3è et dernière partieAu sud du saillant, les circonstances sont beaucoup plus favorables pour les Allemands. Le Front de Voronej qui leur fait face est moins puissant que le Front central du fait de l'erreur d'appréciation de la Stavka et est attaqué par les meilleures unités de la Wehrmacht. Le premier jour, quatorze divisions y sont envoyées dont cinq d'infanterie, huit de panzers et une dernière motorisée. Les Soviétiques, de plus, n'ont pas pu identifier le secteur exact de l'attaque allemande et ont donc dû répartir leurs forces de façon plus régulière et échelonnée sur la profondeur. La progression allemande est donc plus importante et la menace d'une percée décisive se profile rapidement. L'attaque est menée par deux armées allemandes sur deux axes. La poussée principale est réalisée par la 4e Panzerarmee du général Hoth forte de onze divisions dont six mécanisées. Elle vise la petite ville d'Oboyan qui est le trajet le plus direct pour atteindre Koursk. Sur sa droite, le détachement d'armée du général Kempf, parti de la région de Belgorod, attaque lui sur l'autre rive de la rivière Donets, en direction du nord, tandis que le Corps Raus attaque sur la rive droite. Von Manstein décide, contrairement à Model, de pousser ses unités blindées dès le premier jour pour rompre au plus vite. La surprise, déjà compromise par la capture de prisonniers est encore atténuée sur le Front sud par l'opération préliminaire menée au cours de la journée du 4 juillet contre les avant-postes de la 6e armée de la Garde, faisant face au 48e Panzerkorps. Ces avant-postes, placés sur des petites collines basses avec vue sur les zones de regroupement allemandes, rendaient toute surprise impossible. Le général Knobelsdorff, commandant le corps, décida donc de s'en emparer la veille de l'offensive générale car ils avaient aussi l'inconvénient de lui dissimuler la première ligne soviétique.
Après l'ouverture de couloirs dans les champs de mines dans la nuit du 3 au 4 juillet, un bombardement par cent Ju87D à 14h45 et une courte préparation d'artillerie, les régiments d'infanterie des 3e et 11e Panzerdivision ainsi que ceux de la division Grossdeutchland attaquent ces positions, avec le concours d'unités du 52e Armeekorps sur sa gauche et du 2e Panzerkorps SS sur sa droite. Le 199e régiment de fusiliers de la Garde qui défend les avant-postes, résiste quelques temps, mais évacue à la tombée du jour vers la ligne de défense principale. Le 48e Panzerkorps s'empare des postes d'observation, positions importantes et favorables pour attaquer l'ennemi[2]. Cependant, toute chance de surprise tactique s'est envolée. Vatoutine conclut donc, avec raison, qu'il a à faire face à une attaque en direction d'Oboyan avec une attaque secondaire à partir de Belgorod. À deux heures du matin, dix minutes avant l'attaque prévue par les Allemands, il déclenche lui aussi, comme Rokossovsky, une contre-préparation de plusieurs heures à l'aide de son artillerie mais, du fait de sa situation différente, choisit de cibler prioritairement les concentrations de troupes plutôt que l'artillerie adverse. Les unités allemandes, pour la plupart à l'abri dans des positions défensives, subiront cependant relativement peu de pertes. En revanche, les effets sur l'organisation et le moral allemands seront importants et il faudra à l'état-major allemand retarder de deux heures l'attaque pour réorganiser ses unités. Le génie met néanmoins la nuit à profit pour dégager des couloirs dans les champs de mines qui protègent la première ligne soviétique.
