Re: PERSONNAGES ET FAITS HISTORIQUES DE FRANCE (philatélie)
Publié : sam. janv. 29, 2011 2:35 pm
Louis Hubert Gonzalve Lyautey (17 novembre 1854 à Nancy - 27 juillet 1934 à Thorey) est un militaire français, officier pendant les guerres coloniales, résident général au Protectorat français du Maroc en 1912, ministre de la Guerre lors de la Première Guerre mondiale, puis maréchal de France en 1921, académicien et président d'honneur des Scouts de France. Sa devise, empruntée au poète anglais Percy Bysshe Shelley, est restée célèbre : « La joie de l'âme est dans l'action. »
Issu par son père d'une famille d'origine franc-comtoise (commune de Vellefaux) installée en Lorraine et qui s'était illustrée lors des campagnes du Premier Empire, descendant d'une famille de la noblesse normande par sa mère, Louis Hubert Gonzalve Lyautey, neveu, petit-fils et arrière-petit-fils d'officiers généraux, fait à l'âge de deux ans une chute du balcon du premier étage de l'hôtel de la Reine, place Stanislas à Nancy, où habite alors sa famille. Heureusement soigné par le chirurgien Velpeau, il doit cependant porter un corset pendant dix ans, ce qui l'oblige à rester fréquemment alité mais lui donne le goût des livres. Cet accident va avoir des conséquences à la fois sur son tempérament et sur sa psychologie. Immobilisé, il passe son temps à lire des livres d'histoire et est grisé par l'épopée napoléonienne mais aussi par les récits des explorateurs, des voyageurs et des missionnaires. Dans le même temps, le petit Hubert est choyé par sa grand-mère maternelle, sa mère et sa tante Berthe.
Son père l'inscrit au lycée Sainte Geneviève situé alors à Paris dans le 5e arrondissement pour qu'il y prépare le concours d'entrée à l'école Polytechnique et qu'il devienne ingénieur. Mais, marqué, comme la plupart des jeunes gens de sa génération, par la défaite française de 1870, et doué d'une volonté tenace, Lyautey réussit en 1873 à entrer à l'École spéciale militaire de Saint-Cyr près de Versailles. Bien que ses résultats y soient excellents, Lyautey ne s'y plaît pas et nourrit sa réflexion de rêves de grandeur et d'une profonde recherche spirituelle.
C'est l'époque où il rencontre Prosper Keller ou encore Albert de Mun, avec qui il fréquente les cercles catholiques. Sorti de l'école et menant à Paris la vie mondaine d'un jeune officier de son rang, mais en pleine quête spirituelle, Lyautey ne cache pas ses opinions catholiques et légitimistes, alors que la France est devenue républicaine. D'après certains historiens, il se pose également sérieusement la question de la vocation religieuse ; aussi fait-il à deux reprises une retraite en montagne, au monastère de la Grande Chartreuse.
En 1875, classé 29e sur 281, il sort de Saint-Cyr et est affecté au 26e Bataillon de Chasseurs à Pied. Deux ans plus tard, il devient lieutenant et, à l'occasion d'un congé, il entreprend de faire un voyage à travers l'Europe, en direction de l'Autriche, dans le but secret de rencontrer le comte de Chambord en exil... Finalement il renonce et part deux mois en Algérie avec son camarade Prosper Keller. Cette première découverte de l'Algérie est un enchantement.
De retour, il ne reste que peu de temps en France puisque le 2e Régiment de Hussards où il est affecté est transféré en Algérie.
Il passe deux années en Algérie d'abord à Orléansville, puis à Alger. Il critique la politique coloniale française et prône un "système plus civilisé et plus humain". Lyautey est conquis par l'orientalisme et transforme ses appartements en palais des mille et une nuits tout en se montrant très respectueux de la civilisation locale et de la religion musulmane.
En 1882, promu capitaine, il est muté au 4 e Régiment de Chasseurs à Cheval à Bruyères, dans les Vosges. Profitant de permissions pour se rendre en Italie, il voyage vers Rome en faisant étape en Autriche à Göritz, lieu de l'exil du comte de Chambord. Celui-ci, averti des rumeurs de prochain Ralliement du pape à la République, charge Lyautey d'une mission auprès de Léon XIII qui le reçoit en audience le 18 mars 1883. Lyautey en sort visiblement déçu, pressentant que l'opinion du pape est déjà faite.
