royaume-Uni et de la Reine Victoria en envoyant des troupes françaises combattre aux côtés des Britanniques pour la défense de l'Empire ottoman et surtout des intérêts britanniques (le maintien dans leurs mains de la route des Indes). Il entraîna dans l'aventure le royaume de Piémont-Sardaigne qui attendait son appui contre l'Autriche. C'était une occasion pour lui de briser l'isolement politique en se montrant l'allié fidèle des Britanniques, chez qui il avait trouvé refuge après son évasion du fort de Ham, sans aucun autre profit pour la France elle-même.
Dans l'ouvrage d'Alain Gouttman, La Guerre de Crimée (1853-1856), Napoléon III semble au contraire avoir tout fait pour éviter la guerre, mais une fois celle-ci inévitable, il prend l'initiative avant l'Angleterre, contrairement à ce qui est communément écrit.
Les Russes occupent donc les principautés de Moldavie et Valachie, mais Nicolas Ier refuse de franchir le Danube : il craint une réaction autrichienne sur ses frontières, même si l'Autriche proclame sa neutralité dans le conflit. Le général turc Omer Pacha occupe le sud du Danube et harcèle les Russes avec quelques succès.
La guerre se déroule non seulement dans les principautés, mais aussi de l'autre côté de la mer Noire, à l'est. Des éléments ottomans originaires du Maghreb, les bachi-bouzouks prennent un avant-poste russe et commettent nombre d'atrocités.
Quand les Anglo-Français entrent en guerre, le conflit s'élargit à la mer Baltique et même à l'océan Pacifique, où des navires britanniques attaquent les ports russes, sans succès.
Cette guerre est caractérisée par la grande inertie, voire l'improvisation des généraux français et britanniques. La plupart nommés pour des raisons politiques plus que pour leurs compétences ou expériences de la guerre. Cela n'empêchera pas les soldats français et britanniques de faire preuve de courage dans ce conflit. Cette guerre est aussi marquée par le nombre élevé de pertes chez les alliés à cause du choléra et autres maladies, des mauvaises conditions sanitaires et des problèmes d'approvisionnement. En fait, plus de soldats meurent de faim et de maladie qu'à cause des combats. La guerre montre aussi l'efficacité des troupes turques sous commandement du général Omer Pacha, qui furent grandement sous-estimées, notamment par Nicolas Ier.
Le Royaume-Uni, qui a poussé le gouvernement ottoman à la résistance, ne peut rester les bras croisés devant une agression dont le but évident est d’assurer à la flotte russe la clé de la Méditerranée orientale. Mais il souhaite ne pas agir seul et s’efforce d’entraîner la France dans l’aventure.
Celle-ci n’a aucun intérêt immédiat à entrer en guerre contre la Russie. Mais Napoléon III voit dans l’entreprise un triple avantage :
elle pourrait lui offrir la gloire militaire dont le nouveau régime a besoin pour se consolider ;
elle lui permettrait de briser l’isolement diplomatique qui a suivi la proclamation de l’Empire, laquelle a réveillé chez les souverains européens les souvenirs des conquêtes napoléoniennes ;
elle constituerait enfin un moyen d’affaiblir l’une des puissances qui garantit l’ordre instauré en 1815.
Un arrangement paraît néanmoins possible, lorsque l’on apprend, le 30 novembre 1853, la destruction par la flotte russe d’une escadre ottomane dans le port de Sinop, sur la mer Noire, qui soulève une réclamation pleine de colère au Royaume-Uni et en France. Pendant six mois, les pourparlers se poursuivent entre Londres, Paris et Saint-Pétersbourg, mais l’intransigeance du gouvernement russe fait échouer toutes les tentatives de compromis.
Le 29 janvier 1854, Napoléon III adresse à l'empereur russe une lettre personnelle : « Les coups de canons de Sinope ont retenti douloureusement dans les cœurs de tout ceux qui, en Angleterre et en France, ont un vif sentiment de la dignité nationale ». Il fait appel à ses sentiments pacifiques et propose l’évacuation des principautés danubiennes en échange du retrait des flottes occidentales. La réponse de Nicolas Ier est sans appel : « Ma confiance est en Dieu et en mon droit ; et la Russie, j’en suis garant, saura se montrer en 1854 ce qu’elle fut en 1812. » Une semaine plus tard, les ambassadeurs russes quittent Londres et Paris.