L'avance allemande sur le flanc sudÀ quatre heures trente du matin, le 5 juillet, les bombardiers de la 4e Luftflotte se présentent au-dessus des positions de la 6e armée de la Garde qu'ils bombardent intensément. L'attaque aérienne est suivie une heure plus tard d'un tir d'artillerie de cinquante minutes mais très intense sur tout le front d'attaque du groupe d'armée sud. À partir de cinq heures du matin, les 500 chars et l'infanterie de la 4e Panzerarmee commencent à avancer. Le terrain sec jusqu'au 4 juillet a été détrempé dans l'après-midi de cette journée, rendant le mouvement des véhicules à roues très difficile. Autre problème omniprésent, les mines soviétiques, qui malgré le travail des pionniers allemands, provoquent de nombreuses pertes. Les Soviétiques affirmeront par la suite que sur le front sud du saillant, lors du premier jour, les pertes de la Wehrmacht ont été de 67 chars et l'équivalent de deux bataillons d'infanterie. En plus, de nombreux officiers seront tués ce jour par les pièges soviétiques. Le commandant de la 332e Infanteriedivision, par exemple, trouvera la mort de cette façon lors de l'attaque initiale. Les résultats sont assez inégaux, selon les unités. La 3e Panzerdivision, malgré les difficultés, réussit dès le premier jour à repousser les éléments de l'Armée rouge défendant Butovo de près de cinq kilomètres, perçant ainsi la première ligne de défense. La division Grossdeutschland, elle, se retrouve bloquée par un fossé antichar rempli d'eau, jusqu'au lendemain. Le Panzerregiment 39 avec ses deux cents chars Panther flambant neufs, coincé dans un champ de mines, subit de lourdes pertes et est alors incapable de soutenir la division qui, elle aussi, subit de grosses pertes d'infanterie et est repoussée. L'attaque doit être alors annulée et remplacée par une nouvelle plus à l'est. La 11e Panzerdivision, elle, réussit son attaque contre la 67e division de la garde mais n'arrive à repousser celle-ci que de six kilomètres, suite à l'intervention des quarante chars de la 96e brigade blindée. Au soir du 5 juillet, le 48e Panzerkorps a donc réussi à percer la première ligne de défense soviétique mais son avance est inférieure aux prévisions avec six kilomètres au maximum. Elle n'est qu'à mi-chemin de la seconde ligne et incapable de préparer une attaque à l'aube du 6.
Plus à l'est, le 2e Panzerkorps SS a, lui, eu plus de chance car ses trois divisions de panzergrenadiers n'ont eu comme opposition que deux régiments, un de la 375e division et un de la 52e division de la Garde, les Soviétiques n'ayant apparemment pas anticipé une attaque dans ce secteur. Malgré les mines et la météo, l'attaque se déroule bien et progresse vite, la 375e division poursuivie par la 3e SS-Panzergrenadier-Division Totenkopf doit se replier derrière la rivière Donets, et exploitant la brèche créée par les divisions Leibstandarte Adolf Hitler et Das Reich, peuvent se positionner, au soir, à moins de cinq cents mètres de la seconde ceinture défensive. Comparativement aux autres unités allemandes, le résultat est bon mais les pertes sont lourdes et les unités de l'Armée rouge se sont repliées en bon ordre, n'abandonnant que peu de matériel. Plus au sud, le détachement d'armée Kempf attaque la 5e armée de la garde, à partir de la tête de pont que les Allemands ont prise sur la rive est du Donets à Belgorod. Cette attaque commencée le 5 à 2h25, est plus difficile du fait de la nécessité de franchir le cours d'eau. L'artillerie soviétique détruira de nombreux ponts dans la journée, freinant la progression ennemie. La 168e Infanteriedivision, pourtant supportée par les chars de la 6e Panzerdivision, ne repousse le 238e régiment de la Garde que de trois kilomètres. La 19e Panzerdivision, elle aussi confrontée aux unités de la 81e division de la Garde, plus au nord, progresse peu. Seule la 7e Panzerdivision réussit à percer la première ligne de défense tenue par la 78e division de la Garde, après avoir franchi la rivière et repousse celle-ci à mi-chemin entre les ceintures défensives. Le général Breith, commandant le 3e Panzerkorps, décide alors de renforcer ce succès en retirant la 6e Panzerdivision de la tête de pont nord et de l'envoyer soutenir la 7e au sud. Cette initiative, quoique correcte tactiquement à son échelle, provoquera une difficulté pour l'ensemble du dispositif allemand, obligeant durant plusieurs jours, la division Totenkopf à faire face à l'est pour protéger la droite de la 4e armée de panzer. La 19e Panzerdivision sera elle aussi obligée de s'engager vers le nord pour couvrir la gauche de Kempf. Les Soviétiques pousseront de nombreux renforts dans ce petit saillant pour tenter de maintenir séparées les deux attaques allemandes. Ils réussiront à s'y maintenir jusqu'au 15 juillet, fixant de nombreuses forces allemandes qui ne purent donc participer pleinement à l'offensive principale. Plus au sud, les 11e et 42e corps connaissent peu de réussite, seule la 106e Infanteriedivision réussira à prendre pied sur la rive est mais seul un pont de huit tonnes sera établi, incapable de supporter des blindés pour appuyer la poursuite de l'attaque. Elle s'empare de la petite ville de Toblinka où son avance est arrêtée par une contre-attaque de la 72e division de la Garde appuyée par des blindés et des éléments de la 213e division. La 320e Infanteriedivision atteint la voie ferrée à Maslova Pristani. Les autres divisions, si elles ont toutes réussi le franchissement, sont bloquées encore plus rapidement. Les deux corps d'infanterie au sud de Kempf n'ont donc pas réussi à percer la première ligne et se retrouvent dans une situation délicate, dos à la rivière.
