Le
bombardement de Guernica, le lundi 26 avril 1937, fut un événement majeur de la guerre d'Espagne, qui contribua à internationaliser la médiatisation du conflit, par l'intermédiaire notamment du célèbre tableau de Pablo Picasso représentant la scène.
La ville de Guernica avait une valeur symbolique, l'autonomie juridique et fiscale était représentée par l'arbre de Guernica où les rois de Castille allaient prêter serment de respecter les fors basques.
D'après Pío Moa, l'arbre de Guernica que les nationalistes voulaient abattre aurait été protégé par les requetes navarrais.
Guernica après le bombardement - Fonds des archives fédérales (Allemagne).
En raison de l'apparente faible valeur stratégique militaire que représentait la ville et de l'énorme disproportion entre les capacités de riposte des défenseurs et la violence de l'attaque, ce bombardement a souvent été considéré comme un des premiers raids de l'histoire de l'aviation militaire moderne sur une population civile sans défense, et dénoncé pour cela comme un acte terroriste, bien que la capitale (Madrid) ait été déjà bombardée auparavant à moult reprises.
Cependant, d'après certains historiens, Guernica aurait été un objectif militaire de première importance. Pío Moa, ancien « extrême gauchiste » prenant désormais à son compte les thèses fascistes, affirme faussement que trois bataillons (7 000 hommes) des forces républicaines y stationnaient le jour du bombardement.
Le lundi 26 avril 1937, jour de marché, quatre escadrilles de Junkers Ju 52 de la Légion Condor allemande ainsi que l'escadrille VB 88 de bombardement expérimental (composée de Heinkel He 111 et de Dornier Do 17), escortées par des bombardiers italiens (Savoia-Marchetti SM.79) et des avions de chasse allemands (Messerschmitt Bf 109), procèdent au bombardement de la ville afin de tester leurs nouvelles armes. L'attaque commence à 16 h 30, aux bombes explosives puis à la mitrailleuse et enfin aux bombes incendiaires. Après avoir lâché quelque 50 tonnes de bombes incendiaires, les derniers avions quittent le ciel de Guernica vers 19 h 40. Après le massacre, 20 % de la ville était en flammes, et l'aide des pompiers s'avérant inefficace, le feu se propagea à 70 % des habitations.
Messerschmitt Bf 109 C-1 du Jagdgruppe 88 de la Légion Condor qui participa le 26 avril 1937 au bombardement de Guernica.
Le nombre officiel de victimes, toujours maintenu depuis par le gouvernement basque, fait état de 1 654 morts et de plus de 800 blessés. Il s'accorde avec le témoignage du journaliste britannique George Steer, correspondant à l'époque du Times, qui avait estimé qu'entre 800 à 3 000 des 7 000 habitants de Guernica périrent.
D'après la BBC, l'historiographie récente parle plutôt de deux cents à deux cent cinquante morts et de plusieurs centaines de blessés. Dans España en llamas. La Guerra Civil desde el aire (2003), Josep Maria Solé y Sabaté et Joan Villarroya estiment le nombre de morts à trois cents. Raúl Arias Ramos, dans son ouvrage La Legión Cóndor En La Guerra Civil (2003) l'estime à deux cent cinquante. Enfin, une étude réalisée en 2008 par deux historiens de l'association Gernikazarra, Vicente del Palacio y José Ángel Etxaniz, donne un bilan de 126 morts.
L'historien controversé Pío Moa affirme que le Times, proche de Churchill, a volontairement exagéré le nombre de victimes et nié toute implication de l'aviation italienne (alors que celle-ci était avérée), afin de contrer les thèses pacifistes du parti britannique de gauche, le Labour Party, et convaincre l'opinion internationale qu'il fallait déclarer la guerre contre l'Allemagne d'Adolf Hitler, en insistant sur la menace que ce pays représentait.
