L'intolérance
Message
- Zak B.
- niveau2
- Messages : 145
- Inscription : lun. oct. 26, 2009 3:53 pm
- Localisation : Bromont
L'intolérance
Tolérance, indifférence, intolérance
mardi 24 février 2004, par Jean-François Jobin
Le monde contemporain nous donne le spectacle de deux attitudes fort différentes, mais inacceptables l’une et l’autre : la montée de l’intolérance d’une part, et de l’autre la tolérance qui s’accommode de tout et de n’importe quoi.
On devient intolérant dès qu’on cesse d’accepter que les autres puissent être d’un avis différent sur quelque chose qui nous tient à coeur et que nous considérons comme une vérité. C’est toujours liée à une conviction profonde à caractère dogmatique, et je serai d’autant plus persuadé de détenir la vérité que les éléments qui composent ma conviction seront plus injustifiables. À plus forte raison si je suis par surcroît de mauvaise foi... Je suis intolérant dès le moment où je présente comme des dogmes et des certitudes établies des jugements qu’il est impossible de contrôler par l’expérience, et que j’exige des autres qu’ils les acceptent comme tels.
On ne s’étonnera donc pas de constater que les gens les plus intolérants se rencontrent dans les deux domaines où les incertitudes sont les plus grandes, la religion et la politique, ce qu’on vérifiera aisément à travers l’histoire si l’on considère que l’intolérance se mesure au nombre de bûchers qu’elle allume et à la manière dont elle dégarnit les rangs de ceux qu’elle tient pour ses ennemis. C’est donc à bon droit qu’on se méfiera des gens qui prétendent connaître le sexe des anges ou le sens de l’histoire, à la suite d’on ne sait quelle révélation ou pseudo-science. Cela ne signifie évidemment pas - qu’on me comprenne bien - qu’il faille pour autant renoncer à la religion ou à faire de la politique, et cela ne signifie pas davantage qu’il faille s’abstenir d’essayer de faire partager ses convictions : l’essentiel est ici de considérer l’autre comme un interlocuteur, et non comme un ennemi à abattre au cas où il ne serait pas d’accord avec moi.
Pourquoi alors ai-je dit tout à l’heure que la tolérance généralisée est tout aussi inacceptable que l’intolérance ? Faut-il être intolérant avec les intolérants ? Cette formule, avec laquelle on essaie souvent de coincer ceux qui parlent de la tolérance, n’est qu’un jeu de mots vide de sens ; c’est aussi le paravent derrière lequel se retirent ceux qui ne se sentent pas immédiatement concernés par les problèmes qui sont en cause, que ce soit par commodité, par lâcheté ou encore par lassitude. Paravent bien fragile, parce que ma démission du débat ne va pas supprimer le débat, mais donner un avantage aux intolérants.
Bien sûr, je puis considérer, comme Cioran dans une magnifique préface à la réédition au Mahomet de Voltaire, machine de guerre contre l’intolérance religieuse, qu’au fond toutes les idées se valent, qu’elles sont interchangeables, et qu’il faut mettre toutes les intolérances au compte d’un fond bestial de l’homme qui le pousse à vouloir à tout prix faire du prosélytisme.
Que dois-je faire si j’ai, moi aussi, des convictions ou des certitudes auxquelles je tiens, et si mes certitudes se heurtent à celles de l’intolérant d’en face ? La tentation est grande de répondre à l’arrogance par l’arrogance, et à l’intolérance par l’intolérance en disant, comme Claudel, que la tolérance, il y a des maisons pour ça. Mais je tombe alors dans le travers que je dénonce chez l’autre...
Mais si je refuse de retirer mes billes en acceptant de tout tolérer, si je n’ai pas d’atomes crochus avec le pessimisme désespéré de Cioran, si enfin je me refuse de me soumettre à la loi de l’intolérant parce que je sais trop bien ce qu’il en a coûté à l’humanité de se plier à cette logique infernale, que me reste-t-il ?
Il me reste à refuser, bien entendu, l’intolérance ; mais aussi à affirmer mes propres convictions, conscient de la relative incertitude de mes certitudes. Convoquer l’adversaire au débat, et prendre le risque de devoir réviser mes propres positions au cas où je devrais les découvrir insoutenables sur tel ou tel point.
Car enfin, si l’on veut mener une existence digne de ce nom, on doit trouver le moyen d’affirmer ses propres valeurs, dans le cadre d’une position cohérente et défendable. La démission ou l’intolérance ne doivent pas être les prétextes de manquer une occasion historique, jamais vue : nous vivons une époque où tout est possible, une époque qui laisse à la pensée une liberté sans précédent. Le travail des générations antérieures nous a libérés de presque tous les tabous et interdits. Tout est possible, la liberté la plus grande nous échoit. Cela ne va peut-être pas durer. Et si l’on peut dire que jamais la pensée n’a eu autant de liberté qu’à notre époque, tâchons de faire en sorte qu’on ne dise pas plus tard à notre propos que jamais autant de liberté ne s’est accompagnée d’autant de pauvreté et d’indigence de la pensée.
mardi 24 février 2004, par Jean-François Jobin
Le monde contemporain nous donne le spectacle de deux attitudes fort différentes, mais inacceptables l’une et l’autre : la montée de l’intolérance d’une part, et de l’autre la tolérance qui s’accommode de tout et de n’importe quoi.
