Re: EPHEMERIDE: La boite à clous. Ici on trouve de tout.
Publié : mer. déc. 14, 2011 1:58 am
Parmi les quelque 300 personnes qui composaient la suite d'Asano, se trouvaient 47 chevaliers (50 à l'origine, selon certaines sources) qui ne pouvaient admettre la mort de leur seigneur sans qu'une vengeance en fût tirée, et notamment leur chef Ōishi Kuranosuke, et cela bien que la vendetta soit proscrite dans un tel cas. C'est en pleine connaissance de la lourde sanction qu'ils encourent qu'ils s'unissent dans un serment secret : ils vengeront la mort de leur maître en assassinant Kira.
Mais ils savent pertinemment que Kira est bien gardé, sa maison fortifiée et qu'une attaque dans l'immédiat serait inéluctablement vouée à l'échec. Pour l'emporter, il fallait d'abord surmonter ce dispositif.
Pour rassurer Kira et les autres fonctionnaires du shogunat, ils se dispersent et se font passer pour des commerçants ou des moines. Ōishi lui-même s'établit à Kyōto, fréquentant assidûment tavernes et bordels, pour dissiper les suspicions de vengeance qu'on pouvait lui prêter. Le maître des cérémonies Kira reste cependant méfiant et fait espionner Ōishi ainsi que quelques autres hommes d'Asano.
Au cours d'une de ses tournées très arrosées, Ōishi complètement ivre s'effondre dans la rue, et s'endort sous les rires et quolibets des passants.
Un homme de Satsuma, qui passe par là, ne peut admettre un comportement aussi lamentable d'un samouraï, déjà incapable de venger son maître. Non seulement il insulte, mais encore il frappe Ōishi au visage et lui crache dessus. Or c'était une grande offense ne serait-ce que d'effleurer le visage d'un samouraï, sans parler de lui « casser la figure ».
Peu de temps après, Ōishi se rend auprès de son épouse, qui lui était fidèle depuis 20 ans, et divorce d'elle afin qu'il ne lui soit fait aucun tort si les partisans de Kira voulaient se venger. Il la renvoie chez ses parents avec leurs deux plus jeunes enfants. Il laisse cependant à l'aîné le choix entre rester pour se battre ou partir. Chikara choisit de rester avec son père. La vie de Ōishi devient alors une vie de débauche, à l'opposé des valeurs du samouraï. Pilier des tavernes, habitué des maisons de geisha (en particulier Ichiriki Ochaya), il multiplie les obscénités en public. Ses hommes lui payent même une concubine, dans le but de le calmer un peu, mais ils cherchaient avant tout à calmer la vigilance des espions de Kira…
Car tous ces faits sont bien entendu rapportés à Kira, assoupissant peu à peu sa méfiance. En effet, il paraît désormais clair que le ban d'Asano n'est qu'un ramassis de samouraïs de pacotille, qui n'ont même pas le courage de venger leur maître. Puisqu'ils paraissent décidément inoffensifs, une année et demie s'étant écoulée, il peut relâcher la surveillance.
Désormais, les anciens vassaux d'Asano se rassemblent à Edo et obtiennent sous leur couverture d'artisans ou de commerçants leurs entrées dans la maison Kira. Ils se familiarisent ainsi avec les lieux et les usages du personnel. L'un de ces hommes (Kinemon Kanehide Okano) va même jusqu'à épouser la fille de l'architecte afin de se procurer les plans du système de défense très élaboré. D'autres se procurent des armes et les introduisent dans Edo, dans la plus stricte illégalité, mais en intelligence avec Ōishi.
Matsu no Ōrōka, le couloir des pins, au château d'Edo, où Asano agressa Kira
En décembre 1702, Ōishi Kuranosuke est enfin persuadé que la situation est mûre et que la garde de Kira est suffisamment relâchée. Subrepticement, il quitte Kyōto pour se rendre à Edo où sa petite troupe s'est rassemblée dans un lieu secret et a renouvelé le serment de la conjuration.