Le journaliste Vicente Talón dans son « Arde Guernica » (San Martín, 1970), est arrivé à la conclusion qu'il n'y aurait pas eu plus de 200 morts, estimation reprise par Ricardo de la Cierva, puis, en 1987, par le général franquiste Jesús Salas Larrazábal, dans son livre intitulé Guernica (éd. Rialp), Pío Moa et même la chaîne de télévision publique allemande ARD en avril 1998[9]. Les chiffres avancés par Vicente Talón ne prennent pas en compte les morts de l'hôpital de Bilbao (592 personnes), mais c'est surtout, d'après Pío Moa, parce qu'il est difficile de distinguer les civils morts dans le bombardement des autres, parmi lesquels se trouvaient de nombreux combattants de la guerre d'Espagne.
Il a été prétendu que les photos des ruines de Guernica auraient pu être des photos de Madrid.
Après consultation des archives des deux camps de l'époque, pour expliquer sa révision du nombre de victimes liées au bombardement de Guernica, Pío Moa en est venu aux conclusions suivantes :
Il n'aurait pas pu y avoir de mitraillage aérien dans le centre-ville en raison de l'étroitesse des rues.
Il n'y aurait eu que trois vagues de bombardement de quelques minutes chacune, échelonnées entre 16 h 30 et 18 h 30.
La ville n'aurait été bombardée que par des Junkers Ju 52, bombardiers légers.
Le marché aurait été annulé à midi sur ordre de la municipalité.
Les pompiers de Bilbao ne seraient intervenus que le lendemain vers 9 h 30, d'où l'extension de l'incendie. Ils auraient fait preuve, ainsi que la troupe républicaine, d'une passivité et d'une incompétence totale, qui expliquerait la destruction de Guernica à 71 %.
Le chiffre des 592 morts à Bilbao serait une légende colportée par Euzko Deya en mai. Les chiffres retrouvés dans les archives seraient de 2 morts sur 30 blessés apportés.
L'essentiel des victimes, comptabilisées au refuge Santa Maria, à l'asile Calzada et au dépôt de la route de Luno, n'atteindrait que le chiffre de 120 morts dont 50 non identifiés, selon les registres mortuaires de la commune.
Les archives russes par le biais de l'historien Sergueï Abrossov, mentionnent 800 morts en date du 1er mai 1937. Il s'agit d'un chiffre certes incomplet qui ne prend pas en compte ni les personnes retrouvées ultérieurement sous les décombres, ni celles décédées plus tard de leurs blessures, mais sans doute objectif.
Il convient de rappeler que les soviétiques étaient les seuls au monde à entretenir à l'époque une force aérienne stratégique composée essentiellement de bombardiers lourds Toupolev TB-1, R-6 et TB-3 dont l'état était bon mais qui devenaient obsolescents. L'ensemble leur coutait fort cher, d'autant plus que leur remplacement par le Tupolev ANT-42 était prévu : la validité de la doctrine de Douhet était donc sans cesse discutée au sein des E.M. Par conséquent, l'intérêt des conseillers militaires soviétiques présents en Espagne, était la récolte de données fiables et à usage interne quant effets dévastateurs de ce bombardement « de masse » grandeur nature, non pas à des fins de polémique.
Ces archives révèlent en outre, des mitraillages des réfugiés de Guernica par les avions de chasse à l'extérieur des limites de la ville. Ce qui traduirait un acharnement, non pas une maladresse pour parachever l'effet de panique.
Le trimoteur Ju-52 était pour l'époque un bombardier lourd, qui avait une grosse capacité d'emport dépassant 1 500 kg de bombes. Le Breguet XIX en service chez les républicains sur le Front Nord, n'en pouvait emporter que 400 kg, au mieux de sa forme.
Ce bombardement a marqué les esprits non seulement à cause de l'ampleur du massacre mais aussi et surtout à cause de la valeur terroriste qui lui a été attribuée, du fait de l'apparente faible valeur stratégique militaire que représentait la ville et de l'énorme disproportion entre les capacités de riposte des défenseurs et la violence de l'attaque. S'il a longtemps été considéré comme le premier raid de l'histoire de l'aviation militaire moderne sur une population civile sans défense, alors que la Légion Condor avait en fait déjà commencé en février 1937 à bombarder des civils, c'est aussi parce que la valeur symbolique de la ville renforça le sentiment qu'il s'agissait d'un acte terroriste exemplaire de la répression des anti-franquistes.
