Re: Bon, bin, heu? La boite à clous. Ici on trouve de tout.
Publié : ven. avr. 15, 2011 11:51 pm
2è partie
Le plan prévoit une concentration maximale de forces sur 30 km de front. Le terrain doit être préparé par un bombardement d'artillerie massif chargé de détruire les premières lignes allemandes. Ensuite, les troupes d'infanterie doivent s'élancer protégées par un feu roulant d'artillerie.
Ce plan ne tient nullement compte du terrain qui est très défavorable : les troupes françaises se situant en contrebas et devant se lancer à l'assaut de pentes fortifiées. D'autre part, le bombardement sur 30 kilomètres de front ne peut être aussi dense que lorsqu'il s'agit de prendre un fort.
L'idée de base du plan proposé par Nivelle est de percer sur la ligne du Chemin des Dames, en utilisant la méthode qui lui a réussi à l'automne 1916 quand il a regagné le terrain perdu à Verdun.
Une fois le front des premières et deuxièmes lignes allemandes enfoncé, une armée de réserve sera lancée pour exploiter la trouée et obtenir l'effondrement des armées allemandes. À cet effet, on rattachera à cette armée 2 corps de cavalerie, cette cavalerie qui retrouverait alors ses chevaux et son rôle classique au lieu de la boue des tranchées dans laquelle elle combat depuis la stabilisation du front.
Pour s'assurer de réussite, la progression des troupes doit donc être très rapide dès le début de l'offensive. Le général Mangin estime que les soldats devront progresser à la vitesse de 100 mètres toutes les trois minutes.
Ainsi, il est prévu au soir du premier jour que la VIe armée aura franchi l'Ailette. À J+1, la cavalerie doit couvrir la plaine située au nord de Laon; à J+4, on doit atteindre la Somme...
Nivelle prévoit un Groupe d'Armées de Réserve (G.A.R.) aux ordres du général Micheler, qui viendra s'intercaler entre le Groupe d'Armées du Nord et le Groupe d'Armées du Centre. Ce G.A.R. comprend 4 armées, la Ve, VIe, Xe et la IVe Armée. Les Ve et VIe armées étant chargées de la percée, la Xe Armée de Duchêne et la IVe Armée du général François Anthoine sont tenues en réserve, et seront utilisées pour exploiter la réussite.
Cela donne un total de 17 corps d'armée regroupant 56 divisions. Parmi ces divisions, 4 d'infanterie coloniale et 5 de cavalerie.
Nivelle, artilleur de formation, compte beaucoup sur l'artillerie pour écraser les défenses allemandes. Cela compensera l'avantage que donne aux défenseurs la géographie des lieux prévus pour l'attaque. L'idée est de profiter de la puissance d'une artillerie lourde plus nombreuse qui, pouvant tirer plus loin que dans les offensives précédentes, devrait permettre d'anéantir les positions de premières lignes mais aussi d'interdire l'arrivée de renfort et de faire taire les canons allemands.
Pour la première fois, du moins pour les Français, une artillerie spéciale est massivement engagée. L'artillerie spéciale, ce sont les chars blindés. Ils sont prévus pour évoluer où cela leur sera possible, c'est-à-dire à l'est et à l'ouest du Chemin des Dames dont les pentes leurs sont impraticables. A l'est, du côté de Berry-au-Bac, et rattaché au 32e corps de la Ve Armée, il y a le groupement Bossut avec ses 82 Chars Schneider. Le groupement Chaubès, équipé de 50 chars Saint Chamond, est rattaché au 5e corps d'armée. A l'ouest, du côté de Laffaux, il n'y a pas de chars pour accompagner l'assaut du 16 avril. En mai, on aura le "groupement Lefèbvre", rattaché au 37e corps de la VIe Armée.
Le rôle des chars est d'accompagner l'infanterie, de faire des brèches dans les réseaux de barbelés et d'éliminer les nids de mitrailleuses, en bref, de favoriser la progression des fantassins. Il n'est pas prévu qu'ils puissent agir seuls. D'ailleurs, leur autonomie limitée leur interdit toute action de longue durée.
Un point faible du plan réside dans les contraintes d'approvisionnement. L'Aisne coule au sud, parallèlement au Chemin des Dames, en vue directe des observatoires allemands. Ce qui veut dire que l'arrivée des renforts, munitions, etc. sera tributaire des points de passage obligés sur cette rivière. De même pour les flux descendants, comme les blessés.