Lyautey rencontre bientôt, à l'occasion d'une revue militaire, le général L'Hotte, inspecteur de la cavalerie, qui, séduit par la personnalité du jeune officier, le choisit comme aide de camp. Pendant les quatre années passées auprès du général L'Hotte, Lyautey va beaucoup voyager à travers la France et ses villes de garnison et s'initier à la tactique militaire, alors en complet renouvellement, au prix d'un travail harassant. Il mène également une vie très mondaine à Paris et en province, fréquentant les salons de la haute société et se liant avec écrivains et artistes.
Si à cette époque Lyautey se laisse gagner peu à peu par le scepticisme religieux, ses années passées en garnison et son retour au contact de la troupe (affectation en 1887 au 4e chasseurs à Cheval) ont suffisamment nourri son esprit qui mûrit des idées novatrices sur la fonction de l'Armée. En 1891, il publie ainsi un long article dans la célèbre Revue des deux Mondes sur le Rôle social de l'officier. Ce texte, non signé (selon les règlements alors en vigueur), mais dont l'auteur est vite connu, crée un important débat, parce qu'il défend l'action éducatrice de l'Armée, au-delà de sa fonction purement militaire. Le battage fait autour de cet article fondateur, la grande visibilité de l’officier ne nuiront pas à sa carrière. Nommé chef d'escadrons au printemps 1893, il est affecté au 12e Hussards, à Gray, en Haute-Saône.
Plus tard, il sert en Indochine de 1894 à 1897, d'abord à l'état-major du corps d'occupation à Hanoï, au Tonkin, puis en qualité de chef du bureau militaire du gouverneur général Armand Rousseau. C'est au Tonkin qu'il rencontre Gallieni qu'il rejoint ensuite à Madagascar où il est affecté de 1897 à 1902. Cette expérience auprès d'un général qui a bâti sa réputation dans les colonies le marque profondément. Lyautey au Maroc voudra toujours bâtir, au profit du peuple "colonisé".
En 1895, au cœur de l'affaire Dreyfus, Lyautey exprime dans ses lettres ses doutes sur la culpabilité de l'accusé :
« Ce qui ajoute à notre scepticisme, c'est qu'il nous semble discerner là une pression de la soi-disant opinion ou plutôt de la rue, de la tourbe. Elle hurle à la mort contre ce Juif, parce qu'il est Juif et qu'aujourd'hui, l'antisémitisme tient la corde. »
Colonel en 1900, général de brigade en 1903, puis général de division en 1907, Lyautey obtient en 1908 le commandement de la division d'Oran, à la frontière du Maroc. Il rencontre à plusieurs reprises Charles de Foucauld.
Au Maroc, il fut chargé en mars 1907 d'occuper Oujda, en représailles de l'assassinat à Casablanca du docteur Mauchamp; il réprima ensuite le soulèvement dans la région des Béni-Snassen en novembre 1907, et fut nommé haut-commissaire du gouvernement pour la zone marocaine occupée dans la région d'Oujda.
En mars 1912, la convention de Fès établit le protectorat français sur le Maroc, dont Lyautey fut le premier résident général. Il entreprit la « pacification » du Maroc, malgré le début de la Première Guerre mondiale.
C'est en tant que résident général qu'il laissera une trace profonde dans la société et l'urbanisme marocain. Attaché à la culture locale comme l'écrivaine Isabelle Eberhardt dont il fut proche, il édicta plusieurs lois visant notamment à protéger les centres anciens des grandes villes (les villes coloniales seront construites à la périphérie des médinas) ou à établir des règles strictes laissant aux Marocains des espaces de liberté (interdiction pour les non-musulmans de pénétrer dans les mosquées).
Pendant la Première Guerre mondiale, Lyautey fut ministre de la Guerre dans le gouvernement d'Aristide Briand, entre décembre 1916 et mars 1917.
Il retourna ensuite au Maroc, et fut fait maréchal de France en 1921. Mais, sous le gouvernement de Paul Painlevé, il se vit retirer le commandement des troupes engagées contre la rébellion d’Abd-el-Krim qui fut confié à Philippe Pétain. Lyautey démissionna et rentra définitivement en France en 1925. Dans ce contexte [colonialisme, occupation], et lors de son passage au Maroc, il avait affirmé que « la France se doit d'être une grande puissance musulmane ».
