Quelques pages...Et un brin d'hésitation
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- xoxtamxox
- niveau2
- Messages : 172
- Inscription : lun. nov. 30, 2009 3:31 pm
Jean-Philippe s'immobilisa d'un coup et devint plus blanc que la mort. Il jeta un coup d'œil à sa montre, réalisa qu'il ne leur restait plus beaucoup de temps.
"Je n'avais pas le choix...! Elle l'a fait exprès...?!"
Pour la première fois alors, Jean-Philippe fut heureux de partir.
Il rentra avec soulagement et s'empressa de glisser dans ses notes cette étrange rencontre.
L'adolescent, surtout, n'oubliait pas cet œil malade rencontré à la fin du monologue du Michel.
*****
Toute la semaine, ses parents le virent plongé dans ses études et la mère cessa de douter de l'hypothèse du père.
Jean-Philippe revenait de sa journée, les saluait poliment en entrant et s'installait à table avec son matériel, ne libérant l'espace que pour souper.
Il refaisait les mêmes exercices à de si nombreuses reprises qu'il évitait de les compter.
Ainsi, la matière s'imprimerait dans son cerveau.
Le jeune homme avait même été jusqu'à demander des travaux supplémentaires aux enseignants.
Il était si sérieusement absorbé que son père en vint à se demander si le coup de téléphone habituel d'Amanda n'était pas la seule communication amicale de son fils.
"Joyeux mercredi!
-Salut, Amanda, fit Jean-Philippe d'une voix soudainement plus détendue.
-J'ai repensé à ton histoire de décorations interdites au sol. Je ne sais pas trop quel est votre budget, mais au lieu de disperser des papiers sur le plancher, vous pourriez peut-être installer un projecteur au plafond qui donnerait l'illusion des flocons de neige au sol.
-Connais-tu le prix d'un projecteur?
-Est-ce que j'ai l'air d'une encyclopédie?
-Ça dépend. Veux-tu une réponse sincère?
-Espèce d'idiot.
-À propos, tu voudrais m'envoyer une photo de toi?
-Aucun rapport.
-Pardon?
-Tu ne peux pas dire à propos si les deux sujets n'ont aucun lien l'un avec l'autre.
-Mais si! Avoir l'air de...photo...
-C'est passable après réflexion.
-Alors, vas-tu répondre à la fin?
-Non.
-Ne rigole pas, stp, réponds.
-C'est ma réponse justement.
-Mais pourquoi?
--Je ne veux pas que ton opinion de moi change à cause de mon apparence. On s'entend bien, non? Alors pourquoi changer quoi que ce soit?"
Parce que j'ai envie d'être avec toi, répondit mentalement Jean-Philippe.
"Je te jure que mon opinion ne changera pas. Je ne porterai aucun jugement.
-Dès qu'on ouvre les yeux sur quelque chose, on porte un jugement. C'est automatique.
-Je t'en prie...
-C'est toujours la même réponse.
-Okay, ce n'est pas grave au fond...
-Merci d'avoir trouvé la voix de la raison.
-...parce qu'on va se voir un jour.
-Pourquoi ça?
-Parce que j'en ai envie.
-Et alors?
-Tu pousses, là. Ne m'oblige pas à t'inviter.
-Ne fais pas ça. Ne m'oblige pas à dire non.
-Tu trouves ça drôle?
-Je suis sérieuse au contraire. Tu es mon tuteur, c'est tout.
-Si c'est tout, pourquoi m'appelles-tu?
-C'est l'heure, je te laisse."
*****
Comme le pensait son père, Jean-Philippe ne parlait plus vraiment à l'école.
Le comité de la fête n'organisait plus de rencontre à chaque semaine, ce qui lui donnait un certain répit. Il passait beaucoup de temps à la bibliothèque, aussi, occupé à corriger les devoirs d'Amanda et les siens.
Les redondantes blagues de ses amis ne le faisaient plus rire, ainsi sa solitude n'était en rien un poids à porter.
Il lui arriva souvent de plonger les doigts dans son sac et de palper les feuilles noircies de ses compte-rendus sur Michel.
Il les prenait alors, les posait devant lui sans les lire et calmait ses sueurs froides.
Le personnel de l'institut avait dû lui parler bien avant lui. S'il était un criminel, la police s'en serait chargée.
Maintenant, comment lutter contre le poids de la mort?
Après les travaux scolaires, Jean-Philippe s'occupait d'y réfléchir, prenant en note les questions qu'il devrait poser pour bien assimiler le tout.
Ce qui était certain, c'était que son occupation de lecteur n'aurait pas fait long feu.
*****
"Salut Jean-Philippe.
-Amanda...
-Si tu ne veux plus me parler, raccroche tout de suite! C’aura le mérite d'être clair.
-Si tu savais!
-Quoi?
-Ça fait près de deux semaines que je ne parle plus qu'à toi. Je serais désarçonné si tu ne téléphonais plus. Je n'ai aucun moyen de te rejoindre.
-C'est comme ça.
-J'ai bien compris ça, oui!
-Arrête de bouder.
-Pff!
-Ça fait un bout de temps qu'on se parle pourtant sans se connaître.
-C'est en se parlant qu'on se connaît, tête de linotte.
-Je sais, je sais. Ce que je veux dire, c'est que j'ai préparé un petit questionnaire.
-Tu as un cahier entre les mains pour prendre mes réponses en note, aussi? fit le jeune homme en riant.
-Tu vois que tu me connais déjà plutôt bien. Alors on joue?
-Si tu le dis!
-Quelle est ta sortie d'hiver préférée?
-La planche à neige.
-D'été maintenant?
-Le surf.
-Tu sais surfer?
-Non, répondit-il en riant. Mais j'aimerais bien essayer. Tu vois ces surfeurs qui caressent la vague du bout des doigts...
-Malheureusement pour toi, on n'a pas ce genre de vagues dans notre bout de pays. Aimes-tu nager?
-Pas mal, oui.
-Alors ça vient de devenir ta sortie estivale préférée.
-Mon cerveau enregistre.
-Joues-tu d'un instrument de musique?
-La batterie d'un jeu vidéo, ça compte?
-C'est mieux que rien. Parlant de jeux vidéos, lequel préfères-tu?
-DDR.
-Tu es le premier gars que j'entends dire ça.
-J'ai la bougeotte, tu comprends.
-Je vois ça...Tu sais quoi? C'était une mauvaise idée, oublie ça.
-Tu sais, souvent je ne te comprends pas du tout.
-Crois-moi, ça vaut mieux! Tu perdrais tout intérêt pour moi autrement.
-Arrête ça voyons. Tu n'as pas de question plus corsée?
-Es-tu sûr de pouvoir y arriver?
-Je te rappelle que tu parles au grand Jean-Philippe.
-Très bien, tu l'auras voulu. Arrivé au sommet du mont Everest, que crierais-tu au monde?
-Je suis vivant!
-Quel est le plus beau cadeau qu'on puisse te faire?
-Caresser mon corps entier avec un pinceau.
-Sérieusement!
-S'ouvrir à moi?
-L'endroit où tu voudrais être ce soir?
-...L'endroit n'importe pas, tu sais. Ce qui donne son charme à un lieu, c'est le souvenir qu'il nous rappelle. Tout ça c'est une question d'ensemble. Avec qui, quand, pourquoi faire, comment...Voilà l'important.
-Impressionnant. Je continue?
-Jusqu'à la fin.
-Très bien. La pire chose qui puisse t'arriver?
-Rien.
-Alors penses-y.
-Non, rien est la pire chose qui pourrait m'arriver. Je préfère endurer mille maux plutôt que de ne rien goûter du tout.
-...Ils sont rares les gens comme toi.
-Idem. Par contre, si je suis pareil à tes yeux, pourquoi tu ne veux pas me voir?
-Tu n'as rien compris.
-Alors explique-moi.
-Je ne veux pas que tu me voies."
Pourtant, je n'y échapperai pas, pensa-t-elle en raccrochant.
À l'autre bout du fil, le garçon incrédule fixait le combiné muet.
Qu'est-ce qu'elle pouvait bien vouloir dire?
*****
Assis dans une cafétéria déserte lundi matin, Jean-Philippe se prenait la tête à deux mains en se remémorant ce qu'il avait appris de Michel.
Il avait répondu à ses questions directement et il avait trop d'honnêteté pour être un criminel.
Seulement, cette constatation solide compliquait davantage les choses.
Maintenant Jean-Philippe avait une date approximative, un âge approximatif et un sexe, mais pas d'explication.
"Qu'est-ce que tu as?
-Hum?
-Ça fait des jours que personne ne te voit.
-Je révise pour les examens, Sandra. C'est tout.
-Non. Non, je ne crois pas. Je crois que tu penses à quelqu'un et que tu refuses de l'admettre.
-Très bien. Pense ce que tu veux!
-Tu viens toujours à la fête de Noel?
-Je n'en sais rien.
-Emmène-la, si tu veux, cette fille à qui tu penses autant."
L'adolescent leva les yeux sur la tristesse de Sandra et la rattrapa alors qu'elle partait.
"Excuse-moi, je pense à trop de choses à la fois. Je peux me faire pardonner?
-Viens à la fête. On s'est même trouvé un projecteur gratuitement grâce au frère de Louis. Tu ne veux pas voir nos idées en grandeur nature?
-Si si, bien sûr.
-Okay, à plus tard!
-Salut!"
Ce n'était qu'une soirée, après tout.
Rien ne le forcerait à danser.
Il n'aurait qu'à passer jeter un coup d'œil, saluer tout le monde et repartir.
"Je n'avais pas le choix...! Elle l'a fait exprès...?!"
Pour la première fois alors, Jean-Philippe fut heureux de partir.
Il rentra avec soulagement et s'empressa de glisser dans ses notes cette étrange rencontre.
L'adolescent, surtout, n'oubliait pas cet œil malade rencontré à la fin du monologue du Michel.
*****
Toute la semaine, ses parents le virent plongé dans ses études et la mère cessa de douter de l'hypothèse du père.
Jean-Philippe revenait de sa journée, les saluait poliment en entrant et s'installait à table avec son matériel, ne libérant l'espace que pour souper.
Il refaisait les mêmes exercices à de si nombreuses reprises qu'il évitait de les compter.
Ainsi, la matière s'imprimerait dans son cerveau.
