La
bataille du Monte Cassino fut durant la Seconde Guerre mondiale, une série de batailles livrées de janvier à mai 1944 par les Alliés pour transpercer la ligne Gustave afin d'occuper Rome et rejoindre les forces débarquées à Anzio.
Des centaines de bombardiers y anéantirent l'abbaye du Mont-Cassin.
Après l'opération Husky (débarquement et prise de la Sicile par les Alliés) en septembre 1943, puis le débarquement en Calabre et la prise de Naples, le front d'Italie s'est enlisé. Certes les Allemands ne peuvent aligner qu'une armée réduite face aux Alliés, mais le front lui-même se réduit à la largeur de la botte italienne, qui est bien plus facile à défendre que les immensités de l'espace russe.
L'Italie a théoriquement rejoint le camp allié, mais la plupart des troupes italiennes ont été désarmées ou froidement exécutées par les Allemands, comme la division Acqui sur l'île grecque de Céphalonie. Les Allemands ont installé une république fantoche et fasciste dans le nord de la botte, la république de Salò, dirigée par Mussolini. Si les Allemands disposent de troupes moins nombreuses que les Alliés, celles-ci sont solidement retranchées sur un solide dispositif de défense couvrant toute la largeur de la péninsule italienne, qui atténue leur infériorité numérique : échelonné sur plusieurs lignes, ce dispositif est constitué par une série de fortifications plus ou moins denses, qui utilisent les sommets des Apennins comme un véritable rempart. Les quelques vallées ou plaines littorales permettant les communications du sud vers le nord sont, quant à elles, entièrement minées et parsemées de réseaux de barbelés. La plus redoutable de ces rangées défensives est la ligne Gustav, qui s'appuie sur la région montagneuse des Abruzzes.
Le maréchal allemand Kesselring barre ainsi fermement la route de Rome aux Alliés, d'autant plus qu'après la conférence de Téhéran, fin 1943 avec les Soviétiques, un autre front doit être ouvert en Europe occidentale. Le théâtre de la Méditerranée et des Balkans est relégué au second rang, au grand dam de la Grande-Bretagne, qui a bien du mal à influencer le cours des événements entre les deux grandes superpuissances : l'Union soviétique et les États-Unis.
Du point de vue géopolitique, Winston Churchill voulait contrer directement et immédiatement l'avancée soviétique déjà amorcée dans les Balkans. Du point de vue militaire, la topographie montagneuse de la région favorise la défense et les combats auraient été très coûteux. Mais après la campagne d'Afrique du Nord, les États-Unis mènent de plus en plus les affaires militaires par la valeur relative de leurs engagements, et l'URSS n'a aucun intérêt à voir ses ambitions en Méditerranée contrariées. Pour ces deux puissances, le débarquement en Sicile n'est que le préambule à la campagne d'Italie, qui elle-même n'est que le prélude à l'opération Overlord (nom anglo-saxon du débarquement en Normandie), en attendant que le renforcement en matériel et troupes destinés à cette dernière soit prêt en Grande-Bretagne.
Au début 1944, les Alliés ont donc finalement choisi la Normandie comme axe d'attaque principal, et le gros de leurs efforts se concentre sur la préparation de cette opération gigantesque. Dans ces conditions, les opérations alliées en Italie n'ont pas la priorité. De plus, les Allemands ne semblent pas prêts à abandonner Rome sans en faire payer le prix fort.
Les ruines de l'abbaye du Mont CassinLes Alliés veulent rompre la ligne Gustav pour pouvoir atteindre Rome, tandis que les Allemands essayent de freiner au maximum l'avance alliée. Le général Eisenhower, commandant suprême des forces alliées, le général Clark de la Ve armée américaine, et le général Leese de la VIIIe armée britannique, sont opposés au feld-maréchal Albert Kesselring, commandant en chef, et au général Heinrich von Vietinghoff, commandant de la Xe armée allemande.