L'artillerie.
Le rôle de l'artillerie est primordial : un bombardement massif et incessant doit permettre à l'infanterie de progresser rapidement. Les Français disposent ainsi 5 310 canons qui tirent 5 millions d'obus de 75 et 1,5 million de gros calibres.
La préparation de l'offensive par l'artillerie devait permettre, selon Nivelle de détruire jusqu'aux septièmes voire huitièmes lignes ennemies. Pendant cette préparation, du 12 au 15 avril, 533 obus sont tirés en moyenne par minute. Mais le temps est très couvert durant cette première quinzaine d'avril, d'où des réglages d'artillerie approximatifs.
Une fois l'offensive lancée, pour se conformer à la vitesse de progression voulue par Nivelle, le barrage d'artillerie doit avancer, de 100 mètres toutes les 3 minutes. Il faut comparer cette décision avec les dernières offensives de la bataille de Verdun où le barrage devait avancer de 100 mètres toutes les 4 minutes et se souvenir que les poilus vont devoir escalader les pentes du Chemin des Dames, réduire les résistances ennemies tout en collant au barrage d'artillerie pour éviter que la défense allemande n'ait le temps de s'organiser entre la fin du bombardement et l'arrivée des fantassins.
L'infanterie.
L'infanterie est chargée de s'engouffrer dans les brèches faites par l'artillerie, nettoyer les premières lignes et prendre les lignes plus en arrières. L'objectif est d'atteindre le sud de Laon avant le soir. 180 000 hommes sont massés au pied des premières lignes allemandes, prêts à s'élancer. Les troupes de seconde ligne devaient dépasser rapidement ces hommes pour bousculer les défenses ennemies et emporter la victoire. En fait, elles se contenteront de les seconder.
Les fantassins doivent attaquer en tenue d'assaut. Le règlement d'infanterie de janvier 1917, précise qu'il s'agit de porter, en sautoir, la couverture roulée dans la toile de tente; un outil individuel, la musette de vivres, la musette à grenades (en théorie, 5 grenades dont 2 VB, mais on ira jusqu'à distribuer 16 grenades par homme), un bidon d'eau de 2 litres et un bidon supplémentaire d'un litre, le masque à gaz (deux si possible), des sacs à terre, un panneau de signalisation ou des feux de bengale, le paquet de pansement, les vivres du jour, les munitions (120 cartouches). En revanche, le sac est laissé sur place.
Mais certaines unités attaqueront avec tout leur barda sur le dos. Ce sera le cas, par exemple, des troupes du 20e corps. En plus, ils ont des vivres pour 6 jours.
Les chars.
Les 194 chars (Schneider et Saint Chamond) disponibles sont éparpillés entre différentes unités. C'est contraire aux directives du général Estienne mais correspond au rôle qu'on veut leur faire tenir : accompagner l'infanterie. Pour monter en ligne, les "batteries" se déplacent en colonne. Pour combattre, elles se mettent en ligne. Le char de commandement a alors deux de ses tanks à sa gauche et le dernier à sa droite.
Pour communiquer, le commandant d'unité dispose de fanions, qu'il agite pour indiquer ses ordres. Il dispose aussi de pigeons voyageurs dont les cages sont emportées dans l'habitacle.
Au combat, chaque AS (c'est le sigle sous lequel on désigne les batteries, AS et un numéro) est accompagnée d'une compagnie d'infanterie; pour le "groupement Bossut", ce sont donc 5 compagnies de fantassins qui viennent du 154e régiment d'infanterie de ligne et, pour le "groupement Chaubès, ce sont 3 compagnies du 76e régiment d'infanterie de ligne. Dans la pratique, l'infanterie se révélera incapable, sous le feu allemand, de suivre les chars.
Assaut français au Chemin des Dames
Les conditions météorologiques sont terribles quand commence l'offensive. En ce printemps 1917, il fait très froid et il neige même le 16 avril. Les Sénégalais qui se sont entraînés sur la Côte d'Azur, ne sont pas préparés à de telles températures. Nombre d'entre eux souffrent du gel. Le 17 avril, la pluie tombe d'une manière quasiment continue et rend le terrain très boueux. C'est surtout le mauvais temps qui gêne les préparations d'artillerie dont les objectifs visés ne seront pas toujours atteints. Les soldats qui s'élancent le 16 avril trouvent des positions allemandes très peu touchées par le bombardement.