On devient intolérant dès qu’on cesse d’accepter que les autres puissent être d’un avis différent sur quelque chose qui nous tient à coeur et que nous considérons comme une vérité. C’est toujours liée à une conviction profonde à caractère dogmatique, et je serai d’autant plus persuadé de détenir la vérité que les éléments qui composent ma conviction seront plus injustifiables. À plus forte raison si je suis par surcroît de mauvaise foi... Je suis intolérant dès le moment où je présente comme des dogmes et des certitudes établies des jugements qu’il est impossible de contrôler par l’expérience, et que j’exige des autres qu’ils les acceptent comme tels.
On ne s’étonnera donc pas de constater que les gens les plus intolérants se rencontrent dans les deux domaines où les incertitudes sont les plus grandes, la religion et la politique, ce qu’on vérifiera aisément à travers l’histoire si l’on considère que l’intolérance se mesure au nombre de bûchers qu’elle allume et à la manière dont elle dégarnit les rangs de ceux qu’elle tient pour ses ennemis. C’est donc à bon droit qu’on se méfiera des gens qui prétendent connaître le sexe des anges ou le sens de l’histoire, à la suite d’on ne sait quelle révélation ou pseudo-science. Cela ne signifie évidemment pas - qu’on me comprenne bien - qu’il faille pour autant renoncer à la religion ou à faire de la politique, et cela ne signifie pas davantage qu’il faille s’abstenir d’essayer de faire partager ses convictions : l’essentiel est ici de considérer l’autre comme un interlocuteur, et non comme un ennemi à abattre au cas où il ne serait pas d’accord avec moi.
Pourquoi alors ai-je dit tout à l’heure que la tolérance généralisée est tout aussi inacceptable que l’intolérance ? Faut-il être intolérant avec les intolérants ? Cette formule, avec laquelle on essaie souvent de coincer ceux qui parlent de la tolérance, n’est qu’un jeu de mots vide de sens ; c’est aussi le paravent derrière lequel se retirent ceux qui ne se sentent pas immédiatement concernés par les problèmes qui sont en cause, que ce soit par commodité, par lâcheté ou encore par lassitude. Paravent bien fragile, parce que ma démission du débat ne va pas supprimer le débat, mais donner un avantage aux intolérants.
Bien sûr, je puis considérer, comme Cioran dans une magnifique préface à la réédition au Mahomet de Voltaire, machine de guerre contre l’intolérance religieuse, qu’au fond toutes les idées se valent, qu’elles sont interchangeables, et qu’il faut mettre toutes les intolérances au compte d’un fond bestial de l’homme qui le pousse à vouloir à tout prix faire du prosélytisme.
Que dois-je faire si j’ai, moi aussi, des convictions ou des certitudes auxquelles je tiens, et si mes certitudes se heurtent à celles de l’intolérant d’en face ? La tentation est grande de répondre à l’arrogance par l’arrogance, et à l’intolérance par l’intolérance en disant, comme Claudel, que la tolérance, il y a des maisons pour ça. Mais je tombe alors dans le travers que je dénonce chez l’autre...
Mais si je refuse de retirer mes billes en acceptant de tout tolérer, si je n’ai pas d’atomes crochus avec le pessimisme désespéré de Cioran, si enfin je me refuse de me soumettre à la loi de l’intolérant parce que je sais trop bien ce qu’il en a coûté à l’humanité de se plier à cette logique infernale, que me reste-t-il ?
Il me reste à refuser, bien entendu, l’intolérance ; mais aussi à affirmer mes propres convictions, conscient de la relative incertitude de mes certitudes. Convoquer l’adversaire au débat, et prendre le risque de devoir réviser mes propres positions au cas où je devrais les découvrir insoutenables sur tel ou tel point.
Car enfin, si l’on veut mener une existence digne de ce nom, on doit trouver le moyen d’affirmer ses propres valeurs, dans le cadre d’une position cohérente et défendable. La démission ou l’intolérance ne doivent pas être les prétextes de manquer une occasion historique, jamais vue : nous vivons une époque où tout est possible, une époque qui laisse à la pensée une liberté sans précédent. Le travail des générations antérieures nous a libérés de presque tous les tabous et interdits. Tout est possible, la liberté la plus grande nous échoit. Cela ne va peut-être pas durer. Et si l’on peut dire que jamais la pensée n’a eu autant de liberté qu’à notre époque, tâchons de faire en sorte qu’on ne dise pas plus tard à notre propos que jamais autant de liberté ne s’est accompagnée d’autant de pauvreté et d’indigence de la pensée.
Vous devrez encore me supporter une semaine, jeunes loups du net!
- grumpythedwarf
- niveau3
- Messages : 1715
- Inscription : dim. sept. 06, 2009 5:14 pm
- Localisation : BE
- langundo
- niveau1
- Messages : 46
- Inscription : lun. déc. 14, 2009 2:37 pm
- Localisation : Quelque part dans un trou perdu
.