Kesselring va définir la situation de la bataille autour du mont en tenant une coupe de vin d'Asti en présence de ses officiers : « Les Anglo-Américains et leurs alliés français occupent le fond de ce verre. Et nous, nous sommes assis sur le bord ! »
Les Alliés engagent à l'origine une division blindée et six divisions d'infanterie, puis par la suite trois divisions blindées, et treize divisions d'infanterie, soit 300 000 hommes. Les Allemands ont au début, quant à eux, quatre divisions de Panzers et cinq divisions d'infanterie, auxquelles s'ajoutent par la suite une division de Panzergrenadiere et cinq divisions d'infanterie, soit 100 000 hommes. Il faut quatre opérations aux Alliés pour qu'ils parviennent à s'emparer du Mont Cassin et de son monastère, seule voie pour prendre Rome. La hauteur sur laquelle se trouve le monastère (435 mètres) est la clef du dispositif défensif allemand. Elle surplombe la ville de Cassino, ainsi que la route nationale, et domine les vallées du Rapido et du Liri. Durant trois mois, le général Von Senger und Etterlin renforce ses défenses. La première division parachutiste d'élite des Fallschirmjäger soutenue par des bataillons d'infanterie et le 14e Panzerkorps sont chargés de sa défense.
Au début du mois de janvier, les Alliés lancent une succession de raids de 3 000 bombardiers, contre les voies de communication allemandes. Le 15 janvier 1944, le 2e corps américain du général Keyes prend le mont Trocchio avec le soutien du corps expéditionnaire français (CEF). Cette unité française, composée essentiellement de troupes de l'armée d'Afrique et commandée par le général Alphonse Juin, est en effet engagée sur le front d'Italie aux côtés des Américains depuis le mois de décembre 1943.
Le 17 janvier 1944 commence la première bataille de Cassino. Initialement, le plan prévoyait que le CEF opère une attaque de diversion visant à déborder Cassino par la montagne, au nord-est, en atteignant Attina par le mont San Croce et le Carella ; tandis que le 2e corps américain, avec une partie de la 1re division de chars, marche sur les villes de Cassino et de Sant'Angelo, et que le 10e corps britannique progresse vers Minturno. Toutes ces opérations doivent préparer l'opération Shingle, qui consiste en un débarquement à Anzio-Nettuno, prévu pour le 22 janvier 1944, sur les arrières du flanc droit de la ligne Gustav. Lors de la première phase des opérations, le 10e corps britannique du général McCreery parvient à franchir le fleuve Garigliano, près de son embouchure. Il arrive le 19 janvier près de Castelforte. À partir du 20 janvier, les Allemands lancent des contre-attaques qui sont repoussées au bout de douze jours. Dans une seconde phase, le 2e corps américain du général Keyes lance la 36e division contre Sant'Angelo, appuyée par la 34e division qui attaque Cassino. La tentative de franchissement du fleuve Rapido par la 36e division échoue toutefois le 20 janvier 1944. La 34e division réussit presque à prendre Cassino et le monastère : ils arrivent à 300 mètres seulement de l'objectif. Lorsque la 4e division indienne vient relever les Américains, la division ne compte plus que 840 hommes sur les 3 200 au début de l'attaque.
Au début du mois de février, les Allemands ont reconquis la majeure partie du terrain perdu. Le 6 février 1944, la 36e division américaine est relevée par la 2e division néo-zélandaise. Les troupes débarquées à Anzio sont, quant à elles, immobilisées par les forces allemandes.
De son côté, si le CEF n'a pu s'emparer du mont San Croce et du Carella, faute de réserves, il a enregistré de nombreux succès sur un terrain escarpé particulièrement difficile : la prise de La Selva, de la Costa San Pietro (1 450 mètres d'altitude), d'Acquafondata et de la Monna Casale (dont les deux sommets jumeaux culminent à 1 220 et 1 225 mètres) ont constitué souvent autant d'exploits sportifs que militaires. En deux mois, la 2e DIM puis la 3e division d'infanterie algérienne (3e DIA), appuyées par deux groupements de tabors marocains (GTM), ont obtenu des résultats significatifs : une avance de plus de 15 kilomètres à certains endroits en pays montagneux, la capture de 1 200 prisonniers, la mise hors de combat d'une division allemande en entier. Au cours de l'offensive de janvier 1944, les tirailleurs nord-africains ont été les seuls à menacer sérieusement la ligne Gustav, réussissant même à la rompre au Belvédère lors de l'incroyable assaut du 4e régiment de tirailleurs tunisiens (4e RTT). Plus tard, dans ses mémoires, le général de Gaulle écrira que lors de cette bataille, « le 4e régiment de tirailleurs tunisiens accomplit un des faits d'armes les plus brillants de la guerre au prix de pertes énormes ». Mais ces opérations sur le flanc nord-est de Cassino ne constituent pas la priorité de l'État-Major anglo-américain, qui persiste à vouloir enfoncer le verrou du mont Cassin par une attaque frontale.