Le jeune homme avait même été jusqu'à demander des travaux supplémentaires aux enseignants.
Il était si sérieusement absorbé que son père en vint à se demander si le coup de téléphone habituel d'Amanda n'était pas la seule communication amicale de son fils.
"Joyeux mercredi!
-Salut, Amanda, fit Jean-Philippe d'une voix soudainement plus détendue.
-J'ai repensé à ton histoire de décorations interdites au sol. Je ne sais pas trop quel est votre budget, mais au lieu de disperser des papiers sur le plancher, vous pourriez peut-être installer un projecteur au plafond qui donnerait l'illusion des flocons de neige au sol.
-Connais-tu le prix d'un projecteur?
-Est-ce que j'ai l'air d'une encyclopédie?
-Ça dépend. Veux-tu une réponse sincère?
-Espèce d'idiot.
-À propos, tu voudrais m'envoyer une photo de toi?
-Aucun rapport.
-Pardon?
-Tu ne peux pas dire à propos si les deux sujets n'ont aucun lien l'un avec l'autre.
-Mais si! Avoir l'air de...photo...
-C'est passable après réflexion.
-Alors, vas-tu répondre à la fin?
-Non.
-Ne rigole pas, stp, réponds.
-C'est ma réponse justement.
-Mais pourquoi?
--Je ne veux pas que ton opinion de moi change à cause de mon apparence. On s'entend bien, non? Alors pourquoi changer quoi que ce soit?"
Parce que j'ai envie d'être avec toi, répondit mentalement Jean-Philippe.
"Je te jure que mon opinion ne changera pas. Je ne porterai aucun jugement.
-Dès qu'on ouvre les yeux sur quelque chose, on porte un jugement. C'est automatique.
-Je t'en prie...
-C'est toujours la même réponse.
-Okay, ce n'est pas grave au fond...
-Merci d'avoir trouvé la voix de la raison.
-...parce qu'on va se voir un jour.
-Pourquoi ça?
-Parce que j'en ai envie.
-Et alors?
-Tu pousses, là. Ne m'oblige pas à t'inviter.
-Ne fais pas ça. Ne m'oblige pas à dire non.
-Tu trouves ça drôle?
-Je suis sérieuse au contraire. Tu es mon tuteur, c'est tout.
-Si c'est tout, pourquoi m'appelles-tu?
-C'est l'heure, je te laisse."
*****
Comme le pensait son père, Jean-Philippe ne parlait plus vraiment à l'école.
Le comité de la fête n'organisait plus de rencontre à chaque semaine, ce qui lui donnait un certain répit. Il passait beaucoup de temps à la bibliothèque, aussi, occupé à corriger les devoirs d'Amanda et les siens.
Les redondantes blagues de ses amis ne le faisaient plus rire, ainsi sa solitude n'était en rien un poids à porter.
Il lui arriva souvent de plonger les doigts dans son sac et de palper les feuilles noircies de ses compte-rendus sur Michel.
Il les prenait alors, les posait devant lui sans les lire et calmait ses sueurs froides.
Le personnel de l'institut avait dû lui parler bien avant lui. S'il était un criminel, la police s'en serait chargée.
Maintenant, comment lutter contre le poids de la mort?
Après les travaux scolaires, Jean-Philippe s'occupait d'y réfléchir, prenant en note les questions qu'il devrait poser pour bien assimiler le tout.
Ce qui était certain, c'était que son occupation de lecteur n'aurait pas fait long feu.
*****
"Salut Jean-Philippe.
-Amanda...
-Si tu ne veux plus me parler, raccroche tout de suite! C’aura le mérite d'être clair.
-Si tu savais!
-Quoi?
-Ça fait près de deux semaines que je ne parle plus qu'à toi. Je serais désarçonné si tu ne téléphonais plus. Je n'ai aucun moyen de te rejoindre.
-C'est comme ça.
-J'ai bien compris ça, oui!
-Arrête de bouder.
-Pff!
-Ça fait un bout de temps qu'on se parle pourtant sans se connaître.
-C'est en se parlant qu'on se connaît, tête de linotte.
-Je sais, je sais. Ce que je veux dire, c'est que j'ai préparé un petit questionnaire.
-Tu as un cahier entre les mains pour prendre mes réponses en note, aussi? fit le jeune homme en riant.
-Tu vois que tu me connais déjà plutôt bien. Alors on joue?
-Si tu le dis!
-Quelle est ta sortie d'hiver préférée?
-La planche à neige.
-D'été maintenant?
-Le surf.
-Tu sais surfer?
-Non, répondit-il en riant. Mais j'aimerais bien essayer. Tu vois ces surfeurs qui caressent la vague du bout des doigts...
-Malheureusement pour toi, on n'a pas ce genre de vagues dans notre bout de pays. Aimes-tu nager?
-Pas mal, oui.
-Alors ça vient de devenir ta sortie estivale préférée.
-Mon cerveau enregistre.
-Joues-tu d'un instrument de musique?
-La batterie d'un jeu vidéo, ça compte?
-C'est mieux que rien. Parlant de jeux vidéos, lequel préfères-tu?
-DDR.
-Tu es le premier gars que j'entends dire ça.
-J'ai la bougeotte, tu comprends.
-Je vois ça...Tu sais quoi? C'était une mauvaise idée, oublie ça.
-Tu sais, souvent je ne te comprends pas du tout.
-Crois-moi, ça vaut mieux! Tu perdrais tout intérêt pour moi autrement.
-Arrête ça voyons. Tu n'as pas de question plus corsée?
-Es-tu sûr de pouvoir y arriver?
-Je te rappelle que tu parles au grand Jean-Philippe.
-Très bien, tu l'auras voulu. Arrivé au sommet du mont Everest, que crierais-tu au monde?
-Je suis vivant!
-Quel est le plus beau cadeau qu'on puisse te faire?
-Caresser mon corps entier avec un pinceau.
-Sérieusement!
-S'ouvrir à moi?
-L'endroit où tu voudrais être ce soir?
-...L'endroit n'importe pas, tu sais. Ce qui donne son charme à un lieu, c'est le souvenir qu'il nous rappelle. Tout ça c'est une question d'ensemble. Avec qui, quand, pourquoi faire, comment...Voilà l'important.
-Impressionnant. Je continue?
-Jusqu'à la fin.
-Très bien. La pire chose qui puisse t'arriver?
-Rien.
-Alors penses-y.
-Non, rien est la pire chose qui pourrait m'arriver. Je préfère endurer mille maux plutôt que de ne rien goûter du tout.
-...Ils sont rares les gens comme toi.
-Idem. Par contre, si je suis pareil à tes yeux, pourquoi tu ne veux pas me voir?
-Tu n'as rien compris.
-Alors explique-moi.
-Je ne veux pas que tu me voies."
Pourtant, je n'y échapperai pas, pensa-t-elle en raccrochant.
À l'autre bout du fil, le garçon incrédule fixait le combiné muet.
Qu'est-ce qu'elle pouvait bien vouloir dire?
*****
Assis dans une cafétéria déserte lundi matin, Jean-Philippe se prenait la tête à deux mains en se remémorant ce qu'il avait appris de Michel.
Il avait répondu à ses questions directement et il avait trop d'honnêteté pour être un criminel.
Seulement, cette constatation solide compliquait davantage les choses.
Maintenant Jean-Philippe avait une date approximative, un âge approximatif et un sexe, mais pas d'explication.
"Qu'est-ce que tu as?
-Hum?
-Ça fait des jours que personne ne te voit.
-Je révise pour les examens, Sandra. C'est tout.
-Non. Non, je ne crois pas. Je crois que tu penses à quelqu'un et que tu refuses de l'admettre.
-Très bien. Pense ce que tu veux!
-Tu viens toujours à la fête de Noel?
-Je n'en sais rien.
-Emmène-la, si tu veux, cette fille à qui tu penses autant."
L'adolescent leva les yeux sur la tristesse de Sandra et la rattrapa alors qu'elle partait.
"Excuse-moi, je pense à trop de choses à la fois. Je peux me faire pardonner?
-Viens à la fête. On s'est même trouvé un projecteur gratuitement grâce au frère de Louis. Tu ne veux pas voir nos idées en grandeur nature?
-Si si, bien sûr.
-Okay, à plus tard!
-Salut!"
Ce n'était qu'une soirée, après tout.
Rien ne le forcerait à danser.
Il n'aurait qu'à passer jeter un coup d'œil, saluer tout le monde et repartir.
- xoxtamxox
- niveau2
- Messages : 172
- Inscription : lun. nov. 30, 2009 3:31 pm
*****
Bientôt, décembre montra le bout de son nez et vint rapidement la vieille du bal.
Ainsi, Jean-Philippe se retrouva monté dans une échelle au fond d'une école vide à 20h00 en compagnie de ses amis du comité de préparation.
Il s'occupait d'installer le projecteur de façon sécuritaire au milieu de la salle tandis qu'on entrait de faux arbres au feuillage blanc brillant.
Sandra s'affairait à la mise en place de nappes sur de longues tables empruntées aux locaux de science tandis que Louis stagnait aux pieds de Jean-Philippe, craignant plus que tout que le gadget de son frère soit abîmé.
"J'ai essayé de te rejoindre hier sauf que la ligne était occupée. Tu parlais à ta cavalière?
-Ne dis pas de bêtise, ce n'est qu'une fête de Noël.
-Et alors? Un bal est un bal.
-Je parlais avec l'élève à qui je viens en aide, si tu veux savoir.
-Tu lui as parlé longtemps.
-Combien de fois as-tu appelé chez moi dis donc?
-Il y a des rumeurs à ton sujet...à propos d'une fille...
-Il y en a sans doute sur toi aussi.
-Allez, parle-moi!
-Je suis occupé, désolé."
Son sérieux eut au moins le mérite de permettre une décoration réussie que chacun apprécia le lendemain soir.
Les élèves, passés la porte, relevaient une tenture rouge vin pour entrer dans ce qui semblait être un autre monde.
Ils marchaient sur des étoiles, étaient entourés de guirlandes de neige et d'arbres illuminés.
Certains firent remarquer que les gymnases n'avaient jamais paru si grands.
Sandra accosta Jean-Philippe dès son entrée.
Elle glissa d'autorité un bras sous le sien et l'entraîna sur le plancher.
Si l'enthousiasme de la jeune fille l'amusait, il ne se sentait pas apte à assumer le même.