Les bombardements ont mis la terre à nu et ont sculpté un paysage lunaire (trous d'obus, absence de végétation). Cette terre boueuse est continuellement retournée par les obus : elle n'est donc pas stable, elle se dérobe sous les pieds si bien que le soldat ne cesse de tomber, pour se relever et tomber à nouveau.
3 h 30 : les hommes de première ligne se réveillent, se préparent et avancent jusqu'aux lignes ennemies
6 h : l'offensive est lancée, les hommes sautent les parapets et gagnent les premières lignes. L'assaut du côté français est donné le 16 avril à 6 heures du matin.
7 h : selon le député Jean Ybarnegaray : « La bataille a été livrée à 6 heures, à 7 heures, elle est perdue ». Un peu partout sur le front, les hommes se rendent compte que l'avancée n'est pas aussi rapide que prévue. En effet les hommes qui se sont lancés à l'assaut, échouent contre des deuxièmes lignes très peu entamées par les bombardements.
Ils sont de plus pris en enfilade par des nids de mitrailleuses cachés et sont même parfois pris à revers par des soldats allemands qui sortent des souterrains comme à Hurtebise. En effet le terrain est très favorable aux défenseurs : situation en surplomb, réseau de souterrains desservant carrières souterraines (les creutes) et abris bétonnés, alors que les assaillants ne peuvent pas se protéger, doivent grimper une pente souvent raide, progressant sur un sol très instable. Les pertes sont considérables parmi les troupes qui faisaient partie de la première vague d'assaut. Le soldat Paul Clerfeuille note ainsi dans son journal : « la première vague part, mais est aux deux tiers fauchée par les mitrailleuses ennemies qui sont dans des petits abris en ciment armé » La 10e division d'infanterie coloniale qui s'élance sur Hurtebise est aussi décimée : les pertes s'élèvent à 150 officiers et 5 000 soldats dont la moitié étaient des tirailleurs sénégalais.
9 h : à l'est du Chemin des Dames, les chars d'assaut sont engagés dans le secteur de Berry-au-Bac, mais cette première intervention des chars dans l'Armée française est un échec cuisant : sur 128 chars engagés, 57 sont détruits, 64 sont tombés en panne ou sont enlisés. En effet, ces chars sont lourds, lents (4 km/h) et restent souvent prisonniers d'un terrain marécageux. Ce sont donc des cibles faciles pour l’artillerie, d'autant plus que le réservoir d'essence placé sur le côté n'est pas protégé. Les pertes là aussi sont lourdes : 33 officiers et 147 soldats.
14 h : premier communiqué officiel : « la lutte d'artillerie a pris un caractère de violence extrême pendant la nuit sur tout le front compris entre Soissons et Reims ». Il n'est pas encore question de l'offensive mobilisant plus d'un million d'hommes et qui a été lancée à 6 heures du matin. C'est que sur le terrain, la situation ne s'améliore pas. Il s'est mis à neiger et les soldats s'aperçoivent qu'ils ne progressent guère, que l'offensive est un échec. Le soldat Paul Clerfeuille écrit ainsi dans son journal : « Ordre nous est donné de creuser des trous individuels. Moi qui ai entendu parler du plan, je sais qu'à cette heure nous devrions déjà avoir passé Craonne et être dans la vallée de l'Ailette. Je dis aux camarades : "Ça ne va pas !" c'était vrai. le plan d'attaque du général Nivelle est raté. »
En fin de journée, les gains de terrain sont minimes : les seules avancées véritables sont en fait réalisées en contrebas du plateau entre Soupir et Chivy-lès-Étouvelles ou plus à l'est dans le secteur de La Ville-aux-Bois et celui de Loivre au nord de Reims. Ailleurs, c'est-à-dire sur le plateau du Chemin des Dames entre Cerny-en-Laonnois et Craonne, les forces françaises ont été repoussées. Les pertes en revanche sont considérables. Selon J.F. Jagielski, les pertes s'élèvent à 134 000 hommes dont 30 000 tués pour la semaine du 16 au 25 avril.