Une victime de l'intense combat de chars; l'épave d'un T-34 est inspectée par les troupes allemandes.Sa première ligne de défense étant percée à deux endroits, Vatutin profite de la nuit du 5 au 6 juillet pour déployer des renforts derrière sa seconde ceinture défensive, pour renforcer les unités en place et celles qui se sont repliées face à l'attaque allemande. La 1re armée de chars se déploie derrière la 6e armée de la garde pour interdire la direction d'Oboyan. Initialement, elle doit contre-attaquer le 6 au matin mais Vatutin et le général Katutov qui la commande, décident finalement de la placer dans une posture défensive en enterrant ses chars pour interdire toute percée directe vers Koursk. La Stavka a aussi mis à sa disposition deux corps blindés, le 10e, provenant de la 5e armée de la Garde, renforce la 1re armée de chars, et le 2e corps blindé de la Garde, issu des réserves du Front sud-ouest, lui se met en position au sud de Prokarvha pour agir sur le flanc est du 2e SS Panzerkorps. Vatutin prélève aussi des unités au sein des armées hors des secteurs d'attaque, pour les redéployer face à la menace allemande. Ainsi la 309e division de fusiliers de la 40e armée se met en réserve dans l'axe d'Oboyan. Deux brigades blindées, les 180e et 192e, mèneront des contre-attaques sur le flanc ouest du 48e Panzerkorps.
Von Manstein donne l'ordre de percer la seconde ligne au matin du 6. Le 48 Panzerkorps avance en repoussant les trois divisions de la Garde qui lui font face dans les positions de deuxième ligne mais retardé par les mines et la résistance soviétique, il doit constater son impuissance dès la fin de la journée. Au total, il n'a progressé que de dix kilomètres en 48 heures. Déjà présent sur les avant-postes de la seconde ligne, au soir du 5, le 2e SS panzerkorps est donc la seule unité qui attaque ces positions. Largement soutenue par la Luftwaffe, l'attaque de la division Leibstandarte Adolf Hitler, à Iakolevo, est très réussie et le 155e régiment de la Garde voit ses positions submergées, de nombreux prisonniers étant capturés. Les Allemands exploitent ce succès en attaquant de flanc le 151e régiment voisin. Mais les Soviétiques aveuglent la brèche en déployant le 31e corps blindé, au nord de la ville, bloquant toute exploitation immédiate et lancent deux contre-attaques de blindés. Plus à l'est, la division SS "Das Reich" attaque à Luchki. Elle progresse bien mais la contre-attaque menée par le 2e corps blindé de la Garde, appuyée par la 69e armée, l'empêche de percer les lignes de défenses. La troisième division du corps Totenkopf, elle, n'attaque pas et passe toute sa journée à repousser les offensives menées par la 375e division, appuyée par les blindés de la 96e brigade blindée et la 496e de chasseurs de chars. Au soir du 6, le 2e corps SS a donc entamé la seconde ligne de défense. Ils revendiquent la capture de 1609 prisonniers et la destruction de 90 chars et 83 canons antichars. Cependant, les pertes allemandes sont lourdes : la division Adolf Hitler déplore 84 morts et 384 blessés, rien que ce jour. En 48 heures, elle totalise 181 tués et 906 blessés ce qui représente dix pour cent de son effectif. Et Koursk est encore à 110 kilomètres.