Le 12 mars 1854, le Royaume-Uni et la France s’unissent à l'Empire ottoman. Le 14, ils somment la Russie d'évacuer les principautés roumaines et, le 27, leur ultimatum étant resté sans réponse, ils lui déclarent la guerre.
Persuadés qu’il suffira de quelques opérations ponctuelles pour convaincre l'empire russe de leur détermination commune, Français et Britanniques ne se sont pas préparés à une longue et dure campagne menée à des milliers de kilomètres de leur base. C’est la raison pour laquelle l’empereur Napoléon III, ne prend pas personnellement le commandement de son armée, confiant celle-ci à Armand de Saint-Arnaud.
Trois divisions sont envoyées à Gallipoli, sur la rive nord des Dardanelles, où elles attendent un matériel insuffisant qui arrive tardivement. Le corps expéditionnaire britannique, placé sous les ordres de Lord Raglan, s’établit à Malte, lui aussi en attente de moyens. Aucun objectif n’a encore été défini. On se montre d’autant moins pressé que l’Autriche, à son tour, donne des signes d’impatience et qu’à Vienne, on songe à entrer en guerre aux côtés des alliés occidentaux.
La menace autrichienne, conjuguée avec le débarquement à Varna, le 29 avril 1854, de troupes franco-britanniques, amène les Russes, qui ont mis le siège devant Silistrie, à évacuer sans combattre les provinces roumaines. En attendant que l’Autriche se joigne à la coalition, les alliés adoptent durant l’été une attitude conciliante. On décide finalement d’adopter le plan proposé dès le mois d’avril par Napoléon III, qui consiste à avancer à la rencontre des Russes ou d'attaquer la Crimée et s’emparer de Sébastopol, où une puissante base navale s'est établie.
Pour débloquer la situation, les alliés décident finalement de débarquer en Crimée et d’attaquer Sébastopol. Le 14 septembre 1854, ils arrivent dans la baie d’Eupatoria, à une soixantaine de kilomètres au nord de Sébastopol. Les Russes ont 51 000 hommes en Crimée, dont 40 000 à l’ouest, sous les ordres du prince Menchikov. Campés sur les hauteurs qui dominent la rivière de l’Alma, ils tentent de barrer la route de Sébastopol. Ainsi se déroule la première bataille en Crimée proprement dite. La bataille de l’Alma est une bataille courte, les Franco-Britanniques, appuyés par leur flotte à l’embouchure de l’Alma, mettent les Russes rapidement en déroute. L’inertie dans le haut commandement allié, tout au long de ce conflit est aussi bien caractéristique chez les Français que les Britanniques, fait que ceux-ci ratent une excellente occasion de terminer rapidement ce conflit. En effet, l’armée russe a souffert de nombreuses pertes, environ 6 000 hommes, et est en déroute, mais les alliés tardent à poursuivre l’ennemi avec leur cavalerie pour lui infliger encore d’autres pertes et provoquer une plus grande confusion parmi les troupes russes. De plus, l’armée alliée tarde à reprendre sa marche sur Sébastopol, et perd plusieurs journées. Cela donne le temps à l’armée russe de battre en retraite et de se reformer dans la forteresse de Sébastopol.
Lorsque les Britanniques arrivent devant Sébastopol, la ville est mal défendue par des fortifications inachevées. Elle ne résisterait probablement pas à une attaque rapide et vigoureuse. Mais Saint-Arnaud, déjà affaibli par le choléra (il meurt le 29 septembre), doit céder le commandement à François de Canrobert. Les alliés tergiversent et ratent une autre occasion de prendre d’assaut la ville, ce qui aurait permis d'éviter un long siège de huit mois.
Les semaines passent, laissant aux Russes le temps d’organiser la défense. Sur ordre de Menchikov, sept bâtiments de l’escadre sont coulés à l’entrée de la rade bloquant l’accès aux alliés. Ceux-ci sont obligés de s’enterrer à leur tour pendant une année entière, tantôt repoussés par une défense intraitable, tantôt assaillis par les unités envoyées en renfort par les Russes.
Le siège et la chute de Sébastopol constituent les éléments les plus importants de la guerre de Crimée et conduisent à sa conclusion. Le blocus n’est cependant pas complet puisqu’à plusieurs reprises les Franco-Britanniques doivent repousser les armées russes de secours (lors des batailles de Balaklava et d’Inkermann, en automne 1854). Avec choléra et scorbut, l’état sanitaire des armées devint désastreux.