L'assaut contre la maison de Kira Yoshinaka est lancé à l'aube du 14 décembre, dans la neige et la tourmente. Le plan est minutieusement étudié : les assaillants vont se diviser en deux groupes, armés d'épées et de grands arcs. Tandis que le premier, sous la conduite d' Ōishi attaquera la porte principale, le second, commandé par son propre fils Chikara prendra la maison à revers. Un bruyant coup de gong donnera à tous le signal pour l'assaut et un coup de sifflet leur signalera que Kira est mort. Aussitôt, on lui coupera la tête pour aller la porter en offrande sur la tombe du seigneur Asano. Ensuite, ils se rendront et attendront la sanction inéluctable : la mort. Tout cela est décidé au cours d'un dernier repas pris en commun, où Ōishi et ses hommes font serment de ne faire aucun tort aux femmes, enfants et autres personnes sans défense Le code du bushido n'impose pas de respecter les civils, mais ne l'interdit pas non plus.
Deux des 47 rōnin : Horibe Yahei et son fils adoptif, Horibe Yasubei. Yasubei porte un ōtsuchi.
Au terme d'une nouvelle fouille minutieuse, ils découvrent soudain, caché par une grande tapisserie, un passage vers une cour intérieure. Quand ils y parviennent, ils se heurtent encore à deux hommes de Kira qu'ils tuent au combat. Dans cette cour intérieure se trouve un appentis servant à entreposer du bois et du charbon. En le visitant, ils tombent sur un homme qui s'y cachait et bondit sur eux un poignard à la main, mais ils le désarment sans peine.
Bien que le prisonnier refuse de donner son nom, les assaillants sont persuadés qu'il s'agit bien de Kira et ils sifflent la fin de la partie. Les rōnin se rassemblent et, à la lueur d'une lanterne, Ōishi identifie Kira. D'ailleurs, la cicatrice qu'il garde à la tête depuis le coup porté par Asano lève les derniers doutes.
Ōishi, en hommage au rang de Kira, s'agenouille alors devant lui, lui expliquant qui ils sont, et leur exigence de tirer vengeance pour la mort de leur prince. On lui offre néanmoins de mourir honorablement en samouraï en exécutant un seppuku. Ōishi propose même son assistance et présente à Kira la dague même qui avait servi à Asano pour se donner la mort.
Insensible à ces marques de déférence, Kira demeure là, muet et tremblant de peur. Le groupe se rend alors compte qu'il est vain d'attendre davantage de sa part. Ōishi charge un rōnin de faire agenouiller Kira et il le décapite avec la dague. Ils éteignent alors tous les feux et lumières de la maison (pour éviter tout risque d'incendie, qui aurait pu s'étendre au voisinage). Emportant la tête de Kira, ils quittent les lieux. En chemin, Ōishi envoie le plus jeune rōnin, l'ashigaru Terasaka Kichiemon porter la nouvelle à Akō afin que tout le monde sache que la vengeance était enfin accomplie. (Bien que cette version faisant de Kichiemon le messager est la plus communément admise, certains ont prétendu qu'il se serait enfui avant ou après la bataille, ou qu'il aurait reçu l'ordre de partir avant le rassemblement des rōnin.)
L'attaque - Chushingura, Acte 11, scène 2 (estampe de Hokusai)
Dans le courant de la journée, les rōnin s'empressent d'apporter la tête de Kira sur le tombeau de leur maître, au temple Sengaku-ji, ce qui fait sensation dans les rues. Le récit des événements a vite fait le tour de la ville, et on rapporte que c'est un chœur de louanges qui accompagnait le cortège, certains les invitant même dans une auberge pour leur offrir à boire.
En se retrouvant au temple, les 46 rōnin restants lavent et purifient la tête de Kira et la placent à côté de la dague fatale sur la tombe d'Asano. Après s'être recueillis en prière, ils font don à l'abbé de tout l'argent qui leur restait, en lui recommandant de leur faire des funérailles dignes et de veiller à ce qu'on dise des prières en leur mémoire.
L'heure de la reddition a sonné. On les divise en quatre groupes, sous la garde de quatre daimyos différents.