Quand on a des convictions profondes,des désirs profonds,des idées profondes et que le monde essaye par tous les moyens de vous contredire,de marcher sur vos plate-bandes bref,de prendre,de voler votre énergie parce qu'ils ne respectent pas ce que vous êtes ou faites,alors oui,l'intolérance est justifiée.
La tolérance a ses limites également.Jusqu'où êtes vous tolérant?Feriez vous tout ou vous plieriez vous aux autres parce que vous êtes tolérant?
Non je ne crois pas,sinon c'est de la soumission,c'est ne pas respecter vos envies et vos idées.Et surtout ne pas vous respecter vous, par vous même et par les autres.
La tolérance a ses limites également.Jusqu'où êtes vous tolérant?Feriez vous tout ou vous plieriez vous aux autres parce que vous êtes tolérant?
Non je ne crois pas,sinon c'est de la soumission,c'est ne pas respecter vos envies et vos idées.Et surtout ne pas vous respecter vous, par vous même et par les autres.
La franchise ne consiste pas à dire ce qu'on pense, mais à penser ce qu'on dit.
- Melkor
- niveau2
- Messages : 384
- Inscription : dim. mars 29, 2009 9:51 pm
- Localisation : Probablement chez moi, en haut.
Selon ta définition de l'intolérance (avec laquelle je suis pas mal d'accord), je pense que je suis intolérent avec les gens qui ne respectent pas l'environnement, et cela ne changera jamais. Pour le reste lorsque je vois que des gens autour de moi se choquent ou ont une attitude négative dès qu'une opinion est différente de la leur (et dieu sait qu'il y en a), je me met à me foutre pas mal de ces gens là car pour moi on à pas besoin d'être d'accord sur tout pour être amis.
- langundo
- niveau1
- Messages : 46
- Inscription : lun. déc. 14, 2009 2:37 pm
- Localisation : Quelque part dans un trou perdu
.
Justement parce que tu ne te laisses pas envahir par les convictions des autres (chose dont tu as tout à fait raison d'ailleurs).Melkor a écrit :Selon ta définition de l'intolérance (avec laquelle je suis pas mal d'accord), je pense que je suis intolérent avec les gens qui ne respectent pas l'environnement, et cela ne changera jamais. Pour le reste lorsque je vois que des gens autour de moi se choquent ou ont une attitude négative dès qu'une opinion est différente de la leur (et dieu sait qu'il y en a), je me met à me foutre pas mal de ces gens là car pour moi on à pas besoin d'être d'accord sur tout pour être amis.
Mais voilà,il y'en a qui sont .......je ne dirais pas faibles mais tellement influençables et naïfs qu'ils tolérent les personnes qui envahissent leur bien-être.Ils acceptent tout sans se défendre et à contre coeur donc jusqu'où peuvent-ils résister dans leur tolérance?
Je crois qu'on en a tous été à ce point à un moment donné de notre vie et qu'un jour nous avons crié "stop".On a assez enduré,on a assez toléré et c'est là que nous devenons plus intolérant avec les choses qui nous génent parce qu'on pense avant tout à son équilibre et à son bien être,nous ne sommes pas là pour tolérer ce qui est intolérable à nos yeux.
Donc ton "jenfoutiste" ne me choque pas bien au contraire.
La franchise ne consiste pas à dire ce qu'on pense, mais à penser ce qu'on dit.
- langundo
- niveau1
- Messages : 46
- Inscription : lun. déc. 14, 2009 2:37 pm
- Localisation : Quelque part dans un trou perdu
Evidemment et même plus souvent que tu ne le crois.cabro a écrit :Croyez-vous qu'il soit possible qu'une personne soit assez naïve pour ne pas se rendre compte, qu'en fait qu'elle n'est pas maître de sa vie et que se sont les autres qui la dirige à sa place?
Par amour par exemple,la personne naïve se laissera manipuler toute sa vie s'il le faut par peur d'être seule.Et même par sa famille qui l'a pourtant rejeté à maintes reprises,elle y reviendra toujours et copiera même les gestes,les habitudes de celle ci.
Elle est prête à endurer,même si ça ne fait pas son affaire parce qu'elle aura toujours besoin de quelqu'un à ses côtés.
Ca revient au fait qu'elle tolére ce que les autres peuvent lui faire subir pour en revenir au sujet et qu'elle ne fera rien pour changer les choses car finalement,ne pas être seule fait son affaire peu importe le prix.
La franchise ne consiste pas à dire ce qu'on pense, mais à penser ce qu'on dit.
- grumpythedwarf
- niveau3
- Messages : 1715
- Inscription : dim. sept. 06, 2009 5:14 pm
- Localisation : BE
- langundo
- niveau1
- Messages : 46
- Inscription : lun. déc. 14, 2009 2:37 pm
- Localisation : Quelque part dans un trou perdu
- VirtuoseII
- niveau3
- Messages : 1377
- Inscription : lun. oct. 05, 2009 2:30 pm
- Localisation : Québec
- grumpythedwarf
- niveau3
- Messages : 1715
- Inscription : dim. sept. 06, 2009 5:14 pm
- Localisation : BE