Bien que le général Nivelle ait promis que l'offensive durerait 24 heures, 48 heures maximum, elle se poursuit durant des semaines.
Le plan prévoit une concentration maximale de forces sur 30 km de front. Le terrain doit être préparé par un bombardement d'artillerie massif chargé de détruire les premières lignes allemandes. Ensuite, les troupes d'infanterie doivent s'élancer protégées par un feu roulant d'artillerie.
Ce plan ne tient nullement compte du terrain qui est très défavorable : les troupes françaises se situant en contrebas et devant se lancer à l'assaut de pentes fortifiées. D'autre part, le bombardement sur 30 kilomètres de front ne peut être aussi dense que lorsqu'il s'agit de prendre un fort.
L'idée de base du plan proposé par Nivelle est de percer sur la ligne du Chemin des Dames, en utilisant la méthode qui lui a réussi à l'automne 1916 quand il a regagné le terrain perdu à Verdun.
Une fois le front des premières et deuxièmes lignes allemandes enfoncé, une armée de réserve sera lancée pour exploiter la trouée et obtenir l'effondrement des armées allemandes. À cet effet, on rattachera à cette armée 2 corps de cavalerie, cette cavalerie qui retrouverait alors ses chevaux et son rôle classique au lieu de la boue des tranchées dans laquelle elle combat depuis la stabilisation du front.
Pour s'assurer de réussite, la progression des troupes doit donc être très rapide dès le début de l'offensive. Le général Mangin estime que les soldats devront progresser à la vitesse de 100 mètres toutes les trois minutes.
Ainsi, il est prévu au soir du premier jour que la VIe armée aura franchi l'Ailette. À J+1, la cavalerie doit couvrir la plaine située au nord de Laon; à J+4, on doit atteindre la Somme...
Nivelle prévoit un Groupe d'Armées de Réserve (G.A.R.) aux ordres du général Micheler, qui viendra s'intercaler entre le Groupe d'Armées du Nord et le Groupe d'Armées du Centre. Ce G.A.R. comprend 4 armées, la Ve, VIe, Xe et la IVe Armée. Les Ve et VIe armées étant chargées de la percée, la Xe Armée de Duchêne et la IVe Armée du général François Anthoine sont tenues en réserve, et seront utilisées pour exploiter la réussite.
Cela donne un total de 17 corps d'armée regroupant 56 divisions. Parmi ces divisions, 4 d'infanterie coloniale et 5 de cavalerie.
Nivelle, artilleur de formation, compte beaucoup sur l'artillerie pour écraser les défenses allemandes. Cela compensera l'avantage que donne aux défenseurs la géographie des lieux prévus pour l'attaque. L'idée est de profiter de la puissance d'une artillerie lourde plus nombreuse qui, pouvant tirer plus loin que dans les offensives précédentes, devrait permettre d'anéantir les positions de premières lignes mais aussi d'interdire l'arrivée de renfort et de faire taire les canons allemands.
Pour la première fois, du moins pour les Français, une artillerie spéciale est massivement engagée. L'artillerie spéciale, ce sont les chars blindés. Ils sont prévus pour évoluer où cela leur sera possible, c'est-à-dire à l'est et à l'ouest du Chemin des Dames dont les pentes leurs sont impraticables. A l'est, du côté de Berry-au-Bac, et rattaché au 32e corps de la Ve Armée, il y a le groupement Bossut avec ses 82 Chars Schneider. Le groupement Chaubès, équipé de 50 chars Saint Chamond, est rattaché au 5e corps d'armée. A l'ouest, du côté de Laffaux, il n'y a pas de chars pour accompagner l'assaut du 16 avril. En mai, on aura le "groupement Lefèbvre", rattaché au 37e corps de la VIe Armée.
Le rôle des chars est d'accompagner l'infanterie, de faire des brèches dans les réseaux de barbelés et d'éliminer les nids de mitrailleuses, en bref, de favoriser la progression des fantassins. Il n'est pas prévu qu'ils puissent agir seuls. D'ailleurs, leur autonomie limitée leur interdit toute action de longue durée.
Un point faible du plan réside dans les contraintes d'approvisionnement. L'Aisne coule au sud, parallèlement au Chemin des Dames, en vue directe des observatoires allemands. Ce qui veut dire que l'arrivée des renforts, munitions, etc. sera tributaire des points de passage obligés sur cette rivière. De même pour les flux descendants, comme les blessés.