Il accepta tout de même la danse que lui proposait son amie.
Ses bras lui entourèrent gauchement la taille alors qu'elle posait la tête sur son torse. Lui accota son menton sur les cheveux de miel, se mit à tourner et ferma les yeux un instant.
Lorsqu'il les rouvrit, un drôle d'attroupement s'était formé autour d'une chose qu'il ignorait.
Jean-Philippe relâcha Sandra sans mot dire et s'approcha du cercle d'adolescents, aussitôt suivi de son amie confuse.
"Qu'est-ce qu'on regarde? demanda-t-il à celui qui entendrait.
-Une nouvelle élève.
-À cette période de l'année?
-Sa situation est particulière."
Alors, il entendit sa voix.
Cette voix entendue l'avant-veille et tous les jours précédents.
Il se fraya un passage de peine et de misère sans savoir s'il devait craindre la découverte qu'il ferait.
Ses sourcils froncés se relevèrent devant le monstre de métal et d'acier qui se présenta.
Malgré le chahut, Jean-Philippe ne bougea plus.
Son sang se figea dans ses veines et son visage se décolora.
"Amanda!"
Elle tourna les roues de son fauteuil vers qui la saluait et s'immobilisa à son tour.
Elle comprenait bien ce qu'elle lisait dans ce regard éteint alors que Jean-Philippe relisait intérieurement l'ensemble de leurs conversations.
Son sourire évanoui, Amanda s’excusa et s'éloigna vers les salles de bain.
Le jeune homme ne remua pas d'un cil, tout à fait désabusé.
Louis s'approcha.
"Vous vous connaissez? demanda-t-il simplement alors que son ami ne l'écoutait pas du tout.
-Elle est en fauteuil...
-Brillante observation. Elle a eu un accident avant la rentrée, mais son inscription a pu être faite quand même.
-On est en décembre...
-En effet, répondit Louis avec perplexité. Pour ce qui est de mademoiselle, elle est déjà jumelée à un tuteur. Ils n'ont pas pu se voir encore cependant, alors je ne sais pas si un simple contact informatique a pu l'aider.
-Elle ne pouvait pas le voir...? Pourquoi? demanda sèchement Jean-Philippe.
-Amanda vient de sortir de l'hôpital. Aujourd'hui.
-Où est-elle?
-Elle vient de sortir."
Jean-Philippe partit si rapidement qu'il renversa la coupe de Louis au passage.
Il rejoignit la jeune fille sous le préau sans prendre la peine d'enfiler son manteau.
Elle, sans vêtements chauds non plus, fixait l'horizon.
"Tu vas attraper froid, tu es folle!
-Bonjour, Jean-Philippe.
-Pourquoi tu ne me l'as pas dit?!
-Toi, pourquoi tu ne m'as pas dit quelles chaussures tu portes?
-Enfin, ce n'est pas pareil! Ça change une vie, un fauteuil!
-Je sais...Je sais! Figure-toi que c'est pour mes déplacements que ta merveilleuse idée d'étoiles au sol a été refusée."
C'en suivit un long moment de silence où chacun garda les yeux baissés, sans voir la réaction de l'autre et sans s'en soucier.
"Je ne pouvais pas t'appeler.
-J'étais en réadaptation dans un centre hospitalier.
-Tu avais des heures précises.
-J'avais un tas de thérapies à faire.
-Tu ne voulais pas me voir.
-Non! Ce n'est pas ce que j'ai dit.
-C'est vrai, excuse-moi."
Amanda resta dos à lui, mais le sentit approcher avec la même douceur que les flocons qui se mirent à tomber.
Le garçon avança jusqu'à toucher le fauteuil et y fit face, posant les mains sur les freins.
La jeune fille appréhendait ce que signifiait ce sourire en coin.
"C'est vrai, pardon, ce n'est pas ce que tu as dit.
-Qu'est-ce que tu fais?
-Tu as dit que tu ne voulais pas que je te vois, fit-il en passant délicatement la main sur sa joue.
-Enfin, regarde-moi."
Amanda croisa alors le regard de Jean-Philippe et le soutint malgré le trouble que lui causait sa dangereuse flamme.
"Je te regarde, oui.
-Efface-moi ce sourire, veux-tu? Tu n'as pas l'air de voir l'étendue de...commença-t-elle avant de se détourner un instant.
-Amanda...?"
Ses lèvres se posèrent doucement sur les siennes, froides, timides, goutèrent les larmes de l'adolescente et embrassèrent son front.
"Tu es toujours mon tuteur, alors?"
Bientôt, décembre montra le bout de son nez et vint rapidement la vieille du bal.
Ainsi, Jean-Philippe se retrouva monté dans une échelle au fond d'une école vide à 20h00 en compagnie de ses amis du comité de préparation.
Il s'occupait d'installer le projecteur de façon sécuritaire au milieu de la salle tandis qu'on entrait de faux arbres au feuillage blanc brillant.
Sandra s'affairait à la mise en place de nappes sur de longues tables empruntées aux locaux de science tandis que Louis stagnait aux pieds de Jean-Philippe, craignant plus que tout que le gadget de son frère soit abîmé.
"J'ai essayé de te rejoindre hier sauf que la ligne était occupée. Tu parlais à ta cavalière?
-Ne dis pas de bêtise, ce n'est qu'une fête de Noël.
-Et alors? Un bal est un bal.
-Je parlais avec l'élève à qui je viens en aide, si tu veux savoir.
-Tu lui as parlé longtemps.
-Combien de fois as-tu appelé chez moi dis donc?
-Il y a des rumeurs à ton sujet...à propos d'une fille...
-Il y en a sans doute sur toi aussi.
-Allez, parle-moi!
-Je suis occupé, désolé."
Son sérieux eut au moins le mérite de permettre une décoration réussie que chacun apprécia le lendemain soir.
Les élèves, passés la porte, relevaient une tenture rouge vin pour entrer dans ce qui semblait être un autre monde.
Ils marchaient sur des étoiles, étaient entourés de guirlandes de neige et d'arbres illuminés.
Certains firent remarquer que les gymnases n'avaient jamais paru si grands.
Sandra accosta Jean-Philippe dès son entrée.
Elle glissa d'autorité un bras sous le sien et l'entraîna sur le plancher.
Si l'enthousiasme de la jeune fille l'amusait, il ne se sentait pas apte à assumer le même.
Il accepta tout de même la danse que lui proposait son amie.
Ses bras lui entourèrent gauchement la taille alors qu'elle posait la tête sur son torse. Lui accota son menton sur les cheveux de miel, se mit à tourner et ferma les yeux un instant.
Lorsqu'il les rouvrit, un drôle d'attroupement s'était formé autour d'une chose qu'il ignorait.
Jean-Philippe relâcha Sandra sans mot dire et s'approcha du cercle d'adolescents, aussitôt suivi de son amie confuse.
"Qu'est-ce qu'on regarde? demanda-t-il à celui qui entendrait.
-Une nouvelle élève.
-À cette période de l'année?
-Sa situation est particulière."
Alors, il entendit sa voix.
Cette voix entendue l'avant-veille et tous les jours précédents.
Il se fraya un passage de peine et de misère sans savoir s'il devait craindre la découverte qu'il ferait.
Ses sourcils froncés se relevèrent devant le monstre de métal et d'acier qui se présenta.
Malgré le chahut, Jean-Philippe ne bougea plus.
Son sang se figea dans ses veines et son visage se décolora.
"Amanda!"
Elle tourna les roues de son fauteuil vers qui la saluait et s'immobilisa à son tour.
Elle comprenait bien ce qu'elle lisait dans ce regard éteint alors que Jean-Philippe relisait intérieurement l'ensemble de leurs conversations.
Son sourire évanoui, Amanda s’excusa et s'éloigna vers les salles de bain.
Le jeune homme ne remua pas d'un cil, tout à fait désabusé.
Louis s'approcha.
"Vous vous connaissez? demanda-t-il simplement alors que son ami ne l'écoutait pas du tout.
-Elle est en fauteuil...
-Brillante observation. Elle a eu un accident avant la rentrée, mais son inscription a pu être faite quand même.
-On est en décembre...
-En effet, répondit Louis avec perplexité. Pour ce qui est de mademoiselle, elle est déjà jumelée à un tuteur. Ils n'ont pas pu se voir encore cependant, alors je ne sais pas si un simple contact informatique a pu l'aider.
-Elle ne pouvait pas le voir...? Pourquoi? demanda sèchement Jean-Philippe.
-Amanda vient de sortir de l'hôpital. Aujourd'hui.
-Où est-elle?
-Elle vient de sortir."
Jean-Philippe partit si rapidement qu'il renversa la coupe de Louis au passage.
Il rejoignit la jeune fille sous le préau sans prendre la peine d'enfiler son manteau.
Elle, sans vêtements chauds non plus, fixait l'horizon.
"Tu vas attraper froid, tu es folle!
-Bonjour, Jean-Philippe.
-Pourquoi tu ne me l'as pas dit?!
-Toi, pourquoi tu ne m'as pas dit quelles chaussures tu portes?
-Enfin, ce n'est pas pareil! Ça change une vie, un fauteuil!
-Je sais...Je sais! Figure-toi que c'est pour mes déplacements que ta merveilleuse idée d'étoiles au sol a été refusée."
C'en suivit un long moment de silence où chacun garda les yeux baissés, sans voir la réaction de l'autre et sans s'en soucier.
"Je ne pouvais pas t'appeler.
-J'étais en réadaptation dans un centre hospitalier.
-Tu avais des heures précises.
-J'avais un tas de thérapies à faire.
-Tu ne voulais pas me voir.
-Non! Ce n'est pas ce que j'ai dit.
-C'est vrai, excuse-moi."
Amanda resta dos à lui, mais le sentit approcher avec la même douceur que les flocons qui se mirent à tomber.
Le garçon avança jusqu'à toucher le fauteuil et y fit face, posant les mains sur les freins.
La jeune fille appréhendait ce que signifiait ce sourire en coin.
"C'est vrai, pardon, ce n'est pas ce que tu as dit.
-Qu'est-ce que tu fais?
-Tu as dit que tu ne voulais pas que je te vois, fit-il en passant délicatement la main sur sa joue.
-Enfin, regarde-moi."
Amanda croisa alors le regard de Jean-Philippe et le soutint malgré le trouble que lui causait sa dangereuse flamme.