Arrivent alors au temple deux amis de Kira, qui viennent chercher sa tête pour l'enterrer. De nos jours, le temple possède encore le reçu signé à cette occasion par l'abbé et les deux amis.
Les autorités du shogunat se trouvent fort embarrassées. D'un côté certes les samouraïs s'étaient bien conformés aux usages guerriers du Bushidō, qui leur imposait de venger la mort de leur maître, mais d'un autre côté, ils avaient violé l'interdiction des vendettas édictée par le Shōgun à Edo. Comme prévu, ils sont condamnés à mort, mais le shogun leur accorde la mort honorable par seppuku, plutôt que de les faire exécuter comme de vulgaires criminels. Tous vont se plier au rite pour finir en guerriers.
C'est le Genroku 15, le 19e jour du 12e mois (元禄十五年十二月十九日, Genroku 15, le 19e jour du 12e mois?, Dimanche, 4 février, 1703)[9] que les 46 rōnin s'appliquent la sentence (elle concerne 46 sur les 47 qui avaient participé à l'action, ce qui induit encore en erreur, on parle parfois à tort des « 46 rōnin »).
Conformément à leurs dernières volontés, les condamnés sont enterrés au temple Sengaku-ji, sur une seule rangée face à la tombe de leur seigneur. Quant au 47e rōnin, revenu plus tard de sa mission à Akō, il sera gracié par le shogun (en raison, dit-on, de son jeune âge), vivra jusqu'à 78 ans et sera finalement enterré aux côtés de ses camarades.
Les tenues et les armes que portaient les rōnin se trouvent encore aujourd'hui au Temple, ainsi que le tambour (ōtsuchi) et le sifflet. La majeure partie de l'armement était de leur propre fabrication, car ils voulaient éviter d'éveiller la curiosité en achetant ces articles militaires à un forgeron.
Les tombes des rōnin deviennent tout de suite un lieu public où les gens s'assemblaient pour prier. Parmi ceux-ci, on retrouve cet homme de Satsuma qui avait bafoué Ōishi, alors que celui-ci gisait ivre mort dans le caniveau. Désormais, il s'en repent amèrement, demande pardon d'avoir cru que Ōishi n'était pas un vrai samouraï, puis, inconsolable, se suicide. On lui accorde finalement d'être enterré à côté des 47 rōnin.
Le retour des rōnin - Acte 11, Scène 5 Chushingura
Même si l'on considère ces événements comme une action purement dictée par le sens de l'honneur et la loyauté, il faut aussi admettre qu'ils ont eu des effets très concrets sur la restauration du clan Asano. La mort du seigneur avait privé d'emploi des centaines de samouraïs, et il leur était en général impossible de trouver une autre place, issus qu'ils étaient d'une maison déshonorée. Beaucoup avaient alors dû se reconvertir en ouvriers agricoles ou journaliers. L'affaire des 47 rōnin ayant réhabilité le nom, beaucoup des samouraïs au chômage retrouvèrent en peu de temps un emploi très honorable. Asano Daigaku Nagahiro, frère cadet de Takuminokami et son héritier, fut rétabli par le shogunat Tokugawa dans ses titres, même s'il ne retrouvait qu'un dixième de l'ancien domaine.
Certains pensent que les 47 rōnin ont bien appliqué le code du bushidō lors de cet événement mais d'autres, comme Yamamoto Tsunetomo, auteur de l' Hagakure, pensent qu'en laissant passer plusieurs mois avant de venger leur maitre, les 47 rōnin ont pris le risque de laisser ce crime impuni dans le seul but d'être certains de tuer Kira, ce qui aurait été peu probable s'ils avaient réagi immédiatement. En effet, Kira s'était préparé à l'attaque. Les détracteurs de cette légende pensent donc qu'il s'agit d'une bonne histoire de revanche mais pas d'une histoire de bushidō.