Pendant le siège, les adversaires s’affrontent au sud de la ville, à la bataille de Balaklava, le 25 octobre 1854. L’armée britannique s’impose face aux forces russes. Le même épisode se reproduit le 5 novembre, sur le plateau d’Inkerman, tandis que les assiégés tentent une sortie.
La prise de la tour Malakoff par Horace Vernet. Un officier britannique y salue le drapeau français.
L’arrivée de 140 000 hommes, côté alliés, ne suffit pas à renverser la situation avant l’hiver. Ainsi le 14 novembre, une violente tornade balaie la région, coulant des navires, emportant les tentes et les équipements. À cela s'ajoutent les ravages des épidémies. Le choléra, fait plusieurs dizaines de milliers de victimes, suivi en cela du typhus et de la dysenterie. Attaques et contre-attaques, tirs d’artillerie et corps à corps sauvages coûtent d’innombrables vies humaines.
Avec le printemps cependant, la situation des alliés s’améliore un peu. À défaut de l’Autriche, la coalition reçoit le renfort du royaume de Sardaigne qui ne semble pourtant avoir aucune raison de s’engager contre la Russie. Camillo Cavour, récemment nommé président du conseil, entend ainsi se ménager le soutien de la France et de l’Angleterre dans la perspective d’un conflit avec l’Autriche auquel il se prépare. L’alliance est conclue le 26 janvier 1855. 15 000 hommes sont envoyés en Crimée à partir du mois d’avril. L’arrivée de ces renforts fait renaître l’espoir d’un dénouement rapide.
Le 16 mai, Canrobert est à son tour remplacé par Aimable Pélissier, tandis que Simpson prend la place de Lord Raglan, atteint lui aussi du choléra. Le 7 juin, les alliés s’emparèrent du mamelon vert, un ouvrage fortifié qui couvre Malakoff à l’est. Le 18 juin l’assaut général ordonné par Pélissier se solde par un sanglant échec.
Le 7 septembre 1855, le général Patrice de Mac Mahon attaque le fort de Malakoff, clé de la défense russe. Le lendemain, les Russes abandonnent la position après y avoir mis le feu. La tour Malakoff tombe aux mains des Français et des Anglais. Par cette victoire, Mac Mahon passe à la postérité. C’est à ce moment qu’il prononce son fameux « J’y suis ! J’y reste ».
Le soir même, après avoir incendié leurs navires, et détruit les défenses de la ville, les Russes évacuent Sébastopol. En 332 jours de siège, les alliés ont perdu 120 000 hommes, autant que l’adversaire : les Français ont perdu 95 000 hommes dont 75 000 de maladies, les Anglais en ont perdu environ 25 000 et les Sardes, entrés plus tard dans le conflit, environ 2 000.
Une escadre franco-anglaise est envoyée en mer Baltique sous les commandements de l'amiral Charles Napier et d'Alexandre Ferdinand Parseval-Deschenes. Forte de 20 000 hommes (marins, marines britanniques, troupes de l'infanterie de marine et de l'infanterie coloniale françaises), elle s'attaque aux forts de la côte finlandaise, en particulier à la forteresse de Bomarsund (dans les îles Åland, à l'entrée du golfe de Botnie) .
En août 1854, après un bombardement intense de la forteresse de Bomarsund, les Alliés débarquent 12 000 soldats (sous les ordres du général Achille Baraguey d'Hilliers) contre les 3 000 défenseurs finlandais. Les Alliés ont 17 tués, contre 1 700 pertes chez les Finlandais, dont 300 prisonniers qui sont déportés dans une petite ville du sud de l'Angleterre : Lewes (East Sussex) .