"Je te regarde, oui.
-Efface-moi ce sourire, veux-tu? Tu n'as pas l'air de voir l'étendue de...commença-t-elle avant de se détourner un instant.
-Amanda...?"
Ses lèvres se posèrent doucement sur les siennes, froides, timides, goutèrent les larmes de l'adolescente et embrassèrent son front.
"Tu es toujours mon tuteur, alors?"
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*****
Jean-Philippe ne vit ni Amanda ni Michel durant le congé des fêtes et, si l'absence de la première lui pesa, l'absence du deuxième lui permit de souffler un peu.
Ses pensées s'en détournèrent complètement, plutôt axées sur son amour naissant.
Son amie avait été heurtée par une voiture au mois d'août après un dérapage accidentel.
Ainsi, ses parents étaient parvenus à la faire changer d'école pour qu'elle étudie au sein d'un bâtiment adapté.
Elle avait risqué de perdre une jambe, avait écopé de plusieurs fractures et d'un traumatisme à la boîte crânienne.
Sa réadaptation s'était faite extraordinairement rapidement.
Aussi, elle était bien la dernière élève que l'on pouvait accuser de paresse.
*****
Dès le retour en classe, Jean-Philippe s'aperçut que quelque chose clochait.
Il s'était préparé, bien sûr, à ce qu'Amanda attire la curiosité et soit submergée de questions.
Pourtant elle ne lui accordait pas la moindre attention.
Elle le saluait en souriant, oui, mais conservait la même attitude lorsqu'elle lui parlait et lorsqu'elle parlait aux autres.
Cela le blessait d'autant plus parce qu'elle partageait certains de ses cours et qu'il la voyait l'ignorer.
Le garçon la regardait amèrement traverser les corridors comme si l'endroit lui appartenait.
Elle semblait détachée de tout, protégée par une aura qu'elle gardait impénétrable.
Étrangement, elle ne lui semblait jamais aussi lointaine que quand ils se rencontraient pour un tutorat.
Ses coups de fil lui manquaient alors d'une façon atroce.
*****
Début février, toute l'école remarqua sans mal l'absence de la jeune fille, Jean-Philippe plus que tout le monde. Il laissa passer une, puis deux journées, ses pieds battant le sol.
Si l'élève posait un œil effrayé sur les pages du calendrier depuis un certain temps, l'absence devenue concrète de sa belle amie lui mit les nerfs à vif et le poussa à reprendre le contrôle.
Aussitôt il appela sa mère, prétexta un long travail scolaire à faire en soirée et partit pour l'hôpital de la ville.
"Bonjour. J'aimerais savoir si une jeune fille a été récemment admise en vos murs.
-Son nom?
-Amanda.
-Vous n'avez pas son nom de famille?
-Non.
-Ça risque d'être compliqué.
-Vous ne pouvez pas essayer?
-Donne-moi plus d'informations.
-Elle ne vient pas à l'école depuis plus de deux jours et elle est en fauteuil roulant."
La préposée à l'accueil sourit tendrement.
"Elle a peut-être attrapé un simple virus, tu sais.
-Bien sûr, je sais, mais elle a été frappée par une voiture il y a seulement quelques mois.
-Je comprends ton inquiétude, mais tu n'as qu'à appeler chez elle."
La tête basse, il rentra chez lui sans ressource pour rejoindre Amanda.
"Tu as eu un téléphone, commença sa mère en allumant les yeux de son fils d'un espoir ébahi, c'était Cédric.
-Oh! fit simplement Jean-Philippe.
-Il aimerait que tu le rappelles."
L'air bourru, Jean-Philippe se traîna les pattes jusqu'à son lit, téléphone en main.
"Allô, Cédric?
-Hey! Si ce n'est pas mon J-P!
-Salut.
-Nom de Dieu, ne crie pas ta joie si fort. Je suppose que tu attendais un appel. Tu espérais la voix de ta belle au bois roulant, je me trompe?
-Penses-tu qu'elle sera à l'école demain?
-Qu'est-ce que j'en sais! Et puis de toute façon, ce n'est pas l'amour fou pour vous deux.
-Elle m'ignore!
-Va lui parler et si elle ne répond rien en fermant les yeux et en commençant à chantonner, là tu pourras dire qu'elle t'ignore.
-Je suis allé voir si elle n'était pas à l'hôpital.
-Le téléphone ne te tentait pas, quoi?
-Je n'ai pas son numéro.
-C'est facile à trouver sur l'ordinateur avec le nom de famille.
-...
-Ah je vois! Tu n'as même pas son nom de famille, ce que moi, j'ai!
-Stp...
-Seyfield..
-Amanda Seyfield. Parfait, merci.
-Hey, hey! Ne raccroche pas! Et moi alors?"
*****
"Allô?
-Amanda?
-Jean-Philippe?
-Ça va? demanda-t-il sur un ton franchement inquiet.
-Très bien et toi?
-Tu n'es pas venue à l'école hier encore.
-J'étais trop fatiguée.
-C'est tout?!
-Qu'est-ce qu'il y a?
-J'étais inquiet, je suis allé voir si tu n'étais pas à l'hôpital et toi, tu me dis que tu dormais!
-Tu as vraiment été à l'hôpital?
-Oh, ça va, on s'est assez moqué de moi là-bas.
-D'accord, alors je vais bien, merci de faire attention à moi."
La communication s'interrompit avant qu'il ait pu dire quoi que ce soit. Il ne s'avouait toutefois pas encore vaincu.
"Est-ce que je peux parler à Amanda svp? demanda-t-il poliment quand il téléphona le lendemain.
-Un instant, je te la passe, dit la mère en tendant le combiné à sa fille malgré tous les signes que celle-ci lui faisait.
-Salut?
-Pourquoi as-tu l'air de trouver si étrange que je t'appelle?
-On était à l'école ensemble il y a à peine une heure.
-Tu es trop occupée à te faire admirer là-bas.
-Pas de jalousie, d'accord? On n'est qu'amis.
-Amis? Ah! Je le croyais, oui, mais je vaux autant pour toi que la porte de l'ascenseur.
-Je ne peux pas penser qu'à toi.
-Sérieusement, ça passait entre nous. Puis tu es devenue froide et distante.
-Ma situation ne me permet pas de prendre autant de plaisir que toi aux amours volatiles. J'ai passé cette étape, figure-toi, pendant que j'étais dans le coma.
-Okay, okay, ne sortons pas ensemble. Est-ce que ça nous empêche de nous voir et de passer du bon temps?
-Je veux simplement être sûre que tu ne te fais pas de faux espoirs à mon sujet.
-Non, dit Jean-Philippe avec une brutalité qui surprit Amanda. La vérité c'est plutôt que tu as peur du rapprochement qui pourrait avoir lieu entre nous justement parce qu'il signifierait beaucoup de choses sérieuses."
Ce fut son tour de raccrocher sèchement et la jeune fille fixa le combiné de grands yeux étonnés.
L'oreille à l'affût, sa mère approcha.
"C'est à lui que tu parlais au centre?
-Oui, maman.
-Et maintenant?
-Maintenant rien. Je me concentre sur mes affaires.
-Tu lui téléphonais souvent.
-C'est mon droit.
-Tu lui parlais jusqu'à aller dormir. Il te faisait rire.
-Qu'est-ce que tu en sais?
-Facile, tu en as parlé aux infirmières, répondit sa mère sur un soupir d'Amanda, qui garda le silence une longue minute.
-Tu sais, ces quelques jours où j'ai raté l'école pour dormir un peu?
-Oui...
-Il s'est inquiété au point de se rendre à l'hôpital pour vérifier si j'y étais.
-Il tient à toi!
-On s'est rapprochés plutôt vite grâce aux appels...
-C'est pour ça que tu t'es distancée? Votre proximité t'a fait peur?
-Je n'ai pas peur! Simplement je suis réaliste. Il adore bouger, ne tient pas en place une minute. Le mieux qui puisse arriver, c'est qu'on se mette ensemble jusqu'à ce qu'il s'ennuie et disparaisse.
-Et un ami, ça ne te tente pas?"
Amanda n'eut qu'à lever les yeux pour être comprise.
Sa mère connaissait déjà sa théorie; à moins d'avoir à tenir compte de différentes orientations sexuelles, un garçon et une fille, peu importe qui, finiraient ensemble.
Seulement, on ne vivait pas sa vie enfermé à deux dans une pièce à l'espace restreint avec la bonne personne.
Alors les gens, souvent, s'accrochaient à la première personne connue par peur de passer leur vie seuls à attendre de trouver le chemin qu'aurait pris l'âme sœur.
"Alors tu crains que l'amitié soit impossible...Mais tu ne peux pas savoir sans essayer, c'est là l'essence de la vie.
-Il veut faire du surf. Tu vois le genre de gars?
-Les deux membres d'un couple n'ont pas à tout faire ensemble, sais-tu."
De toute façon, Jean-Philippe ne comptait pas baisser les bras. On ne l'éloignait pas ainsi sans raison.
"Comptes-tu m'appeler chaque soir cette semaine?
-C'est pour que tu développes une dépendance.
-Ou que je fasse une overdose.
-Dis ce que tu veux, tu adores que je t'appelle.
-As-tu vraiment un truc à dire ou tu veux seulement te faire louanger?
-Viens chez moi.
-On s'était entendus pour se voir seulement en terrain neutre.
-Allons, on ne sera pas seuls chez moi.
-Es-tu certain?
-Oui.
-Bon, alors fais installer une passerelle et je pourrai venir!
-Arrête d'être cinglante. Je te porterai.
-Et mon fauteuil?
-Ne fais pas la maligne. C'est un fauteuil pliant, il peut très bien entrer dans la maison.
-Accordé. Mais tu es chanceux que je m'ennuie autant! Je viens quand?
-Jeudi soir?
-Pourquoi pas vendredi?
-Je comptais t'inviter au cinéma vendredi. Avec plusieurs amis, j'ai compris la règle ne t'en fais pas."
Sa mère, encore cachée dans l'ombre d'une porte, souriait devant la douce expression apparue sur le visage de sa fille.
Plus loin, la mère de Jean-Philippe ne partageait pas ce tendre bonheur. Un pli soucieux tendait son front.
"C'est encore à la petite Amanda que tu parlais, pour sourire comme ça?