Du 15 au 18 février 1944 se déroule ainsi la seconde bataille du mont Cassin. La 4e division indienne et la 2e division néo-zélandaise se préparent à prendre d'assaut le mont Cassin, en passant par la crête de la Tête de Serpent, et à également s'emparer de la gare du chemin de fer. Le 15 février 1944, le commandement allié ordonne le bombardement du monastère du mont Cassin. 224 appareils larguent 420 tonnes de bombes qui rasent le monastère : les Alliés pensaient que des observateurs allemands se trouvaient sur les toits, ce qui était faux. La destruction du monastère permet toutefois aux Allemands d'en faire une véritable forteresse. L'attaque terrestre est donnée le 16 février. Les Néo-Zélandais prennent la gare du mont Cassin, mais doivent peu après s'en retirer. Le 17 février, la 78e division britannique se joint au corps néo-zélandais, mais le lendemain, l'opération est suspendue. Le mauvais temps neutralise les mouvements durant 3 semaines. Du 14 au 22 mars, la bataille reprend. Freyberg attaque en direction du sud, le long des deux rives du fleuve Rapido, après des bombardements intensifs. Les Alliés veulent s'emparer de la ville du mont Cassin, mais après 6 jours de combat, le corps néo-zélandais est obligé de se retirer. La situation s'enlise et la propagande allemande s'en donne à cœur joie : sur les murs de l'Europe occupée une affiche compare l'avancée des armées alliées en Italie à celle d'un escargot !
Des "Diables verts" se servant d'un mortier sur le mont Cassin.Au printemps 1944, les Alliés opèrent un repositionnement de leurs unités en vue de leur nouvelle offensive. La VIIIe armée Britannique et le Corps Expéditionnaire français sont ainsi redéployés en secret. L'offensive alliée qui se prépare s'appuie sur les plans audacieux du général Juin, qui a réussi à imposer ses vues à l'état-major anglo-américain. Juin veut éviter toute nouvelle attaque frontale contre Cassino, dont les défenses ont été encore renforcées et d'où les troupes allemandes d'élite paraissent impossibles à déloger. C'est au contraire par la montagne, là où l'ennemi ne s'y attend pas, qu'il faut porter l'effort principal : à travers les monts Aurunci (ou Aurunces), au sud-ouest de Cassino, considérés comme « impénétrables aux armées », selon les Allemands. Ce plan doit permettre de couper les positions arrières de l'ennemi, enveloppant ainsi toute la ligne Gustav. Pour Juin, seul le CEF est capable de mener à bien cette opération, grâce à l'aptitude au combat en montagne des tirailleurs et des goumiers du général Guillaume, ainsi que leurs trains muletiers. Parallèlement, le plan prévoit une attaque du 2e corps polonais contre le monastère par le nord, tandis que le 13e corps britannique doit franchir le fleuve Rapido pour couper la route nationale et isoler la ville. Le 2e corps américain étant, quant à lui, chargé d'attaquer les lignes allemandes au sud des positions françaises.