Le 24 avril, selon l'O.D.B. établi par le conseiller Arjénoukhine, l'aviation républicaine du Front Nord n'alignait plus que 3 Polikarpov I-15, 2 "létov", 4 "breguet", 3 "gourdou" et 1 "koolhoven". Seuls les 3 premiers avions de la liste pouvaient avoir une quelconque valeur militaire, cependant combattant sans interruption depuis novembre 1936, les machines étaient tout aussi épuisées que leurs pilotes russes. D'autant plus que le groupement leur faisant face alignait bien plus de 100 avions modernes. Au 7 mai 1937, le commandement républicain malgré une situation difficile en Espagne centrale (l'aviation républicaine y combattait déjà à 1 contre 3), se décida tout de même à transférer 9 I-15 et 6 R-Zet par Toulouse, vers Santander. Ces machines y seront d'ailleurs immobilisées par le Comité de Non-Intervention puis renvoyées désarmées en Aragon.
Pablo Picasso a peint l'horreur de cet événement dans le tableau Guernica. Cette commande du gouvernement espagnol pour son pavillon de l'exposition universelle de 1937 à Paris est devenue une des œuvres les plus célèbres de Picasso.
Franco, sous la pression internationale faisant suite aux révélations du Times, affirme que la Luftwaffe n'aurait pu voler le 26 avril pour des raisons climatiques, et que la destruction de Guernica est due aux Basques républicains qui auraient incendié et dynamité la ville dans leur fuite. Ce mensonge du futur Caudillo fut plus tard reconnu unanimement.
En 2004, sur demande expresse d'un député basque, le gouvernement espagnol a même reconnu officiellement la responsabilité du gouvernement de l'époque.
Adolf Galland, pilote de la Légion Condor arrivé en Espagne le 8 mai 1937, a admis en 1953 que la ville avait été bombardée par les avions allemands, mais « par erreur ». Selon Galland, la Légion Condor avait été chargée de détruire le pont Rentería, utilisé par les républicains, mais comme la visibilité était mauvaise et les équipages sans expérience, le pont était resté intact, et c'est la ville proche qui avait été gravement affectée.
Cependant, comme l'a fait remarquer l’historien Southworth, « les bombes incendiaires n'ont pas été chargées par erreur » dans les avions, et l'objectif réel du bombardement était par conséquent, de toute évidence, la population de Guernica, et non le pont.
Une interprétation différente et plus tardive, émanant de Carlos Rojas et surtout de Ricardo de la Cierva, ne nie pas le bombardement, mais en fait porter l'entière responsabilité au régime nazi :
À en croire le journal personnel du général allemand Wolfram von Richthofen, chef de la Légion Condor, le bombardement de Guernica a été décidé par le seul général allemand, et sans l'aval de Franco. Le général Emilio Mola avait d'ailleurs émis des consignes strictes à la Luftwaffe, interdisant les bombardements, a fortiori sur les civils. Certains articles de presse de l'époque publiés à Bilbao et certains témoignages semblent accréditer cette thèse.
Même si cela ne prouve pas que les dirigeants franquistes n'étaient pas impliqués dans l'organisation de ce massacre, l'intérêt que portaient les Nazis à ce type d'action a été mis en exergue par l'historien de l'Espagne Bartolomé Bennassar : il cite dans une synthèse récente sur la Guerre Civile que lors des « conférences » que donna Göring, aux Américains qui l'avaient capturé à la veille de l'effondrement du régime nazi en 1945, le maître de la Luftwaffe affirmait que l'épisode de Guernica constituait pour les nouvelles techniques de bombardement des Heinkel He 111 qui y participèrent, le seul moyen de les tester en condition réelles et d'éprouver leur capacité incendiaire. D'un point de vue stratégique, la Luftwaffe expérimentait donc à Guernica de nouveaux types de bombardement terrorisant les populations, le tapis de bombes et le bombardement en piqué, utilisé pour le Blitz sur Londres.