Dans le secteur de Kempf, le 3e Panzerkorps réussi à percer définitivement la première ligne de défense et à atteindre le seconde, les 6e et 7e panzerdivision atteignant Yastrebovo. Le 11e corps peut alors profiter de la retraite des unités soviétiques et avancer lui aussi. Par contre le 52e corps, malgré son attaque, lui reste sur la rive ouest du Donets.
L'attaque sur un front plus étroit, environ trente kilomètres, progresse mieux, mais comme au nord, le front d'attaque et la progression ont tendance à se réduire au fur et à mesure que les jours passent. Dès le 7 juillet, l'attaque ne se produit plus que sur vingt kilomètres de front, puis va tomber à quinze le 9 juillet. La progression réalisée en profondeur chute elle aussi très rapidement, l'avance est de neuf kilomètres, le 5 juillet, mais elle tombe à cinq le 9 juillet et ne dépassera pas deux ou trois kilomètres les jours suivants. Un soldat de la division Grossdeutschland se rappelle Koursk : « ...des machines pourtant solidement rivetées, s’ouvraient comme le ventre d’une vache fendue en deux, avec des flammes et des gémissements, des arbres réduits à l’état d’allumettes… ; les cris des officiers et des sous-officiers essayant de regrouper leurs pelotons et leurs compagnies dans ce cataclysme ».
Si l'avance est supérieure et la première ligne soviétique percée, l'absence de capture importante de prisonniers et de destruction d'artillerie montrent que les troupes soviétiques reculent en bon ordre. La défense n'est pas débordée et continue à s'opposer constamment à l'offensive. La nuit, des petits groupes de sapeurs russes posent des mines devant le front supposé des offensives allemandes du lendemain, 90 000 mines seront ainsi posées. Les unités d'infanterie et l'artillerie retardent par leur action l'avance des troupes allemandes, donnant le temps aux renforts de s'installer sur les axes menacés.
Les pertes du Reich sont considérables et non compensables à court terme, un grand nombre d'unités d'assaut ayant été pratiquement totalement anéanties. Ainsi, le 195e régiment de la 78e division d'infanterie perd en deux jours tous ses commandants de compagnie. Le 11 juillet, moins d’une semaine après le déclenchement de l’opération « Zitadelle », les éléments combattants de la 18e Panzerdivision comptaient encore 5 266 hommes et 157 officiers; 12 jours plus tard, il ne restait que 890 hommes et moins de 30 officiers. Une semaine plus tard, un des régiments de Panzergrenadier de la division était réduit à 127 soldats seulement et il ne lui restait qu’un officier commandant de compagnie. Cette hécatombe força le commandant de la division à ordonner à toutes les unités de ravitaillement de monter au front (O. Bartov). Après cinq jours de combat, la division Gross Deutschland rend compte le 10 juillet qu'elle n'a plus en état de combattre que 3 Tigres, 6 Panthers et 11 Panzers III et IV sur les 118 chars qu'elle avait au début de l'offensive. Ses commandants et ses officiers supérieurs des deux régiments d’infanterie et de trois autres bataillons sont presque tous tués ou blessés. Le XLVIII Panzer Corps, lui, n'a plus que 38 Panthers sur les 200 initiaux.