Tout en acceptant ce plan, Anglais et Américains doutent néanmoins que les Français puissent réussir à accomplir la manœuvre de débordement qui permettrait d'ouvrir enfin les portes de Rome. Côté allemand, la date et les objectifs de cette offensive restent un mystère comme en témoigne l'envoi de leurs réserves vers Anzio, où ils prévoient une tentative de percée des Alliés. Une autre inconnue inquiète Kesselring : « savoir où et comment le CEF avec ses divisions entraînées pour la montagne et ses solides combattants marocains allait être engagé. »
L'opération de rupture de la ligne Gustav est initialement confiée à la 2e division d'infanterie marocaine (2e DIM), « le bélier du CEF » selon l'expression de Juin, qui doit s'emparer pour cette mission des monts Faito et Majo (ou Maio). L'offensive générale des Alliés se déclenche le soir du 11 mai 1944, à 23 heures, sur l'ensemble du front italien. Une intense préparation d'artillerie de 2 000 canons précède l'attaque. Mais dans le secteur de la 2e DIM ce bombardement n'arrose que les crêtes, sans détruire le dispositif de défense allemand (blockhaus, barbelés, mines…), qui sillonne les pentes que doivent gravir les tirailleurs marocains avant de pouvoir s'emparer des sommets. Dans les autres secteurs d'attaque du CEF, comme celui de la 4e division marocaine de montagne (4e DMM), aucune préparation d'artillerie n'a lieu. Cet assaut va s'avérer redoutable. Les régiments de la 2e DIM se lancent ainsi dans une attaque de nuit aux combats souvent confus et très meurtriers, mais la ligne Gustav tient toujours. Juin décide la reprise de l'offensive pour la nuit suivante, après une préparation d'artillerie plus importante et mieux ciblée. Très tôt dans la matinée du 13 mai, c'est la ruée des tirailleurs marocains sur les positions allemandes, ravagées par le « rouleau de feu » des canons français, qui finissent par céder. La prise du mont Majo par les troupes marocaines de la 2e DIM est saluée par un drapeau français de 30 m² hissé à son sommet (940 mètres) et visible à des kilomètres à la ronde, par les troupes du CEF comme par les Allemands.
L'exploitation est maintenant possible vers les monts Aurunci puis, plus à l'ouest, les monts Lepini. C'est la 4e DMM et les trois Groupes de Tabors Marocains, formant le corps de montagne du CEF, qui s'en chargent dès le 14 mai, à « un train d'enfer ».« Les Français avancent si rapidement, que les communiqués ne peuvent suivre leur rythme », rapporte un journaliste américain. Suite à cet assaut des goumiers marocains dans les monts Aurunci, les Britanniques prirent l'habitude de qualifier toute attaque audacieuse de « goumisation ». Les combattants marocains prennent par la suite le mont Fammera (1 175 mètres) et le mont Revole (1 307 mètres).
Parallèlement, le 4e régiment de spahis marocains (4e RSM) incorporé temporairement à la 3e DIA œuvre à la prise de Castelforte, qui ouvre la route d'Ausonia dans la vallée de l'Ausente ; ce qui permet de déboucher sur la vallée du Liri, au sud-ouest de Cassino, derrière les lignes allemandes. De son côté, le 3e régiment de spahis marocains (3e RSM), mis provisoirement à la disposition de la 1re division de la France libre (1re DFL), participe au mouvement général de cette division qui s'engage dans la haute vallée du Liri via San Apollinare, en débordant également Cassino par le sud.
Tandis qu'une attaque aérienne détruit le quartier général de la Xe armée allemande, l'avancée du CEF, tant en montagne que dans les vallées, rompt donc le dispositif défensif allemand de la ligne Gustav et facilite la progression des Britanniques et des Américains. Ces derniers atteignent ainsi rapidement Spigno. Le 17 mai 1944, Kesselring ordonne à ses troupes de laisser Cassin de côté, de crainte de se voir enveloppé par la manœuvre française. Le même jour, la route nationale est coupée par le 13e corps, et les Polonais du 2e corps polonais du général Anders lancent l'assaut sur le monastère, qui tombe le 18. Les troupes polonaises hissent leur drapeau sur le monastère en ruine.
Les Alliés ont perdu environ 115 000 hommes (tués et blessés), et les Allemands 60 000. Le 19 mai Kesselring écrit « Les Français et surtout les Marocains ont combattu avec furie et exploité chaque succès en concentrant immédiatement toutes les forces disponibles sur les points qui faiblissaient ».