-Le genre de sourire n'a pas d'importance dès l'instant où l'on sourit. Mais oui, c'était bien Amanda.
-Je n'aime pas que vous vous parliez autant. Elle est ailleurs que toi dans la vie. Tu risques de lui faire du mal.
-Écoute, maman...Je ne vais pas m'empêcher d'aller aux toilettes parce qu'un F-47 pourrait s'écraser sur nous pendant ce temps. C'est pareil pour Amanda.
-Sois sérieux un moment! fit sa mère énervée.
-Imagine-toi qu'elle aussi me dit toujours ça! Elle prend toutes les précautions nécessaires à ce que je ne lui fasse pas de mal! Alors ne t'en fais pas!"
En attendant, lui se sentait coincé, refoulé.
*****
Malgré les paroles de sa mère, il entra chez lui avec une jolie fille dans les bras jeudi soir venu.
Elle n'eut pas le cœur de répéter ses craintes devant leur plaisir innocent et veilla simplement à ce qu'ils ne ferment pas la porte de la chambre.
Là, Amanda se montra tout de suite à son aise et s'étendit sur le lit de son ami sans s'embarrasser de gêne.
"Dis Jean-Philippe...Qu'est-ce que tu fais durant samedi?
-Ce samedi tu veux dire?
-Oui. Lui et les autres.
-Pourquoi penses-tu que je fais quoi que ce soit là?
-C'est simple, si tu n'étais pas occupé samedi, tu m'aurais invitée vendredi et aurais remis le cinéma au lendemain.
-Tu calcules toujours tout comme ça? Ton copain ferait mieux de ne pas te tromper!
-Je n'ai pas de copain.
-Je sais, je parlais de plus tard.
-Je n'en veux pas.
-Ah non?
-Non.
-C'est drôle...
-Quoi?
-Tu n'as pourtant pas une tête de lesbienne.
-Idiot! répliqua-t-elle en lui lançant un de ses propres oreillers."
Il finit par lui parler de Michel et, étrangement, ne fut pas vraiment surpris de tout l'intérêt qu'elle y porta.
"Après qu'il t'ait dit qu'il avait tué quelqu'un, vous n'en avez pas reparlé?
-Non. De ces temps-ci, il m'écoute surtout. Ça lui fait plaisir d'entendre une jeune voix, qu'il dit.
-Lui as-tu parlé de moi? demanda-t-elle en taquinant.
-Oui.
-Oh!
-Tu as l'air vraiment surprise. Pourtant c'est ce que tu voulais entendre, non?
-Ce n'est pas vrai, alors?
-Si, c'est vrai.
-Tu me perds.
-J'adore ça.
-Et cet homme, Michel, tu n'es pas curieux à propos de ce qu'il t'a avoué?
-Ce n'était pas vraiment un aveu. S'il était coupable de quoi que ce soit, il serait au commissariat, pas dans un centre d'aide psychologique.
-Alors qu'est-ce qu'il voulait dire? Qu'il a forcé sa femme à avorter et qu'il le regrette?
-C'est tiré par les cheveux, ça. Puis, il est séparé de sa conjointe. Il a pu commettre une erreur de calcul qui a eu de graves conséquences.
-Ou bien avoir eu un accident, ajouta sérieusement Amanda."
Refermant la bouche, Jean-Philippe lui jeta un indéfinissable regard.
Deux jours plus tard, il parla encore et encore de sa nouvelle amie à Michel jusqu'à obtenir de lui les quelques mots qu'il attendait.
La directrice de l'institut accepta volontiers que Jean-Philippe emmène quelqu'un puisque c'était là ce que Michel voulait.
La semaine suivante, le garçon astucieux se comporta comme un charme avec Amanda.
Il la fit rire, l'aida à de nombreuses reprises, la complimenta et lui porta toutes les attentions qu'il put.
"Viens avec moi demain. Voir Michel, à l'institut.
-Qu'est-ce que tu as derrière la tête?
-Rien du tout. À force de m'entendre parler de toi, il serait heureux de te rencontrer, voilà tout."
Elle accepta sans être convaincue, lui s'abstint de révéler ce qui lui trottait en tête.
"Il a une rampe pour handicapés, ton centre?
-Il est tard pour le demander, maintenant qu'on est à côté.
-Je vérifiais simplement si tu avais pensé à tout."
Le jeune homme lui tint la porte et se présenta à l'accueil avec elle avant de rejoindre la chambre de Michel.
Un étrange effroi s'installa sur la peau de son visage devant son invitée.
"Amanda, Michel. Je dois vous avouer que j'avais quelque chose en tête en vous plaçant l'un en face de l'autre. Amanda a été victime d'un accident de voiture. Vous, Michel, dites avoir tué quelqu'un, ce qui était obligatoirement un accident aussi.
-Tu veux dire que tu ne lui avais pas parlé de mon accident encore?
-Non.
-Mais tu as parlé de moi.
-Oui, mais ton fauteuil se remarque à peine tant tu agis normalement.
-C'est relatif!
-Oui, mais ce que je veux vous montrer, c'est qu'Amanda est vivante. Votre accident, quel qu'il soit, ne fait pas de vous un assassin. Les conséquences d'un évènement imprévu comme un accident de voiture ne sont pas sans gravité, mais elles sont toujours surmontables."
Debout, se tenant nerveusement les mains, Jean-Philippe ne regarda Michel qu'après avoir fini de parler.
Son regard était de nouveau absent, mais ses lèvres s'entrouvraient comme s'il allait parler.
"Michel?
-Un accident de voiture...prononça l'homme en paraissant ne plus les entendre.
-Oui...
-J'adorais les voitures...dit-il lentement alors qu'un sourire triste lui apparaissait. De quelle couleur, l'auto? demanda Michel avec la voix d'un petit garçon ému."
Jean-Philippe lança un regard interrogateur à son amie, qui avançait pour s'immiscer dans la discussion.
"Rouge, répondit-elle sans regarder Michel. C'est ma couleur préférée, dirent-ils de concert. C'est arrivé en août...
-En août...
-Le 4 août, oui.
-Oui...un dérapage...
-Oui, c'est ça, dit la jeune fille les sourcils froncés. L'avez-vous entendu à la télévision?"
L'homme écrasé par son tourment se tourna alors pour lui faire face, les paupières humides.
Jean-Philippe s'écarta, silencieux.
Ses deux compagnons se fixèrent sans ciller durant un long moment. Un très long instant, peut-être.
Aucun clignement ne vint interrompre le tissage du lien qui se créait entre les quatre yeux, où se mêlaient les deux phares d'une voiture cabossée.
Les secondes s'égrainèrent en minutes pareilles aux poussières d'un vent éternel. Leurs lèvres s'entrouvrirent sans qu'elles laissent sortir le moindre son. À peine un souffle.
Ils se penchèrent lentement vers l'avant, doucement, jusqu'à ce que leurs doigts se touchent et reculèrent alors comme si on les avait électrocutés.
"Oh...mon Dieu...
-Toi...
-...vous."
Ne sachant comment réagir à la tension déjà installée, Jean-Philippe reprit la parole, dit qu'il avait peut-être eu une mauvaise idée et sortit avec Amanda.
"Pourquoi as-tu fait ça?! lui demanda-t-elle avec une fureur non tempérée.
-Qu'est-ce qui s'est passé?
-Je ne sais pas. Je ne sais pas et je déteste ça!"
Jean-Philippe ne vit ni Amanda ni Michel durant le congé des fêtes et, si l'absence de la première lui pesa, l'absence du deuxième lui permit de souffler un peu.
Ses pensées s'en détournèrent complètement, plutôt axées sur son amour naissant.
Son amie avait été heurtée par une voiture au mois d'août après un dérapage accidentel.
Ainsi, ses parents étaient parvenus à la faire changer d'école pour qu'elle étudie au sein d'un bâtiment adapté.
Elle avait risqué de perdre une jambe, avait écopé de plusieurs fractures et d'un traumatisme à la boîte crânienne.
Sa réadaptation s'était faite extraordinairement rapidement.
Aussi, elle était bien la dernière élève que l'on pouvait accuser de paresse.
*****
Dès le retour en classe, Jean-Philippe s'aperçut que quelque chose clochait.
Il s'était préparé, bien sûr, à ce qu'Amanda attire la curiosité et soit submergée de questions.
Pourtant elle ne lui accordait pas la moindre attention.
Elle le saluait en souriant, oui, mais conservait la même attitude lorsqu'elle lui parlait et lorsqu'elle parlait aux autres.
Cela le blessait d'autant plus parce qu'elle partageait certains de ses cours et qu'il la voyait l'ignorer.
Le garçon la regardait amèrement traverser les corridors comme si l'endroit lui appartenait.
Elle semblait détachée de tout, protégée par une aura qu'elle gardait impénétrable.
Étrangement, elle ne lui semblait jamais aussi lointaine que quand ils se rencontraient pour un tutorat.
Ses coups de fil lui manquaient alors d'une façon atroce.
*****
Début février, toute l'école remarqua sans mal l'absence de la jeune fille, Jean-Philippe plus que tout le monde. Il laissa passer une, puis deux journées, ses pieds battant le sol.
Si l'élève posait un œil effrayé sur les pages du calendrier depuis un certain temps, l'absence devenue concrète de sa belle amie lui mit les nerfs à vif et le poussa à reprendre le contrôle.
Aussitôt il appela sa mère, prétexta un long travail scolaire à faire en soirée et partit pour l'hôpital de la ville.
"Bonjour. J'aimerais savoir si une jeune fille a été récemment admise en vos murs.
-Son nom?
-Amanda.
-Vous n'avez pas son nom de famille?
-Non.
-Ça risque d'être compliqué.
-Vous ne pouvez pas essayer?
-Donne-moi plus d'informations.
-Elle ne vient pas à l'école depuis plus de deux jours et elle est en fauteuil roulant."
La préposée à l'accueil sourit tendrement.
"Elle a peut-être attrapé un simple virus, tu sais.
-Bien sûr, je sais, mais elle a été frappée par une voiture il y a seulement quelques mois.
-Je comprends ton inquiétude, mais tu n'as qu'à appeler chez elle."
La tête basse, il rentra chez lui sans ressource pour rejoindre Amanda.
"Tu as eu un téléphone, commença sa mère en allumant les yeux de son fils d'un espoir ébahi, c'était Cédric.
-Oh! fit simplement Jean-Philippe.