Soldats de la division SS "Das Reich" progressant sous le couvert d'un char Tiger I.À l'est, la 7e armée de la Garde met en difficulté les divisions de Kempf, après leur traversée du Donets, découvrant le flanc droit de la 4e armée blindée. Alors en pointe, l'offensive allemande entière semble s'enliser. Malgré tout, la menace d'une percée reste préoccupante pour la Stavka et celle-ci décide de déployer des troupes initialement planifiées pour n'être utilisées que dans la contre-offensive et ce afin de renforcer la 6e armée de la Garde et donner un coup d'arrêt définitif à l'avancée allemande. La 5e armée blindée de la Garde, renforcée par deux corps blindés indépendants, se déploie donc, le 12 juillet, à l'est de Prokhorovka et se prépare à contre-attaquer sur le flanc du IIe SS Panzer Korps. La bataille qui en résulte est connue sous le nom de bataille de Prokhorovka. Les 12 et 13 juillet, dans la plaine située près du nœud ferroviaire de Prokhorovka, avec l'affrontement de 1 500 chars dont une centaine de chars Mark VI Tiger (char de 56 t doté d'un redoutable canon de 88 mm et d'un blindage frontal de 10 cm) se déroule sur un territoire de vingt kilomètres carrés la plus grande bataille de chars de l'histoire. Le choc est titanesque. À bord de son Stuka, Hans Rudel le découvre dans toute son ampleur :
« Sur la terre ferme, à perte de vue, se déroulent de gigantesques combats de chars. Dans de vastes espaces découverts, des masses compactes de blindés se font face, comme sur un champ de manœuvre. Beaucoup plus redoutables que les tanks des Russes sont leurs canons antichars, très puissants et remarquablement précis. L'armée soviétique doit disposer d'énormes quantités de ces canons, car on les trouve à tous les points névralgiques de l'immense champ de bataille. »
Le général Rotmistrov, en rappelant l'histoire de cette bataille, fait remarquer que c'est l'avant-garde de la Ve armée blindée de la Garde, son armée, qui enfonça à toute vitesse le flanc du IIe SS Panzer Korps qui venait de percer la troisième ligne de défense. Le combat devient rapidement un affrontement entre les meilleures formations mécanisées de la Wehrmacht et une infanterie soviétique bien retranchée. Les forces blindées soviétiques engagées à Prokhorovka eurent plus de 50 % de pertes. Un héros rescapé de cet affrontement, le Moscovite Alexandre Volochtchenko, note que « près de Prokhorovka la terre s'était transformée en boue sanguinolente recouverte d'un glacis de fer fondu ». Ces deux journées, la Wehrmacht perd 10 000 hommes et plus de 400 blindés. En 2005, selon Piotr Borissov, qui participa aux fouilles sur le site de Prokhorovka où eut lieu la bataille de blindés, « les chercheurs ont découvert des os incrustés dans le métal ».
Hitler, malgré les supplications de Erich Von Manstein, décide d'arrêter le 13 juillet l'opération Citadelle. En effet, non seulement l'armée allemande n'a pas réussi son encerclement mais surtout les Soviétiques ont attaqué les arrières de la Wehrmacht au nord (opération Koutouzov) et au sud (opération Polkovodets Roumiantsev). Le front craque et les Allemands doivent alors reculer des centaines de kilomètres. L'une aussi des raisons qui ont poussé la Wehrmacht et Hitler en tête (souvenez-vous que ce n'est que celui-ci qui détient une vision globale de la situation) est l'invasion de la Sicile par les Anglo-américains le 10 juillet 1943. En effet, les craintes d'une attaque sur les Balkans sont peut-être repoussés, en tout cas à court terme, mais l'Italie devient un secteur à protéger. Ainsi, au vu des immenses quantités de matériel accordés à la Bataille de Koursk et donc à celui manquant sur les autres fronts, les forces Allemandes se retirent.
Au sud, l'Armée rouge aura besoin de plus de temps pour attaquer car ses troupes ont beaucoup plus souffert. Néanmoins, le 3 août, le Front de la Steppe déclenche l'opération Polkovodets Rumyantsev en direction de Belgorod puis de Kharkov. Appuyée par des attaques de diversion plus au sud, à travers le Mius, elle avance assez rapidement. Belgorod et Orel tombent le 5 août 1943. Les faubourgs de Kharkov sont atteints le 11 août. La bataille pour la ville est acharnée et dure douze jours. Enveloppée par le Front de Voronej et celui du Front de la steppe, la ville finit par tomber le 23 août à midi, une grande partie des défenseurs étant mis hors de combat. Cette victoire soviétique, bien que coûteuse, oblige les Allemands à replier leur défense derrière le Dniepr dès le 20 août. Ce repli débouchera au cours de l'automne sur la terrible et sanglante bataille du Dniepr puis la libération de Kiev le 5 novembre. Du côté soviétique, les libérations de Belgorod et d'Orel furent l'occasion d'inaugurer une nouvelle tradition, les "salves de la victoire": l'Union soviétique salue désormais à Moscou la libération de villes importantes par des salves d'artillerie. La prise de Kharkov, ville stratégique d'Ukraine, que Hitler disait qu'il défendrait à tout prix, est aussi une victoire majeure car le bassin industriel qui l'entoure faisait cruellement défaut à l'URSS depuis 1941.