Le 20 mai, les Allemands - qui battent en retraite - voient leur situation s'aggraver : le 23 la percée des troupes alliées les encercle dans Anzio. Le 26 mai, spahis et tirailleurs marocains s'emparent de la ville de Pastena, tandis que la 3e DIA occupe la localité de San Giovanni, après une lutte très violente et le plus grand combat de chars de la campagne d'Italie, au cours duquel se sont illustrés les tankistes français. La bataille du Garigliano est terminée, l'ensemble des monts Aurunci est alors aux mains de l'armée française, qui a réussi où ses alliés avaient échoué durant des mois : faire sauter le verrou de Cassino et ouvrir la route de Rome. Le 4 juin 1944, la capitale italienne est libérée. Le colonel allemand Böhmler, l'un des défenseurs de Cassino, confie dans ses mémoires : « La grande surprise fut l'attitude au combat du Corps expéditionnaire français. C'est Juin qui, en s'emparant du mont Majo et en faisant irruption dans la vallée du Liri, a réduit en miettes la porte de Rome. ». Le 29 mai, Kesselring note dans son rapport quotidien : « Spécialement remarquable est la grande aptitude tout terrain des troupes marocaines, qui franchissent même les terrains réputés impraticables, avec leurs armes lourdes chargées sur des mulets, et qui essaient toujours de déborder nos positions par des manœuvres et de percer par derrière ». La plupart des analystes militaires considèrent la manœuvre des goumiers comme la victoire critique qui a finalement ouvert la route de Rome aux alliés.
Après la libération de Rome, les Alliés continuent leur avancée en direction du nord de l'Italie avant de s'embourber de nouveau, au cours de l'automne 1944, face à une nouvelle ligne de défense allemande, la ligne Gothique, au nord du fleuve Arno. Auparavant, plusieurs de leurs unités, dont celles du CEF, sont retirées d'Italie durant l'été pour participer à l'opération Anvil : le débarquement allié qui se prépare en Provence, programmé le 15 août 1944. Celui-ci constitue le deuxième acte de la priorité stratégique anglo-américaine définie en 1943 pour le front Ouest, après le débarquement du 6 juin 1944. Malgré l'intensité des combats pour s'emparer de Cassino, le courage et les sacrifices des troupes alliées engagées dans cette bataille, les exploits de l'armée française permettant une libération de Rome fort prometteuse, la campagne d'Italie reste donc reléguée à un rôle secondaire : « L'une des tragédies de la campagne d'Italie fut que le triomphe des armées alliées coïncida avec le début du débarquement en Normandie ». (général W.G.F. Jackson, officier d'État-Major du général Alexander). Suite au retrait du C.E.F d'Italie, le général Clarke dans une lettre au général Juin soulignera « combien la part vitale prise par les troupes françaises de la Ve Armée pendant toute la campagne d'Italie contre l'ennemi commun a été universellement reconnue. »
Au mois de juillet 1943, 50 000 soldats du 2e corps polonais du général Władysław Anders, sous le commandement du général Eisenhower participent au débarquement en Sicile et à la campagne d'Italie. La progression des Alliées est arrêtée au pied du Mont Cassin ou « Monte Cassino », où commence une bataille parmi les plus dures de toute la campagne d’Europe. Elle coûtera aux Alliés 115 000 hommes. Les Français, ou plus précisément les Goums, les tabors marocains et les Tirailleurs tunisiens subissent des pertes effroyables. Après deux mois d'assauts infructueux contre le rocher du monastère bénédictin, le 18 mai, à 9 h 50, les soldats polonais du Général Anders ont l'honneur, au prix d’énormes sacrifices, de hisser sur les ruines du monastère du Monte Cassino, le drapeau du 12e régiment Podolski, faute de drapeau national polonais disponible. Un clairon fait sonner le « hejnal mariacki », la mélodie jouée chaque heure à Cracovie. Un chant polonais dit que « là-bas », à Monte Cassino, les coquelicots seront toujours plus rouges car ils se sont abreuvés du sang des Polonais. La victoire était chèrement acquise, mais la route de Rome était ouverte.
Les pertes polonaises s'élevèrent à :
- tués : 72 officiers, 788 sous-officiers et hommes de troupe
- blessés : 204 officiers, 2.618 sous-officiers et hommes de troupe
- disparus : 5 officiers, 97 hommes de troupe.