L'artillerie.
Le rôle de l'artillerie est primordial : un bombardement massif et incessant doit permettre à l'infanterie de progresser rapidement. Les Français disposent ainsi 5 310 canons qui tirent 5 millions d'obus de 75 et 1,5 million de gros calibres.
La préparation de l'offensive par l'artillerie devait permettre, selon Nivelle de détruire jusqu'aux septièmes voire huitièmes lignes ennemies. Pendant cette préparation, du 12 au 15 avril, 533 obus sont tirés en moyenne par minute. Mais le temps est très couvert durant cette première quinzaine d'avril, d'où des réglages d'artillerie approximatifs.
Une fois l'offensive lancée, pour se conformer à la vitesse de progression voulue par Nivelle, le barrage d'artillerie doit avancer, de 100 mètres toutes les 3 minutes. Il faut comparer cette décision avec les dernières offensives de la bataille de Verdun où le barrage devait avancer de 100 mètres toutes les 4 minutes et se souvenir que les poilus vont devoir escalader les pentes du Chemin des Dames, réduire les résistances ennemies tout en collant au barrage d'artillerie pour éviter que la défense allemande n'ait le temps de s'organiser entre la fin du bombardement et l'arrivée des fantassins.
L'infanterie.
L'infanterie est chargée de s'engouffrer dans les brèches faites par l'artillerie, nettoyer les premières lignes et prendre les lignes plus en arrières. L'objectif est d'atteindre le sud de Laon avant le soir. 180 000 hommes sont massés au pied des premières lignes allemandes, prêts à s'élancer. Les troupes de seconde ligne devaient dépasser rapidement ces hommes pour bousculer les défenses ennemies et emporter la victoire. En fait, elles se contenteront de les seconder.
Les fantassins doivent attaquer en tenue d'assaut. Le règlement d'infanterie de janvier 1917, précise qu'il s'agit de porter, en sautoir, la couverture roulée dans la toile de tente; un outil individuel, la musette de vivres, la musette à grenades (en théorie, 5 grenades dont 2 VB, mais on ira jusqu'à distribuer 16 grenades par homme), un bidon d'eau de 2 litres et un bidon supplémentaire d'un litre, le masque à gaz (deux si possible), des sacs à terre, un panneau de signalisation ou des feux de bengale, le paquet de pansement, les vivres du jour, les munitions (120 cartouches). En revanche, le sac est laissé sur place.
Mais certaines unités attaqueront avec tout leur barda sur le dos. Ce sera le cas, par exemple, des troupes du 20e corps. En plus, ils ont des vivres pour 6 jours.
Les chars.
Les 194 chars (Schneider et Saint Chamond) disponibles sont éparpillés entre différentes unités. C'est contraire aux directives du général Estienne mais correspond au rôle qu'on veut leur faire tenir : accompagner l'infanterie. Pour monter en ligne, les "batteries" se déplacent en colonne. Pour combattre, elles se mettent en ligne. Le char de commandement a alors deux de ses tanks à sa gauche et le dernier à sa droite.
Pour communiquer, le commandant d'unité dispose de fanions, qu'il agite pour indiquer ses ordres. Il dispose aussi de pigeons voyageurs dont les cages sont emportées dans l'habitacle.
Au combat, chaque AS (c'est le sigle sous lequel on désigne les batteries, AS et un numéro) est accompagnée d'une compagnie d'infanterie; pour le "groupement Bossut", ce sont donc 5 compagnies de fantassins qui viennent du 154e régiment d'infanterie de ligne et, pour le "groupement Chaubès, ce sont 3 compagnies du 76e régiment d'infanterie de ligne. Dans la pratique, l'infanterie se révélera incapable, sous le feu allemand, de suivre les chars.
Assaut français au Chemin des Dames
Les conditions météorologiques sont terribles quand commence l'offensive. En ce printemps 1917, il fait très froid et il neige même le 16 avril. Les Sénégalais qui se sont entraînés sur la Côte d'Azur, ne sont pas préparés à de telles températures. Nombre d'entre eux souffrent du gel. Le 17 avril, la pluie tombe d'une manière quasiment continue et rend le terrain très boueux. C'est surtout le mauvais temps qui gêne les préparations d'artillerie dont les objectifs visés ne seront pas toujours atteints. Les soldats qui s'élancent le 16 avril trouvent des positions allemandes très peu touchées par le bombardement.
