En plein dans le sujet, bien plus que le halal qui n'est qu'une partie visible de l'iceberg du problème multiculti, une excellente chronique de Mathieu Bock-Côté.
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Le Pen ! Le Pen !
Mathieu Bock-Côté - 21/03/2012
Je résume la controverse. Mario Dumont révélait la semaine passée qu’un abattoir d’Olymel a converti sa production au rituel halal. Naturellement, certains s’en sont inquiétés. Parmi ceux-là, le PQ et la CAQ.
Il n’en fallait pas plus pour que les excités du multiculturalisme s’étouffent d’indignation. Pauline Marois serait d’un coup devenue le clone de Marine Le Pen ! Certains crient au loup. D’autres crient au fascisme.
On connaît la chanson. C’est celle de la rectitude politique. Règle numéro 1 : on ne discute pas avec celui qui doute du multiculturalisme. On le diabolise. Cela évite d’avoir à répondre aux arguments qu’il avance. Parler d’identité, c’est interdit !
Le message envoyé à Pauline Marois ? Ta gueule ou nous t’expulserons du débat public ! On avait fait la même chose avec Mario Dumont pendant la crise des accommodements raisonnables. C’est exaspérant à la fin. La gauche multiculturelle et la droite néolibérale se réconcilient. Elles s’imaginent avoir le monopole de la vertu. La première au nom de la diversité. La deuxième au nom du profit. Et elles instrumentalisent la question du halal pour en faire un stupide procès en intolérance.
Un symbole
Précisons : ce qu’il y a de choquant, ce n’est pas d’abord que les musulmans mangent halal (même si on peut questionner cette coutume). C’est qu’on impose cette pratique à tout le monde. En cachette. En insultant ceux qui posent des questions.
On nous dit : ce n’est que du poulet. C’est évidemment faux. Si tel était le cas, pourquoi l’encadrer rituellement ? En fait, le halal intéresse parce qu’après le voile, il est devenu le symbole des limites du multiculturalisme.
J’ai entendu l’argument suivant : c’est peut-être vrai. Mais il ne faut pas en parler ! Car cela ferait remonter à la surface le « vieux fond xénophobe » des Québécois. Étrange formule. Elle laisse croire que l’identité québécoise baigne dans un vieux fond crasseux. Dans une vase intolérante.
Y a-t-il des intolérants au Québec ? Évidemment. Mais ceux qui prennent prétexte de la stupidité de crétins marginaux pour justifier le procès de tout un peuple ne se distinguent pas non plus par leur perspicacité.
J’en ai marre de ces vomissures perpétuelles sur les Québécois. Marre de cette manie d’interdire des sujets. Marre de cette censure, des petits flics qui collent une contravention morale à ceux qui ne pratiquent pas les rituels du politiquement correct.
Définir le multiculturalisme
Cela nous ramène à la question de fond : comment définir le multiculturalisme ? Voici ma définition : comme une inversion du devoir d’intégration.
Historiquement, l’immigré devait s’intégrer à sa société d’accueil. En prendre le pli identitaire.
Le multiculturalisme renverse la perspective. Désormais, la société d’accueil doit s’effacer. Ou plus radicalement, se convertir à la culture minoritaire. C’est ce qui passe avec le halal en ce moment.
Le véritable enjeu, c’est l’intégration des nouveaux arrivants. Que doivent-ils faire pour rejoindre le « Nous » ? À quel moment l’ouverture à l’autre bascule-t-elle dans le reniement de soi ? Le Québec a-t-il sa propre culture ou n’est-il qu’une page blanche ?
En démocratie, il n’y a pas de sujets interdits. Pour peu qu’ils soient raisonnablement discutés. Il faudrait le rappeler aux insulteurs du politiquement correct qui confondent la réflexion véritable et le procès d’intention.
Lien:
Le Journal de Montréal