Le 18 mai 2004, le Pape Jean-Paul II dit dans un discours s’adressant au Président de la République Polonaise : « Chaque Polonais se souvient avec orgueil de cette bataille qui, grâce à l'héroïsme de l'armée commandée par le général Anders, ouvrit aux Alliés la route de la libération de l'Italie et de la défaite des envahisseurs nazis. Au cimetière militaire du Monte Cassino, se trouvent des tombes surmontées de croix latines et grecques, ainsi que des pierres tombales portant l'étoile de David. Là-bas reposent les héros tombés au feu, unis par l'idéal de lutter pour « votre et notre liberté », qui inclut non seulement l'amour pour sa propre patrie, mais également la sollicitude pour l'indépendance politique et spirituelle d'autres nations. »
Les Goumiers du Corps expéditionnaire français ont été accusés de nombreux crimes de guerre au cours de cette campagne, notamment dans les environs de la région de la Ciociarie. Destruction de villages, vols et violences, mais surtout viols de masse (et assassinat de ceux qui essayaient de s'interposer) se multiplient autour du Monte Cassino. Si en 1950, l’Union des Femmes Italiennes, organisation communiste féminine, parle d'environ 12 000 victimes et tente d’obtenir des indemnités pour ces femmes, un rapport du sénat italien de 1996, parle de 2 000 femmes violées, de 700 hommes tués.
Ces viols commis autour de Montecassino sont mis en relief pour leur gravité et pour le nombre de victimes : perpétrés en deux jours seulement, ils sont comparables en intensité à d'autres épisodes similaires, notamment les crimes soviétiques lors de la bataille de Berlin.
De ces événements viennent les expressions populaires italiennes « marocchinate » (littéralement « marocanisés », dans le sens de « violé(e)s par des Marocains ») et « marocchinare » (« marocaniser »). Ces événements servent de toile à un roman d'Alberto Moravia (La Ciociara), ainsi qu'au film de Vittorio de Sica, La Paysanne aux pieds nus.
Les archives du S.H.A.T établies à partir de documents émanant du QG de la Ve armée américaine, où furent enregistrées les plaintes des victimes ou des parents des victimes, font état de 160 informations judiciaires concernant 360 individus. Il y eut 125 condamnations pour des affaires de viol, 12 pour attentats à la pudeur et 17 pour homicide volontaire. Les affaires les plus graves furent selon ces archives commises du 29 au 31 mai.
À titre de comparaison, l'historien américain J. Robert Tilly dans son ouvrage La Face cachée des GIs, rend compte de 379 dossiers archivés, de 879 cas dénombrés officiellement, et extrapolant sur ces bases pour tenir compte des affaires n'ayant jamais donné lieu à des plaintes, estime que plus de 17 000 viols auraient été commis par les GIs pendant les campagnes de France et d'Allemagne entre 1942 et 1945. Les viols commis par l'Armée soviétique sont quant à eux estimés à de plus de deux millions de femmes allemandes violées en 1944-1945 (dont 100 000 pendant la seule bataille de Berlin, confer l'ouvrage : Une femme à Berlin).
L'historien Jean-Christophe Notin apporte d'autres explications :
sorte de « coupables passe-partout », ceux-ci sont loin d'avoir été les auteurs de toutes les atrocités de cette campagne. Certains journalistes anglais ont reconnu que les seuls incidents dont ils se souviennent n'impliquèrent pas des Marocains, mais des GI's. Une enquête de 1946 constatera que le gouvernement italien versait 15 000 lires au plaignant à chaque dépôt de plainte, ce qui a pu encourager certaines dérives ;
selon le général Guillaume, la campagne de dénigrement est probablement née dans les milieux diplomatiques de l'Axe en poste dans les pays neutres ;
le Reich avait également tout intérêt à diffuser les pires rumeurs sur le Corps expéditionnaire français. Une grande partie des prisonniers allemands se sont déclarés surpris du bon traitement accordé par les Français après tout ce que leurs chefs leur avaient dit sur la cruauté des alliés. En mettant au pilori les Marocains, les Allemands auraient également tenté de leur faire endosser la responsabilité d'une partie de leurs propres crimes. De nombreux villages ont été massacrés par des éléments de la Wehrmacht ;
pour les Italiens, faire passer les nouveaux conquérants pour les pires démons permet sans doute d'effacer une part de l'humiliation nationale et de la déchéance du fascisme.
Jean-Claude Notin conclut « que les regrettables exactions avérées, débarrassées des élucubrations de ceux qui ont voulu faire porter aux Marocains le chapeau de leurs propres turpitudes, ne fassent toutefois jamais oublier que ce même idéal guerrier les fera libérer la France et conquérir le Reich. »