Ōishi Kuranosuke, le chef des rōnin, souhaitait absolument la mort de Kira, alors que selon le code du bushidō, la mort de l'agresseur compte peu. Il faut avant tout montrer son courage et sa détermination par une réaction forte et immédiate sans accorder d'importance à la victoire ou la défaite. En laissant passer du temps avant de se venger, Oishi a pris le risque de déshonorer le nom de son clan (si, par exemple, Kira était mort accidentellement entre-temps), ce qui est la pire chose qu'un samouraï puisse faire.
Mais ils savent pertinemment que Kira est bien gardé, sa maison fortifiée et qu'une attaque dans l'immédiat serait inéluctablement vouée à l'échec. Pour l'emporter, il fallait d'abord surmonter ce dispositif.
Pour rassurer Kira et les autres fonctionnaires du shogunat, ils se dispersent et se font passer pour des commerçants ou des moines. Ōishi lui-même s'établit à Kyōto, fréquentant assidûment tavernes et bordels, pour dissiper les suspicions de vengeance qu'on pouvait lui prêter. Le maître des cérémonies Kira reste cependant méfiant et fait espionner Ōishi ainsi que quelques autres hommes d'Asano.
Au cours d'une de ses tournées très arrosées, Ōishi complètement ivre s'effondre dans la rue, et s'endort sous les rires et quolibets des passants.
Un homme de Satsuma, qui passe par là, ne peut admettre un comportement aussi lamentable d'un samouraï, déjà incapable de venger son maître. Non seulement il insulte, mais encore il frappe Ōishi au visage et lui crache dessus. Or c'était une grande offense ne serait-ce que d'effleurer le visage d'un samouraï, sans parler de lui « casser la figure ».
Peu de temps après, Ōishi se rend auprès de son épouse, qui lui était fidèle depuis 20 ans, et divorce d'elle afin qu'il ne lui soit fait aucun tort si les partisans de Kira voulaient se venger. Il la renvoie chez ses parents avec leurs deux plus jeunes enfants. Il laisse cependant à l'aîné le choix entre rester pour se battre ou partir. Chikara choisit de rester avec son père. La vie de Ōishi devient alors une vie de débauche, à l'opposé des valeurs du samouraï. Pilier des tavernes, habitué des maisons de geisha (en particulier Ichiriki Ochaya), il multiplie les obscénités en public. Ses hommes lui payent même une concubine, dans le but de le calmer un peu, mais ils cherchaient avant tout à calmer la vigilance des espions de Kira…
Car tous ces faits sont bien entendu rapportés à Kira, assoupissant peu à peu sa méfiance. En effet, il paraît désormais clair que le ban d'Asano n'est qu'un ramassis de samouraïs de pacotille, qui n'ont même pas le courage de venger leur maître. Puisqu'ils paraissent décidément inoffensifs, une année et demie s'étant écoulée, il peut relâcher la surveillance.
Désormais, les anciens vassaux d'Asano se rassemblent à Edo et obtiennent sous leur couverture d'artisans ou de commerçants leurs entrées dans la maison Kira. Ils se familiarisent ainsi avec les lieux et les usages du personnel. L'un de ces hommes (Kinemon Kanehide Okano) va même jusqu'à épouser la fille de l'architecte afin de se procurer les plans du système de défense très élaboré. D'autres se procurent des armes et les introduisent dans Edo, dans la plus stricte illégalité, mais en intelligence avec Ōishi.
Matsu no Ōrōka, le couloir des pins, au château d'Edo, où Asano agressa Kira
En décembre 1702, Ōishi Kuranosuke est enfin persuadé que la situation est mûre et que la garde de Kira est suffisamment relâchée. Subrepticement, il quitte Kyōto pour se rendre à Edo où sa petite troupe s'est rassemblée dans un lieu secret et a renouvelé le serment de la conjuration.