-Il aimerait que tu le rappelles."
L'air bourru, Jean-Philippe se traîna les pattes jusqu'à son lit, téléphone en main.
"Allô, Cédric?
-Hey! Si ce n'est pas mon J-P!
-Salut.
-Nom de Dieu, ne crie pas ta joie si fort. Je suppose que tu attendais un appel. Tu espérais la voix de ta belle au bois roulant, je me trompe?
-Penses-tu qu'elle sera à l'école demain?
-Qu'est-ce que j'en sais! Et puis de toute façon, ce n'est pas l'amour fou pour vous deux.
-Elle m'ignore!
-Va lui parler et si elle ne répond rien en fermant les yeux et en commençant à chantonner, là tu pourras dire qu'elle t'ignore.
-Je suis allé voir si elle n'était pas à l'hôpital.
-Le téléphone ne te tentait pas, quoi?
-Je n'ai pas son numéro.
-C'est facile à trouver sur l'ordinateur avec le nom de famille.
-...
-Ah je vois! Tu n'as même pas son nom de famille, ce que moi, j'ai!
-Stp...
-Seyfield..
-Amanda Seyfield. Parfait, merci.
-Hey, hey! Ne raccroche pas! Et moi alors?"
*****
"Allô?
-Amanda?
-Jean-Philippe?
-Ça va? demanda-t-il sur un ton franchement inquiet.
-Très bien et toi?
-Tu n'es pas venue à l'école hier encore.
-J'étais trop fatiguée.
-C'est tout?!
-Qu'est-ce qu'il y a?
-J'étais inquiet, je suis allé voir si tu n'étais pas à l'hôpital et toi, tu me dis que tu dormais!
-Tu as vraiment été à l'hôpital?
-Oh, ça va, on s'est assez moqué de moi là-bas.
-D'accord, alors je vais bien, merci de faire attention à moi."
La communication s'interrompit avant qu'il ait pu dire quoi que ce soit. Il ne s'avouait toutefois pas encore vaincu.
"Est-ce que je peux parler à Amanda svp? demanda-t-il poliment quand il téléphona le lendemain.
-Un instant, je te la passe, dit la mère en tendant le combiné à sa fille malgré tous les signes que celle-ci lui faisait.
-Salut?
-Pourquoi as-tu l'air de trouver si étrange que je t'appelle?
-On était à l'école ensemble il y a à peine une heure.
-Tu es trop occupée à te faire admirer là-bas.
-Pas de jalousie, d'accord? On n'est qu'amis.
-Amis? Ah! Je le croyais, oui, mais je vaux autant pour toi que la porte de l'ascenseur.
-Je ne peux pas penser qu'à toi.
-Sérieusement, ça passait entre nous. Puis tu es devenue froide et distante.
-Ma situation ne me permet pas de prendre autant de plaisir que toi aux amours volatiles. J'ai passé cette étape, figure-toi, pendant que j'étais dans le coma.
-Okay, okay, ne sortons pas ensemble. Est-ce que ça nous empêche de nous voir et de passer du bon temps?
-Je veux simplement être sûre que tu ne te fais pas de faux espoirs à mon sujet.
-Non, dit Jean-Philippe avec une brutalité qui surprit Amanda. La vérité c'est plutôt que tu as peur du rapprochement qui pourrait avoir lieu entre nous justement parce qu'il signifierait beaucoup de choses sérieuses."
Ce fut son tour de raccrocher sèchement et la jeune fille fixa le combiné de grands yeux étonnés.
L'oreille à l'affût, sa mère approcha.
"C'est à lui que tu parlais au centre?
-Oui, maman.
-Et maintenant?
-Maintenant rien. Je me concentre sur mes affaires.
-Tu lui téléphonais souvent.
-C'est mon droit.
-Tu lui parlais jusqu'à aller dormir. Il te faisait rire.
-Qu'est-ce que tu en sais?
-Facile, tu en as parlé aux infirmières, répondit sa mère sur un soupir d'Amanda, qui garda le silence une longue minute.
-Tu sais, ces quelques jours où j'ai raté l'école pour dormir un peu?
-Oui...
-Il s'est inquiété au point de se rendre à l'hôpital pour vérifier si j'y étais.
-Il tient à toi!
-On s'est rapprochés plutôt vite grâce aux appels...
-C'est pour ça que tu t'es distancée? Votre proximité t'a fait peur?
-Je n'ai pas peur! Simplement je suis réaliste. Il adore bouger, ne tient pas en place une minute. Le mieux qui puisse arriver, c'est qu'on se mette ensemble jusqu'à ce qu'il s'ennuie et disparaisse.
-Et un ami, ça ne te tente pas?"
Amanda n'eut qu'à lever les yeux pour être comprise.
Sa mère connaissait déjà sa théorie; à moins d'avoir à tenir compte de différentes orientations sexuelles, un garçon et une fille, peu importe qui, finiraient ensemble.
Seulement, on ne vivait pas sa vie enfermé à deux dans une pièce à l'espace restreint avec la bonne personne.
Alors les gens, souvent, s'accrochaient à la première personne connue par peur de passer leur vie seuls à attendre de trouver le chemin qu'aurait pris l'âme sœur.
"Alors tu crains que l'amitié soit impossible...Mais tu ne peux pas savoir sans essayer, c'est là l'essence de la vie.
-Il veut faire du surf. Tu vois le genre de gars?
-Les deux membres d'un couple n'ont pas à tout faire ensemble, sais-tu."
De toute façon, Jean-Philippe ne comptait pas baisser les bras. On ne l'éloignait pas ainsi sans raison.
"Comptes-tu m'appeler chaque soir cette semaine?
-C'est pour que tu développes une dépendance.
-Ou que je fasse une overdose.
-Dis ce que tu veux, tu adores que je t'appelle.
-As-tu vraiment un truc à dire ou tu veux seulement te faire louanger?
-Viens chez moi.
-On s'était entendus pour se voir seulement en terrain neutre.
-Allons, on ne sera pas seuls chez moi.
-Es-tu certain?
-Oui.
-Bon, alors fais installer une passerelle et je pourrai venir!
-Arrête d'être cinglante. Je te porterai.
-Et mon fauteuil?
-Ne fais pas la maligne. C'est un fauteuil pliant, il peut très bien entrer dans la maison.
-Accordé. Mais tu es chanceux que je m'ennuie autant! Je viens quand?
-Jeudi soir?
-Pourquoi pas vendredi?
-Je comptais t'inviter au cinéma vendredi. Avec plusieurs amis, j'ai compris la règle ne t'en fais pas."
Sa mère, encore cachée dans l'ombre d'une porte, souriait devant la douce expression apparue sur le visage de sa fille.
Plus loin, la mère de Jean-Philippe ne partageait pas ce tendre bonheur. Un pli soucieux tendait son front.
"C'est encore à la petite Amanda que tu parlais, pour sourire comme ça?
-Le genre de sourire n'a pas d'importance dès l'instant où l'on sourit. Mais oui, c'était bien Amanda.
-Je n'aime pas que vous vous parliez autant. Elle est ailleurs que toi dans la vie. Tu risques de lui faire du mal.
-Écoute, maman...Je ne vais pas m'empêcher d'aller aux toilettes parce qu'un F-47 pourrait s'écraser sur nous pendant ce temps. C'est pareil pour Amanda.
-Sois sérieux un moment! fit sa mère énervée.
-Imagine-toi qu'elle aussi me dit toujours ça! Elle prend toutes les précautions nécessaires à ce que je ne lui fasse pas de mal! Alors ne t'en fais pas!"
En attendant, lui se sentait coincé, refoulé.
*****
Malgré les paroles de sa mère, il entra chez lui avec une jolie fille dans les bras jeudi soir venu.
Elle n'eut pas le cœur de répéter ses craintes devant leur plaisir innocent et veilla simplement à ce qu'ils ne ferment pas la porte de la chambre.
Là, Amanda se montra tout de suite à son aise et s'étendit sur le lit de son ami sans s'embarrasser de gêne.
"Dis Jean-Philippe...Qu'est-ce que tu fais durant samedi?
-Ce samedi tu veux dire?
-Oui. Lui et les autres.
-Pourquoi penses-tu que je fais quoi que ce soit là?
-C'est simple, si tu n'étais pas occupé samedi, tu m'aurais invitée vendredi et aurais remis le cinéma au lendemain.
-Tu calcules toujours tout comme ça? Ton copain ferait mieux de ne pas te tromper!
-Je n'ai pas de copain.
-Je sais, je parlais de plus tard.
-Je n'en veux pas.
-Ah non?
-Non.
-C'est drôle...
-Quoi?
-Tu n'as pourtant pas une tête de lesbienne.
-Idiot! répliqua-t-elle en lui lançant un de ses propres oreillers."
Il finit par lui parler de Michel et, étrangement, ne fut pas vraiment surpris de tout l'intérêt qu'elle y porta.
"Après qu'il t'ait dit qu'il avait tué quelqu'un, vous n'en avez pas reparlé?
-Non. De ces temps-ci, il m'écoute surtout. Ça lui fait plaisir d'entendre une jeune voix, qu'il dit.
-Lui as-tu parlé de moi? demanda-t-elle en taquinant.
-Oui.
-Oh!
-Tu as l'air vraiment surprise. Pourtant c'est ce que tu voulais entendre, non?
-Ce n'est pas vrai, alors?
-Si, c'est vrai.
-Tu me perds.
-J'adore ça.
-Et cet homme, Michel, tu n'es pas curieux à propos de ce qu'il t'a avoué?
-Ce n'était pas vraiment un aveu. S'il était coupable de quoi que ce soit, il serait au commissariat, pas dans un centre d'aide psychologique.
-Alors qu'est-ce qu'il voulait dire? Qu'il a forcé sa femme à avorter et qu'il le regrette?
-C'est tiré par les cheveux, ça. Puis, il est séparé de sa conjointe. Il a pu commettre une erreur de calcul qui a eu de graves conséquences.
-Ou bien avoir eu un accident, ajouta sérieusement Amanda."
Refermant la bouche, Jean-Philippe lui jeta un indéfinissable regard.
Deux jours plus tard, il parla encore et encore de sa nouvelle amie à Michel jusqu'à obtenir de lui les quelques mots qu'il attendait.
La directrice de l'institut accepta volontiers que Jean-Philippe emmène quelqu'un puisque c'était là ce que Michel voulait.