Il jugeait ainsi son œuvre au Maroc :
« Au fond, si j'ai réussi au Maroc, dans la tâche que le gouvernement de la République m'avait confiée là-bas, c'est pour les raisons mêmes qui me rendaient inutilisable en France. J'ai réussi au Maroc parce que je suis monarchiste et que je m'y suis trouvé en pays monarchique. Il y avait le Sultan, dont je n'ai jamais cessé de respecter et de soutenir l'autorité. J'étais religieux, et le Maroc est un pays religieux. Je crois qu'il n'y a pas de vie nationale possible et prospère, et naturelle, qui ne fasse sa place au sentiment religieux, aux disciplines religieuses. Je crois à la bienfaisance, à la nécessité d'une vie sociale hiérarchisée. Je suis pour l'aristocratie, pour le gouvernement des meilleurs. J'ai vu qu'il y avait des écoles où allaient les enfants de telles classes, d'autres écoles où allaient des enfants d'autres milieux et qui ne se mélangeaient pas . J'ai respecté tout cela, à la fois parce que cette soumission au fait fortifiait ma propre politique et parce que mes propres convictions m'en montraient la légitimité et la noblesse [...] Mais tout cela m'eût été impossible en France [...] Et c'est pour cela que je n'aurais peut-être pas réussi à Strasbourg. »
Après l'incendie et le pillage par les troupes allemandes de la propriété familiale à Crévic, effectués en représailles du traité de protectorat du Maroc, le maréchal Lyautey décide de s'installer à Thorey, ville qui adjoindra à son nom celui de son fameux résident. Il y fit construire un château sur l'édifice d'une gentilhommière héritée de la sœur de sa mère dont il était très proche. Les travaux s'achevèrent en 1924 et le maréchal s'y installa en 1925, à 71 ans. En 1926, il y reçoit le sultan Moulay Youssef.
En 1931, il organise dans le Bois de Vincennes l'exposition coloniale couronnant l'entreprise française réalisée dans les colonies.
Il avertit, dans la préface à la traduction française du Mein Kampf de Hitler : « Tout Français doit lire ce livre ». Il ne s'agissait nullement d'une approbation, bien sûr, puisque la traduction avait paru contre la volonté d'Hitler, mais d'un avertissement sur le danger que représentait Hitler pour la France.
Le maréchal demeurera à Thorey jusqu'à sa mort, le 27 juillet 1934, âgé de 79 ans. Après une messe célébrée à Thorey, le corps du maréchal est déposé dans le caveau des ducs de Lorraine, à l'Eglise des Cordeliers de Nancy. Lorsque le décès du Maréchal est annoncé, le sultan du Maroc, qui était à Marseille et allait s'embarquer, est allé s'incliner devant la dépouille du grand homme : "il pleurait". Un an après, son corps est inhumé à Rabat. Depuis 1961, le corps du maréchal Lyautey repose dans la chapelle de l'hôtel des Invalides, à Paris.
Un des aspects les plus ignorés de la vie de Lyautey concerne son itinéraire spirituel. Gagné dans les années 1880 par un scepticisme religieux qui l'angoisse, le capitaine Lyautey entame un long cheminement spirituel qu'on ne peut ignorer. Le questionnement intense auquel il se soumet[8] ne l'éloigne cependant pas définitivement de l'idée de Dieu et de son admiration pour l'Église, dont il reste culturellement proche et dont il partage la plupart des positions morales, sociales et politiques. L'approfondissement se construit pour Lyautey en trois étapes : recherche et questionnement de jeunesse face à son scepticisme naissant (« Je voudrais aimer Dieu, mais je n'arrive pas à le faire par gratitude » - 13 décembre 1875), fascination dans sa vie d'homme pour le Dieu des idées (« Mais l'admiration n'est pas l'amour ») et redécouverte apaisée du Dieu-Amour dans sa vieillesse. Lyautey achève pleinement sa réconciliation avec l'Église le jeudi saint 1930 (17 avril), lorsque, après s'être confessé, il reçoit la communion du curé de Thorey, source d'une immense joie dont il s'ouvre quelques jours plus tard à son ami Wladimir d'Ormesson et qui ne le quittera plus jusqu'à sa mort.