L'échec allemand de Koursk fut pratiquement passé sous silence par la propagande du régime de Berlin. Du côté soviétique, le gigantesque engagement de Koursk fut longtemps l'objet d'une propagande productrice de légendes qui pour beaucoup tournent autour de la bataille de Prokhorovka. Avec l'ouverture des archives de l'ex-Union soviétique, une réalité plus nuancée se fait jour. Le combat fut souvent davantage un affrontement entre les meilleures formations mécanisées de la Wehrmacht et une infanterie soviétique bien organisée. Certains auteurs ont vu dans le débarquement en Sicile la raison principale de l'arrêt de l'offensive. Mais il semble que les conséquences tactiques sur le front de l'est de cette opération amphibie soient imperceptibles. En pratique, seule la division Leibstandarte Adolf Hitler (LSSAH) sera envoyée vers l'Ouest, après avoir laissé son matériel sur place. L'échec de Zitadelle est donc bien la conséquence des pertes subies par la Wehrmacht qui même si elles sont inférieures à celle de l'Armée rouge, ne sont ni supportables ni compensables rapidement. Les Soviétiques vont eux montrer qu'ils peuvent récupérer plus vite leur capacité offensive malgré leurs lourdes pertes précédentes. Les armées du Troisième Reich n'arriveront jamais à reconstituer leur potentiel pour influer sur les événements. Elles devront dorénavant subir l'action sur l'ensemble du front.
Sur le plan stratégique et opérationnel, le résultat est une incontestable victoire soviétique. L'énorme effort industriel et humain consenti par le Troisième Reich nazi pour concentrer des forces maximum et emporter la décision à Koursk est réduit à néant. Les objectifs fixés n'ont même pas été approchés, et, pire, pour la première fois les Soviétiques ont avancé durant les mois d'été. Ce simple fait renforce grandement le moral de l'Armée rouge qui va, dès lors, reprendre confiance en elle. Du côté allemand, elle finit de convaincre les derniers optimistes que la guerre à l'est est définitivement perdue. Certes, l'Armée rouge a subi des pertes supérieures de plus du double à celles de la Wehrmacht mais le ratio est de loin inférieur à celui qu'elle subissait auparavant. Par ailleurs, l'ouverture d'un nouveau front en Italie présage pour l'état-major allemand de futurs choix difficiles et une dispersion des troupes. Le résultat est donc sans appel. Jamais plus la Wehrmacht ne pourra reprendre l'initiative sur le front principal du second conflit mondial. Elle devra se contenter de subir les initiatives soviétiques.
La tombe d'un soldat allemand, Heinz Kühl. Le IIIe Reich ne pourra jamais compenser ses pertes humaines après la bataille de Koursk et se verra contraint d'opérer une retraite stratégique pour le restant de la campagne militaire sur le front de l'Est.À l'échelle tactique, la supériorité allemande est encore sensible mais l'Armée rouge a réalisé de grands progrès dans de nombreux domaines. Le plus important d'entre eux est l'accroissement de la résistance de son infanterie en défense. Les unités tenant le front, face aux attaques allemandes, ont résisté pendant près d'une semaine, en rase campagne en saison estivale, à la pression des meilleures unités allemandes sans se faire ni déborder ni annihiler. Les années précédentes elles auraient tenu au plus deux jours. Les nouvelles tactiques mises au point au cours de la bataille de Stalingrad arrivent à maturité. Les positions sont moins lâches qu'auparavant, pouvant se couvrir mutuellement de leur feu, elles sont reliées de façon systématique par des tranchées de liaison, permettant l'arrivée des renforts ou le repli sur de positions vers l'arrière. L'adversaire est canalisé, par l'emploi de champs de mine et du terrain vers de véritables poches de destruction où il subit des tirs croisés et un bombardement d'artillerie. Contrairement aux années précédentes, les unités isolées par des pointes blindées ne se laissent pas enfermer. Elles s'exfiltrent la nuit venue pour reprendre leur place dans la défense le lendemain. Les cadres, même aux plus bas échelons, commencent à faire preuve d'initiative et d'expérience. Les opérations offensives sont encore à la traîne mais les progrès seront rapides par la suite.