La semaine suivante, le garçon astucieux se comporta comme un charme avec Amanda.
Il la fit rire, l'aida à de nombreuses reprises, la complimenta et lui porta toutes les attentions qu'il put.
"Viens avec moi demain. Voir Michel, à l'institut.
-Qu'est-ce que tu as derrière la tête?
-Rien du tout. À force de m'entendre parler de toi, il serait heureux de te rencontrer, voilà tout."
Elle accepta sans être convaincue, lui s'abstint de révéler ce qui lui trottait en tête.
"Il a une rampe pour handicapés, ton centre?
-Il est tard pour le demander, maintenant qu'on est à côté.
-Je vérifiais simplement si tu avais pensé à tout."
Le jeune homme lui tint la porte et se présenta à l'accueil avec elle avant de rejoindre la chambre de Michel.
Un étrange effroi s'installa sur la peau de son visage devant son invitée.
"Amanda, Michel. Je dois vous avouer que j'avais quelque chose en tête en vous plaçant l'un en face de l'autre. Amanda a été victime d'un accident de voiture. Vous, Michel, dites avoir tué quelqu'un, ce qui était obligatoirement un accident aussi.
-Tu veux dire que tu ne lui avais pas parlé de mon accident encore?
-Non.
-Mais tu as parlé de moi.
-Oui, mais ton fauteuil se remarque à peine tant tu agis normalement.
-C'est relatif!
-Oui, mais ce que je veux vous montrer, c'est qu'Amanda est vivante. Votre accident, quel qu'il soit, ne fait pas de vous un assassin. Les conséquences d'un évènement imprévu comme un accident de voiture ne sont pas sans gravité, mais elles sont toujours surmontables."
Debout, se tenant nerveusement les mains, Jean-Philippe ne regarda Michel qu'après avoir fini de parler.
Son regard était de nouveau absent, mais ses lèvres s'entrouvraient comme s'il allait parler.
"Michel?
-Un accident de voiture...prononça l'homme en paraissant ne plus les entendre.
-Oui...
-J'adorais les voitures...dit-il lentement alors qu'un sourire triste lui apparaissait. De quelle couleur, l'auto? demanda Michel avec la voix d'un petit garçon ému."
Jean-Philippe lança un regard interrogateur à son amie, qui avançait pour s'immiscer dans la discussion.
"Rouge, répondit-elle sans regarder Michel. C'est ma couleur préférée, dirent-ils de concert. C'est arrivé en août...
-En août...
-Le 4 août, oui.
-Oui...un dérapage...
-Oui, c'est ça, dit la jeune fille les sourcils froncés. L'avez-vous entendu à la télévision?"
L'homme écrasé par son tourment se tourna alors pour lui faire face, les paupières humides.
Jean-Philippe s'écarta, silencieux.
Ses deux compagnons se fixèrent sans ciller durant un long moment. Un très long instant, peut-être.
Aucun clignement ne vint interrompre le tissage du lien qui se créait entre les quatre yeux, où se mêlaient les deux phares d'une voiture cabossée.
Les secondes s'égrainèrent en minutes pareilles aux poussières d'un vent éternel. Leurs lèvres s'entrouvrirent sans qu'elles laissent sortir le moindre son. À peine un souffle.
Ils se penchèrent lentement vers l'avant, doucement, jusqu'à ce que leurs doigts se touchent et reculèrent alors comme si on les avait électrocutés.
"Oh...mon Dieu...
-Toi...
-...vous."
Ne sachant comment réagir à la tension déjà installée, Jean-Philippe reprit la parole, dit qu'il avait peut-être eu une mauvaise idée et sortit avec Amanda.
"Pourquoi as-tu fait ça?! lui demanda-t-elle avec une fureur non tempérée.
-Qu'est-ce qui s'est passé?
-Je ne sais pas. Je ne sais pas et je déteste ça!"
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*****
Encore installé dans la même position, Michel n'avait pas détourné les yeux et fixait l'espace comme si la jeune fille s'y trouvait encore.
Ses doigts se tendirent pour toucher les roues noires qu'il voyait encore.
C'était arrivé le 4 août dernier.
Il avait cru pouvoir s'en tirer une journée encore sans faire vérifier la fixation des roues du Ford comme le lui avait demandé sa copine.
Sa journée était bien assez chargée déjà.
Vers 15h00, alors qu'il revenait d'un important rendez-vous, une secousse avait secoué le véhicule.
Le pneu de la roue avant droite s'était détaché de son support, l'entraînant dans un long dérapage qui l'avait empêché de faire son arrêt.
Une heure plus tard, l'ambulance arrivait, sirènes hurlantes.
Mais ne venait pas pour lui.
*****
Amanda se comporta comme si rien n'était arrivé les jours suivants.
Elle aurait bien pu vouloir expliquer à son ami ce qui s'était passé qu'elle en aurait été incapable.
Quant à Jean-Philippe, s'il voulut lui poser la moindre question, il s'en retint et fit taire sa curiosité.
La jeune fille reconnaissante laissa alors ses barrières tomber un peu.
Et si à l'école rien ne changea mis à part la nature des sourires qu'ils échangeaient, ils recommencèrent à s'appeler quotidiennement.
"Je suis désolé Michel. Je n'aurais pas dû emmener quelqu'un ici sans avoir compris de quoi vous me parliez.
-Ça ne fait rien...au fond, elle est vivante...Je...Je n'ai tué personne...
-Non.
-Et elle est belle..."
Michel se tourna vers lui, souriant.
"Vous êtes beaux, ensemble. Tu la connais depuis longtemps?
-Je vous ai connus à peu près en même temps. Drôle de hasard.
-Es-tu certain d'y croire?
-À quoi?
-Aux coïncidences? Je l'ai frappée, la faisant devenir ton élève, tu es venu me voir, tu l'as emmenée...Si on enlève un seul élément, la chaîne est anéantie.
-Comme un casse-tête?
-Comme un casse-tête."
Jean-Philippe repensa longuement à cette discussion qu'il avait eue avec Michel.
Il revoyait la scène des doigts qui se touchaient avant de reculer brusquement, comme si l'embranchement des deux pièces d'un puzzle les avait effrayés.
Son amie pensait la même chose, assise dans la salle d'attente de l'aide orthopédique de l'hôpital.
Sa mère lisait tranquillement un roman tandis qu'elle était devant la console de jeux vidéo nouvellement installée.
"Ma famille a fait don de notre Nintendo à ton hôpital", se rappelait-elle avoir entendu de Jean-Philippe.
C'était toutefois un don qui datait de près d'un an.
"Cette console est nouvelle, maman?
-Oh non! Elle était installée dans une autre aile. Simplement la fondation Starlight a financé son réaménagement et ils n'avaient pas besoin de deux consoles pour la même aile."
Ainsi, c'était vraiment celle de son ami.
Et elle y prenait donc un plaisir encore plus grand.
On lui permit les béquilles et elle ne rentra à l'école que quelques jours plus tard, le temps de s'y habituer et de se procurer les pics à glace dont elle aurait besoin pour marcher à l'extérieur.
Amanda n'avait pas changé ses habitudes et n'en avait pas l'intention; elle parlait chaque soir avec Jean-Philippe, mais ils ne se voyaient pas à l'école ailleurs qu'en tutorat.
Toutefois, si elle se disait capable de se contenter de son amitié, voir ses bras autour de la taille de Sandra déclencha le grondement du tonnerre en son âme.
"Tu t'es trouvé une cavalière pour le bal? demanda-t-elle avec cynisme une fois le soir venu.
-Je n'y ai pas pensé. À propos, félicitations. Les béquilles doivent te changer du fauteuil.
-C'est plus douloureux en fait. C'est à cause de ta mère? Elle te dit encore que tu es trop jeune pour une relation sérieuse alors tu t'es dit tant pis, je vais m'amuser avec Sandra?
-Est-ce que ça va, Amanda?
-Je ne vois pas ce qui pourrait aller mal.
-Très bien. As-tu reçu une invitation pour le bal, de ton côté?
-Je ne vais pas au bal.
-Allons, c'est une tradition importante.
-Pour toi, peut-être. Pas pour moi. Je n'aurai passé que quelques mois dans cette école, de toute façon."
Ils parlèrent encore longtemps du bal et aucun ne céda sur sa position.
Jean-Philippe se demanda s'il n'aurait pas dû lui dire que lui tenait à ce qu'elle vienne, mais elle l'aurait trouvé ridicule, après tout.
Le samedi venu, il parla à Michel de la guérison d'Amanda.
Encore.
"Ça vous ferait plaisir si je vous disais qu'Amanda est en béquilles à présent?"
L'homme éclata de rire en répétant à quel point la chose était merveilleuse. Son visage reflétait déjà l'amélioration de son moral et il avait pu cesser d'imaginer une table de Noël où il manquait un convive, un berceau où l'enfant n'était plus.
"Veux-tu que je te dise une chose qui te fera plaisir, à toi?
-À propos d'elle, vous voulez dire?
-Tu en es amoureux."
Le garçon baissa la tête sans répondre.
"Penses-tu qu'on ait un rôle à jouer sur Terre? Moi, par exemple, je serais là pour te dire de ne pas la laisser partir."
Heureux d'être écouté, l'homme parla longtemps de son point de vue.
Depuis leur conversation, Jean-Philippe n'accorda plus la même importance aux volontés d'Amanda.
Elle ne voulait pas de rapprochement.
Lui si.
Alors ils étaient en guerre.
Il l'intercepta au sein de l'école de nombreuses fois, l'invita à dîner à ses côtés, lui offrit un bracelet en présent.
"C'est pour moi? Mais pourquoi?
-Pour ta fête!
-Ma fête est en novembre.
-Alors excuse le retard!"
Les deux adolescents n'arrêtèrent pas leur rituel téléphonique et les défenses de la jeune fille fondirent de nouveau.
La vision du garçon enlaçant Sandra la laissa bientôt de glace.
Ils s'étaient entendus pour être amis, après tout.
Puis, le poignet de l'adolescent restait orné d'un bracelet semblable à celui offert, quand il approchait sa copine.
L'année avançant rapidement, ils convinrent de ne pas s'appeler lors d'une certaine semaine et chacun d'eux souffrit alors d'un manque qu'il refusa d'avouer à l'autre.
"Allô?!
-Salut Jean-Philippe!