Il redécouvre aussi la foi par le scoutisme et fait la connaissance d'un chef scout en route vers le sacerdoce, le futur père Patrick Heidsieck. Une correspondance nait entre le jeune prêtre qui devait partir pour la Pologne et le vieil officier qui, dès 1930, grâce à ces échanges, reprend le chemin de l'église, de la confession et de la prière à genoux tous les soirs. Lyautey brisait ainsi une longue période de traversée du désert religieuse et renouait avec une jeunesse où sa foi était ardente.
N°950
Issu par son père d'une famille d'origine franc-comtoise (commune de Vellefaux) installée en Lorraine et qui s'était illustrée lors des campagnes du Premier Empire, descendant d'une famille de la noblesse normande par sa mère, Louis Hubert Gonzalve Lyautey, neveu, petit-fils et arrière-petit-fils d'officiers généraux, fait à l'âge de deux ans une chute du balcon du premier étage de l'hôtel de la Reine, place Stanislas à Nancy, où habite alors sa famille. Heureusement soigné par le chirurgien Velpeau, il doit cependant porter un corset pendant dix ans, ce qui l'oblige à rester fréquemment alité mais lui donne le goût des livres. Cet accident va avoir des conséquences à la fois sur son tempérament et sur sa psychologie. Immobilisé, il passe son temps à lire des livres d'histoire et est grisé par l'épopée napoléonienne mais aussi par les récits des explorateurs, des voyageurs et des missionnaires. Dans le même temps, le petit Hubert est choyé par sa grand-mère maternelle, sa mère et sa tante Berthe.
Son père l'inscrit au lycée Sainte Geneviève situé alors à Paris dans le 5e arrondissement pour qu'il y prépare le concours d'entrée à l'école Polytechnique et qu'il devienne ingénieur. Mais, marqué, comme la plupart des jeunes gens de sa génération, par la défaite française de 1870, et doué d'une volonté tenace, Lyautey réussit en 1873 à entrer à l'École spéciale militaire de Saint-Cyr près de Versailles. Bien que ses résultats y soient excellents, Lyautey ne s'y plaît pas et nourrit sa réflexion de rêves de grandeur et d'une profonde recherche spirituelle.
C'est l'époque où il rencontre Prosper Keller ou encore Albert de Mun, avec qui il fréquente les cercles catholiques. Sorti de l'école et menant à Paris la vie mondaine d'un jeune officier de son rang, mais en pleine quête spirituelle, Lyautey ne cache pas ses opinions catholiques et légitimistes, alors que la France est devenue républicaine. D'après certains historiens, il se pose également sérieusement la question de la vocation religieuse ; aussi fait-il à deux reprises une retraite en montagne, au monastère de la Grande Chartreuse.
En 1875, classé 29e sur 281, il sort de Saint-Cyr et est affecté au 26e Bataillon de Chasseurs à Pied. Deux ans plus tard, il devient lieutenant et, à l'occasion d'un congé, il entreprend de faire un voyage à travers l'Europe, en direction de l'Autriche, dans le but secret de rencontrer le comte de Chambord en exil... Finalement il renonce et part deux mois en Algérie avec son camarade Prosper Keller. Cette première découverte de l'Algérie est un enchantement.
De retour, il ne reste que peu de temps en France puisque le 2e Régiment de Hussards où il est affecté est transféré en Algérie.
Il passe deux années en Algérie d'abord à Orléansville, puis à Alger. Il critique la politique coloniale française et prône un "système plus civilisé et plus humain". Lyautey est conquis par l'orientalisme et transforme ses appartements en palais des mille et une nuits tout en se montrant très respectueux de la civilisation locale et de la religion musulmane.
En 1882, promu capitaine, il est muté au 4 e Régiment de Chasseurs à Cheval à Bruyères, dans les Vosges. Profitant de permissions pour se rendre en Italie, il voyage vers Rome en faisant étape en Autriche à Göritz, lieu de l'exil du comte de Chambord. Celui-ci, averti des rumeurs de prochain Ralliement du pape à la République, charge Lyautey d'une mission auprès de Léon XIII qui le reçoit en audience le 18 mars 1883. Lyautey en sort visiblement déçu, pressentant que l'opinion du pape est déjà faite.
Lyautey rencontre bientôt, à l'occasion d'une revue militaire, le général L'Hotte, inspecteur de la cavalerie, qui, séduit par la personnalité du jeune officier, le choisit comme aide de camp. Pendant les quatre années passées auprès du général L'Hotte, Lyautey va beaucoup voyager à travers la France et ses villes de garnison et s'initier à la tactique militaire, alors en complet renouvellement, au prix d'un travail harassant. Il mène également une vie très mondaine à Paris et en province, fréquentant les salons de la haute société et se liant avec écrivains et artistes.