Les bombardements ont mis la terre à nu et ont sculpté un paysage lunaire (trous d'obus, absence de végétation). Cette terre boueuse est continuellement retournée par les obus : elle n'est donc pas stable, elle se dérobe sous les pieds si bien que le soldat ne cesse de tomber, pour se relever et tomber à nouveau.
3 h 30 : les hommes de première ligne se réveillent, se préparent et avancent jusqu'aux lignes ennemies
6 h : l'offensive est lancée, les hommes sautent les parapets et gagnent les premières lignes. L'assaut du côté français est donné le 16 avril à 6 heures du matin.
7 h : selon le député Jean Ybarnegaray : « La bataille a été livrée à 6 heures, à 7 heures, elle est perdue ». Un peu partout sur le front, les hommes se rendent compte que l'avancée n'est pas aussi rapide que prévue. En effet les hommes qui se sont lancés à l'assaut, échouent contre des deuxièmes lignes très peu entamées par les bombardements.
Ils sont de plus pris en enfilade par des nids de mitrailleuses cachés et sont même parfois pris à revers par des soldats allemands qui sortent des souterrains comme à Hurtebise. En effet le terrain est très favorable aux défenseurs : situation en surplomb, réseau de souterrains desservant carrières souterraines (les creutes) et abris bétonnés, alors que les assaillants ne peuvent pas se protéger, doivent grimper une pente souvent raide, progressant sur un sol très instable. Les pertes sont considérables parmi les troupes qui faisaient partie de la première vague d'assaut. Le soldat Paul Clerfeuille note ainsi dans son journal : « la première vague part, mais est aux deux tiers fauchée par les mitrailleuses ennemies qui sont dans des petits abris en ciment armé » La 10e division d'infanterie coloniale qui s'élance sur Hurtebise est aussi décimée : les pertes s'élèvent à 150 officiers et 5 000 soldats dont la moitié étaient des tirailleurs sénégalais.
9 h : à l'est du Chemin des Dames, les chars d'assaut sont engagés dans le secteur de Berry-au-Bac, mais cette première intervention des chars dans l'Armée française est un échec cuisant : sur 128 chars engagés, 57 sont détruits, 64 sont tombés en panne ou sont enlisés. En effet, ces chars sont lourds, lents (4 km/h) et restent souvent prisonniers d'un terrain marécageux. Ce sont donc des cibles faciles pour l’artillerie, d'autant plus que le réservoir d'essence placé sur le côté n'est pas protégé. Les pertes là aussi sont lourdes : 33 officiers et 147 soldats.
14 h : premier communiqué officiel : « la lutte d'artillerie a pris un caractère de violence extrême pendant la nuit sur tout le front compris entre Soissons et Reims ». Il n'est pas encore question de l'offensive mobilisant plus d'un million d'hommes et qui a été lancée à 6 heures du matin. C'est que sur le terrain, la situation ne s'améliore pas. Il s'est mis à neiger et les soldats s'aperçoivent qu'ils ne progressent guère, que l'offensive est un échec. Le soldat Paul Clerfeuille écrit ainsi dans son journal : « Ordre nous est donné de creuser des trous individuels. Moi qui ai entendu parler du plan, je sais qu'à cette heure nous devrions déjà avoir passé Craonne et être dans la vallée de l'Ailette. Je dis aux camarades : "Ça ne va pas !" c'était vrai. le plan d'attaque du général Nivelle est raté. »
En fin de journée, les gains de terrain sont minimes : les seules avancées véritables sont en fait réalisées en contrebas du plateau entre Soupir et Chivy-lès-Étouvelles ou plus à l'est dans le secteur de La Ville-aux-Bois et celui de Loivre au nord de Reims. Ailleurs, c'est-à-dire sur le plateau du Chemin des Dames entre Cerny-en-Laonnois et Craonne, les forces françaises ont été repoussées. Les pertes en revanche sont considérables. Selon J.F. Jagielski, les pertes s'élèvent à 134 000 hommes dont 30 000 tués pour la semaine du 16 au 25 avril.
Bien que le général Nivelle ait promis que l'offensive durerait 24 heures, 48 heures maximum, elle se poursuit durant des semaines.