Août 1854 : par calme plat, le HMS Duke of Wellington (1852) bombarde la forteresse de Bomarsund. Napier, le chapeau de paille aux bord rabattus sur les yeux et la longue vue sous le bras, rend une visite débonnaire à une de ses pièces en action. Noter le boulet posé sur le pont dans un cordage lové, le jack-tar agenouillé qui prépare une gargousse - et à gauche les 2 jeunes hommes appuyés sur le bastingage qui tripotent la hausse de leur Brown Bess modifiée, comme si une balle de plomb de 18 mm de diamètre pouvait avoir une efficacité quelconque contre des fortifications, et à pareille distance...En 1855 Richard Saunders Dundas remplace Napier tombé en disgrâce pour avoir, entre autres, refusé de bombarder des forts russes trop bien défendus. Napier, défavorisé par le mauvais temps et l'absence de batteries flottantes, était par ailleurs harcelé par la presse : alimentée par les correspondants de guerre nouvellement apparus, elle critiquait à la fois « son inaction », les destructions et les morts que les bombardements infligeaient aux populations côtières... Dundas, lui, bombarde (massivement et inutilement) la forteresse de Sveaborg, devant Helsinki, ainsi que Kronstadt (devant Saint Petersbourg).
La campagne franco-anglaise en mer Baltique aura en somme mis en jeu d'énormes moyens pour peu de résultats. Elle aura cependant empêché la Russie d'envoyer 30 000 hommes vers la Crimée et ses bateaux de guerre vers la Mer Noire.
Si les navires russes sont restés au port, privant les franco-anglais de combat naval, par contre la technique des opérations de débarquement conjointes a été éprouvée — et de nouvelles armes sont apparues : les mines marines et les torpilles créées par Immanuel Nobel, père d'Alfred Nobel.
Les îles Åland en mer Baltique (en bas et à gauche de la carte) portaient une forteresse russe neuve, édifiée 22 ans auparavant : Bomarsund.
Les Tcherkesses du Caucase, en révolte contre les Russes, ont envoyé des émissaires aux Français pour leur demander des armes. Napoléon III, qui ne souhaite pas engager ses forces vers l'intérieur ni attirer des représailles sur les populations, décline leur offre. Il renoncera aussi, lors des négociations, à évoquer la question de la Pologne : Le nouvel empereur Alexandre II de Russie (fils de Nicolas Ier mort en 1855) a clairement fait savoir qu'il combattrait jusqu'à la dernière extrémité pour conserver la souveraineté russe sur ce pays. Les puissances vont donc vers une paix de compromis. Cette défaite fait prendre conscience à Alexandre II que son pays a beaucoup de retard sur les plans économique et social.
Nicolas Ier meurt le 2 mars 1855. Son fils et successeur, Alexandre II, se décide à accepter les quatre points du congrès de Vienne du 4 août 1854 :
Substitution d’une tutelle collective de l’Europe au protectorat russe sur les principautés ;
Liberté de navigation sur le Danube ;
Révision de la convention de 1841 sur les détroits;
Les îles de Åland seront démilitarisées;
Abandon des prétentions russes à un protectorat sur les chrétiens de rite grec de l’Empire ottoman.
L’Autriche conclut un premier accord le 1er février 1856. Le 26 février, un congrès s’ouvre à Paris sous la présidence de Alexandre Colonna Walewski, ministre des Affaires étrangères. Les Anglais et les Français obligent la Russie à reconnaître l’indépendance de l’Empire ottoman. Les négociations aboutissent le 30 mars, avec la signature du traité de Paris, dont les clauses principales reprennent les dispositions des quatre points de Vienne.
Le traité signé à l’issue de la rencontre prévoit également l’autonomie des deux principautés roumaines de Moldavie et de Valachie qui doivent chacune élire un hospodar (gouverneur). En fait, appuyées par Napoléon III, elles choisissent le même gouverneur en la personne d’Alexandre Cuza. Le congrès s’achève enfin sur un débat de politique générale le 8 avril. Pour Cavour, c'est le moment de dénoncer l’occupation autrichienne dans la péninsule italienne.
Le Royaume-Uni a obtenu ce qu’il désirait en faisant garantir par les puissances l’intégrité de l’Empire ottoman, la fermeture des détroits, la neutralisation de la mer Noire, tandis que l’Autriche tire de son habile jeu diplomatique un avantage de taille : la liberté de navigation sur les bouches du Danube. Pour la France, le congrès de Paris apparaît un peu comme la revanche du congrès de Vienne et des humiliations subies en 1815, c’est le début d’une nouvelle période de prépondérance.
La guerre de Crimée est considérée comme étant la « première guerre moderne ». On y voit apparaître de nouvelles armes et de nouvelles blessures. Les fusils à canon rayé, employés pour la première fois à grande échelle par les Français et les Britanniques, décuplent la portée du tir d'infanterie et font des ravages dans les rangs russes. Les obus et les boulets explosifs font plus de morts que les armes blanches. Au cours du conflit, le chemin de fer est pour la première fois utilisé de façon tactique et le télégraphe électrique permet des communications plus rapides y compris avec le pouvoir politique.