Si à cette époque Lyautey se laisse gagner peu à peu par le scepticisme religieux, ses années passées en garnison et son retour au contact de la troupe (affectation en 1887 au 4e chasseurs à Cheval) ont suffisamment nourri son esprit qui mûrit des idées novatrices sur la fonction de l'Armée. En 1891, il publie ainsi un long article dans la célèbre Revue des deux Mondes sur le Rôle social de l'officier. Ce texte, non signé (selon les règlements alors en vigueur), mais dont l'auteur est vite connu, crée un important débat, parce qu'il défend l'action éducatrice de l'Armée, au-delà de sa fonction purement militaire. Le battage fait autour de cet article fondateur, la grande visibilité de l’officier ne nuiront pas à sa carrière. Nommé chef d'escadrons au printemps 1893, il est affecté au 12e Hussards, à Gray, en Haute-Saône.
Plus tard, il sert en Indochine de 1894 à 1897, d'abord à l'état-major du corps d'occupation à Hanoï, au Tonkin, puis en qualité de chef du bureau militaire du gouverneur général Armand Rousseau. C'est au Tonkin qu'il rencontre Gallieni qu'il rejoint ensuite à Madagascar où il est affecté de 1897 à 1902. Cette expérience auprès d'un général qui a bâti sa réputation dans les colonies le marque profondément. Lyautey au Maroc voudra toujours bâtir, au profit du peuple "colonisé".
En 1895, au cœur de l'affaire Dreyfus, Lyautey exprime dans ses lettres ses doutes sur la culpabilité de l'accusé :
« Ce qui ajoute à notre scepticisme, c'est qu'il nous semble discerner là une pression de la soi-disant opinion ou plutôt de la rue, de la tourbe. Elle hurle à la mort contre ce Juif, parce qu'il est Juif et qu'aujourd'hui, l'antisémitisme tient la corde. »
Colonel en 1900, général de brigade en 1903, puis général de division en 1907, Lyautey obtient en 1908 le commandement de la division d'Oran, à la frontière du Maroc. Il rencontre à plusieurs reprises Charles de Foucauld.
Au Maroc, il fut chargé en mars 1907 d'occuper Oujda, en représailles de l'assassinat à Casablanca du docteur Mauchamp; il réprima ensuite le soulèvement dans la région des Béni-Snassen en novembre 1907, et fut nommé haut-commissaire du gouvernement pour la zone marocaine occupée dans la région d'Oujda.
En mars 1912, la convention de Fès établit le protectorat français sur le Maroc, dont Lyautey fut le premier résident général. Il entreprit la « pacification » du Maroc, malgré le début de la Première Guerre mondiale.
C'est en tant que résident général qu'il laissera une trace profonde dans la société et l'urbanisme marocain. Attaché à la culture locale comme l'écrivaine Isabelle Eberhardt dont il fut proche, il édicta plusieurs lois visant notamment à protéger les centres anciens des grandes villes (les villes coloniales seront construites à la périphérie des médinas) ou à établir des règles strictes laissant aux Marocains des espaces de liberté (interdiction pour les non-musulmans de pénétrer dans les mosquées).
Pendant la Première Guerre mondiale, Lyautey fut ministre de la Guerre dans le gouvernement d'Aristide Briand, entre décembre 1916 et mars 1917.
Il retourna ensuite au Maroc, et fut fait maréchal de France en 1921. Mais, sous le gouvernement de Paul Painlevé, il se vit retirer le commandement des troupes engagées contre la rébellion d’Abd-el-Krim qui fut confié à Philippe Pétain. Lyautey démissionna et rentra définitivement en France en 1925. Dans ce contexte [colonialisme, occupation], et lors de son passage au Maroc, il avait affirmé que « la France se doit d'être une grande puissance musulmane ».