L'assaut contre la maison de Kira Yoshinaka est lancé à l'aube du 14 décembre, dans la neige et la tourmente. Le plan est minutieusement étudié : les assaillants vont se diviser en deux groupes, armés d'épées et de grands arcs. Tandis que le premier, sous la conduite d' Ōishi attaquera la porte principale, le second, commandé par son propre fils Chikara prendra la maison à revers. Un bruyant coup de gong donnera à tous le signal pour l'assaut et un coup de sifflet leur signalera que Kira est mort. Aussitôt, on lui coupera la tête pour aller la porter en offrande sur la tombe du seigneur Asano. Ensuite, ils se rendront et attendront la sanction inéluctable : la mort. Tout cela est décidé au cours d'un dernier repas pris en commun, où Ōishi et ses hommes font serment de ne faire aucun tort aux femmes, enfants et autres personnes sans défense Le code du bushido n'impose pas de respecter les civils, mais ne l'interdit pas non plus.
Deux des 47 rōnin : Horibe Yahei et son fils adoptif, Horibe Yasubei. Yasubei porte un ōtsuchi.
Au terme d'une nouvelle fouille minutieuse, ils découvrent soudain, caché par une grande tapisserie, un passage vers une cour intérieure. Quand ils y parviennent, ils se heurtent encore à deux hommes de Kira qu'ils tuent au combat. Dans cette cour intérieure se trouve un appentis servant à entreposer du bois et du charbon. En le visitant, ils tombent sur un homme qui s'y cachait et bondit sur eux un poignard à la main, mais ils le désarment sans peine.
Bien que le prisonnier refuse de donner son nom, les assaillants sont persuadés qu'il s'agit bien de Kira et ils sifflent la fin de la partie. Les rōnin se rassemblent et, à la lueur d'une lanterne, Ōishi identifie Kira. D'ailleurs, la cicatrice qu'il garde à la tête depuis le coup porté par Asano lève les derniers doutes.
Ōishi, en hommage au rang de Kira, s'agenouille alors devant lui, lui expliquant qui ils sont, et leur exigence de tirer vengeance pour la mort de leur prince. On lui offre néanmoins de mourir honorablement en samouraï en exécutant un seppuku. Ōishi propose même son assistance et présente à Kira la dague même qui avait servi à Asano pour se donner la mort.
Insensible à ces marques de déférence, Kira demeure là, muet et tremblant de peur. Le groupe se rend alors compte qu'il est vain d'attendre davantage de sa part. Ōishi charge un rōnin de faire agenouiller Kira et il le décapite avec la dague. Ils éteignent alors tous les feux et lumières de la maison (pour éviter tout risque d'incendie, qui aurait pu s'étendre au voisinage). Emportant la tête de Kira, ils quittent les lieux. En chemin, Ōishi envoie le plus jeune rōnin, l'ashigaru Terasaka Kichiemon porter la nouvelle à Akō afin que tout le monde sache que la vengeance était enfin accomplie. (Bien que cette version faisant de Kichiemon le messager est la plus communément admise, certains ont prétendu qu'il se serait enfui avant ou après la bataille, ou qu'il aurait reçu l'ordre de partir avant le rassemblement des rōnin.)
L'attaque - Chushingura, Acte 11, scène 2 (estampe de Hokusai)
Dans le courant de la journée, les rōnin s'empressent d'apporter la tête de Kira sur le tombeau de leur maître, au temple Sengaku-ji, ce qui fait sensation dans les rues. Le récit des événements a vite fait le tour de la ville, et on rapporte que c'est un chœur de louanges qui accompagnait le cortège, certains les invitant même dans une auberge pour leur offrir à boire.
En se retrouvant au temple, les 46 rōnin restants lavent et purifient la tête de Kira et la placent à côté de la dague fatale sur la tombe d'Asano. Après s'être recueillis en prière, ils font don à l'abbé de tout l'argent qui leur restait, en lui recommandant de leur faire des funérailles dignes et de veiller à ce qu'on dise des prières en leur mémoire.
L'heure de la reddition a sonné. On les divise en quatre groupes, sous la garde de quatre daimyos différents.
Arrivent alors au temple deux amis de Kira, qui viennent chercher sa tête pour l'enterrer. De nos jours, le temple possède encore le reçu signé à cette occasion par l'abbé et les deux amis.