Cette guerre est aussi restée célèbre pour les manifestations d'incompétence militaire et logistique, dont on trouve un exemple dans la charge de la brigade légère immortalisée par le poème de Alfred Tennyson. La plupart des soldats tombés au cours de cette guerre périssent de maladies plutôt que des combats. La mauvaise viande de mouton mal fumée en Dobrogée (barbaque) avait déjà provoqué une violente dysenterie avant même le début des hostilités. L'eau croupie et la mauvaise hygiène provoquent le choléra, qui sape les préparatifs français du siège de Sébastopol. La tempête du 14 novembre 1854 incite le français Urbain Le Verrier à mettre au point un réseau européen d'information météorologique afin d'anticiper les variations climatiques et météorologiques.
Dans l'hiver qui suit, les correspondants de presse écrite font état du traitement scandaleux des soldats blessés. Florence Nightingale propose l'organisation d'une prise en charge des blessés, introduisant des méthodes de soins modernes.
C'est au cours de cette guerre que pour la première fois un photographe fut engagé par un gouvernement pour faire un reportage photographique. C'est ainsi que le Britannique Roger Fenton réalisa environ 360 photos entre mars et juin 1855. Bien que ne bénéficiant pas d'une mission officielle du gouvernement britannique, il fut suivi peu de temps après par d'autres photographes, comme James Robertson et Felice A. Beato. Les photographies des champs de bataille furent publiées dans la presse londonienne provoquant un certain émoi du public non sans effet sur le gouvernement britannique. La guerre de Crimée marque ainsi la naissance balbutiante des opinions publiques.
Cette guerre marque aussi la naissance des cuirassés. En effet, les manœuvres de l'infanterie appuyées par la marine démontrent l'utilité de navires de guerre fortement armés, à coque renforcée et ligne de flottaison basse.
L'autonomie des principautés roumaines marque la reconnaissance officielle du principe des nationalités et la rupture avec l'ordre dynastique hérité du congrès de Vienne. La participation du royaume de Sardaigne à cette guerre permet à Victor-Emmanuel II de revendiquer ce principe, point de départ de la progressive unification de l'Italie autour du Piémont.
Août 1854 : par calme plat, le HMS Duke of Wellington (1852) bombarde la forteresse de Bomarsund. Napier, le chapeau de paille aux bord rabattus sur les yeux et la longue vue sous le bras, rend une visite débonnaire à une de ses pièces en action. Noter le boulet posé sur le pont dans un cordage lové, le jack-tar agenouillé qui prépare une gargousse - et à gauche les 2 jeunes hommes appuyés sur le bastingage qui tripotent la hausse de leur Brown Bess modifiée, comme si une balle de plomb de 18 mm de diamètre pouvait avoir une efficacité quelconque contre des fortifications, et à pareille distance...
Les soldats des troupes occidentales virent leurs camarades ottomans rouler leurs cigarettes dans du papier, ce qui était bien plus efficace que les feuilles de tabac qu'ils utilisaient jusqu'alors (parce que celles-ci s'émiettaient).
Durant la défense de Sébastopol, l'armée a coulé des navires, d'une part pour encombrer l'accès à la rade, d'autre part pour éviter qu'ils ne tombent aux mains de l'ennemi. Une fois la paix signée, une vaste entreprise de renflouement est organisée pour récupérer les bâtiments et leurs équipements, dont une partie a été préparée à cet effet avant le sabordage.
Dans ses Souvenirs d'un demi-siècle, Maxime du Camp raconte que Napoléon III, « résolu à s'engager à fond dans le conflit et désirant un point d'appui pour les armées françaises, regarda vers Saint-Pétersbourg, car il avait toujours penché du côté de l'alliance russe ». Il envoya donc son cousin, le prince Napoléon, en mission secrète auprès du prince Alexandre Gortchakov, en poste à Baden-Baden. Celui-ci s'entremit avec Nicolas Ier de Russie. La réponse fut lente à venir mais concise : « Entre un Romanoff et un Bonaparte, il ne peut y avoir rien de commun ». Trois jours après, la France et l'Angleterre se serraient la main.