Il jugeait ainsi son œuvre au Maroc :
« Au fond, si j'ai réussi au Maroc, dans la tâche que le gouvernement de la République m'avait confiée là-bas, c'est pour les raisons mêmes qui me rendaient inutilisable en France. J'ai réussi au Maroc parce que je suis monarchiste et que je m'y suis trouvé en pays monarchique. Il y avait le Sultan, dont je n'ai jamais cessé de respecter et de soutenir l'autorité. J'étais religieux, et le Maroc est un pays religieux. Je crois qu'il n'y a pas de vie nationale possible et prospère, et naturelle, qui ne fasse sa place au sentiment religieux, aux disciplines religieuses. Je crois à la bienfaisance, à la nécessité d'une vie sociale hiérarchisée. Je suis pour l'aristocratie, pour le gouvernement des meilleurs. J'ai vu qu'il y avait des écoles où allaient les enfants de telles classes, d'autres écoles où allaient des enfants d'autres milieux et qui ne se mélangeaient pas . J'ai respecté tout cela, à la fois parce que cette soumission au fait fortifiait ma propre politique et parce que mes propres convictions m'en montraient la légitimité et la noblesse [...] Mais tout cela m'eût été impossible en France [...] Et c'est pour cela que je n'aurais peut-être pas réussi à Strasbourg. »
Après l'incendie et le pillage par les troupes allemandes de la propriété familiale à Crévic, effectués en représailles du traité de protectorat du Maroc, le maréchal Lyautey décide de s'installer à Thorey, ville qui adjoindra à son nom celui de son fameux résident. Il y fit construire un château sur l'édifice d'une gentilhommière héritée de la sœur de sa mère dont il était très proche. Les travaux s'achevèrent en 1924 et le maréchal s'y installa en 1925, à 71 ans. En 1926, il y reçoit le sultan Moulay Youssef.
En 1931, il organise dans le Bois de Vincennes l'exposition coloniale couronnant l'entreprise française réalisée dans les colonies.
Il avertit, dans la préface à la traduction française du Mein Kampf de Hitler : « Tout Français doit lire ce livre ». Il ne s'agissait nullement d'une approbation, bien sûr, puisque la traduction avait paru contre la volonté d'Hitler, mais d'un avertissement sur le danger que représentait Hitler pour la France.
Le maréchal demeurera à Thorey jusqu'à sa mort, le 27 juillet 1934, âgé de 79 ans. Après une messe célébrée à Thorey, le corps du maréchal est déposé dans le caveau des ducs de Lorraine, à l'Eglise des Cordeliers de Nancy. Lorsque le décès du Maréchal est annoncé, le sultan du Maroc, qui était à Marseille et allait s'embarquer, est allé s'incliner devant la dépouille du grand homme : "il pleurait". Un an après, son corps est inhumé à Rabat. Depuis 1961, le corps du maréchal Lyautey repose dans la chapelle de l'hôtel des Invalides, à Paris.
Un des aspects les plus ignorés de la vie de Lyautey concerne son itinéraire spirituel. Gagné dans les années 1880 par un scepticisme religieux qui l'angoisse, le capitaine Lyautey entame un long cheminement spirituel qu'on ne peut ignorer. Le questionnement intense auquel il se soumet[8] ne l'éloigne cependant pas définitivement de l'idée de Dieu et de son admiration pour l'Église, dont il reste culturellement proche et dont il partage la plupart des positions morales, sociales et politiques. L'approfondissement se construit pour Lyautey en trois étapes : recherche et questionnement de jeunesse face à son scepticisme naissant (« Je voudrais aimer Dieu, mais je n'arrive pas à le faire par gratitude » - 13 décembre 1875), fascination dans sa vie d'homme pour le Dieu des idées (« Mais l'admiration n'est pas l'amour ») et redécouverte apaisée du Dieu-Amour dans sa vieillesse. Lyautey achève pleinement sa réconciliation avec l'Église le jeudi saint 1930 (17 avril), lorsque, après s'être confessé, il reçoit la communion du curé de Thorey, source d'une immense joie dont il s'ouvre quelques jours plus tard à son ami Wladimir d'Ormesson et qui ne le quittera plus jusqu'à sa mort.
Il redécouvre aussi la foi par le scoutisme et fait la connaissance d'un chef scout en route vers le sacerdoce, le futur père Patrick Heidsieck. Une correspondance nait entre le jeune prêtre qui devait partir pour la Pologne et le vieil officier qui, dès 1930, grâce à ces échanges, reprend le chemin de l'église, de la confession et de la prière à genoux tous les soirs. Lyautey brisait ainsi une longue période de traversée du désert religieuse et renouait avec une jeunesse où sa foi était ardente.
N°950