-Ah c'est toi Sandra.
-Tu as l'air déçu. Tu voulais un autre appel, peut-être?
-Ne dis pas de bêtise. Je suis content que tu appelles.
-Tu es pris ce samedi?
-Oui, désolé.
Oh...mais tu l'étais samedi dernier aussi.
-J'ai pris des engagements, on s'en est déjà parlé."
Sandra, en compagnie de son amie Chloé, raccrocha en faisant sentir sa déception.
"Il est très pris ton copain, dis donc.
-Il a des engagements à respecter chaque samedi.
-D'accord, mais si c'est si honorable, pourquoi il ne t'en parle pas?
-Par respect pour quelqu'un?
-Y crois-tu vraiment?
-Non", fit-elle dans un soupir résigné.
La mère de Jean-Philippe ne put s'empêcher de lui faire remarquer que Sandra et lui ne s'étaient pas parlé longtemps.
Il s'emporta et disparut au fond de sa chambre.
Aussi, on l'en punit et il dut refuser l'invitation d'Amanda pour dimanche.
Elle aussi peu certaine de le croire y réfléchit durant un temps tel qu'elle eut bientôt la naïveté de croire ne plus être importante pour lui.
Après tout, elle n'aurait jamais dû continuer à le laisser approcher d'elle.
Mieux valait le laisser vivre toute la frivolité associée à l'adolescence, dont elle ne faisait déjà plus partie.
Le téléphone de Jean-Philippe resta si souvent muet qu'il finit par comprendre qu'Amanda ne voulait plus s'embarrasser de lui. Il aurait dû le comprendre quand elle avait voulu lui faire croire qu'ils n'étaient pas compatibles et qu'il ne serait pas heureux avec elle.
Aussi, il ne téléphona plus non plus à Amanda.
L'année s'écoula, ponctuée d'un silence téléphonique ininterrompu.
Comme promis, elle ne vint pas au bal.
Encore installé dans la même position, Michel n'avait pas détourné les yeux et fixait l'espace comme si la jeune fille s'y trouvait encore.
Ses doigts se tendirent pour toucher les roues noires qu'il voyait encore.
C'était arrivé le 4 août dernier.
Il avait cru pouvoir s'en tirer une journée encore sans faire vérifier la fixation des roues du Ford comme le lui avait demandé sa copine.
Sa journée était bien assez chargée déjà.
Vers 15h00, alors qu'il revenait d'un important rendez-vous, une secousse avait secoué le véhicule.
Le pneu de la roue avant droite s'était détaché de son support, l'entraînant dans un long dérapage qui l'avait empêché de faire son arrêt.
Une heure plus tard, l'ambulance arrivait, sirènes hurlantes.
Mais ne venait pas pour lui.
*****
Amanda se comporta comme si rien n'était arrivé les jours suivants.
Elle aurait bien pu vouloir expliquer à son ami ce qui s'était passé qu'elle en aurait été incapable.
Quant à Jean-Philippe, s'il voulut lui poser la moindre question, il s'en retint et fit taire sa curiosité.
La jeune fille reconnaissante laissa alors ses barrières tomber un peu.
Et si à l'école rien ne changea mis à part la nature des sourires qu'ils échangeaient, ils recommencèrent à s'appeler quotidiennement.
"Je suis désolé Michel. Je n'aurais pas dû emmener quelqu'un ici sans avoir compris de quoi vous me parliez.
-Ça ne fait rien...au fond, elle est vivante...Je...Je n'ai tué personne...
-Non.
-Et elle est belle..."
Michel se tourna vers lui, souriant.
"Vous êtes beaux, ensemble. Tu la connais depuis longtemps?
-Je vous ai connus à peu près en même temps. Drôle de hasard.
-Es-tu certain d'y croire?
-À quoi?
-Aux coïncidences? Je l'ai frappée, la faisant devenir ton élève, tu es venu me voir, tu l'as emmenée...Si on enlève un seul élément, la chaîne est anéantie.
-Comme un casse-tête?
-Comme un casse-tête."
Jean-Philippe repensa longuement à cette discussion qu'il avait eue avec Michel.
Il revoyait la scène des doigts qui se touchaient avant de reculer brusquement, comme si l'embranchement des deux pièces d'un puzzle les avait effrayés.
Son amie pensait la même chose, assise dans la salle d'attente de l'aide orthopédique de l'hôpital.
Sa mère lisait tranquillement un roman tandis qu'elle était devant la console de jeux vidéo nouvellement installée.
"Ma famille a fait don de notre Nintendo à ton hôpital", se rappelait-elle avoir entendu de Jean-Philippe.
C'était toutefois un don qui datait de près d'un an.
"Cette console est nouvelle, maman?
-Oh non! Elle était installée dans une autre aile. Simplement la fondation Starlight a financé son réaménagement et ils n'avaient pas besoin de deux consoles pour la même aile."
Ainsi, c'était vraiment celle de son ami.
Et elle y prenait donc un plaisir encore plus grand.
On lui permit les béquilles et elle ne rentra à l'école que quelques jours plus tard, le temps de s'y habituer et de se procurer les pics à glace dont elle aurait besoin pour marcher à l'extérieur.
Amanda n'avait pas changé ses habitudes et n'en avait pas l'intention; elle parlait chaque soir avec Jean-Philippe, mais ils ne se voyaient pas à l'école ailleurs qu'en tutorat.
Toutefois, si elle se disait capable de se contenter de son amitié, voir ses bras autour de la taille de Sandra déclencha le grondement du tonnerre en son âme.
"Tu t'es trouvé une cavalière pour le bal? demanda-t-elle avec cynisme une fois le soir venu.
-Je n'y ai pas pensé. À propos, félicitations. Les béquilles doivent te changer du fauteuil.
-C'est plus douloureux en fait. C'est à cause de ta mère? Elle te dit encore que tu es trop jeune pour une relation sérieuse alors tu t'es dit tant pis, je vais m'amuser avec Sandra?
-Est-ce que ça va, Amanda?
-Je ne vois pas ce qui pourrait aller mal.
-Très bien. As-tu reçu une invitation pour le bal, de ton côté?
-Je ne vais pas au bal.
-Allons, c'est une tradition importante.
-Pour toi, peut-être. Pas pour moi. Je n'aurai passé que quelques mois dans cette école, de toute façon."
Ils parlèrent encore longtemps du bal et aucun ne céda sur sa position.
Jean-Philippe se demanda s'il n'aurait pas dû lui dire que lui tenait à ce qu'elle vienne, mais elle l'aurait trouvé ridicule, après tout.
Le samedi venu, il parla à Michel de la guérison d'Amanda.
Encore.
"Ça vous ferait plaisir si je vous disais qu'Amanda est en béquilles à présent?"
L'homme éclata de rire en répétant à quel point la chose était merveilleuse. Son visage reflétait déjà l'amélioration de son moral et il avait pu cesser d'imaginer une table de Noël où il manquait un convive, un berceau où l'enfant n'était plus.
"Veux-tu que je te dise une chose qui te fera plaisir, à toi?
-À propos d'elle, vous voulez dire?
-Tu en es amoureux."
Le garçon baissa la tête sans répondre.
"Penses-tu qu'on ait un rôle à jouer sur Terre? Moi, par exemple, je serais là pour te dire de ne pas la laisser partir."
Heureux d'être écouté, l'homme parla longtemps de son point de vue.
Depuis leur conversation, Jean-Philippe n'accorda plus la même importance aux volontés d'Amanda.
Elle ne voulait pas de rapprochement.
Lui si.
Alors ils étaient en guerre.
Il l'intercepta au sein de l'école de nombreuses fois, l'invita à dîner à ses côtés, lui offrit un bracelet en présent.
"C'est pour moi? Mais pourquoi?
-Pour ta fête!
-Ma fête est en novembre.
-Alors excuse le retard!"
Les deux adolescents n'arrêtèrent pas leur rituel téléphonique et les défenses de la jeune fille fondirent de nouveau.
La vision du garçon enlaçant Sandra la laissa bientôt de glace.
Ils s'étaient entendus pour être amis, après tout.
Puis, le poignet de l'adolescent restait orné d'un bracelet semblable à celui offert, quand il approchait sa copine.
L'année avançant rapidement, ils convinrent de ne pas s'appeler lors d'une certaine semaine et chacun d'eux souffrit alors d'un manque qu'il refusa d'avouer à l'autre.
"Allô?!
-Salut Jean-Philippe!
-Ah c'est toi Sandra.
-Tu as l'air déçu. Tu voulais un autre appel, peut-être?
-Ne dis pas de bêtise. Je suis content que tu appelles.
-Tu es pris ce samedi?
-Oui, désolé.
Oh...mais tu l'étais samedi dernier aussi.
-J'ai pris des engagements, on s'en est déjà parlé."
Sandra, en compagnie de son amie Chloé, raccrocha en faisant sentir sa déception.
"Il est très pris ton copain, dis donc.
-Il a des engagements à respecter chaque samedi.
-D'accord, mais si c'est si honorable, pourquoi il ne t'en parle pas?
-Par respect pour quelqu'un?
-Y crois-tu vraiment?
-Non", fit-elle dans un soupir résigné.
La mère de Jean-Philippe ne put s'empêcher de lui faire remarquer que Sandra et lui ne s'étaient pas parlé longtemps.
Il s'emporta et disparut au fond de sa chambre.
Aussi, on l'en punit et il dut refuser l'invitation d'Amanda pour dimanche.
Elle aussi peu certaine de le croire y réfléchit durant un temps tel qu'elle eut bientôt la naïveté de croire ne plus être importante pour lui.
Après tout, elle n'aurait jamais dû continuer à le laisser approcher d'elle.
Mieux valait le laisser vivre toute la frivolité associée à l'adolescence, dont elle ne faisait déjà plus partie.
Le téléphone de Jean-Philippe resta si souvent muet qu'il finit par comprendre qu'Amanda ne voulait plus s'embarrasser de lui. Il aurait dû le comprendre quand elle avait voulu lui faire croire qu'ils n'étaient pas compatibles et qu'il ne serait pas heureux avec elle.
Aussi, il ne téléphona plus non plus à Amanda.
L'année s'écoula, ponctuée d'un silence téléphonique ininterrompu.
Comme promis, elle ne vint pas au bal.
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- Inscription : sam. juin 05, 2010 1:24 pm
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