Les autorités du shogunat se trouvent fort embarrassées. D'un côté certes les samouraïs s'étaient bien conformés aux usages guerriers du Bushidō, qui leur imposait de venger la mort de leur maître, mais d'un autre côté, ils avaient violé l'interdiction des vendettas édictée par le Shōgun à Edo. Comme prévu, ils sont condamnés à mort, mais le shogun leur accorde la mort honorable par seppuku, plutôt que de les faire exécuter comme de vulgaires criminels. Tous vont se plier au rite pour finir en guerriers.
C'est le Genroku 15, le 19e jour du 12e mois (元禄十五年十二月十九日, Genroku 15, le 19e jour du 12e mois?, Dimanche, 4 février, 1703)[9] que les 46 rōnin s'appliquent la sentence (elle concerne 46 sur les 47 qui avaient participé à l'action, ce qui induit encore en erreur, on parle parfois à tort des « 46 rōnin »).
Conformément à leurs dernières volontés, les condamnés sont enterrés au temple Sengaku-ji, sur une seule rangée face à la tombe de leur seigneur. Quant au 47e rōnin, revenu plus tard de sa mission à Akō, il sera gracié par le shogun (en raison, dit-on, de son jeune âge), vivra jusqu'à 78 ans et sera finalement enterré aux côtés de ses camarades.
Les tenues et les armes que portaient les rōnin se trouvent encore aujourd'hui au Temple, ainsi que le tambour (ōtsuchi) et le sifflet. La majeure partie de l'armement était de leur propre fabrication, car ils voulaient éviter d'éveiller la curiosité en achetant ces articles militaires à un forgeron.
Les tombes des rōnin deviennent tout de suite un lieu public où les gens s'assemblaient pour prier. Parmi ceux-ci, on retrouve cet homme de Satsuma qui avait bafoué Ōishi, alors que celui-ci gisait ivre mort dans le caniveau. Désormais, il s'en repent amèrement, demande pardon d'avoir cru que Ōishi n'était pas un vrai samouraï, puis, inconsolable, se suicide. On lui accorde finalement d'être enterré à côté des 47 rōnin.
Le retour des rōnin - Acte 11, Scène 5 Chushingura
Même si l'on considère ces événements comme une action purement dictée par le sens de l'honneur et la loyauté, il faut aussi admettre qu'ils ont eu des effets très concrets sur la restauration du clan Asano. La mort du seigneur avait privé d'emploi des centaines de samouraïs, et il leur était en général impossible de trouver une autre place, issus qu'ils étaient d'une maison déshonorée. Beaucoup avaient alors dû se reconvertir en ouvriers agricoles ou journaliers. L'affaire des 47 rōnin ayant réhabilité le nom, beaucoup des samouraïs au chômage retrouvèrent en peu de temps un emploi très honorable. Asano Daigaku Nagahiro, frère cadet de Takuminokami et son héritier, fut rétabli par le shogunat Tokugawa dans ses titres, même s'il ne retrouvait qu'un dixième de l'ancien domaine.
Certains pensent que les 47 rōnin ont bien appliqué le code du bushidō lors de cet événement mais d'autres, comme Yamamoto Tsunetomo, auteur de l' Hagakure, pensent qu'en laissant passer plusieurs mois avant de venger leur maitre, les 47 rōnin ont pris le risque de laisser ce crime impuni dans le seul but d'être certains de tuer Kira, ce qui aurait été peu probable s'ils avaient réagi immédiatement. En effet, Kira s'était préparé à l'attaque. Les détracteurs de cette légende pensent donc qu'il s'agit d'une bonne histoire de revanche mais pas d'une histoire de bushidō.
Ōishi Kuranosuke, le chef des rōnin, souhaitait absolument la mort de Kira, alors que selon le code du bushidō, la mort de l'agresseur compte peu. Il faut avant tout montrer son courage et sa détermination par une réaction forte et immédiate sans accorder d'importance à la victoire ou la défaite. En laissant passer du temps avant de se venger, Oishi a pris le risque de déshonorer le nom de son clan (si, par exemple, Kira était mort accidentellement entre-temps), ce qui est la pire chose qu'un samouraï puisse faire.