Dans le domaine aérien, le progrès est aussi sensible, la VVS a tenu tête à la Luftwaffe. Elle a été globalement dominée mais elle n'a pas été balayée du ciel dans les premiers jours comme auparavant. L'arrivée de nouveaux chasseurs encore plus compétitifs et une agressivité encore accrue de la part des pilotes vont lui permettre de s'imposer enfin, par le nombre, et bientôt la Jagdwaffe sera incapable de l'empêcher de peser massivement sur les combats au sol. Dans le domaine des blindés, par contre, les résultats ont été plus catastrophiques. Les T-34/76 et KV-1 ont montré leurs limites. Presque invulnérables en 1941, ils ne le sont plus deux ans plus tard. Leur puissance de feu et leur conception sont devenus obsolètes, comme par exemple les tourelles biplaces. L'arrivée et la mise au point de nouveaux modèles demandera encore du temps et ce sera clairement la faiblesse de l'Armée rouge jusqu'au printemps 1944. Le déploiement massif de T-34/85 et de JS-2 donnera alors aux Soviétiques, l'élément offensif qui leur manquait encore.
Pour ce qui concerne les pertes, il convient d'être prudent quant aux chiffres fournis par les belligérants. L'option la plus sûre étant de ne prendre en compte que les pertes admises par chacun des deux adversaires et d'ignorer celles qu'ils pensent avoir infligé. Le général Krivosheev donne les chiffres suivants sur l'Armée rouge, mais seulement pour la partie défensive de la bataille : 70 330 tués et 107 517 blessés et malades. Pendant la même phase, les Allemands eurent eux 24 758 tués, 23 356 blessés et 987 manquants. L'offensive vers Orel, au nord du saillant, elle, coûta 112 529 tués et 317 361 blessés et malades aux Soviétiques. Au total, ce choc de titans se solde le 14 juillet 1943 par l'échec de l’armée blindée allemande et pour l’infanterie hitlérienne, c’est un bain de sang : 90 000 tués pour l'ensemble de l'opération. Sur les 70 divisions engagées dans la zone de Koursk, 30 sont anéanties dont sept de panzers. Les régiments de Sturmovik (avion chasseur de char), volant en attaque souvent à moins de 20 mètres du sol, revendiquent le quasi-anéantissement des 3e, 9e et 12e divisions blindées du Reich. En cinquante jours de combats, la Wehrmacht perd en effectifs 500 000 hommes (tués, blessés et grièvement blessés, disparus), près de 1 200 chars et environ 2 000 avions. L’Armée rouge compte plus de 200 000 tués et ses pertes en blindés sont supérieures à celles de l’ennemi tandis qu'elle perd plus de 2 800 avions, mais elle a vaincu. Sans interruption, dès le 12 juillet, l’Armée rouge enchaîne dans la foulée de sa victoire le démarrage de la sanglante bataille du Dniepr.
Il est aussi fort possible que l'offensive alternative prônée par Manstein fût vouée à l'échec, du fait que les Soviétiques recevaient des Britanniques (John Cairncross) tous les plans de bataille des Allemands grâce à leur décryptage du code Enigma (malgré l'opposition de Churchill qui craignait de « griller » cette formidable source de renseignements stratégiques). Ainsi l'effet de surprise si nécessaire pour la Blitzkrieg ne pouvait plus jouer. À Koursk, les terrains sur lesquels les divisions blindées devaient avancer avaient été minés, beaucoup d'endroits auparavant déserts lors de la rédaction du plan étaient fortifiés, avec des fils barbelés bloquant l'avancée de l'infanterie, et des tranchées soutenues par de l'artillerie lourde.
Après Stalingrad, Koursk met fin, définitivement, à toute prétention hégémonique de la Wehrmacht en Russie. « Après la destruction de la 6e armée de Paulus dans le brasier de Stalingrad, la contre-offensive soviétique de l'été et de l’automne 1943, et l’échec de l’offensive allemande « Zitadelle », les pertes atteignent un niveau sans précédent. Entre novembre 1942 et octobre 1943, la Wehrmacht perd nettement plus de 1 500 000 hommes dont près de 700 000 de façon définitive ». O. Bartov.
Si la bataille de Stalingrad représente le véritable tournant psychologique du second conflit mondial avec la fin du mythe de l'invincibilité de la Wehrmacht, Koursk signifie le basculement définitif de l'armée allemande et de ses alliés dans un rôle défensif dont ils ne pourront plus s'extraire jusqu'à la conquête de Berlin par l'Armée rouge en mai 1945.