Mark a écrit :Je trouve ça tragiquement triste. Et vous ?
Ce n'est pas tragiquement triste. En revanche, la justification des parents montre la méconnaissance de certains contes.
Le fait que Cendrillon fasse le ménage constamment n'est pas du tout dépassé, dans l'histoire: ça montre simplement le statut de l'enfant escamoté par sa belle-famille. Ce qui est gênant, dans la véritable histoire de Cendrillon racontée par les frères Grimm, c'est qu'elle s'achève dans un bain de sang. L'aînée se coupe le talon avec un long couteau, la cadette un orteil, du sang coule de la pantoufle de vair. Une fois que Cendrillon se marie avec son prince charmant, elle ne pardonne pas les abominables jeunes filles: des oiseaux viennent crever les yeux de ses demi-soeurs. Je lis la véritable version de Cendrillon à des gamins de 15 ans, et dans la salle fusent des « ahhhhrgh, beuuuuurk »
Les nains dans Blanche Neige ne sont pas vecteur de peur. Les petites filles adorent cette histoire. Mais quand on est adulte et qu'on le relit, on sent bien le propos: « toi aussi, le jour où tu auras tes règles, tu seras chassée par la nouvelle femme de papa parce que tu seras plus jolie qu'elle. » Blanche Neige salit la neige de son sang, et le même jour, le miroir magique déclare que la femme la plus belle du royaume est Blanche Neige. Le jour où elle saigne, elle devient femme... C'est le passage à l'âge adulte qui est effrayant, dans ce conte. Accessoirement, le prince charmant n'est qu'un nécrophile. Et ça, ouais, c'est dégueulasse, mais ça ne dérange visiblement personne.
Pour ma part, voilà les deux contes sur lesquels j'émets une certaine réserve en tant que mère. Je suis maman, je n'ignore pas que les contes doivent faire peur. C'est leur fonction. Du moins doivent-ils enseigner une certaine prudence aux enfants.
Dans le petit chaperon rouge, c'est la pédophilie qui est épinglée. « Ma fille, n'entre jamais dans le lit d'un grand poilu-moustachu, ou il t'arrivera malheur ». Et si vous lisez Perrault, la « moralité » est franchement dure avec les gamines qui parlent aux inconnus: tant pis pour elles, qu'elles ne se plaignent pas, surtout, ce ne sont que des allumeuses. Dans cette version, le petit chaperon rouge n'est pas sauvé par un gentil bûcheron... La petite fille est bel et bien avalée par le grand méchant loup, et l'histoire s'achève ainsi:
MORALITÉ
On voit ici que de jeunes enfants,
Surtout de jeunes filles
Belles, bien faites, et gentilles,
Font très mal d’écouter toute sorte de gens,
Et que ce n’est pas chose étrange,
S’il en est tant que le Loup mange.
Je dis le Loup, car tous les Loups
Ne sont pas de la même sorte ;
Il en est d’une humeur accorte,
Sans bruit, sans fiel et sans courroux,
Qui privés, complaisants et doux,
Suivent les jeunes Demoiselles
Jusque dans les maisons, jusque dans les ruelles ;
Mais hélas ! qui ne sait que ces Loups doucereux,
De tous les Loups sont les plus dangereux.
Ouf, chez les frères Grimm, le petit chaperon rouge et sa grand-mère retrouvent la maman dont le comportement, selon moi, est le seul blâmable: quelle mère enverrait sa gosse traverser seule la forêt des dangers? C'est sa faute à elle si il arrive malheur à sa fille. Quand je la raconte, les gamins disent en choeur « faut pas parler aux inconnuuuuuus ». Moi, je ferme le livre avec un sourire: « je ne laisserais jamais ma gamine se faire violer dans les bois: je préfère qu'elle regarde la télé et mange les galettes et le petit pot de beurre le temps que je finisse mon ménage. On irait voir mère-grand plus tard. »
Hansel et Gretel, Le Petit Poucet? j'avoue que j'attends 5 ans avant de la raconter. « Mais oui, un jour, papa et maman t'abandonneront. Soit tu tomberas sur un ogre limite incestueux, soit tu seras mis au four par une abominable sorcière schizophrène, mon petit poussin. » Ce sont les parents, les vrais méchants, dans le conte.